Mais
les
rivalités franco-britanniques, déjà virulentes aux Antilles, se
propagèrent dans locéan Indien, et ce, dautant plus que les colonies
françaises de locéan Indien suscitaient la convoitise des Britanniques.
Comme ces colonies sétendaient sur une grande surface dans locéan
Indien, cest-à-dire tout larchipel des Mascareignes (île de France/Maurice,
île Bourbon/La Réunion et Rodrigues) et tout larchipel des Seychelles
située plus au nord (voir la carte
de l'océan Indien), elles nuisaient considérablement
au commerce anglais. En outre, pendant les guerres napoléoniennes, ces mêmes
colonies étaient devenues le rendez-vous des corsaires français qui organisaient
des raids fructueux contre les navires commerciaux britanniques. Il était
temps pour les Britanniques de mettre fin à lhégémonie française dans
locéan Indien.
|
En 1794, le chevalier
Jean-Baptise Queau de Quinssy devint gouverneur des Seychelles. Sa première tâche
majeure consista à arrêter l'invasion d'une escadrille navale britannique qui exigeait
de rendre les îles au nom de Sa Majesté britannique. De Quinssy capitula, mais hissa à
nouveau le drapeau français aussitôt les Anglais partis. Entre 1794 et 1811, les îles
Seychelles furent tantôt anglaises tantôt françaises. Le gouverneur De Quinssy répéta
son petit manège du changement de drapeau au moins une douzaine de fois entre 1794 et
1811, cest-à-dire chaque fois quun vaisseau anglais ou français se pointait
à lhorizon.
Les Seychelles
furent définitivement occupées par les Britanniques en 1810, mais elles ne furent
annexées à la Grande-Bretagne qu'en 1814, soit lors du traité de Paris. Selon les
clauses du traité, les Français perdaient
l’archipel des Seychelles et
l’archipel des Mascareignes à l’exception de la seule île Bourbon (La
Réunion) qui fut rétrocédée à la France.
|
3.2 La colonisation
anglaise
Bien que cédées à la
Grande-Bretagne, les Seychelles ne représentaient aucun intérêt économique en soi. Les
Anglais les administrèrent comme une dépendance de l'île Maurice (qui, rappelons-le,
était également devenue anglaise). Loccupation anglaise introduisait en principe
une nouvelle langue: l'anglais. Cependant, comme à
lîle Maurice, larticle 8 de le traité de Capitulation de 1810 spécifiait
que les colons franco-seychellois pouvaient conserver «leurs religion, leurs lois et
leurs coutumes». Même si le traité de Paris ne reprenait pas réellement cette
formulation, le nouveau gouvernement anglais, dirigé de lîle Maurice par le
gouverneur Robert Farquhar, admit que l'usage de la langue française constituait
lune de ces «coutumes» que les colons pouvaient maintenir. En devenant sujets britanniques, les colons
français des Seychelles pouvaient continuer à parler leur langue, utiliser leurs lois et
pratiquer leur religion. Cette concession semblait dautant plus facile que les
Anglais n'eurent jamais lintention dhabiter larchipel.
Quelques semaines après la signature de la capitulation, le nouveau
gouverneur britannique, Robert Townsend Farquhar (1870-1830), revient sur
les termes du traité. Il proclama l’obligation pour tous les habitants
français de l’île Maurice de prêter serment d’allégeance à la Couronne
britannique, sous peine d’expulsion, obligation qui valait aussi pour les
Seychelles. Pour les habitants, c'était une trahison. Alors que le traité de
Capitulation n'exigeait que la «soumission» à la Couronne et leur
garantissait ainsi le maintien de leurs droits civiques français, la
prestation du serment d’allégeance impliquait l'«obéissance» et la
«fidélité». Beaucoup de Français vécurent dans l’attente et l’espoir que les
colonies des Seychelles et de Maurice seraient rétrocédées à la France, mais
le traité de Paris de 1814 céda officiellement
ces îles de l'océan Indien à la
Grande-Bretagne, à l'exception de La Réunion qui retourna dans le giron
français.
Par la suite,
les Britanniques se
contentèrent denvoyer des administrateurs de lîle Maurice et virent à ce
que l'Union Jack flotte en bonne place dans lîle de Mahé aux Seychelles. Dailleurs,
cest Jean-Baptiste Queau de Quinssy qui devint le premier administrateur
«britannique» en raison de sa grande popularité à Mahé et de la bonne
volonté quil avait manifestée chaque fois quun vaisseau anglais avait
abordé lîle principale des Seychelles. En retour, de Quinssy modifia
«gracieusement» son nom en de Quincy et resta administrateur durant
treize
ans, soit jusquà sa mort survenue en 1827.
|
Au XIXe
siècle, le premier événement majeur fut l'abolition de l'esclavage en 1835. Dès
cette proclamation aux Seychelles, les 6500 Noirs libérés furent mis en apprentissage
chez leurs anciens propriétaires pour être intégrés graduellement dans la communauté.
