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(3)
Le problème de la dénatalité
|
1. Un faible taux de natalité 1.1 L'indice de fécondité 1.2 La fécondité selon les régions
2. L'accroissement naturel et les décès 3. Le vieillissement de la population |
3.2
Le vieillissement en
région
4. Les
projections démographiques 5. Le poids du Québec en Amérique du Nord |
1
Un faible taux de natalitéDepuis quelques décennies, le Québec vit des changements démographiques majeurs qui auront, en principe, des répercussions importantes sur l’évolution de la société. À l’instar de plusieurs autres pays industrialisés, le Québec connaît, d'une part, une croissance plus lente qu’auparavant de sa population et de sa main-d’
œuvre, ainsi qu’un vieillissement de cette population. Selon les projections démographiques les plus vraisemblables, ces tendances lourdes devraient s’intensifier au cours des prochaines décennies. D'autre part, le gouvernement du Québec espère compenser en partie les pertes dues à la dénatalité par une hausse de l'immigration. Cependant, durant des décennies, le Québec n'a pas eu sa part d'immigrants de façon équitable par rapport au reste du Canada. Il en résulte que le Canada anglais a vu croître sa population de façon beaucoup plus importante que le Québec.Cette situation peut paraître d’autant plus préoccupante que les autres provinces canadiennes et les États-Unis auront, quant à elles, un répit pour affronter les changements démographiques qui les attendent. De plus, la situation du Québec se distingue par la rapidité avec laquelle ces changements démographiques devraient se produire et par le peu de temps dont le Québec dispose pour s’y adapter. Dans ces conditions, si rien n'est fait, la dénatalité et l'immigration font faire en sorte que le Québec va voir décroître sa population par rapport au Canada anglais et aux États-Unis.
Jusqu'au milieu du XXe
siècle, les francophones du Québec ont connu une poussée
démographique phénoménale grâce à une
natalité exceptionnelle, avec une moyenne d'environ huit enfants par
femme au cours des XVIIe et
XVIIIe siècles,
et de six enfants au XIXe siècle.
C'était l'époque de la «revanche des berceaux», dont l'objectif
était d'avoir davantage de naissances que les colons anglais afin de
devenir supérieurs en nombre. En devenant plus nombreux, il devenait
plus difficile pour les anglophones d'assimiler les francophones. Tout s'est modifié depuis le milieu du XXe siècle, mais lentement d'abord. Le Québec est passé de 4,5 enfants par femme en 1914 à 3,8 vers 1950, puis à 2,7 en 1965, puis rapidement au cours de la décennie suivante, de 3,0 en 1964 à 2,2 en 1967. Par la suite, dès 1968-1969, l'indice de fécondité est tombé en dessous du taux requis pour le renouvellement des générations, soit moins de 2,1 enfants par femme. |
Le problème, c'est que le taux de fécondité va continuer à
régresser au Québec, pendant qu'il va augmenter dans le reste du Canada.
Le tableau qui suit indique l'indice synthétique de fécondité
selon les groupes linguistiques du Québec, en distinguant les francophones, les
anglophones et les allophones. On constate que, en moyenne, les différences
entre francophones, anglophones et allophones sont négligeables: 1,50 -
1,55 - 1,58.
Indice de fécondité selon
les groupes linguistiques Cependant, l'indice de fécondité le plus faible (1,37 enfant
/ femme) caractérise les francophones de l'île de Montréal, alors que le
plus élevé (2,09/femme) renvoie aux allophones résidant à l'extérieur de la
région métropolitaine de Montréal.
2001-2005
Francophones
Anglophones
Allophones
Total
Île de Montréal
1,37
1,55
1,51
1,43
Région métropolitaine de Montréal
1,47
1,56
1,46
1,48
Reste de la RMM
1,60
1,66
1,29
1,59
Reste du Québec
1,53
1,45
2,09
1,54
Total Québec (Institut de la statistique, Québec, 2006)
1,50
1,55
1,58
1,51
1.2 La fécondité selon les régions
Le
Québec compte 17
régions
administratives (voir la carte). Or, il faut se rendre
compte que la taux de fécondité des femmes varie en fonction de la région de
résidence.
