Le Québec s'étend sur une superficie de 1,5 million de kilomètres
carrés, ce qui fait trois fois la France (547 030 km²)
et presque cinq fois la Norvège (324 220 km²).
Cependant, 97% de la population québécoise est concentrée sur 20% du
territoire, soit grosso modo les rives du Saint-Laurent, du Saguenay
(agglomération de Saguenay) et
de l'Outaouais (agglomération de Gatineau).
Autrement dit, le Québec habité n'occupe que 110 000 km²,
c'est-à-dire cinq fois moins que la France. De plus, environ 80% de
la population québécoise vit le long de la vallée du Saint-Laurent,
principalement entre Sept-Îles et l'ouest de Montréal.
Sur cet immense territoire, la densité de la
population demeure très faible, avec 5,8 hab./km². Par
comparaison, la Belgique atteint 345,9 hab./km²; la France,
110,4 hab./km²; le Royaume-Uni, 249,4 hab./km²; le Mexique, 56,1 hab./km²; les
États-Unis, 31,1 hab./km²; la Norvège, 14 hab./km²; le Bangladesh,
1060,66 hab./km².
Au Québec, le nord du territoire ne compte que 0,1
hab./km², le Saguenay-Lac-Saint-Jean, 2,9 hab./km²; la
Gaspésie, 4,7 hab./km²; les Laurentides, 25,2 hab./km²; l'Outaouais, 11,4 hab./km²;
la région de Québec, 36 hab./km²; mais la ville de Laval au nord de Montréal
compte 1807 hab./km²; la Montérégie au sud de Montréal, 124,8 hab./km²; Montréal
atteint 4923 hab./km². Pour résumer, on peut dire que près de la moitié des
Québécois vit dans la grande région de Montréal, y compris la couronne nord (Laval et
Laurentides) et la couronne sud (Montérégie).
Consulter la carte du «Québec habité».
En réalité, l'immensité du territoire québécois est un mythe, car
ses habitants, du moins les Blancs, sont trois fois plus entassés que les Norvégiens qui disposent d'un
plus petit territoire, mais l'occupent en entier. Il suffit de consulter le tableau ci-dessous
(«Évolution et distribution de la population par région administrative»),
ainsi que la carte du «Québec habité» située à gauche.
Dans cette perspective, Montréal est seulement deux fois moins peuplé que
Hong-Kong (6688 hab./km²), l'une des villes les plus peuplées du monde. Toute
proportion gardée, on compte trois fois plus de monde dans la ville de Montréal
que dans l'ensemble du Bangladesh (1060,66 hab./km²).
Le tableau qui suit montre que les villes de
Montréal (3761 hab./km²) et de Laval (1532 hab./km²)
sont les villes ayant la plus grande densité au kilomètre carré.
Évolution et distribution de la
population par région administrative, superficie et densité, Québec,
1986-2006
Source : Statistique Canada,
Recensements du Canada (1986-2006); Estimations de la population.
Traditionnellement, le Québec a souvent été représenté comme une société rurale
regroupée en paroisses autour de ses églises. Évidemment, ce n'est plus le cas
aujourd'hui. En juillet 2021, le Québec comptait 11 municipalités ayant plus de
100 000 habitants (Institut de la statistique du Québec). En 1851, plus de 84 %
de la population du Québec vivait en zone rurale, contre 15 % dans les villes.
En 2006, cette proportion était déjà inversée: 80 % de la population habitait dans
les villes, 20 % dans les campagnes.
Rang
Municipalité
Population (2021)
1
Montréal
1 800 055
2
Québec
566
066
3
Laval
446
369
4
Gatineau (Hull)
292 281
5
Longueuil
253 629
6
Sherbrooke
175 114
7
Lévis
154 091
8
Saguenay
147 952
9
Trois-Rivières
142 598
10
Terrebonne
122 098
11
Saint-Jean-sur-Richelieu
100 188
Total
territoire
4,2 millions
Source de la carte:
Service national du RÉCIT de l'univers social
En 2011, ces dix municipalités regroupaient au total près de la moitié de la population,
soit 47,8 %, l'autre moitié se répartissant parmi les 1282 autres petites municipalités
du Québec. Parmi celles-ci, quelque 627 municipalités comptaient moins de 1000
habitants. Le tableau suivant illustre la répartition des municipalités du
Québec selon la taille de ces municipalités:
Classe
(2006)
Nombre
des municipalités
Pourcentage
des municipalités
Population
Pourcentage
100 000 habitants
et plus
10
0,8
%
3 723
545
47,8 %
50 000 à 99 999
habitants
9
0,7
%
602 330
7,7 %
10 000 à 49 999
habitants
78
6,0
%
1 660
859
21,2 %
5 000 à 9 999
habitants
75
5,8
%
521 406
6,7 %
1 000 à 4 999
habitants
493
38,2
%
1 042
241
13,3 %
0 à 999
habitants
627
48,5
%
278 498
3,6 %
Total
1 292
100 %
7 828 879
100 %
Si les petites villes et les villages comptent moins de 5000 habitants, ce
groupe ne représente que 16,9 % de toute la population, soit 1,3 million de
personnes sur un total de 7,8 millions en 2006.
Cependant, ces chiffres masquent une certaine réalité concernant l'agglomération
de Montréal. En effet, la grande agglomération de Montréal, incluant les
couronnes nord et sud, compte pour 46 % de
la population du Québec avec 3,6 millions d'habitants, ce qui correspond à
environ 40 % de tous les francophones du Québec.
En 2011, les francophones du Québec (6,1 millions) constituaient 18,4 % de la
population canadienne (33,1 millions) et ils ne représentaient que 2 % de
l'ensemble nord-américain. Le Québec
comptait 7,8 millions dhabitants dont 78 % de langue maternelle française,
7,6 % de langue maternelle anglaise, 12,3 % de langue maternelle autre que l'anglais
et le français (allophones et autochtones).
Province 2021
Population totale (en
milliers)
Anglais
Français
Autre langue
Québec
8 406 905
639 365
(7,6 %)
6 291 440 (74,8 %)
1 177 320 (14,2 %)
Selon les historiens, environ 10 % de la population
francophone du Québec serait d'origine acadienne
(voir la carte),
à la suite de la déportation des Acadiens de 1755. Dispersés dans l'ensemble de
la province, les descendants des Acadiens ont conservé certaines
caractéristiques linguistiques particulières dans la région de la baie des
Chaleurs (Pasbébiac, Bonaventure, Carleton, Chandler, Pabos, etc.), dans
certaines régions de la Basse-Côte-Nord (Natasquan, Havre-Saint-Pierre, etc.) et
aux îles de la Madeleine. Dans la région de
Lanaudière,
lorsqu'on parle de la «Nouvelle-Acadie», on fait allusion aux municipalités de Saint-Jacques-de-Montcalm, de
Saint-Alexis, de Sainte-Marie-Salomé et de Saint-Liguori. Ces municipalités ont
conservé un fort sentiment d'appartenance à l'Acadie de leurs ancêtres, de même
qu'à ses valeurs et ses traditions.
Lors du recensement de 2001, les villes du Québec à forte concentration
francophone étaient les suivantes:
Au recensement de 2011, les résultats étaient les suivants:
Rang
Municipalité
Région
administrative
Population (ville)
Francophones %
Population
(agglomération)
1
Rivière-du-Loup
Bas-Saint-Laurent
19 447
98,7 %
27 734
2
Rimouski
Bas-Saint-Laurent
46 860
98,6 %
50 912
3
Saguenay
Saguenay–Lac-Saint-Jean
146
381
98,1 %
157 790
4
Lévis
Chaudière-Appalaches
138 769
98,0 %
-
5
Trois-Rivières
Mauricie
131 338
96,9 %
151 773
6
Saint-Hyacinthe
Montérégie
53
236
97,3 %
56
794
7
Drummondville
Centre-du-Québec
71
852
96,6 %
88
480
8
Québec
Capitale-Nationale
516 622
94,6 %
765 706
9
Granby
Montérégie
63
433
94,2 %
77
077
10
Terrebonne
Lanaudière
106 322
91,8 %
-
11
Sherbrooke
Estrie
154 601
90,1 %
201 890
12
Longueuil
Montérégie
231 409
81,1 %
399
097
13
Gatineau
Outaouais
265 349
79,3 %
314 501
14
Laval
Laval
401 553
63,1 %
-
15
Montréal
Montréal
1
649 519
52,4 %
3
824 221
Il faut comprendre que, en nombre absolu, il y a plus de
francophones à Montréal qu'à Rivière-du-Loup, le pourcentage n'étant qu'un
élément parmi d'autres.