Dès lors, le développement du créole seychellois fut définitif. Une autre
conséquence importante de labolition de lesclavage fut la modification de la
composition ethnique des habitants de larchipel. Dabord, après cette
abolition, beaucoup de colons franco-seychellois partirent en amenant leurs esclaves avec
eux.
Puis les Britanniques libérèrent aux Seychelles un grand nombre de bateaux
négriers en provenance d’Afrique; à partir de 1861, plus de 4000 immigrants
noirs d’Afrique débarquèrent aux Seychelles; ils
furent suivis dun petit nombre dIndiens, de Malais et de Chinois. Tous ces
habitants sintégrèrent à la population et lui donnèrent ainsi un caractère
africain plus prononcé que dans les autres colonies anglaises de locéan Indien.
|
La première mesure en
faveur de la langue anglaise date de 1841 lorsque le nom de la capitale, L'Établissement,
fut changé en Victoria en lhonneur de lhéritière au trône
dAngleterre née quelques années plus tôt, soit en 1837. La seconde mesure fut
dimposer lenseignement de la langue anglaise dans les écoles à partir de
1844, concurremment à lenseignement du français. Puis le gouvernement britannique
consentit au rétablissement officiel de l'Église catholique romaine en
1853. Jusquà ce moment-là, les enseignants continuaient denseigner en
français dans les écoles catholiques, mais il sagissait dune pratique
simplement tolérée. À partir de 1853, cet enseignement devint officialisé par le
gouvernement britannique, ce qui eut pour effet de valoriser la culture française dans
larchipel.
En somme, on peut dire
que, en ce qui a trait à la langue, les Anglais nont pas vraiment essayé, du moins
au XIXe siècle, dimposer leur langue ou leur culture, pas même leur
monnaie. Ainsi, devant le refus des Seychellois dutiliser la livre sterling, parce
qu'ils préféraient employer la roupie indienne qui faisait figure de leader
économique dans la région, les Anglais n'ont même pas insisté.
3.3 Vers
lindépendance
En 1903, les
Seychelles devinrent une colonie de la couronne indépendante de l'île Maurice (voir
la carte de l'océan Indien) et furent dotées dune assemblée locale. Puis, les
Seychellois commencèrent à sopposer à ladministration anglaise
et, en 1939, ils créèrent lAssociation des contribuables des Seychelles
destinée à faire valoir leurs revendications. Durant ce temps, l'administration
britannique avait réussi à mettre en place un système éducatif dans lequel
l'anglais avait gagné progressivement du terrain, car en 1944 l'anglais devint
la seule langue d'enseignement et le français fut relégué au rôle de matière
d'enseignement.
En 1964, la création de deux partis politiques nationalistes accentua les
rivalités avec la Grande-Bretagne. Les rivalités nationalistes saccrurent lorsque
Londres créa une nouvelle colonie comprenant les
îles d'Aldabra,
de Farquhar, de Desroches et
l'archipel des Chagos, et nommée les Territoires britanniques de l'océan Indien.
En 1970, le français fut supprimé dans les trois premières classes du
primaire. Il s'ensuivit une période assez confuse de changements linguistiques
avec un système scolaire à deux volets: l'une payante (les «Grammar Schools»)
fréquentées par les enfants de familles aisées et l'autre (les écoles de
paroisse) gratuite, et qui était fréquentée par la majorité des enfants du
pays. Sur le plan scolaire, les rapports officiels révélaient que les
résultat étaient très médiocres et le taux d'échec dans les écoles, très
élevé. Enfin, les Seychelles bénéficièrent d'une constitution particulière en 1970 et
accédèrent pacifiquement à l'indépendance le 29 juin 1976. Les îles d'Aldabra, de
Farquhar et de Desroches retournèrent aux Seychelles. L'année 1991 vit
l'adoption du multipartisme et des élections sont organisées le 23 juillet 1993. Aujourdhui, la république
des Seychelles est à la fois membre du Commonwealth et de la Francophonie.