Le graphique de gauche indique l'indice de
fécondité par femme selon les
différentes régions administratives du
Québec. Si la moyenne du Québec s'élève à 1,6 ou à 1,7 enfant par
femme, il n'en est pas ainsi dans certaines régions.
Outre la région du Nord-du-Québec (où vivent en majorité des
autochtones), qui se situe loin devant toutes les autres, ce sont
les régions de la Côte-Nord, de l’Abitibi-Témiscamingue et de la
Chaudière-Appalaches, qui affichent les plus fortes fécondités (2011), avec un indice supérieur à 2,0 enfants par femme. Les régions
de Lanaudière et du Centre-du-Québec viennent ensuite, avec des
indices supérieurs à 1,9.
À l’autre bout du spectre, Montréal et la Capitale-Nationale (Québec) enregistrent des indices inférieurs à 1,6 enfant par femme, donc bien en-dessous du seuil de renouvellement des générations, soit 2,1 enfants/femme. |
Le tableau qui suit indique l'indice moyen de fécondité du Québec (en rouge) par rapport aux différentes régions administratives:
Région administrative |
2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2012 |
Indice moyen de fécondité |
1,495 | 1,475 | 1,503 | 1,501 | 1,542 | 1,648 | 1,687 | 1,738 | 1,738 | 1,704 | 1,691 |
01. Bas-Saint-Laurent | 1,439 | 1,433 | 1,496 | 1,431 | 1,584 | 1,648 | 1,724 | 1,729 | 1,728 | 1,779 | 1,833 |
02. Saguenay-Lac-St-Jean | 1,505 | 1,522 | 1,512 | 1,511 | 1,609 | 1,677 | 1,727 | 1,822 | 1,855 | 1,763 | 1,820 |
03. Capitale-Nationale | 1,310 | 1,275 | 1,299 | 1,284 | 1,353 | 1,488 | 1,507 | 1,596 | 1,593 | 1,584 | 1,573 |
04. Mauricie |
1,334 | 1,411 | 1,364 | 1,451 | 1,453 | 1,611 | 1,610 | 1,679 | 1,700 | 1,665 | 1,689 |
05. Estrie | 1,583 | 1,536 | 1,603 | 1,571 | 1,593 | 1,680 | 1,698 | 1,740 | 1,725 | 1,743 | 1,667 |
06. Montréal | 1,434 | 1,404 | 1,435 | 1,422 | 1,448 | 1,529 | 1,560 | 1,543 | 1,537 | 1,508 | 1,476 |
07. Outaouais | 1,483 | 1,513 | 1,505 | 1,548 | 1,606 | 1,677 | 1,778 | 1,823 | 1,887 | 1,772 | 1,761 |
08. Abitibi-Témiscamingue | 1,674 | 1,564 | 1,663 | 1,581 | 1,740 | 1,798 | 1,893 | 2,048 | 2,146 | 2,033 | 2,060 |
09. Côte-Nord | 1,555 | 1,583 | 1,636 | 1,737 | 1,641 | 1,851 | 1,921 | 2,018 | 1,986 | 2,046 | 2,066 |
10. Nord-du-Québec | 2,663 | 2,498 | 2,633 | 2,787 | 2,650 | 2,740 | 2,947 | 2,831 | 2,883 | 2,815 | 2,805 |
11. Gaspésie - Îles | 1,291 | 1,319 | 1,373 | 1,447 | 1,406 | 1,556 | 1,579 | 1,694 | 1,703 | 1,738 | 1,846 |
12. Chaudière-Appalaches | 1,615 | 1,574 | 1,614 | 1,647 | 1,661 | 1,814 | 1,844 | 1,980 | 1,961 | 1,966 | 2,003 |
13. Laval | 1,529 | 1,457 | 1,536 | 1,526 | 1,594 | 1,707 | 1,718 | 1,774 | 1,776 | 1,724 | 1,669 |
14. Lanaudière | 1,548 | 1,525 | 1,533 | 1,571 | 1,600 | 1,726 | 1,848 | 1,991 | 2,029 | 1,947 | 1,971 |
15. Laurentides | 1,720 | 1,634 | 1,663 | 1,663 | 1,646 | 1,830 | 1,827 | 1,915 | 1,903 | 1,878 | 1,815 |
16. Montérégie | 1,563 | 1,558 | 1,584 | 1,564 | 1,646 | 1,752 | 1,794 | 1,853 | 1,852 | 1,839 | 1,814 |
17. Centre-du-Québec | 1,585 | 1,614 | 1,607 | 1,581 | 1,642 | 1,787 | 1,815 | 1,965 | 1,952 | 1,903 | 1,958 |
Depuis 2003, on observe une très légère augmentation des naissances (fécondité de 1,4 à 1,5 enfant par femme), probablement favorisée par la mise en place d'une politique familiale plus généreuse au Québec. Ainsi, en 2008-2009, on a enregistré 88 600 naissances, soit le niveau le plus élevé depuis 1995. Ce niveau devrait se maintenir au cours des quinze prochaines années, selon l'Institut de la statistique du Québec, qui prévoyait une moyenne de près de 86 000 naissances par an d'ici 2025. Après avoir atteint un creux à 1,359 enfant par femme en 1986, et un autre en 1999 (avec 1,4 enfant), l'indice synthétique de fécondité grimpait à 1,738 en 2008, soit le niveau le plus élevé depuis 1975.