Les anglophones du Québec ont toujours formé une minorité puissante qui se
comportait souvent comme une majorité. Depuis quelques décennies, cette minorité
s'est vu imposer un statut de minoritaire, ce qui n'a pas fait l'affaire de tous
les membres de cette communauté. Beaucoup sont partis pour l'Ontario,
particulièrement durant les années 1970 lors de l'instauration des lois
linguistiques (1974 et 1977) et surtout après l'élection d'un parti souverainiste au Québec (1976), le
Parti
québécois. Lors du recensement de 2011, les anglophones formaient 7,6 % de la
population du Québec. En principe, il y a des anglophones dans toute les régions
de la province, mais la plupart des anglophones sont concentrés dans quelques
régions.
Le tableau qui suit présente les principales communautés
anglophones du Q
uébec selon la région de résidence (Institut
national de la recherche scientifique, d'après Statistique Canada, 2011), le
numéro entre parenthèses indiquant la région administrative:
D'après le tableau ci-dessus, la
grande région de Montréal regroupe 73,4 % de tous les anglophones du
Québec, incluant Laval et Longueuil. Suivent la Montérégie
(18,7 %), l'Outaouais (8,7
%), les Laurentides (4,5 %),
l'Estrie (3,4 %), etc. Le
tableau qui suit présente la répartition des anglophones au sein des
régions du Québec, selon leur poids relatif dans la municipalité de
résidence (Statistique de 2006):
Il est manifeste que c'est
dans la région de Montréal où les Anglo-Québécois sont les plus
concentrés, loin devant l'Outaouais, la Montérégie et l'Estrie.
- (1) Le Montréal métropolitain
(11,6 %)
La région métropolitaine de Montréal comprend l'île de Montréal, la ville de
Laval, puis les couronnes nord et sud, dont Longueuil sur la Rive-Sud fait
partie (voir la carte de la RMR).
Puisque l'île ou l'agglomération de Montréal fait l'objet de la partie 2 du
présent article («La réalité montréalaise»),
il convient donc de se contenter pour le moment de l'île Jésus (ville de Laval),
ainsi que des couronnes nord (les Laurentides) et sud (la Montérégie).
Dans la ville de Laval (île Jésus), la ville
numériquement la plus importante après Montréal, les anglophones constituent une
minorité de 6,9 %; il existe quatre fois plus d'allophones (28,4 %).
Ville de Laval (2011)
Nombre
Pourcentage
Français
241 615
60,7 %
Anglais
27 680
6,9
%
Autres langues
113 160
28,4 %
Total des locuteurs à réponse
unique
397 570
100
%
- (2) La Montérégie
(7,8 %)
En Montérégie,
la couronne sud de Montréal, qui fait partie de la Région métropolitaine de Montréal, on comptait
en 2011 plus de 1,4 million de personnes (1 429 735) et 112 600 anglophones, ceux-ci
formant alors 7,8 % de la
population de cette région administrative, mais 18,7 % de tous les anglophones du Québec.
C'est la deuxième région la plus anglophone après Montréal. Selon les données de Statistique
Canada, les villes de Longueuil, de Brossard, de Saint-Jean-sur-Richelieu, de Granby et
de Saint-Hyacinthe
sont les plus grandes villes de la Montérégie. Les anglophones ne sont
majoritaires que dans le village de Hinchinbrooke (52,1 %) et la petite ville de
Hudson (65,7 %), mais ils sont
relativement nombreux à Longueuil (14 155), à Brossard (9460), à Châteauguay (12
250), à Vaudreuil-Dorion (8380) et à Saint-Lazare (7045), bien que l'on en compte
quelques milliers à Saint-Lambert, à Candiac et à Pincourt, et enfin au moins un
millier à Saint-Jean-sur-Richelieu, à l'Île-Perrot, à Granby, à Lac-Brome et à Ormstown.
Ville
(Recensement
2011)
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Longueuil
229 550
181
800
14
155 ( 6,1 %)
28
115 (12,2 %)
Saint-Jean-sur-Richelieu
(Ht-Richelieu)
91 630
86 635
2 415 (2,6 %)
1 595 (1,7 %)
Brossard
78 830
37 340
9 460 (12,0 %)
28 665 (36,3 %)
Granby
(Haute-Yamaska)
62 025
57 945
1 325 (2,1 %)
2 190 (3,5 %)
Châteauguay
(Roussillon)
45 630
44 365
12 250 (26,8 %)
4 730 (10,3 %)
Vaudreuil-Dorion (Vaudreuil-Soulanges)
31 645
21 090
8 380 (26,4 %)
2 175 (6,8 %)
Saint-Lambert
20 945
15 860
3 455 (16,4 %)
980 (4,6 %)
Candiac (Roussillon)
19 875
16 125
2 455 (12,3 %)
735 (3,6 %)
Saint-Lazare (Vaudreuil-Soulanges)
19 295
10 290
7 045 (36,5 %)
1 410 (7,3 %)
Pincourt (Vaudreuil-Soulanges)
14 270
6 990
4 980 (48,9 %)
1 855 (12,9 %)
L'Île-Perrot (Vaudreuil-Soulanges)
10 125
6 840
2 140 (21,1 %)
1 150 (11,3 %)
Lac-Brome
(Brome-Missisquoi)
5 385
2 640
2 545
(47,2 %)
200 (3,7 %)
Hudson (Vaudreuil-Soulanges)
5 135
4 990
3 375
(65,7 %)
445 (8,6 %)
Ormstown
(Haut-St-Laurent)
3 410
125
1 270
(37,2 %)
15 (0,4
%)
Hinchinbrooke
(Haut-St-Laurent)
2 195
940
1 145
(52,1 %)
110 (5,0 %)
Abercon
(Brome-Missisquoi)
385
215
150
(38,9 %)
25 (6,4 %)
On peut constater que les anglophones sont
répartis dans plusieurs villes et villages, car ils atteignent plus de 23 000
dans les seules municipalités de Longueuil et de Brossard. La ville de Saint-Lambert,
réputée pour être anglophone, ne compte que 13,5 % d'anglophones, contre 74,6 %
pour les francophones et 9,3 % pour les allophones. Mentionnons que Granby,
Lac-Brome et Abercorn font partie de la région administrative de la Montérégie,
mais de la région touristique des Cantons-de-l'Est.
- (3) L'Outaouais
(14,2 %)
Le recensement de 2011 révèle que l'Outaouais
recense 14,2 % d'anglophones (52 190), mais représente 8,7 % de toute la population anglophone du Québec,
ce qui en fait la troisième région quant au nombre des anglophones. C'est aussi la région qui a
la deuxième plus forte concentration d’anglophones (14,2 %) après celle de la région
administrative de Montréal (11,6 %).
Municipalité (recensement
2011)
Outaouais
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Gatineau
263 255
203 360
29
060 (11,0 %)
23
855
Chelsea
6 975
3 400
3 475
(86,2 %)
70
Bristol
1 110
265
830 (97,6 %)
15
Pontiac
5 480
3 135
2
200 (94,1 %)
145
Clarendon
1 160
150
995
(86,2 %)
20
Shawville
1 575
150
1 370
(62,8 %)
20
Sheenboro
130
5
120
(92,3 %)
5
Chapeau (municipalité
dissoute)
340
55
285
(83,8 %)
0
Thorne
285
60
225
(78,9 %)
0
Otter Lake
1 080
370
695
(64,3 %)
15
Bryson
625
300
325
(52,0 %)
0
Campbell's Bay
765
290
465
(60,7 %)
5
Kazabazua
820
415
405
(49,3 %)
0
L'Isle-aux-Allumettes
1 345
320
990
(73,6 %)
25
La ville-centre de Gatineau, avec ses 29
060 anglophones, rassemble plus de 55 % de tous les anglophones de la région
de l'Outaouais, mais dans la ville elle-même ils ne constituent que 11 % de
la population, mais 4,8 % de la population de langue anglaise du Québec.