4 Le
statut des langues
La
république des Seychelles est un État officiellement trilingue. Conformément à
larticle 4 de la
Constitution
de 1993, on compte trois langues nationales:
Article 4
1) Les langues nationales des Seychelles sont l'anglais, le créole et le
français.
2) Par dérogation au paragraphe (1), toute personne peut utiliser pour une
fin quelconque la langue nationale de son choix, sauf que l'utilisation de
l'une ou de plusieurs langues nationales peut être décrétée par une règle
de droit à certaines fins.
|
Même
si la Constitution proclame trois langues «nationales», équivalant au
statut de langues «officielles», celles-ci ne sont pas nécessairement placées sur un
pied d'égalité.
5 La
politique linguistique
En principe, la politique linguistique des Seychelles en est une de
trilinguisme, mais il ne s'agit pas d'un trilinguisme égalitaire dans lequel
toutes les langues officielles
—
le créole, l'anglais et le français
—
seraient à parité. Dans cette politique linguistique, il existe une hiérarchie
entre les trois langues, surtout depuis 1981. C'est cette année-là que la
politique linguistique du pays fut réorientée et précisée par le
gouvernement, notamment grâce au SPPF (le Seychelles People's
Progressive Front), le Front progressiste du peuple seychellois,
aussi appelé le Lepep ou Parti populaire (en anglais : People's Party).
Ce parti a été fondé en 1964, mais depuis 2006, les trois présidents de la
République successifs sont issus du Lepep.
Le créole, appelé dorénavant
seselwa, est devenu la première
langue nationale; l’anglais, la deuxième; le français, la troisième.
Cette politique visait avant tout le promotion du créole seychellois en
décidant d’en faire la première langue du pays. Dans les faits, c’est
comme si le créole était la seule langue parlée par tous et que l'anglais était
la seule langue de la
loi, des médias, du commerce et des affaires. Quant au français, bine qu'il soit
apparenté à la culture avec un grand «C», il est aujourd'hui peu utilisé et
son prestige semble au plus bas de l'Histoire.
5.1 Le domaine de la législation
Le Parlement seychellois est monocaméral et ne comprend que l'Assemblée
nationale (la National Assembly). Malgré l'officialisation des trois
langues, toutes les lois et tous les règlements ne sont rédigés, adoptés et
promulgués qu'en anglais. Certains documents officiels peuvent être parfois
traduits en français, mais il s'agit alors de traductions. Bien que les
trois langues officielles soient théoriquement autorisées à l'oral, le
créole demeure la langue véhiculaire exclusive. Cette pratique est conforme
à l'article 11 du
Règlement de l'Assemblée nationale des Seychelles (2009):
Article 11
Langue
Les travaux et les débats de l'Assemblée doivent être
en créole, mais un ministre ou un député
peut s'adresser à l'Assemblée en anglais ou
en français. |
Dans les faits, l'anglais est utilisé pour faire la lecture
lors d'un projet de loi ou lors d'une modification à une loi existante.
5.2 Les tribunaux
Au
Seychelles, les tribunaux relèvent de la Common Law anglaise issue du droit
anglais. Les articles 4 et 8 du
Code pénal (1955-2016)
nous le rappellent:
Article 4
Interprétation
Le présent code doit être interprété
conformément aux principes d'interprétation juridique obtenus en
Angleterre; les expressions, qui y sont employées sont présumées, dans
la mesure où elles sont compatibles avec le contexte et sauf disposition
contraire expresse pour être employées avec le sens rattaché en droit
pénal anglais, doivent être interprétée en conformité avec celui-ci.