À supposer que l'indice de fécondité se maintienne autour de 1,65 ou 1,70 enfant par femme à partir de 2008, cette amélioration de la natalité n'assurerait pas un nombre de naissances suffisant pour empêcher un ralentissement de la croissance de la population québécoise à moyen et à long termes, car l'indice de fécondité qui assure le renouvellement de la population est estimé à 2,1 enfants par femme. Or, nous savons que, avec le problème de la dénatalité, les incidences linguistiques y sont évidentes. À la rigueur, ces problèmes pourraient même remettre en question les politiques linguistiques du gouvernement du Québec. Bine que les scénarios démographiques demeurent hypothétique, connaître l’ampleur et la dynamique du phénomène anticipé, c’est une possibilité d'acquérir des outils pour agir.
Les démographes connaissent les sources d'accroissement de la population, mais ce sont l'accroissement naturel et les soldes migratoires qui constituent les deux principales sources d'accroissement. L'accroissement naturel, c'est la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès. Les soldes migratoires, c'est la différence entre les entrées et les sorties (départs) du territoire. Il y aura accroissement de la population si les naissances sont numériquement supérieures aux décès et si les entrées sont plus nombreuses que les départs des immigrants.
2.1 Baisse prononcée du
nombre des naissances
Pendant près de deux siècles, l’accroissement naturel a toujours constitué un facteur déterminant, voire l’unique facteur qui a permis à la population du Québec de s’accroître. Pourtant, durant presque aussi longtemps, le solde migratoire s'est révélé faible, nul ou négatif. Depuis environ 1995, il s'est produit une baisse prononcée du nombre des naissances, alors que le nombre des décès s'est mis à augmenter en raison du vieillissement de la population. L’effet est immédiat sur le rythme de croissance de la population, qui s’affaiblit aussitôt. L'affaiblissement, sinon le tarissement, de la principale source d’accroissement de la population, les naissances, place le Québec dans une position précaire quant à l’évolution future de la population. Le graphique de gauche montre que l'effet combiné des naissances et des décès n'arrive pas à maintenir l'accroissement naturel de la population québécoise. Après une légère remontée entre 2005 et 2009, la décroissance s'est accentuée et devrait se maintenir dans les années suivantes (projection jusqu'en 2025). |
Selon les projections démographiques de Statistique Canada (2009) sur le Québec, les décès devraient surpasser en nombre les naissances autour de 2025-2026.