Dans les villages, les anglophones sont parfois majoritaires (Chelsea,
Bristol, Pontiac, Sheenboro, etc.), Pontiac étant la petite ville la plus
populeuse avec 94,1 % d'anglophones.
- (4) Les Laurentides
(4,8 %)
Dans les Laurentides,
qui constitue la couronne nord de Montréal, les anglophones comptent pour 4,8 % de
la population (26 970 personnes), c'est-à-dire 4,5 % de tous les Anglo-Québécois. Dans la
ville-centre de Saint-Jérôme, ils ne forment que 1 % de la population, mais ils
sont majoritaires dans les petites localités telles que Harrington (54 %) et Wentworth (55 %).
Ils constituent un nombre non négligeable à Deux-Montagnes (16 %), Rosemère
(17,9 %) et Brownsburg-Chatham (16,3 %) parce que ces municipalités sont
numériquement un peu plus grosses.
Municipalité (recensement
2011)
Outaouais
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Saint-Jérôme
(Rivière-du-Nord)
67 675
65
270
720
(1,0 %)
980
Deux-Montagnes
(Deux-Montagnes)
17 095
13 305
2 745 (16,0
%)
1 045
Rosemère
(Thérèse-de-Blainville)
14 135
10 870
2 540
(17,9 %)
300
Brownsburg-Chatham
(Argenteuil)
7 020
5 735
1 145 (16,3
%)
145
Morin-Heights (Pays-d'en-Haut)
3 840
2 870
795 (20,7 %)
35
Harrington (Argenteuil)
830
345
450
(54,2 %)
30
Arundel (Laurentides)
585
295
270
(46,1 %)
15
Wentworth (Pays-d'en-Haut)
505
205
280
(55,4 %)
10
Cependant, les anglophones sont présents
dans plusieurs autres petites municipalités, même s'ils ne représentent
qu'une faible portion des citoyens. Par exemple, à Lachute on compte 1310
anglophones sur une population de 12 300 habitants (10,6 %).
- (5) L'Estrie
(6,6 %)
La cinquième communauté anglophone du Québec réside dans la
région administrative de l'Estrie,
une région historiquement appelée les «Cantons-de-l'Est» (3,4 %), traduction de
l'anglais Eastern Townships. Ces termes ne sont pas des synonymes: la
région touristique des Cantons-de-l'Est, plus grande que l'Estrie, comprend la
sous-région de Brome-Missisquoi et celle de Granby (incluant Bromont et
Cowansville), alors que ces dernières font partie de la région administrative
de la Montérégie (voir
la page sur cette question).
En 2011, la région administrative de l'Estrie comptait 20 485 anglophones sur une population totale de
306 915
Estriens, ce qui représente 6,6 % de cette population. Toute cette grande région, qui a déjà été très majoritairement anglophone
de 1792 jusque vers 1875, est aujourd'hui massivement francophone (voir la
figure «Population anglophone et
francophone des Cantons-de-l'Est, 1852-1891»). Les plus grandes concentrations d’anglophones
sont dans les MRC (municipalités régionales de comté)
de Memphrémagog (15,1 % en 2011), du Haut-Saint-François (11,8 % en 2006) et de Coaticook
(10,1 % en 2011). Cependant, les anglophones demeurent peu proportionnellement nombreux dans les
principales villes telles que Sherbrooke (4 %), Magog (5,5 %), Coaticook (4 %),
Lac-Mégantic (2,1 %) et Windsor (3 %).
Ville (recensement
2011)
Estrie
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Sherbrooke
(MRC)
152 445
135 790
6
235 ( 4,0 %)
5
660 (3,7 %)
Magog (Memphrémagog)
24 920
22 975
1 390
(5,5 %)
270 (1,0 %)
Coaticook (Coaticook)
9 165
8 660
375
(4,0 %)
40
(0,4 %)
Lac-Mégantic
(Le Granit)
5 825
5 740
30 (2,1 %)
15 (3,5 %)
Windsor
(Val-St-François)
5 330
5 290
165
(3,0 %)
10
Stanstead
(Memphrémagog)
2 755
1 250
1 465 (53, 1%)
40
Ayer’s Cliff (Memphrémagog)
1 045
590
445 (42,5 %)
10
Hatley (Memphrémagog)
760
440
270 (35,5 %)
30
Ogden (Memphrémagog)
755
365
375 (49,8 %)
15
Potton (Memphrémagog)
1 820
930
785 (43,1 %)
100
Force est de constater que les anglophones
sont proportionnellement plus nombreux dans certains petits villages ou
les petites municipalités : Stanstead (53 %), Ayerr's Cliff (42 %), Ogden (49 %), Potton
(43 %), etc. Néanmoins, on compte plus d'anglophones dans la seule ville de
Sherbrooke (6235) que dans tous les autres villes et villages réunis (5300).
Précisons aussi que l'ancienne ville de Lennoxville (5400 habitants) a été
fusionnée en janvier 2002 à la ville de Sherbrooke, dont elle est devenue un
arrondissement.
Arrondissement
Ville de
Sherbrooke (2011)
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Lennoxville
5 400
2
450 (45,3 %)
2
435 ( 45,0 %)
450 (8,3 %)
Contrairement à ce que l'on pourrait
croire, l'arrondissement de Lennoxville n'est pas majoritairement
anglophone, car les deux communautés linguistiques sont numériquement à
égalité (45 %). Il reste encore plus de 3000 anglophones dans les autres
arrondissements de Sherbrooke : arrondissement de Mont-Bellevue (900 / 27
000 = 3,3 %), arrondissement de Fleurimont (710 / 39 000 = 1,8 %),
arrondissement de Jacques-Cartier (900 / 30 000 = 3,0 %), arrondissement de
Brompton (90 / 6000 = 1,5 %) et arrondissement de Rock
Forest-Saint-Élie-Deauville (705 / 30 300 = 2,3 %).
- (6) La région de Québec
(1,4 %)
La
sixième communauté importante est celle de la
région de Québec, appelée officiellement
«région de la Capitale nationale».
La région de la Capitale nationale
comprend les villes de l'agglomération de Québec, la ville de Lévis (en principe
dans Chaudière-Appalaches), ainsi
que les municipalités régionales de comté de la Jacques-Cartier (Lac-Beauport,
Valcartier, Stoneham, etc.), de la Côte-de-Beaupré (Boischatel, Château-Richer,
L'Ange-Gardien, Sainte-Anne-de-Beaupré, Saint-Joachim, etc.) et de l'île
d'Orléans.
Québec
(Recensement
2011)
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Ville de Québec
505 555
478 395 (94,6 %)
7 370
(1,4 %)
19 790 (3,9 %)
Région métropolitaine de
Québec
750 690
717 770 (95,6 %)
10 850
(1,4 %)
22 080 (2,9 %)
Lévis
136 535
133 905 (98,0 %)
1 350 (0,9 %)
1 285
(0,9 %)
Au recensement de 2011, la région
métropolitaine de Québec comptait
10 850 anglophones
sur une population totale de 750 690 personnes (à réponse unique), ce qui représente 1,4 % de la population de
cette région et 1,8 % de la population anglophone du Québec. En fait, la ville
de Québec, avec ses 7370 anglophones, abrite déjà 68 % des anglophones de la
région. Les autres, soit 3540, sont répartis dans les autres villes et
villages de la région. La communauté anglophone semble se fondre
graduellement dans la majorité francophone : ses membres sont pour la
plupart bilingues, ils parlent généralement français à la maison et au
travail, ils se marient, dans une proportion élevée, à un(e) partenaire
francophone, ils sont dispersés sur le territoire.
- Les autres régions
En 2011, relativement peu d’anglophones
habitaient les autres régions : Chaudière-Appalaches, Mauricie, Centre-du-Québec, Gaspésie/îles de la
Madeleine, (Gaspé, Percé, etc.: 10 %) et de la
Basse-Côte-Nord. Dans la Basse
Côte-Nord, les villages de Blanc-Sablon, de Harrington-Harbour, de Bonne-Espérance,
de Gros-Mécatina, de Saint-Augustin, de Chevery et de Côte-Nord du golfe-du-Saint-Laurent
constituent des majorités anglophones locales.
