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- République arabe d'Égypte
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Égypte
Jumhuriyat Misr al-'Arabiyah
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Capitale:
Le Caire
Population: 84 millions (2010)
Langue officielle: arabe classique (de
jure)
Groupe majoritaire: arabe dialectal égyptien
(66,7 %)
Groupes minoritaires: arabe bedawi (1,1 %),
arabe libyen (0,4 %), arabe leventin du Nord (0,1 %), arabe taizzi-adeni
(0,1 %), siwi (berbère), domari (tsigane), kenuzi-dongola, nubien, nobiin, turc, albanais, amharique,
oromo, arabe standard
Langues coloniales: français
et anglais
Système politique: république présidentielle
Articles constitutionnels (langue):
art. 2, 7, 24 et 53 de la Constitution de
2014
Lois linguistiques:
Loi affirmant l’usage de la langue arabe
dans les relations des individus et des organismes avec le gouvernement et
ses intérêts (1942);
Loi n° 115 sur
la correspondance
et les enseignes (1958);
Loi promulguant la loi sur l’arbitrage en
matière civile et commerciale (1994);
Loi n° 26 sur la nationalité égyptienne
(1975);
Loi
sur la protection du consommateur (2006);
Loi sur
l'éducation (2019);
Projet de loi sur la protection de la langue arabe
(2021). |
1 Situation
géographique
|
L'Égypte — officiellement
République arabe d'Égypte
— est un pays couvrant une superficie de 997 739
km² (soit 1,8 fois plus grande que la France ou deux fois l'Espagne), qui
s'étend sur l'extrême nord-est du continent africain et sur la péninsule
du Sinaï où il est limité à l'est par l'État d'Israël et l'Arabie
Saoudite; au sud, le pays est limité par le Soudan et à l'ouest par la
Libye (voir la carte). Étant donné
que l’Égypte s’étend à l’extrémité orientale de l’Afrique du Nord et se
prolonge sur le continent asiatique par le Sinaï fait en sorte que cette
situation géographique détermine son appartenance au Proche-Orient; elle
est aussi membre de la Ligue arabe. La
capitale du pays est Le Caire. |
La pays est divisé
administrativement en 26 gouvernorats (muhafazat, singulier :muhafazah):
Ad Daqahliyah, Al Bahr al Ahmar, Al Buhayrah, Al
Fayyum, Al Gharbiyah, Al Iskandariyah, Al Isma'iliyah, Al Jizah, Al Minufiyah,
Al Minya, Al Qahirah, Al Qalyubiyah, Al Wadi al Jadid, Ash Sharqiyah, As Suways,
Aswan, Asyut, Bani Suwayf, Bur Sa'id, Dumyat, Janub Sina', Kafr ash Shaykh,
Matruh, Qina, Shamal Sina', Suhaj. Ces gouvernorats sont de population et de
superficie très inégales.
Le nom de l'Égypte
proviendrait de l'ancien égyptien hikuptah signifiant «château du ka
(âme) de Ptah», un des noms de Memphis dont les Grecs firent Aiguptos
pour l'appliquer à l'ensemble du pays. En arabe, le mot Égypte se dit
misr («grande ville» ou «capitale»), du nom de la nouvelle capitale bâtie à
Fustat fondée sous le premier calife fatimide d'Égypte, Ubaydallah al-Mahdi, au
Xe siècle, appelée
misr al-qâhira («la capitale victorieuse»), aujourd'hui Le Caire.
2 Données démolinguistiques
L’Égypte est le pays le plus peuplé de tout le monde
arabophone: 78,8 millions en 2006 (plus de 80 millions en 2008), contre 65,9
millions en 1998, et 84 millions en 2010. Bien que l'Égypte occupe une
superficie équivalant à 1,8 fois celle de la France ou deux fois celle de
l'Espagne, 95 % de la population réside sur 5 % du territoire, c'est-à-dire le
delta et la vallée du Nil, le reste du territoire étant un vaste désert. Dans la
partie habitée, la densité des habitants est de 1540 au kilomètre carré, soit
l'une des plus fortes au monde. L'Égypte n'est dépassée que par Hong Kong (6278
km²), Singapour (6751 km²), Monaco (16 235 km²) et Macao (17 811 km²). On estime
aussi que 46 % des 84 millions d'Égyptiens résident en milieu urbain, les
principales villes étant Le Caire (17,5 millions d'habitants au moins avec
Guizeh, Alexandrie ( 3,9 millions), Guizèh (3,0 millions) Port- Saïd (550 000),
Suez (506 000), Louxor (429 000) et Assouan (250 000).
La
formation du «peuple égyptien» remonte très loin dans le temps, soit vers 3500
avant notre ère, lorsque des populations de souche
chamito-sémitique s’établirent dans le pays.