Composantes de l’accroissement démographique, scénario de croissance faible — Québec, 2009-2010 à 2035-2036
Période |
Population (en millions) |
Naissances (en milliers) |
Décès (en milliers) |
Immigrants (en milliers) |
Émigrants totaux (pour 1000) |
Solde migratoire interprovincial (pour 1000) |
Solde des résidents non permanents |
2009-2010 |
7828,9 |
87,0 |
60,1 |
43,1 |
6,9 |
-8,8 |
7,4 |
2010-2011 |
7890,4 |
85,5 |
61,2 |
43,1 |
6,9 |
-8,8 |
6,6 |
2011-2012 |
7948,6 |
83,8 |
62,4 |
43,1 |
6,9 |
-8,7 |
5,8 |
2012-2013 |
8003,2 |
82,0 |
63,6 |
36,7 |
7,0 |
-8,7 |
4,9 |
2013-2014 |
8047,6 |
80,0 |
64,9 |
36,9 |
7,0 |
-8,7 |
4,1 |
2014-2015 |
8088,1 |
80,1 |
66,1 |
37,1 |
7,0 |
-8,6 |
3,3 |
2015-2016 |
8126,9 |
80,2 |
67,2 |
37,3 |
7,0 |
-8,6 |
2,5 |
2016-2017 |
8164,0 |
80,2 |
68,3 |
37,4 |
7,0 |
-8,5 |
1,6 |
2017-2018 |
8199,5 |
80,1 |
69,4 |
37,6 |
7,0 |
-8,5 |
0,8 |
2018-2019 |
8233,2 |
80,0 |
70,5 |
37,8 |
7,0 |
-8,4 |
0,0 |
2019-2020 |
8265,1 |
79,8 |
71,7 |
37,9 |
7,0 |
-8,3 |
0,0 |
2020-2021 |
8295,8 |
79,6 |
72,9 |
38,1 |
7,0 |
-8,2 |
0,0 |
2021-2022 |
8325,3 |
79,2 |
74,0 |
38,2 |
7,0 |
-8,1 |
0,0 |
2022-2023 |
8353,6 |
78,8 |
75,1 |
38,3 |
7,0 |
-8,0 |
0,0 |
2023-2024 |
8380,5 |
78,2 |
76,3 |
38,4 |
7,0 |
-7,9 |
0,0 |
2024-2025 |
8405,9 |
77,6 |
77,5 |
38,6 |
7,0 |
-7,9 |
0,0 |
2025-2026 |
8429,7 |
76,9 |
78,7 |
38,7 |
7,0 |
-7,8 |
0,0 |
2026-2027 |
8451,8 |
76,2 |
80,0 |
38,8 |
7,0 |
-7,7 |
0,0 |
2027-2028 |
8472,1 |
75,6 |
81,3 |
38,9 |
7,0 |
-7,7 |
0,0 |
2028-2029 |
8490,6 |
74,9 |
82,7 |
38,9 |
7,0 |
-7,6 |
0,0 |
2029-2030 |
8507,2 |
74,4 |
84,1 |
39,0 |
7,0 |
-7,5 |
0,0 |
2030-2031 |
8522,0 |
73,9 |
85,5 |
39,1 |
7,0 |
-7,5 |
0,0 |
2031-2032 |
8535,0 |
73,6 |
86,9 |
39,1 |
7,0 |
-7,4 |
0,0 |
2032-2033 |
8546,4 |
73,4 |
88,4 |
39,2 |
7,0 |
-7,4 |
0,0 |
2033-2034 |
8556,3 |
73,4 |
89,8 |
39,2 |
7,0 |
-7,3 |
0,0 |
2034-2035 |
8564,8 |
73,5 |
91,2 |
39,3 |
7,0 |
-7,2 |
0,0 |
2035-2036 | 8572,2 | 73,7 | 92,7 | 39,3 | 7,0 | -7,1 | 0,0 |
Source: Statistique Canada, 2009, no 91-520-X au catalogue
Comme toujours, le solde interprovincial sera négatif (-7,8 pour 1000 habitants).
2.2 Le non-remplacement des générations
Deux raisons principales expliquent ce phénomène démographique : d'une part, le taux de natalité est en baisse depuis quelques années; d'autre part, l’espérance de vie a augmenté rapidement au cours des dernières décennies, avec le résultat que la fécondité se situe depuis longtemps sous le seuil de remplacement des générations, lequel est de 2,1 enfants par femme. Par exemple, en 1931, l’espérance de vie variait entre 56 et 58 ans, alors qu’elle se situait en 2006 entre 78 et 83 ans. Évidemment, le problème dû à la dénatalité préoccupe les démographes et les gouvernements. Parmi les principaux motifs d’inquiétude, il convient de mentionner la perspective de décroissance de la population totale et de celle de plusieurs régions du Québec, puis le vieillissement accéléré et le déclin de la population active, ce qui va réduire de beaucoup le développement économique et, par voie de conséquence, l'expansion de la langue française en Amérique du Nord.
|
La baisse de la population ne constitue
qu'une des conséquences néfastes de la dénatalité.