Municipalité (recensement
2011)
Basse-Côte-Nord
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Blanc-Sablon
1 118
315
740
(66,1 %)
5
Harrington Harbour
261
15
225
(86,2 %)
0
Bonne-Espérance
732
10
715
(97,6 %)
0
Gros-Mécatina
499
25
470
(94,1 %)
0
Saint-Augustin
478
10
455
(95,1 %)
5
Chevery
255
30
220
(86,2 %)
0
Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent
971
320
610
(62,8 %)
10
En
Gaspésie, les anglophones résident principalement à Gaspé (au nombre de
1695), mais aussi dans la baie des Chaleurs (Chandler, Newport, Carleton,
Port-Daniel, New Richmond), mais ils ne forment une majorité qu'à New
Carlisle (66,5 %).
Municipalité (recensement
2011)
Gaspésie
Population totale
Francophones
Anglophones
Allophones
Gaspé
15 030
13
090
1
695 ( 11,2 %)
55
Chandler
7 610
7 195
335
(4,4 %)
20
Newport
720
475
230 (31,9 %)
0
New Carlisle
1 240
415
825 (66,5 %)
5
Carleton
3 970
3 865
60
(1,5 %)
25
Port-Daniel
2 445
2 095
335
(13,7 %)
0
New Richmond
3 805
3 215
535
(14,0 %)
15
Dans les
îles de la
Madeleine (voir la carte particulière à ce sujet), les anglophones sont
concentrés dans les villages de Grosse-Île (540 hab.), d'Old Harry (300 hab.)
et de l'île d'Entrée (178).
Au total, on compte quelque 93
municipalités officiellement bilingues au Québec. Une municipalité est
considérée comme «bilingue», lorsqu'elle compte 50 % ou plus d'anglophones. Cela signifie
que, lorsqu'une municipalité possède ce statut, elle doit offrir des
services bilingues, et les formulaires administratifs doivent être disponibles en
anglais. Au fil des années, plusieurs municipalités ont vu leur nombre
d'anglophones baisser. Par exemple, sur les quinze anciennes villes de l'île
de Montréal (voir la carte) possédant un statut bilingue, seules six d'entre
elles possèdent aujourd'hui une majorité de citoyens anglophones:
Beaconsfield, Côte-Saint-Luc, Hampstead, Montréal-Ouest, Pointe-Claire et
Westmount. Cependant, l'Office québécois de la langue française n'a pas le
pouvoir de résilier le statut bilingue d'une municipalité, sauf à sa
demande. S'il existe 93 municipalités officiellement bilingues, il ne
subsiste en réalité qu'une soixantaine de municipalités majoritairement
anglophone.
Depuis le recensement de 2011, les allophones sont identifiés par «langues
non officielles», les langues officielles étant l'anglais et le français.
Les citoyens allophones forment un bloc disparate de plus d'une trentaine de
nationalités. Parmi les langues des groupes ethniques, en 2011, c'est
l'arabe (2,1 %) qui venait en tête, suivi de l'espagnol (1,8 %), de
l'italien (1,6 %), du créole (0,8 %), du chinois (0,6 %), du grec (0,5 %),
du portugais (0,5 %), du roumain (0,4 %), du vietnamien (0,4 %), du russe
(0,3 %), etc. À Montréal, 16,5 % des citoyens ont dit parler une langue
immigrante le plus souvent à la maison.
Même si, avec 10,7 %, la population
immigrée semble peu importante en regard de l'ensemble du Québec, elle l'est
beaucoup plus dans les faits lorsqu'on examine sa répartition sur le
territoire. En effet, les immigrants sont concentrés, dans une proportion de
88 %, dans la grande région de Montréal, contre 12 % pour le reste du
Québec. Toute analyse de la situation démolinguistique doit donc tenir
compte de cette réalité particulière.
Langue
maternelle (2011)
Nombre
Pourcentage de
la population de langue maternelle non officielle
Pourcentage de
la population totale
Arabe
164 390
15,7 %
2,1 %
Espagnol
141 000
13,4 %
1,8 %
Italien
121 720
11,6 %
1,6 %
Langues créoles
58 895
5,6 %
0,8 %
Chinois
43 160
4,1 %
0,6 %
Grec
42 780
4,1 %
0,5 %
Portugais
36 570
3,5 %
0,5 %
Roumain
32 230
3,1 %
0,4 %
Vietnamien
28 045
2,7 %
0,4 %
Russe
25 215
2,4 %
0,3 %
En effet, la région de Montréal (y compris la couronne sud) est aux prises avec
trois langues concurrentes: le français, l'anglais et les langues immigrantes,
alors que le reste du Québec est massivement francophone.
Malgré les
réticences de la part des nations autochtones, leurs langues sont
considérées par le gouvernement canadien comme une «langue non
officielle». Statistiquement parlant, ce sont des allophones. En
2006, les peuples autochtones du Québec constituaient un groupe
hétérogène d'environ 71 000 individus, soit environ 1 % de la
population québécoise, mais 9 % de la population autochtone du
Canada. Le tableau suivant présente la situation linguistique des
peuples autochtones du Québec et le nombre de ceux qui parlent leur
langue ancestrale:
Même s’ils ne
comptent que 1 % de la population totale du Québec, les
autochtones constituent le cinquième groupe ethnique après les
communautés française, britannique, italienne et juive. Les
Anénaquis, les Malécites, les Hurons et les Mohawks ne parlent
plus leur langue ancestrale comme langue maternelle. On peut
consulter la section réservée aux nations autochtones du Québec
:
Les droits linguistiques des autochtones.
En ce qui a trait au taux de bilinguisme français-anglais au Québec, il
avait en 2001 atteint
66,1 % chez les anglophones, 50,4 % chez les allophones (souvent un
trilinguisme) et 36,5 % chez les
francophones. Dans tout le Canada, le taux de bilinguisme atteignait 17,7 % en
2001, toutes langues confondues. Ces résultats semblaient conformes à la tendance des majoritaires
francophones pour qui le bilinguisme paraît moins une nécessité que les
minoritaires (anglophones et allophones).
Taux de bilinguisme des provinces les plus
francophones
Recensement de 2001
Anglophones
Allophones
Francophones
Ontario
8,2 %
6,8 %
89,4 %
Nouveau-Brunswick
15,0 %
17,5 %
71,5 %
Québec
66,1 %
50,4 %
36,5 %
Depuis le recensement de 2001, le taux de bilinguisme a
augmenté chez les anglophones. On sait que, en 2005, quelque 54 % des Québécois ne
parlaient que le français et que 5 % ne parlaient que l'anglais. Au
recensement de 2006, 40 ,6 % des Québécois étaient bilingues (voir le tableau
ci-dessous).
La communauté anglophone demeure l'une des plus bilingues du Canada, avec
un taux de bilinguisme de 66,1 %. Par ailleurs, les jeunes anglophones ont un
taux de bilinguisme plus élevé que la moyenne de leur communauté. Selon les
données du recensement de 2001, près de 80 % (79,5 %) de la population
anglo-québécoise, âgée entre 15 et 39 ans, est bilingue.
Mais le taux de bilinguisme apparaît très variable selon les
régions administratives. S'il atteint plus de 50 % en Outaouais et dans la
région de Montréal, il baisse à plus de 40 % dans les Laurentides (couronne nord
de Montréal) et en Montérégie (couronne sud) pour atteindre moins de 20 % au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le Bas-Saint-Laurent et sur la Côte-Nord. Dans
toutes les autres régions le taux de bilinguisme oscille entre 20 % et 40 %.