Article
18
Sous réserve des dispositions
expresses du présent code ou de toute autre loi en vigueur aux
Seychelles, la responsabilité pénale dans l'exercice de la défense du
justiciable ou de la propriété est déterminée conformément aux principes
de la Common Law anglaise. |
Or, le droit anglais est par définition en lange anglaise. L'article 143 du
Code de procédure
pénale (1955) emploie l'expression «la langue de la cour» ("the language of
the court"), sans mentionner de quelle langue il s'agit, et ce, tant il est
évident que c'est l'anglais:
Article 143
Contenu du jugement
1) Sauf disposition expresse
contraire du présent code, tout jugement
doit être rédigé par le président de la
cour
dans la langue de la cour et doit
contenir le ou les points à déterminer,
la décision à prendre et les motifs de
cette décision, et
il doit être daté et signé par le président en audience publique au moment de
sa sentence. |
D'ailleurs, l'article 256 du
Code de procédure
pénale (1955) précise qu'un membre d'un jury doit connaître la «langue
anglaise» auquel cas le juge peut libérer un juré et poursuivre le procès :
Article 256
Absence d'un
juré
1) Si, au cours du procès, n'importe
quand avant la prononciation de la
sentence, un juré est empêché pour un
motif
suffisant d'assister à tout le long d'un procès,
ou si un juré s'absente lui-même et
qu'il n'est pas possible d'assurer sa présence,
ou s'il apparaît à la cour qu'un juré ne maîtrise
pas
la langue anglaise,
la cour peut, si elle le juge utile, libérer
celui-ci et poursuivre le procès, à
condition que le nombre des membres du
jury ne soit pas inférieur à sept. |
La Constitution de
1993 traite de la langue dans une procédure judiciaire. Ainsi, l'article 18
mentionne que toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être informée des
raisons de son arrestation ou de sa détention, au moment de son arrestation ou
de sa détention, dans une langue (si
possible) qu'elle comprend:
Article 18 Droit à la liberté
3) La personne qui est arrêtée ou détenue a le droit d'être
informée au moment de son arrestation ou de sa détention, ou à la
première occasion, dans une langue, si
possible, qu'elle comprend, des raisons
de son arrestation ou de sa détention, de garder le silence, d'avoir
recours à l'assistance d'un avocat de son choix et, dans le cas d'un
mineur, de communiquer avec son père, sa mère ou son tuteur.
|
L'article 19 de la Constitution
reprend la même disposition à cet égard:
Article 19 Droit à un procès équitable et public
2) Toute personne accusée d'une infraction :
a) est innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie ou
qu'elle n'a pas plaidé coupable;
b) est informée de façon précise, au moment de son inculpation ou à
la première occasion, de la nature de l'infraction reprochée
dans
une langue, si possible, qu'elle comprend;
f) bénéficie gratuitement, si possible, de l'assistance d'un
interprète afin de comprendre la langue
utilisée au procès;
|
Il en est ainsi à l'article 170 du
Code de procédure
pénale (1955):
lorsqu'une déposition est donnée
dans une langue qui n'est pas comprise par l'accusé alors qu'il est présent
physiquement, celle-ci doit être traduite en audience publique dans une langue
qu'il comprend:
Article 170
Interprétation de la déposition à l'accusé ou à son avocat
1) Lorsqu'une déposition est donnée dans
une langue
qui n'est pas comprise par l'accusé alors
qu'il est présent physiquement, celle-ci doit être traduite en audience
publique
dans une
langue qu'il comprend.
2) Si une déposition est présentée par l'avocat et qu'elle est
transmise
dans une autre langue
que l'anglais, et qu'elle n'est pas comprise par l'avocat,
elle doit
être traduite en anglais.
3) Lorsque des documents sont présentés à des
fins de preuve formelle, il est laissé à
la discrétion du tribunal de les
traduire s'il le juge nécessaire.
4) Lorsque la cour s'estime
convaincue de
maîtriser suffisamment
l'anglais, le français ou le créole,
elle peut, sans avoir recours à un
interprète assermenté, entreprendre la
traduction nécessaire en vertu du
présent article, ou par nécessité lors
d'une
enquête ou d'un procès, dans l'une des
langues susmentionnées qui sont connues
par la cour. |
Quoi qu'il en soit, il faut se rendre à l'évidence que la langue de la cour est
l'anglais et que le juge n'est pas tenu de connaître les trois langues
officielles, l'anglais étant suffisant. Toutefois, si le juge comprend le créole
et/ou le français, il peut procéder comme s'il s'agissait de l'anglais. Du
moins, c'est ce qu'indique l'article 171 du
Code de procédure
pénale (1955):
Article 171
Procédure pour
enregistrer la preuve devant le magistrat
Dans les enquêtes et les procès autres que les procès en vertu de l'article
173 par ou devant un magistrat, la
preuve des témoins doit être enregistrée
selon la procédure suivante ;
a) la déposition de chaque témoin
doit être consignée
par écrit en anglais par le
magistrat, ou en sa présence lors de
l'audience et sous sa direction et sa
surveillance personnelles, puis
signée par lui pour faire partie du dossier;
b) ces
dépositions ne doivent pas en
principe être rédigées sous forme de
questions et de réponses, mais sous
la forme d'un récit: à la condition que
le magistrat puisse, à sa
discrétion, annuler ou faire annuler
l'une des questions et des réponse
particulières
;
c)
lorsque la déposition
d'un témoin est transmise en français
ou en créole, le magistrat peut,
s'il est convaincu qu'il
maîtrise
suffisamment ces
langues, déposer ou faire retirer
les témoignages en anglais,
conformément aux dispositions des
paragraphes précédents sans
recourir à un interprète
assermenté.
|
En somme, dans les
tribunaux
ordinaires ou inférieurs, l’anglais et le créole sont les langues couramment
utilisées à l’oral, le français demeurant plutôt rare. Cependant, seuls
l’anglais et le français sont reconnus à l’écrit et sont d’égale valeur. Le juge
ne rend toutefois ses sentences qu’en anglais. Dans les causes criminelles, le
juge peut accepter les témoignages en français ou en créole s'il connaît
suffisamment ces langues, sans passer par un interprète assermenté.