Il faudrait ajouter le vieillissement de cette population. En 2006, les
personnes âgées de 65 ans et plus constituaient 14,0 % de la
population québécoise. Les projections de l'Institut
de la statistique du Québec laissent croire que cette
proportion va augmenter, sinon doubler d'ici le milieu du présent
siècle. La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus a atteint
un niveau record lors du recensement de 2011, soit 14,8 % de la
population. À moins de changements démographiques majeurs d’ici 2056, le Québec deviendra l'une des sociétés les plus vieilles de tout l'Occident, alors que près de 30 % de la population québécoise sera âgée de 65 ans et plus. |
3.1 La transformation de la pyramide des âges
La chute brusque de la natalité à partir du milieu des années 1960, suivie d'une certaine stabilité de la descendance finale autour de1,6 enfant, a entraîné à long terme la transformation de la pyramide des âges. Ainsi, le graphique de 1961 témoigne d'une population jeune du fait que la base de la pyramide compte plus de jeunes de 20 ans et moins. Le graphique de 2001 révèle déjà un certain vieillissement de la population, car la tranche d'âge le plus importante se situe entre 50 et 30 ans. Quant au graphique de 2011, qui correspond à la situation actuelle, il montre clairement le hausse des âges dont le centre de distribution se gonfle entre 40 et 60 ans. Si le Québec n'est pas encore une population dite «vieille», il tend à un vieillissement qui est nettement présent, alors que cette tendance va s'accélérer de façon rapide bien avant le milieu du XXIe siècle, comme l'indique la projection de 2031 prévue par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). La part de la population âgée de 65 ans et plus va passer en 2001 de 13 % à 21,3 % en 2021 et à environ 30 % au milieu du siècle. Selon l'ISQ, la Suède avait en 2001 une population de 17,8 % âgée de 65 ans ou plus, alors que le Japon avait 15 %, les États-Unis et le Canada, une proportion un peu moins élevée que celle du Québec. |
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Il est probable que l'immigration internationale va atténuer quelque peu le phénomène du vieillissement sur l’île de Montréal, car on sait que l'agglomération montréalaise attire la majorité des immigrants, mais ce phénomène n'endiguera pas le vieillissement accéléré de la population du Québec en général. En effet, le vieillissement se fera davantage sentir à l'extérieur de Montréal. Même dans les couronnes nord et sud, bien que les enfants restent plus nombreux que les aînés, ceux-ci connaissent une forte progression. Ainsi, pour chaque enfant de plus en banlieue depuis 2006, six «têtes grises» se sont ajoutées. Le phénomène est identique dans la région de Québec: la banlieue de la capitale est plus jeune, mais les aînés connaissent une forte croissance. Toutefois, c'est dans les régions à l'extérieur de Montréal et de Québec que les personnes âgées de plus de 65 ans ont connu la progression la plus marquée. Des régions entières telles la Gaspésie et les îles de la Madeleine, le Bas-Saint-Laurent et la Capitale nationale, seront les plus touchées avec un pourcentage de population vieillissante approchant les 40 %. |
Par le fait même, l'Institut de la statistique du Québec anticipe que quatre régions vont connaître un déclin de leur population d'ici 2036: le Bas-Saint-Laurent (-1,8 %), le Saguenay-Lac-Saint-Jean (-0,5 %), la Côte-Nord (-2,7 %) et la Gaspésie (-3,9 %) incluant les Îles-de-la-Madeleine. Treize des 17 régions administratives du Québec continueront de croître au moins jusqu’en 2036. Les augmentations les plus marquées sont projetées la région de Laval (n° 13) et celle de Lanaudière (n° 14) avec 31 % chacune. La grande région métropolitaine de Montréal, qui atteignait quatre millions d’habitants en 2014, devrait voir sa part dans la population québécoise croître progressivement et franchir le seuil du 50 % vers 2027.
Plusieurs banlieues des grandes villes du Québec (Trois-Rivières, Longueuil, Lévis, Sherbrooke, Gatineau, Saguenay, etc.) connaîtront aussi un vieillissement accéléré de leur population. Le recensement de 2011 a révélé que les aînés ont largement supplanté les moins de 15 ans, qui étaient pourtant plus nombreux en 2006. Leur nombre a augmenté de 90 000, tandis que les moins de 15 ans ont diminué de 8500 individus.