Recensement de 2006
Nombre
Individus bilingues
Pourcentage des bilingues
07 Outaouais
338 190
200 020
59,1
%
06 Montréal métropolitain
1 823 905
1 020 765
56,0
%
13 Laval
364 625
198 980
54,6
%
16 Montérégie
1 339 800
591 305
44,1
%
15 Laurentides
506 075
212 585
42,0
%
05 Estrie
293 955
109 890
37,4
%
03 Capitale nationale (Québec)
649 605
208 270
32,1 %
14 Lanaudière
425 205
134 075
31,5
%
08 Abitibi-Témiscamingue
141 865
37 825
26,7
%
11 Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
93 175
21 405
23,0
%
04 Mauricie
252 925
56 605
22,4
%
10 Nord-du-Québec
39 550
8 815
22,3
%
12 Chaudière-Appalaches
387 305
80 995
20,9
%
17 Centre-du-Québec
219 640
44 625
20,3
%
02 Saguenay–Lac-Saint-Jean
269 210
42 850
15,9 %
01 Bas-Saint-Laurent
196 040
30 540
15,6 %
09 Côte-Nord
94 775
18 265
19,3
%
Le Québec
7 435 900
3 017 860
40,6 %
Au
recensement de 2011, 42,6 % des Québécois se sont déclarés bilingues
(français-anglais), mais 51,8 % ont affirmé ne parler que le français et 4,7 %, que
l'anglais. À Montréal (2011), 57,7 % des locuteurs de la Ville de Montréal se sont déclarés bilingues,
mais 28,0 % des francophones ne parlaient que le français, contre 11,8 % pour l'anglais
chez les anglophones. Seuls 2,6 % des habitants de Montréal ne parlaient ni le
français, ni l'anglais. Lorsqu'on tient compte de toute l'île de Montréal, 53,9
% des locuteurs se sont déclarés bilingues, mais 37,0 % des francophones ne
parlent que le français, contre 7,4 % pour l'anglais chez les anglophones.
Dans l'ensemble du Québec,
les anglophones sont deux fois plus bilingues
(88,2 %) que les francophones (36,2 %) et les allophones (41 %).
Parmi les bilingues, ce sont les groupes d'âge entre 20 et 64 ans
qui maîtrisent davantage les deux langues.
Taux de bilinguisme
anglais-français selon la langue maternelle et le groupe d'âge, Recensement de
2011
Groupe d'âge
Total
Anglais
Français
Autre langue
Total
Statistique Canada 2011
37,1 %
88,2 %
36,2 %
41,0 %
0 - 19 ans
20,9
%
81,8 %
20,2 %
20,8 %
20 - 44 ans
54,8
%
90,3 %
54,5 %
50,5 %
45 - 64 ans
33,7
%
90,6 %
32,6 %
40,4 %
65 ans et plus
26,6
%
84,9 %
25,5 %
34,2 %
Ainsi, d'après ce tableau, la communauté anglo-québécoise
est celle qui est la plus bilingue au Québec.
Si le poids démographique des francophones constitue un facteur important
pour assurer un avenir du français au Québec, il n'en fait pas
nécessairement une garantie. Il faut que ce poids demeure au moins stable ou
puisse même augmenter.
Consultons la figure de gauche «Orientation
des transferts linguistiques effectuée par la population
immigrée allophone au Québec, selon la période d'immigration».
Un transfert linguistique correspond à l'utilisation d'une
langue autre que la langue maternelle le plus souvent à la
maison.
En additionnant les cas de transferts
linguistiques du français vers l'anglais ou de l'anglais vers le
français, nous constatons que, parmi les immigrants arrivés
entre 1996 et 2001 qui ont adopté l'une des langues de leur
communauté d'accueil, 73,8 % d'entre eux avaient choisi le
français.
Avant 1971, cette proportion n'était que
de 31,7 %. Ainsi,
il faut constater que, en une trentaine
d'années, le Québec a réussi à inverser la tendance des
transferts linguistiques qui avantageaient l'anglais.
Il faut néanmoins noter que la façon sont compilées les statistiques peut
fausser les résultats à ce sujet. Par exemple, le Québec sélectionne une
importante quantité d’immigrants dits «francophones», mais de langue maternelle
«autre». Ainsi, un Haïtien a le créole comme langue maternelle, mais étudie en
français en Haïti et arrive au Québec en partie déjà «francisé». Traiter dans
tel cas de «transfert linguistique» est abusif, car cet individu avait déjà le
français comme langue d’usage. De plus, les immigrants anglicisés ont tendance à
quitter le Québec vers d’autres provinces, ce qui a pour effet de gonfler le
pourcentage des transferts vers le français. En fait, pour pour assurer la
stabilité de deux grands groupes linguistiques, il faut que la totalité des
allophones effectue un transfert à 85 % au moins vers le français et 15 % vers
l’anglais.
Dans les autres provinces canadiennes, le taux de transfert linguistique des
francophones vers l'anglais est en hausse continuelle depuis 1971. Ainsi, en
2006, une proportion de 39 % des francophones parlaient l'anglais le plus
souvent à la maison, comparativement à 38 % en 2001, à 35 % en 1991 et à un peu
moins de 30 % en 1971.
Si l' ajoute à ces immigrants allophones les nombreux francophones venus des
autres provinces canadiennes, dont plusieurs choisissent de poursuivre leurs
études universitaires en français au Québec, qui y demeurent pour des raisons
personnelles et/ou professionnelles, nous pouvons identifier un autre apport non
négligeable à la composante francophone du Québec.
Il y a assimilation linguistique lorsque des locuteurs changent de langue
maternelle pour une autre. Le processus peut se faire individuellement ou
collectivement. Par exemple, une communauté linguistique apprend une seconde
langue, devient bilingue et finit par n'utiliser que la seconde, en laissant
tomber la première. Si la première langue n'était parlée que par une seule
communauté qui, pour diverses raisons, l'abandonne, on peut parler de «langue
morte». Qu'en est-il des Québécois francophones et anglophones? Le tableau qui
suit présente l'assimilation réalisée au Québec entre deux recensements, tant
pour l'anglais que pour le français.
Nous pouvons constater que deux paires de recensements sur
trois témoignent que l'anglais a davantage assimilé que le français.
L'avantage que le français, parmi la cohorte des 20-39 ans, semblait avoir
détenu en matière d'assimilation entre 1991 et 1996 s'est volatilisé par la
suite. L'anglais a dominé le français entre 1996 et 2006. Pendant que le
français a gagné 2700 locuteurs entre 1991 et 1996, il en a perdu 1010 entre
1996 et 2001 et 2200 entre 2001 et 2006. Autrement dit, le pouvoir
d'attraction du français, même au Québec, demeure plus faible que
celui de l'anglais, du moins parmi les 20-39 ans.
2 La réalité montréalaise
Dans les faits, la situation démolinguistique de Montréal est
différente du reste du Québec. En moyenne, les Anglo-Québécois forment 7,7 % de
la population du Québec, contre 78,1 % pour les francophones et 12,3 % pour les
allophones. Dans les régions du Québec, si l'on fait exception de la couronne
sud (la Montérégie) où ils représentent 7,8 % de la population locale, les
anglophones demeurent peu nombreux un peu partout au Québec.
Cependant, ils forment 11,6 % de la population de la Région métropolitaine de
Montréal, 17,4 % de l'île de Montréal, 13,2 % de la ville des arrondissements de
Montréal et 46,2 % des municipalités de l'île (moins Montréal).
Francophones
Anglophones
Allophones
Total
Province
de Québec
6 102 210 (78,1 %)
599 230 (7,7 %)
961 700 (12,3 %)
7 815 955
Région
métropolitaine de Montréal
2 395 525 (63,2 %)
439 845
(11,6 %)
832 245 (21,9 %)
3 785 915
Île de
Montréal (villes et arrondissements)
874 435
(49,0 %)
309
885 (17,4 %)
601 610 (33,7 %)
1 785 935
Ville de
Montréal (arrondissements)
818 970
(52,4 %)
206
210 (13,2 %)
536 560 (34,4 %)
1 561 740
Municipalités (moins Montréal)
55 460
(24,7 %)
103 665 (46,2 %)
65 055 (29,0 %)
224 180
Le tableau
suivant, intitulé Population
selon la langue maternelle, région métropolitaine de recensement (1991-2011),
montre que dans la Région métropolitaine de Montréal les anglophones sont
passés de 14,5 % en 1991 à 11,6 % en 2011, puis dans l'île de Montréal de 19,4 %
à 17,4 % (voir la carte des arrondissements et
municipalités). En réalité, ce sont les allophones qui ont progressé:
dans la grande Région métropolitaine, ils sont passés de 16,8 % en 1991 à 25,1 % en
2011. Dans l'île de Montréal, de 24,7 % en 1991, ils ont grimpé à 33,7 % en
2011. Les langues immigrantes les plus parlées à Montréal sont l'arabe (3,6 %)
l'espagnol (3 %), l'italien (3 %); les langues chinoises (1,6 %) et les langues
créoles (1,4 %), le grec (1,2 %), le vietnamien (1,1 %), le portugais (1,0 %),
le russe (1,0 %), le roumain (1,0 %), le tagalog (filipino), le persan (farsi),
le tamoul, le polonais, le bengali, etc. Quant aux francophones, ils sont
devenus minoritaires en 2011 (49 %).