D'après l'article 2 du
Règlement sur la Cour suprême (1963), la langue de la Cour suprême est
l'anglais, mais le juge peut accepter une déposition en créole ou en français
s'il maîtrise suffisamment ces langues, sinon il faut recourir aux services d'un
interprète:
Article 2
Dans toutes les causes criminelles devant la Cour suprême,
la déposition des témoins est inscrite de la manière
suivante:
a)
La
déposition de chaque témoin doit être consignée
par écrit en anglais par le
juge, ou en sa présence lors de l'audience
et sous sa direction et sa
surveillance personnelles, puis
signée par lui pour faire partie du dossier;
(b)
Ces
dépositions ne doivent pas en principe être rédigées sous forme de
questions et de réponses, mais sous
la forme d'un récit: à la condition que
le juge puisse, à sa
discrétion, annuler ou faire annuler
l'une des questions et des réponse
particulières
;
(c)
Lorsque la déposition d'un témoin
est transmise en français
ou en créole, le
juge peut,
s'il est convaincu qu'il
maîtrise
suffisamment ces
langues, déposer ou faire retirer
les témoignages en anglais,
conformément aux dispositions des
paragraphes précédents sans
recourir à un interprète
assermenté.
|
À la Cour suprême où la tradition britannique est encore plus importante, seul
l’anglais est admis à l’oral à moins que, lors d'une déposition, le juge
comprennent le créole et/ou le français.
5.3 L'administration publique
Dans
ladministration
publique, les documents écrits sont toujours rédigés en anglais,
ensuite traduits en français, rarement en créole, langue peu utilisée à
l’écrit dans sa forme officielle; le créole demeure presque inexistant dans
l’administration quotidienne où la place est déjà occupée par l’anglais. Mais dans les communications orales le
créole occupe la toute première place.
|
Bref, l’administration orale est surtout bilingue: c’est
l’anglais et le créole qui prévalent, comme c'est d'ailleurs le
cas du papier-monnaie, où les inscriptions n'apparaissent qu'en
anglais ("Central Bank of Seychelles" et "Ten rupees") et en
créole (La Bank Santral Sesel" et "Dis roupi"), le français
étant tout à fait exclus.
Généralement, le français arrive toujours bon troisième, sauf
dans les ministères concernant la Francophonie. Même le
ministère de l'Éducation ne publie à peu près jamais de
directives ou de documents en français. Le créole écrit peut
être plus courant dans les instances municipales et les
collectivités locales: par exemple, dans les lettres de demande d’emploi,
les formulaires de plaintes et de requêtes à destination de certains
ministères. C'est le cas, par exemple, des ministères de la Santé, de
l'Agriculture, de l’Environnement pour la diffusion des informations au
grand public. |
Il est possible aussi de publier en créole des brochures, des fascicules
traitant des maladies chroniques comme le diabète ou la prévention contre
d'autres maladies dans le but d’atteindre un plus grand public.
Dans la Loi
sur la citoyenneté (1994), il est précisé que la citoyenneté
seychelloise peut être accordée à un requérant qui a obtenu au moins 80 %
des
points dans l'une des trois langues nationales lors d'un examen de qualification de la citoyenneté
effectué selon les modalités prescrites :
Article
5 Citoyenneté
pour service distinctif ou dans des circonstances particulières
3) Pour l'application du paragraphe 2, les circonstances particulières sont
:
(i) la personne possède une aptitude extraordinaire dans les domaines des
sciences, des arts, de l'éducation, de l'économie, des affaires, du
droit ou des sports;
(ii) la personne visée aux alinéas (i) (a) à (d) remplit les conditions
suivantes :
a) a été un résident légal pour une période totale de 15 ans ou plus ou un
résident permanent pour une période de 10 ans immédiatement avant de
présenter une demande et a été physiquement présent aux Seychelles
pour une période totale d'au moins treize ans;
b) n'a pas été absent des Seychelles pendant une période continue supérieure à
un an sans l'autorisation écrite préalable du Ministre;
c) obtient au moins 80 % des
points dans l'une des trois langues
nationales lors d'un examen de qualification de la citoyenneté
effectué selon les modalités prescrites;
|
Cet examen national —
Test de citoyenneté ou Citizenship Test —
comprend des questions qui visent à évaluer la connaissance des candidats sur la
Constitution et l'histoire des Seychelles. En réalité, les candidats potentiels
à la citoyenneté des Seychelles doivent répondre à 20 questions dans un groupe
("pool") de 100 questions dans l'une des trois langues nationales, l'anglais, le
français et le créole, dans lequel une note de passage de 80% est requise avant
le dépôt de la demande de citoyenneté.