Durant les 40 prochaines années, le Québec risque de perdre 26% de l’effectif des jeunes. À l’inverse, l’effectif des 65 ans et plus devrait doubler (coefficient multiplicateur de 2,3 au Québec). Soulignons que le vieillissement démographique au Québec sera plus rapide dans la plupart des pays industrialisés. Mais il deviendra aussi beaucoup plus important que dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis.
Évidemment, le phénomène du vieillissement n'est pas propre au Québec: il est toutefois beaucoup plus rapide. Selon Statistique Canada, l'âge médian de la population du Québec était estimé à 41,4 ans au 1er juillet 2011. La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus se situait à 15,7 %. Pour la première fois, la population âgée de 65 ans et plus (1 253 600) dépassait celle de moins de 15 ans (1 241 700) dans la province. En Ontario, la population était plus jeune, car l'âge médian y était estimé à 39,6 ans, alors que la proportion de la population âgée de 65 ans et plus était de 14,2 %. Au Nouveau-Brunswick, l'âge médian était de 43 ans et la population de personnes âgées atteignait 16,2 %. La population la plus jeune du Canada se trouve au Nunavut: l'âge médian y était de 24,8 ans. Près du tiers de la population du Nunavut avait moins de 15 ans, soit la plus forte proportion au pays.
Comme on peut s'y
attendre, le vieillissement de la population soulève certains problèmes de
société. Il faudra remplacer les écoles par des centres d'accueil. Au plan
démographique, le vieillissement de la population entraînera une baisse
accentuée des naissances et une augmentation des décès, ce qui favorisera la
minorisation des francophones à Montréal et l'affaiblissement politique du
Québec au sein de la fédération canadienne. Par ailleurs, de nombreux
travailleurs prendront leur retraite au même moment, ce qui diminuera la
quantité de main-d’œuvre disponible et augmentera les dépenses gouvernementales
liées aux soins de santé et aux régimes de retraite. Inéluctablement, la
régression de la population québécoise entraînera celle des francophones. Le Québec est maintenant aux
prises avec l'un des plus faibles taux de croissance démographique
au monde depuis 1989 avec 1,6 enfant par femme pour les francophones, 1,37
enfant pour les anglophones et 1,66 enfant pour les allophones. En 2011, le taux
de fécondité était de 1,691, bien en-dessous du taux de fécondité (2,1) pour assurer le renouvellement
des générations. Source: Institut de la statistique, Québec, 12 avril 2012.
4.1 La descendance jusqu'en 2086
En 1989, le démographe
Jacques Henripin
présentait une analyse présentant des projections de la démographie québécoise
au cours des prochaines décennies (jusqu'en 2086). Le démographe prévoyait quatre scénarios (1,2 enfant, 1,4 enfant,
1,8 enfant et 2,1 enfant) sur la population future du Québec. Dans le pire des
scénarios, c'est-à-dire celui avec 1,2 enfant par femme, la population
québécoise devait atteindre son sommet démographique vers 2000, alors qu'elle
devait compter 6,9 millions d'habitants et connaîtrait un déclin rapide par la
suite. Ce n'est pas ce qui s'est produit, puisque le «pire» des scénarios (1,2
enfant) ne s'est pas réalisé.
4
Les projections démographiques
1951-1960
Fécondité
1961-1970
Fécondité
1971-1980
Fécondité
1981-1990
Fécondité
1991-2000
Fécondité
2001-2010
Fécondité
1951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
1960
3,848
3,914
3,958
4,038
3,996
3,988
4,086
4,005
3,988
3,8581961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
19703,674
3,561
3,422
3,071
2,720
2,446
2,279
2,197
2,086
1,9351971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
19801,770
1,741
1,724
1,754
1,737
1,693
1,655
1,695
1,631
1,5741981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
19901,481
1,427
1,421
1,394
1,374
1,359
1,415
1,509
1,632
1,6531991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
20001,666
1,636
1,638
1,616
1,611
1,540
1,494
1,468
1,452
1,4952001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
20101,495
1,475
1,503
1,501
1,542
1,648
1,687
1,738
1,738
1,704
Année | Scénario 1: 1,2 enfant | Scénario 2: 1,4 enfant | Scénario 3 : 1,8 enfant | Scénario 4 : 2,1 enfants |
1986 | 6 754 | 6 754 | 6 754 | 6 754 |
2000 | 6 953 | 7 065 | 7 198 | 7 626 |
2010 | 6 844 | 7 044 | 7 351 | 7 960 |
2020 | 6 520 | 6 821 | 7 317 | 8 288 |
2030 | 5 933 | 6 346 | 7 082 | 8 414 |
2040 | 5 157 | 5 673 | 6 663 | 8 360 |
2050 | 4 301 | 4 920 | 6 170 | 8 328 |
2060 | 3 520 | 4 225 | 5 742 | 8 321 |
2070 | 2 867 | 3 634 | 5 392 | 8 366 |
2086 | 2 050 | 2 843 | 4 881 | 8 423 |
Source: BUREAU DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, cité par Jacques HENRIPIN, Naître ou ne pas être, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, Québec, 1989, p. 95.