Bien qu'il y ait des anglophones dans toutes les régions du Québec, c'est la
région métropolitaine de
Montréal, qui compte le plus de locuteurs anglophones, puisqu'elle rassemble
73,4 % de tous les Anglo-Québécois. La région
métropolitaine de recensement de Montréal comprend la ville de Montréal et les
autres villes de l’île de Montréal, la ville de Laval, les villes dites de la couronne
nord (jusqu’à Saint-Placide, Saint-Jérôme, Mascouche et l’Assomption), la ville
de Longueuil et le reste de la couronne sud (jusqu’à Hudson, Beauharnois,
Saint-Isidore, Saint-Constant, La Prairie, Chambly, Mont-Saint-Hilaire, Beloeil
et Varennes). La Communauté
métropolitaine de Montréal compte 3,6 millions d'habitants répartis dans 82
municipalités, ce qui correspond à 46,1 % de la population du Québec.
L'île de Montréal compte 15
municipalités de banlieue et une ville, Montréal, partagée en 19
arrondissements. Dans la ville de Montréal et ses arrondissements (voir
la carte particulière des municipalités et arrondissements), les anglophones forment en moyenne 17,4 % de la population.
Ils sont minoritaires dans tous les arrondissements, y compris dans
l'arrondissement Pierrefonds-Roxboro, le plus anglophone avec 32,6 % de la
population. Dans l'ouest de l'île de Montréal, appelé aussi le West Island,
les anglophones forment souvent des majorités linguistiques locales dans la
plupart des municipalités (voir les
tableaux):
De façon générale, le Québec subit une certaine «montréalisation»,
tant au point de vue économique que culturel et linguistique, dans ces domaines,
entre autres, tout se décide à
Montréal. La norme du Québec est dictée par les médias, les bureaux d'affaires
et les décideurs de Montréal. C'est la seule ville du Québec bénéficiant d'une forte immigration,
ce qui lui donne un caractère cosmopolite et dynamique. Par comparaison, toutes
les autres villes du Québec ont l'air de plus ou moins gros villages, y compris
Québec, la capitale provinciale. C'est pourquoi Montréal
n'a aucune rivale au Québec et seule la ville de Toronto (en Ontario) lui ravit son titre de
plus grande ville du Canada.
Comme on le constate,
au plan
strictement numérique, les francophones sont largement majoritaires
dans l'ensemble du Québec (78,1 %). Ils étaient encore majoritaires dans
la région métropolitaine (68,1 %) en 2001, mais cette majorité était en net
déclin et elle était appelée à se réduire inexorablement. Le démographe Marc
Termote prévoyait que, selon le scénario le plus plausible, les francophones ne
formeraient plus que 50 % de la population de l’île en 2006, puis 48,8 % en
2011. Or, selon les données du recensement de 2011, publiées par Statistique
Canada, les Montréalais de langue maternelle française ne comptaient que pour 49
% de la population de l'île de Montréal. La situation de Montréal apparaît donc
préoccupante, car cette ville compte un important pourcentage de la population
totale du Québec, soit près de deux millions de personnes.
Dans ces conditions, l’avenir de la francisation deviendra
plus hypothétique que réalisable, car la masse critique de francophones dans les
écoles paraîtra insuffisante. Néanmoins, les anglophones continueront de former
environ 17 % de la population de l'île de Montréal. Ce sont les communautés
allophones qui s’enrichissent du changement. Selon le démographe Marc Termote:
«Tous les facteurs démographiques jouent contre le français.» Il cite la
sous-fécondité, l'immigration (non francophone) et l'étalement urbain, auxquels
il faudrait ajouter l'abandon du français par les francophones et les allophones
au profit de l'anglais.
- La sous-fécondité
La sous-fécondité
constitue probablement la cause la plus importante du déclin du français à Montréal: les francophones
de Montréal (1,3 enfant par femme) ont une fécondité non seulement inférieure aux allophones
(environ 1,6), mais également
inférieure aux anglophones (plus de 1,3 enfant) et aux francophones de l'ensemble du
Québec (1,5 enfant). De plus, le pourcentage de l'utilisation du français
à la maison dans la région de Montréal a baissé au profit de l'anglais:
Langue la plus
souvent utilisée
à la maison
Anglais
Français
Autres
2006
23,9 %
52,6 %
19,0 %
Variation par
rapport à 2001
+ 3,8 %
- 1,7 %
+ 13,9 %
La proportion des francophones de Montréal est en déclin et
elle continuera de décroître. Selon le démographe Michel Paillé, un ancien
membre du Conseil de
la langue française, la proportion totale des francophones de l'île de Montréal
était de 61,5 % en 1971. Cette proportion diminue sans cesse: de 60,1 % en 1976,
elle était passée à 59,9 % en 1981 et 1986.
Proportion des francophones
de l'île de Montréal 1971-2011
Population
1971
1976
1981
1986
1996
2001
2011
Population totale
61,5 %
60,1 %
59,9 %
59,9 %
52,8 %
53,2 %
49 %
Écoliers montréalais
63,8 %
58,9 %
56,4 %
54,2 %
48,1 %
47,7 %
45 %
Sources: Michel PAILLÉ, Nouvelles tendances
démolinguistiques, 1981-1996, Conseil de la langue française,
"Notes et documents" no 71, Québec, 1989, p. 107 (d'après
Statistique Canada 1986 et 2011).
Mais la proportion
des écoliers francophones diminue encore davantage que la population en général.
Le pourcentage d'écoliers de langue maternelle française dans l'île de Montréal
est passé de 63,8 % en 1971, à 58,9 % en 1976, à 56,4 % en 1981, à 54,2 % en
1986, et à 48,1 % en 1991, puis à 47,7 % en 2000; les projections étaient de 45
% pour 2011. Les analyses du démographe Michel Paillé montrent
que les écoliers francophones de 5 à 17 ans ne forment plus la majorité absolue
depuis 1990.
De plus,
entre 1980 et 1990 seulement, dans la
région métropolitaine, il y a eu une diminution de 7,7 % du nombre d'élèves
alors que 11 écoles ont été construites. Dans l'île de Montréal, il y a eu une
diminution de 20 % du nombre d'élèves et la fermeture de 32 écoles. Dans ces
conditions, non seulement il faut construire de nouvelles écoles primaires à
proximité des quartiers récents qui se développant en banlieue, mais des
infrastructures toujours fonctionnelles ou pouvant être rénovées à moindres frais
au cœur de la ville de Montréal se
trouvent délaissées, ce qui entraîne des coûts élevés à supporter pour la
collectivité. Bref, la migration des familles du centre de l'île de Montréal
vers la banlieue engendre des coûts très élevés en infrastructures et en
équipements, ainsi qu'en matière de langues.
Dans les années à venir, c'est la population totale des francophones,
déjà minoritaire en 2011 (49 %), le deviendra encore davantage. Dans ces conditions,
lavenir de la francisation deviendra plus hypothétique que réalisable.
Lorsqu’on observe la langue d’usage à la maison, le français est nettement en
déclin, mais ce n'est pas au profit de l’anglais, car ce sont les autres
langues, comme l’arabe ou l’espagnol, qui gagnent du terrain.
Ce
n'est pas tout. L'île de Montréal est partagée en trois communautés
linguistiques: les francophones, les anglophones et les allophones. La partie est
de l'île est
majoritairement francophone; l'Ouest, majoritairement anglophone. La couronne
nord, soit les municipalités au nord de l'île, et la couronne sud, les
municipalités situées au sud de
l'île, sont massivement francophones, avec de petites communautés anglophones.
L'enjeu linguistique se joue donc sur l'île de Montréal. En réalité, plus on
s'approche du centre de l'île, plus la force d'attraction de l'anglais augmente,
car elle est plus forte que celle du français. Il n'y a qu'à Québec et dans les
régions où le français exerce une force d'attraction supérieure à l'anglais,
sauf dans l'Outaouais.
C'est pourquoi le démographe Marc Termote se montre plutôt pessimiste et prédit
le «déclin inéluctable du groupe francophone» dans un avenir prévisible.