Soulignons que le français est la langue la plus utilisée dans les
offices religieux catholiques.
Étant donné que 95 % des Seychellois sont catholiques et que la liturgie se
déroule entièrement en français, ils demeurent en contact avec cette langue.
Seules quelques prières sont en créole. Dans les quelques temples protestants,
l'anglais replace le français.
5.4 L'éducation
Le système d'éducation des Seychelles semble assez complexe. Depuis 1944, l’anglais est officiellement entré dans les écoles. Auparavant, seul le français était enseigné et les professeurs ne parlaient
généralement que le français et le créole à l'école. Puis le rôle de l’anglais
s’est accru au point où le gouvernement britannique a même supprimé en 1970
le français comme langue d’enseignement pour le réduire à une simple «matière d’enseignement».
Après l’indépendance (1976), le gouvernement seychellois a institué une
réforme importante en 1981. Cette réforme officialisait l'alphabétisation en
créole et lui donnait un statut comme langue d'enseignement aux côtés de l’anglais
et du français. L'Institut pédagogique national (IPN) fut créé en janvier
1981 afin de faciliter l'application d'une politique de l'éducation sous ses
aspects pédagogiques, de contribuer à la formulation des finalités de
l'éducation en fournissant des éléments de nature à faciliter la prise de
décision au niveau politique, de traduire les finalités de l'éducation
fixées au plan politique en objectifs spécifiques et, enfin, de proposer les
programmes et les directives pédagogiques concernant les méthodes et les
moyens.
Dans le Rectificatif d'août 1981 au Plan sectoriel de mai
1981, on trouve les prescriptions suivantes:
"Le créole sera non seulement la première langue enseignée, mais
aussi le support de 1'enseignement au début de la scolarité
primaire ..."
"L'étude de l'anglais sera introduite dès que les enfants
sauront lire et écrire en créole, donc au début de la seconde
année d'enseignement primaire. L'anglais deviendra dès que
possible la langue d'enseignement à tous les niveaux pour toutes
les matières, à l'exception toutefois de celles qui continueront
à être enseignées en créole."
"Le français sera obligatoirement la troisième langue enseignée
et sera introduit au niveau primaire dès que l'anglais sera
suffisamment maîtrisé. Il ne sera pas utilisé comme langue
d'enseignement contrairement à ce qui est actuellement le cas
pour l'histoire et la géographie." |
C'est ainsi que le créole devient la première langue nationale; l'anglais, la
seconde; et le français, la troisième.
La
Loi sur l'éducation
de 1990 de mentionne aucune disposition concernant l'enseignement des langues
aux Seychelles:
Article 4
Politique gouvernementale
1) Il relève de la politique du
gouvernement -
a) de veiller à ce que tous les
Seychellois bénéficient d'occasions
égales d'instruction en fonction de
leurs habiletés, de leurs aptitudes et
de leurs besoins;
b) de veiller à ce qu'aucun Seychellois
ne subisse un préjudice dans son
éducation en raison de son sexe, de sa
couleur ou de sa croyance;
c) d'encourager les Seychellois à la
prise de conscience de l'identité
nationale et du respect de l'individu;
et
d) d'assurer -
(i) le développement progressif des
établissements consacrés à
l'éducation;
(Ii) la réalisation et le maintien
dans ces établissements des plus
hautes normes pédagogiques; et
(Iii) l'offre d'un service éducatif
varié et complet.