Évidemment, le tableau ci-dessus ne tient pas compte de l'immigration et des enfants des immigrants; il ne s'agit pas de la population totale du Québec, mais des 2,05 millions d'habitants issus des 6,7 millions d'habitants de 1986, si la fécondité se maintient à 1,2 enfant par femme. Néanmoins, selon le démographe Jacques Henripin, la population devait décroître à partir de 2010. Vers 2020, la baisse serait nettement engagée et la population déclinerait de 7 % à chacune des décennies si la fécondité se fixait à 1,8 enfant par femme (le scénario actuel: 1,6 enfant); la population baisserait à 13 % si la fécondité se maintenait à 1,4 enfant et à 17 % si la fécondité tombait à 1,2 enfant. Le Québec compterait 4,3 millions d'habitants en 2050 et sa population continuerait à décroître pour se stabiliser vers 2080 avec seulement deux millions d'habitants.
4.2 Un Québec de deux millions d'habitants?
Bref, selon le scénario qui se réalisera (1,2 enfant par femme, 1,4 enfant, 1,8 ou 2,1 enfants), le Québec compterait soit 2,0 millions d'habitants, soit 2,8 millions, soit 4,8 millions. Le Québec s'acheminerait donc vers une réduction majeure de sa population. Par contre, si le Québec était capable de maintenir un taux de 2,1 enfants par femme, la population augmenterait à 8,4 millions d'habitants, ce qui, de toute façon, demeurerait très peu en un siècle. Quoi qu'il en soit, ce dernier scénario est d'ores et déjà inapplicable, puisque le taux de fécondité varie actuellement entre 1,6 et 1,7 enfant par femme. Bref, la question est moins de se demander si l'on parlera encore le français au Québec dans quelques générations que de savoir combien il restera de Québécois pour le parler: probablement la moitié de la population actuelle.
Le Québec est situé en Amérique du Nord. Il fait partie du Canada et les États-Unis constituent son plus proche voisin. Le Québec ne compte que pour 2 % de cet ensemble. Dans la mesure où la décroissance du Québec est à peu près similaire à celle du reste du Canada et des États-Unis, la situation n'apparaît pas trop problématique. Cependant, si cette décroissance est plus rapide et plus manifeste au Québec que chez ses voisins, le résultat devient plus grave dans ses conséquences, puisque le poids démographique du Québec diminuerait.