Enfin, la ville de Montréal souffre d'un dépeuplement de son
centre au profit de la banlieue: c'est le «trou de beigne». En effet, depuis
2001, la ville a perdu quelque 20 000 citoyens par année, qui sont partis dans les couronnes nord
et sud, pour un total en dix ans de plus de 200 000 personnes. Pendant ce temps, quelque 50 000 personnes ont quitté les régions
périphériques déjà faiblement peuplées au profit des régions centrales
(Montréal, Québec, Gatineau, etc.). La ville de Montréal semble
incapable de freiner l'impressionnant exode des jeunes familles de la classe
moyenne. Bon an, mal an, plus de 40 % de ces familles quittent l'île pour la
banlieue, ce qui creuse toujours un peu plus le déficit migratoire de Montréal.
Ce lent déclin démographique entraîne avec lui la diminution de l’assiette
fiscale de Montréal, en plus de contribuer au dépérissement des artères
commerciales, à la réduction de l’offre de services, à l’homogénéisation des
quartiers, au recul du français et à l’augmentation de la circulation sur l’île.
Bref, rien pour freiner l'exode! Pendant que le centre même de la région
métropolitaine se dévitalise et se paupérise, tout le Québec voit sa locomotive
économique ralentir lentement mais sûrement.
- L'immigration
L'immigration constitue un autre facteur qui contribue à la
minorisation des francophones sur l'île de Montréal. Or, plus le nombre
d'immigrants non francophones augmente, plus le pourcentage des francophones baisse sur l'île, étant
donné que la plupart des immigrants allophones vont s'installer à Montréal. Avec
une moyenne de plus de 40 000 immigrants par année, le français devient moins attractif
et la minorisation des francophones est atteinte plus rapidement dans l'île. Depuis
les années 1980, la population de langue maternelle française dans
l'île de Montréal a diminué de 100 000 personnes. Au cours de cette période, le
nombre d'allophones a augmenté de 280 000.
En 2007, par exemple, l'île de Montréal a accueilli à elle
seule 32 600 immigrants, auxquels il faut ajouter la ville de Laval, la couronne sud et la
couronne nord (voir la carte), ce qui fait un total de 38 000 personnes. Au cours de la même
période, le reste du Québec n'en recevait que 7100. Bref, la région de Montréal
attire cinq immigrants sur six; la grande majorité d'entre eux choisit de
s'installer dans la ville centre sur l'île de Montréal. Or, depuis toujours,
Montréal a toujours été le premier choix des immigrants qui sont venus
s'installer au Québec. Ainsi, entre 1987 et 2007, le Québec a accueilli 754 000
immigrants. De ce nombre, 625 000 ont élu domicile dans la région de Montréal,
dont 527 000 dans l'île même. En moyenne depuis vingt ans, 83 % des nouveaux
arrivants s'installent à Montréal. Depuis deux décennies, Montréal reçoit en
moyenne 31 300 immigrants par année, pendant que la ville de Québec en accueille
seulement 2000. Dans les autres villes, les taux d'immigration sont faméliques.
Depuis plus de vingt ans, la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a reçu en
moyenne 290 immigrants par année; la Mauricie, 230; le Bas-Saint-Laurent, 71;
l'Abitibi-Témiscamingue, 45; la Côte-Nord, 28; la Gaspésie, 20. Bref, la grande
force d'attraction de Montréal auprès des immigrants internationaux ne permet
pas l'arrivée de nouveaux arrivants dans les régions. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner de la minorisation
des francophones de Montréal. La tendance est appelée à
s'accentuer. Au rythme où la situation démographique évolue, les
élèves francophones sur l'île de Montréal ne seront plus que 29%
en 2026.
Auparavant, les rapports de force se faisaient entre le
français et l'anglais, mais ce n'est plus la cas aujourd'hui, puisque le jeu se
joue à trois: les francophones, les anglophones et les allophones. Selon toute
probabilité, l'avenir du français à Montréal repose en partie sur les allophones
qui adopteront éventuellement le français comme langue maternelle. Cependant, ce
genre d'intégration se fait à long terme et concerne surtout les immigrants dont
la langue, de souche latine, est proche du français comme l'espagnol, le
portugais ou l'italien. D'ci là, les autres facteurs démographiques — la
dénatalité et l’étalement urbain — continueront de faire régresser le poids
démographique des francophones sur l’île.
En effet, depuis 1985, l'accroissement
des non-francophones de l'île de Montréal étant plus rapide que celui de la
majorité francophone, la minorisation paraît inévitable: «En d'autres termes, on
compte deux fois plus d'immigrants non francophones qui choisissent de
s'installer dans l'île de Montréal que d'accouchements de Montréalaises
francophones» (Michel PAILLÉ). La situation des francophones sera bientôt trop
fragile pour permettre au Québec d'intégrer les immigrants au français. En 2006, plus de la moitié des élèves fréquentant les écoles
publiques de l'île de Montréal, soit 51,1 %, étaient nés à l'étranger ou avaient un
parent né ailleurs. La langue maternelle du tiers de ces enfants (36,0 %) n'est
ni le français ni l'anglais. L'espagnol, l'arabe, l'italien, le créole et le
chinois sont les langues les plus courantes. C'est dans les conseils scolaires
de l'ouest de l'île que la population allophone croît le plus. Plus de la moitié
des élèves nés à l'étranger vivent dans une zone défavorisée. Or, tout
affaiblissement de la majorité francophone de Montréal entraînera un arrêt de la
croissance des francophones dans l'ensemble du Québec.
Pour que
l'intégration des immigrants soit possible, il faudrait, entre autres
conditions, au moins maintenir la population francophone largement majoritaire
(par exemple à 60 %). Pour le démographe Michel Paillé, la capacité d'accueil de l'île de
Montréal se limiterait alors à 10 000 immigrants non francophones par année. Il
faudrait faire en sorte que les immigrants s'installent ailleurs au Québec, ce
qui n'est pas une mince tâche dans la mesure où les tentatives en ce sens
ont jusqu'ici presque toujours échoué.
- L'étalement urbain
L'étalement urbain
demeure aussi l'une des causes de la minorisation des francophones sur l'île de
Montréal. Depuis quelques décennies, beaucoup de francophones habitant l'île se
sont installés dans la banlieue, ce qu'on appelle la
«couronne nord»
ou la
«couronne sud». Plus de 50 % des habitants de la région de Montréal vivent
maintenant en dehors de l'île.
L'étalement
urbain a pris naissance quand la mode du béton et des autoroutes ont fait fureur
au cours des années 1960. Grâce à ces liens routiers, les villes de Laval, de
Longueuil, de Sainte-Thérèse, de Terrebonne, etc., ceinturant Montréal sont
devenues des choix logiques et faciles d'accès, avec comme conséquence qu'ils ont fait baisser la proportion des francophones
dans l'île. Selon le professeur Marc Termote: «Les allophones sont très
concentrés dans les zones urbaines. Ce ne sont pas eux qui s’installent en
banlieue.» De fait, ce sont essentiellement les francophones qui s'installent en
banlieue, alors que la plupart des allophones choisissent l'île de Montréal, ce
qui met progressivement le français en déficit. La classe moyenne,
c'est-à-dire les familles avec enfants, semble poursuivre
inexorablement sa migration vers la banlieue, Montréal appartiendra
de plus en plus aux anglophones, aux immigrants, aux couples sans
enfants, aux très riches et aux très pauvres.
Par conséquent, la Région métropolitaine de
Montréal devient de plus en plus multilingue au même moment où les francophones
désertent l'île vers la banlieue. Les résultats du recensement de 2011
témoignent du recul du français (et de l'anglais) dans les grands centres
urbains comme Montréal. Le multilinguisme est donc en pleine expansion à
Montréal en raison de l'immigration qui est à l'origine de la croissance
démographique du pays. Bien que le français et l'anglais constituent toujours la
langue maternelle de la majorité des citoyens de la grande région de Montréal
— respectivement 64,5 % et 12,5 % —,
une proportion de 23 % de la population de la région a une langue maternelle
étrangère. Il s'agit d'une augmentation par rapport à la proportion de 21,8 % du
recensement de 2006. Sans une masse critique importante de francophones de
souche, les immigrants n'auront vraisemblablement aucun intérêt à se franciser.
Si les immigrants croisent de moins en moins de francophones et si la classe
moyenne francophone instruite, celle qui pourrait leur servir de modèle, diminue
constamment au profit de la banlieue, il ne restera pas suffisamment de
francophones à qui parler.