|
Cependant, l'Énoncé
de politique du ministère de l'Éducation
de 2000 énonce que l'enseignement
primaire doit permettre d'acquérir l'alphabétisation «dans les trois langues
nationales» :
Enseignement primaire
(7½ - 12 ans)
L'objectif de l'enseignement primaire
consiste à ce que l'enfant puisse :
• acquérir
l'alphabétisation dans les trois langues
nationales
à un niveau correspondant à son
développement mental et aux habitudes
d'utilisation des
trois langues
dans sa
vie quotidienne;
• acquérir un niveau de compétence dans
le principal moyen d'enseignement
suffisamment pour répondre aux exigences
de l'enseignement et de l'apprentissage
dans les matières de base du programme;
• être doté de compétences de calcul de
base en arithmétique, comprendre
certains principes mathématiques de base
et avoir la capacité de faire des
jugements fondés sur la compréhension
des résultats quantitatifs de certains
des choix ou des décisions qu'il prend
dans la vie quotidienne; |
- L'enseignement primaire
Cela étant dit, le créole seychellois est la seule langue employée et
enseignée à la maternelle ainsi que durant les deux premières années de l'enseignement primaire:
le créole est donc la langue d’enseignement dans toutes les matières.
À partir de la troisième année, le créole est utilisé comme langue
d'enseignement pour quelques matières, et ce, jusqu'à la sixième année, à la fin
du primaire.
Évidemment, l’enseignement du créole ou du seselwa a révolutionné
l'éducation aux Seychelles. Ainsi, la promotion du créole dans le système
éducatif a conduit les enseignants à s'intéresser à la tradition populaire
véhiculée dans cette langue, notamment au moyen des contes, des légendes, des
chansons, etc., et a suscité la production d'un grand nombre d'ouvrages
didactiques en créole. Par exemple, la publication de poèmes et d'essais
littéraires en créole a été encouragée. Par le fait même, c’est le
français qui a bénéficié de l’augmentation du taux de lecture chez les
jeunes Seychellois.
L’anglais langue seconde prend progressivement
la place du créole dès la deuxième année pour la compréhension orale. À la
troisième année, l'anglais devient une langue d'enseignement avec le créole pour
toutes les matières de base. Il est maintenu comme matière obligatoire tout au
long de la scolarité jusqu'à la fin du secondaire. Autrement dit, dès que
l’élève a appris à lire et à écrire en créole, il passe à l’anglais.
Le français est obligatoirement la troisième langue enseignée et son étude
est introduite au primaire dès la deuxième année, mais ce n'est qu'au troisième
trimestre de la deuxième année que les élèves commencent à réaliser des
activités de lecture et d'écriture. Le français devient une matière
obligatoire à partir de la troisième année jusqu'à la fin du secondaire. Il
sert aussi de langue de soutien à tous les niveaux. Néanmoins, le français
occupe une place inférieure dans le système d'éducation aux Seychelles. Pour résumer, on peut dire que
le créole n'est enseigné qu'au primaire et correspond à 34 % du temps
d'enseignement des langues, contre 42 % pour l'anglais et 23 % pour le français.
- L'enseignement secondaire
Dans les écoles secondaires, le créole est exclus pour faire place à
l'anglais (53 % du temps d'enseignement des langues) et au français (47 %).
Bien que le créole ne soit pas officiellement enseigné au secondaire, il
sert de langue d'enseignement dans certaines matières non sanctionnées par
des examens.
En 2013, le ministère de l'Éducation
publiait le
Programme-cadre national en matière de langue. Ce programme officiel, paru
uniquement en anglais, laisse croire à la parité des trois langues nationales,
alors que ce n'est guère le cas :
[Traduction]
En dépit d'être une
petite société, les Seychelles possèdent
une riche diversité de langues.
Le créole,
l'anglais et le français sont nos
langues nationales et elles font partie
intégrante de notre patrimoine
historique et culturel.
L'apprentissage et l'enseignement de ces
trois langues sont guidés par la
politique
trilingue du pays
et par la
Politique linguistique du ministère de
l'Éducation (1998) qui précise que
le créole
constitue
le moyen d'enseignement et
d'apprentissage des premières années de
l'enfance.
Dès le début de l'Étape 2 (P3),
l'anglais
devient le support de certaines
matières, tandis que les trois langues
sont enseignées dans le programme
scolaire en tant que composantes du
domaine d'apprentissage des langues.
Les trois langues
nationales
peuvent également être utilisées comme
langues de soutien dans l'enseignement
de matières particulières, en fonction
du contexte et des circonstances des
élèves, des enseignants et des écoles,
afin d'assurer un niveau de
compréhension maximum par tous les
élèves.
L'utilisation du créole
à l'étape 1 aide les enfants à
développer des compétences de base pour l'apprentissage ultérieur, avec
la confiance et l'estime de soi pour apprendre
l'anglais et le français
à mesure qu'ils progressent.