5.1 Une croissance plus faible que chez ses voisins
Depuis de nombreuses années, la croissance de la population québécoise est plus faible que celle observée au Canada et aux États-Unis. En effet. depuis le début des années 1980, la baisse de natalité a été plus forte au Québec qu'au Canada et qu'aux États-Unis. Ainsi, en 2000 (tableau de gauche), le taux de natalité du Québec atteignait un creux de 9,7 naissances pour 1000 habitants, alors que les taux canadien et américain se chiffraient respectivement à 11,0 et à 14,7. Tandis que le Québec connaissait depuis vingt-cinq ans une fécondité en moyenne de 1,54 enfant par femme, le Canada anglais se situait à 1,63 enfant par femme et les États-Unis à 2,0. On peut constater que le taux de natalité du Québec a remonté depuis 2000, même de façon plus prononcée qu'au Canada et qu'aux États-Unis. Il est possible que la politique familiale mise en place par le gouvernement du Québec ait porté fruit. Néanmoins, en dépit de cette notable amélioration de la natalité, le nombre de naissances restera insuffisant pour endiguer un ralentissement de la croissance de la population québécoise, et ce, tant à moyen terme qu'à long terme. Selon les démographes, l’indice de fécondité qui assure le renouvellement de la population est situé à 2,1 enfants par femme. Le Québec demeure bien en-dessous de ce seuil. |
Par ailleurs, selon les projections
démographiques les plus plausibles, l'écart entre le Québec et ses
voisins, c'est-à-dire le Canada anglais et les États-Unis, devrait se maintenir à long terme. Au cours de la prochaine
décennie, soit au moins jusqu'en 2025, les populations du Canada et des
États-Unis devraient progresser en moyenne de 1 % par année,
comparativement à 0,6 % au Québec. Il en résulte que le Québec verra son poids politique, social et économique réduit par rapport à ses voisins, ce qui entraînera une perte d'influence du français. Ce sont la faible natalité ainsi que les mouvements migratoires moins favorables qui ont contribué au fait que la population québécoise croît plus lentement que celle de ses deux principaux partenaires commerciaux, le Canada anglais et les États-Unis. Pour éviter que la minorisation politique du Québec au Canada ne s'accentue au fil des décennies, il faudrait réduire la possibilité qu'un gouvernement majoritaire soit élu à Ottawa sans que le Québec n'y soit représenté. Or, un mode de scrutin proportionnel permettrait probablement d'atteindre cet objectif. |
5.2 Une évolution lourde de conséquences
La proportion des francophones du Québec baissera à moins de 20 % dici les trois prochaines décennies. Une telle évolution sera lourde de conséquence dans la fédération canadienne. Les rapports de force vont nécessairement changer. Cela signifie moins de francophones au Parlement fédéral, au Conseil des ministres, dans la fonction publique fédérale, dans l'armée, dans la magistrature, etc. Bref, moins de locuteurs francophones au Québec équivaut à moins de pouvoir sur le plan fédéral, donc moins d'avantages au sein de la fédération canadienne. Déjà, des voix se font entendre au Canada anglais pour abolir la Loi sur les langues officielles (1988) du gouvernement fédéral, laquelle a été modifiée en 2023 (voir le document). On imagine ce que ce sera lorsque le Québec représentera moins de 20 % de la population canadienne, car il lui est impossible d'empêcher la réduction de son poids démographique à l'intérieur du Canada. Le mieux qu'il soit possible de faire, c'est de freiner ce déclin.
La dénatalité ne constitue pas nécessairement un drame dans de nombreux pays, notamment ceux qui peuvent compter sur une population importante de plusieurs dizaines de millions d'habitants. En effet, dans des pays à forte population comme les États-Unis, l'Inde, la Chine, le Pakistan, et bien d'autres, l'arrêt de la croissance démographique peut fournir aux citoyens des moyens matériels supplémentaires pour améliorer leur niveau de vie et pour atteindre de façon plus efficace leurs objectifs individuels et collectifs.
La situation est différente pour une petite société comme celle du Québec, qui représente à peine 2 % de la population de l'Amérique du Nord. La transition démographique qu’a connue le Québec semble avoir pris l’allure d’une véritable «révolution démographique». De fait, au cours des dernières décennies du XXe siècle, cette révolution a entraîné un affaissement considérable du taux de natalité, le Québec étant devenu l’une des sociétés occidentales ayant le plus faible indice synthétique de fécondité. Non seulement ce faible indice de fécondité ne permet plus d’assurer le seuil de renouvellement des générations, il entraîne inévitablement un processus de vieillissement de la population dont les impacts sont multiples. Ce bouleversement démographique implique une réduction dramatique de la population d'ici quelques décennies, avec comme conséquence un affaiblissement de la langue française au Canada et en Amérique du Nord.
Cette brusque baisse démographique a entraîné le recours à l'immigration comme avenue possible pour tenter de contrebalancer la chute de la natalité. Autrement dit, le recours à une immigration accrue constitue-t-il un moyen pour contrer la dénatalité? Encore faut-il que l'immigration compense les pertes dues à la dénatalité. À supposer que ce soit le cas, les nouveaux arrivants remplaceront-ils les francophones de souche? C'est l'objet du prochain chapitre (le no 4).
Histoire du français au Québec