En somme, à
la sous-fécondité des francophones s'ajoutent une forte immigration
internationale et un étalement urbain qui pousse les francophones à habiter la
banlieue (les «couronnes») de Montréal. Quelles que soient les mesures pour
franciser les immigrants, il deviendra difficile de compenser l'exode et
l'infécondité de dizaines de milliers de francophones de souche. Pendant tout ce
temps, le Québec continue de vivre avec un énorme déficit de natalité chez les
francophones, il continue de recevoir une proportion importante d'immigrants non
francophones et l'étalement urbain se poursuit. Autrement dit, le Québec
semble vivre une situation particulière. Selon Marc Termote: «C'est la seule
société où l'évolution linguistique met en danger la langue officielle de la
population.» Pour le démographe, il ne sera pas facile de renverser les
tendances lourdes au Québec. Il apparaît inutile de favoriser la fécondité des
francophones sans choisir des critères de discrimination (des primes uniquement
aux mères francophones?); il est quasi impossible de contrer l'étalement urbain,
alors que les Montréalais ont choisi d'aller s'établir en banlieue. L'une des
seules solutions consiste à miser sur une immigration encore plus francophone.
Sans nul doute, il s'agit d'un des seuls leviers sur lequel le gouvernement
québécois peut vraiment agir.
Une étude réalisée en mai 2009
par des économistes du Mouvement Desjardins (premier groupe financier coopératif
en importance au Canada) démontre que le Québec s’achemine vers un cul-de-sac
démographique. Le vieillissement de la population devrait affecter le marché du
travail, ralentir l’économie et exercer une pression énorme sur les finances
publiques. Le recours à l’immigration et la participation accrue des
travailleurs ne feraient que reporter de quelques années le déclin économique.
Au mieux, si la productivité augmentait encore, il y aurait une croissance
économique annuelle de 1,5 % au cours des dix prochaines années. Dans ce
contexte, les acquis sociaux des Québécois risquent d’être mis à rude épreuve.
Les auteurs de l’étude recommandent la mise en œuvre de réformes en s’inspirant
du modèle européen: par exemple, l'augmentation progressive de l’âge de la
retraite, la réduction de la taille de l’État et la révision du régime de
pension publique.
Le cas du Québec n’est cependant pas unique
: d’autres pays industrialisés, par exemple le Japon et certains pays d’Europe,
ont déjà commencé à subir les effets du vieillissement de leur population. La
progression de l’économie y a par conséquent ralenti, ce qui confirme que le
Québec, sans être condamné à la décroissance, devra bientôt composer avec une
cadence économique moins soutenue.
- L'abandon du français par les francophones
et les allophones
Les effets combinés de la sous-fécondité, de
l'immigration et de l'étalement urbain ont pour effet de favoriser l'abandon du
français au profit de l'anglais dont le pouvoir d'attraction demeure encore très
fort. Selon le démographe
Charles Castonguay, des locuteurs francophones et allophones, surtout dans
l'ouest de l'île de Montréal, abandonnent le français au profit de l'anglais:
Actuellement le vent de l'assimilation des francophones hors Québec
souffle jusque dans l'île de Montréal. Il ne faut pas se surprendre
que dans l'ouest de l'île, où le bilinguisme dans l'affichage est
très présent, 6,9 % des francophones abandonnent le français. Et que
le même vent d'assimilation, dans son tourbillon, emporte avec lui
46 % des allophones.
Du fait qu'une partie de la population
francophone et allophone effectue un transfert vers l'anglais comme langue
d'usage a pour effet d'augmenter le poids des anglophones comme langue
d'usage.
En 1971, 20 000 francophones et 67 000
allophones (pour un total de 87 000) s'étaient anglicisés contre
quelque 22 000 allophones francisés, ce qui laissait une
augmentation 65 000 nouveaux anglophones. En 2006, quelque 20
000 francophones et 158 000 allophones (pour un total de 178 000)
s'étaient anglicisés contre quelque 144 000 allophones francisés, ce
qui laissait une augmentation de 34 000 nouveaux anglophones.
Vitalité de
l'anglais et du
français
dans la région
de Montréal,
1971-2006
En 1971, l'anglais tirait de
l'assimilation un profit de 14,5 % de la population anglophone (langue
maternelle), alors que celui qu’en tirait le français ne représentait
qu’environ 1,2% de la population francophone. Autrement dit, le profit relatif de l’anglais s'élevait donc
à quelque 150 fois celui du français. En 2006, on devait s'attendre à un
changement radical en faveur du français en raison de l'application der la
Charte de la langue française. Le profit de l'anglais s'est élevé à 178 000
locuteurs (39,7 % de la population anglophone) et celui du français à 124
000 (5,2 % de la population francophone). Bref, le degré de domination
relative de l'anglais sur le français se trouve donc réduit à 8 à 1.
La domination de l'anglais remarquable dans la partie ouest
de l'île de Montréal. La population de ce territoire était en 2006 à 43 %
anglophone, 30 % francophone et 27 % allophone. L’anglicisation nette des
francophones se chiffrait à quelque 8000 locuteurs, ce qui correspond à 12 %
de la population francophone totale. Ajoutons que l'anglais supplante
également le français dans la partie de l'Outaouais à l'ouest de l'actuelle
ville de Gatineau. Avec une population presque également répartie entre
anglophones (53 %) et francophones (46 %), ces derniers accusaient en 2006
une anglicisation de quelque 16 % que la francisation d’allophones ne
peut compenser.
En général, la
population habitant à l'extérieur de la grande région de Montréal, sauf en
Outaouais, a tendance à
croire que la vulnérabilité du français constitue une réalité montréalaise qui
ne les concerne pas. Or, il est un fait indéniable que les jeunes Québécois quittent
massivement les régions éloignées pour s'installer dans les grands centres
urbains, notamment à Montréal. Par voie de conséquence, Montréal est devenu
l'échiquier sur lequel se jouera dans l'avenir le sort du français au
Québec et au Canada.
Il faut souligner que la région montréalaise est
devenue différente du reste du Québec au point où Montréal semble se dissocier
graduellement de l'ensemble de la société québécoise. Montréal se forge une
identité démographique et linguistique distincte par rapport au reste du
Québec. On parle même d'une «bruxellisation» de Montréal. Comme les Bruxellois
francophones, les Montréalais ne s'identifient que fort peu aux francophones de
la «province». Les Montréalais accusent les Québécois des régions de ne pas
comprendre la réalité identitaire de la métropole habituée à la diversité
linguistique, culturelle et ethnique. De leur côté, les Québécois résidant à
l'extérieur de Montréal
se méfient de la métropole. Hors de la zone métropolitaine, un sondage de juin
2005 révélait que de 60 % à 70 % des Québécois des régions rejetaient Montréal.
Il s'agit là
d'une profonde rupture entre la métropole et le reste du Québec. Le gouffre
d'incompréhension semble considérable. D'une part, les Montréalais manifestent une
indifférence un peu méprisante pour une «province» qu'ils ne connaissent pas,
d'autre part, les «provinciaux» se méfient d'une métropole qui leur
ressemble de moins en moins, tant par son rythme plus nord-américain que par son
caractère hybride, bilingue et multiethnique. Montréal est devenue une grosse
ville s'éloignant progressivement d'un Québec toujours tout aussi homogène.
La région de Montréal est donc appelée à demeurer un monde à part dans un Québec massivement francophone.
Le Québec «profond» continuera d'être homogène et de parler français, mais il
aura perdu sa métropole, c'est-à-dire sa locomotive économique, son principal
centre culturel et son unique foyer d’urbanité.
Le Québec continue de s'acheminer
vers deux populations de plus en plus indifférentes l'une de l'autre:
tandis que Montréal deviendra progressivement multilingue, le reste
du Québec demeurera à peu près exclusivement francophone.
Des crises sociales, linguistiques et politiques sont à prévoir
si le Québec ne sait pas gérer ce changement majeur.
Sans une métropole assurant une certaine universalité francophone, il faudra
accepter la provincialisation du reste de la société québécoise.
De plus, la question démographique au Québec ne
saurait être complète sans y ajouter les problèmes liés à la dénatalité et à
l'immigration, car ces deux réalités ont des incidences sur la démographie
québécoise.