Des recherches approfondies sur
l'utilisation de la première langue de
l'enfant aux premiers stades de
l'apprentissage ont montré hors de tout
doute raisonnable que l'apprentissage
dans la première langue est plus
efficace et améliore l'acquisition des
autres langues.
La maîtrise de la langue maternelle et des deux autres
langues nationales est donc cruciale
pour tous les apprentissages ultérieurs
- d'où l'importance accordée dans notre
programme national à l'alphabétisation
en créole, en anglais et en français.
En plus des langues
utilisées pour l'apprentissage et
l'enseignement, chaque domaine d'apprentissage détient sa propre langue
spécialisée que les élèves doivent apprendre et devenir compétents. Les
enseignants doivent aider les élèves à acquérir le vocabulaire
spécialisé associé à des domaines d'apprentissage particuliers, les
aider dans la lecture et la compréhension, écouter
et communiquer leurs idées, surtout là
où le langage de la communication en
classe leur est relativement nouveau. |
- L'École française des Seychelles
|
Mentionnons qu'il existe aux Seychelles un établissement
d'enseignement entièrement francophone. Il s'agit de l’École
française des Seychelles, qui scolarise 275 élèves de la
maternelle jusqu'à la fin du primaire, puis tout le secondaire.
Cet établissement situé à Victoria, la capitale, accueille des
élèves de nombreuses nationalités, mais l'aptitude des enfants à
pouvoir s'exprimer en français constitue un critère d'admission
incontournable.
L’établissement est homologué pour le primaire et contrôlé par le ministère
français de l’Éducation nationale. Il est conventionné avec l’AEFE (Agence
pour l'enseignement français à l'étranger) qui
garantit la formation des enseignants et la qualité des enseignements. Bien
que les cours se donnent en français, les élèves doivent
apprendre l'anglais. Au secondaire, on y ajoute l'espagnol et
l'allemand.
L'École française des Seychelles (EFS) est gérée par une association à but
non lucratif de droit seychellois : l'Association des parents d’élèves de
l’École française des Seychelles. |
- L'enseignement tertiaire
L'enseignement tertiaire comprend les établissements
d'enseignement post-secondaires, notamment les hautes écoles universitaires,
ainsi que les formations professionnelles supérieures accessibles aux
étudiants ayant achevé une formation professionnelle du niveau secondaire.
Les premières années de l’enseignement tertiaire désignent la période
d’études, en général de trois à cinq ans, qu’il faut suivre pour obtenir un
premier diplôme reconnu sur le marché du travail.
L'article 7 de la
Loi sur l'enseignement tertiaire (2011) énonce que «la
langue d'enseignement d'un
établissement d'enseignement tertiaire
est l'anglais, le créole ou le français»,
mais que «d'autres langues» peuvent être utilisées pour
l'enseignement:
Article
7
1) La
langue d'enseignement
d'un
établissement d'enseignement tertiaire
est l'anglais, le créole ou le français.
D'autres langues peuvent être utilisées pour l'enseignement, conformément à la
charte de l'établissement :
a) si un programme, une unité ou un
module est lié à cette autre langue;
b) si des conférences sont offertes
et d'autres programmes
d'apprentissage sont donnés par des
enseignants et des spécialistes de
l'enseignement tertiaire externe ou
par d'autres organisations
étrangères;
c) si c'est exigé selon les termes
d'un programme international
d'échange d'études.
2)
La
langue
d'administration
d'un établissement d'enseignement
tertiaire
est
l'anglais, le créole ou le français. |
Dans les établissements post-secondaires, l'anglais et le français demeurent les
seules langues d'enseignement, mais à l'avantage de l'anglais. Toutefois, à
l'École polytechnique et à l'Institut national de l'éducation, le français est
enseigné comme matière principale. En réalité, la langue d'enseignement la plus
courante est l'anglais.
5.4 Médias et vie économique
|
Il
existe une
presse régulière en anglais et en français, la presse française demeurant
plus accessible en général à la population. Il existe un journal
quotidien contrôlé par le gouvernement, le Seychelles Nation, qui paraît
à la fois en anglais (83 % des articles), en français (15 % des
articles) et en créole (2 % des
articles).
L’anglais occupe donc la majorité des rubriques et presque tous
les articles sont rédigés dans cette langue. Quelques journaux
privés rédigent la totalité de leurs articles en créole.
Cependant,
le créole est grandement utilisé dans certaines revues
politiques et certaines publications religieuses quand il est
question de traiter des sujets proches des lecteurs. |