La population actuelle est issue de ce fonds très ancien, ainsi que des apports
liés aux invasions qui marquèrent l’histoire du pays: les Libyens, les Grecs,
les Romains, mais surtout les Arabes qui conquirent la région au VIIe
siècle de notre ère. La population égyptienne fut à partir de cette époque
presque totalement arabisée et islamisée. Aujourd'hui, il ne subsiste des
populations proto-arabes qu'une petite minorité nubienne habitant depuis des
millénaires les villages du sud de l’Égypte et du nord du Soudan. Bref, la
langue que parlent les arabophones contemporains n'a rien à voir avec la langue
égyptienne des pharaons.
2.1 L'arabe
La plupart des Égyptiens d'aujourd'hui parlent une
variété d'arabe dialectal : l'arabe égyptien
(la majorité), mais aussi l'arabe saïdi, l'arabe algérien, l'arabe marocain, l'arabe du Golfe,
l'arabe soudanais, l'arabe bedawi, l'arabe libyen, l'arabe leventin du Nord et
l'arabe taizzi-adeni. L'arabe égyptien est la variété d'arabe la plus courante, car elle est
parlée dans une proportion atteignant au moins 66,7 % de la population totale. Suivent l'arabe saïdi (23,1 %), l'arabe
algérien (1,7 %), l'arabe marocain (1,7 %), l'arabe du Golfe (1,6 %), l'arabe
soudanais (1,6 %), l'arabe bedawi (1,1 %), l'arabe libyen (0,4 %), l'arabe
leventin du Nord (0,1 %), l'arabe taizzi-adeni (0,1 %). L'arabe standard n'est parlé comme langue maternelle que par les Syro-Libanais
(63 000 locuteurs) et les Juifs (plus de 700 locuteurs).
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En Égypte, il y a plus de locuteurs parlant
l'arabe égyptien comme langue maternelle dans le monde que de
locuteurs du français langue maternelle. C'est l'une des variétés
d'arabe parmi les plus parlées dans le monde, avec l'arabe marocain,
l'arabe algérien, l'arabe tunisien et l'arabe
syro-libano-palestinien. C'est également l'une des variétés d'arabe
les mieux comprises en raison du rayonnement de la culture
égyptienne. Par exemple, il est plus aisé pour un Marocain de
comprendre l'arabe égyptien que pour un Égyptien de comprendre
l'arabe marocain. De la même manière, il est plus aisé pour une
Québécois de comprendre un Français, que l'inverse, le «français de
France» étant plus répandu que le français québécois. De plus, le fait qu'il existe des volumes pour
apprendre l'arabe égyptien (L'arabe égyptien de poche) témoigne
de la vitalité de cette variété d'arabe, comme c'est le cas dans tout le
monde arabe. `À l'instar des autres pays arabophones,
la langue arabe en Égypte se présente sous deux formes principales: l'arabe
dialectal et l'arabe littéraire
(ou classique). L'arabe dialectal
résulte à la fois de la fragmentation de l'arabe du VIIe
siècle et de la fusion des parlers provenant des conquêtes
militaires et des brassages de population des langues sud-arabiques,
berbères, africaines, etc.
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C'est une
langue exclusivement parlée dont certaines variétés sont souvent
incompréhensibles entre les arabophones (arabe égyptien, arabe irakien, arabe
jordanien, arabe libanais ou syro-libanais, arabe libyen, arabe marocain, arabe
palestinien, arabe yéménite, etc. Pour simplifier, on peut dire que les
différentes variétés d'arabe dialectal sont plus aisément compréhensibles
lorsque les aires géographiques sont à proximité; ainsi, l'arabe libanais est
compris par un locuteur de l'arabe égyptien; il en est ainsi de l'arabe marocain
pour un Algérien. Mais l'arabe du Golfe est aussi hermétique que le
français l'est pour un Espagnol. L'arabe,
quelle que soit sa variété, est une
langue chamito-sémitique attestée dès le VIIe
siècle; il fait partie de la branche sémitique
avec l'hébreu et l'amharique en Éthiopie. L'arabe doit son expansion à la
propagation de l'islam, à la diffusion du Coran et à la puissance militaire des
Arabes à partir du VIIe siècle. Ces trois facteurs sont intimement
liés au point qu'on ne peut les dissocier. |
Au contraire, l'arabe classique,
appelé aussi «arabe éloquent» ou «arabe grammatical», est une langue
prestigieuse associée à la religion et à l'écrit, c'est-à-dire à la culture
littéraire, alors que l'arabe standard est
associé à la science et à la technologie, aux fonctions administratives. À
peu près aucun arabophone d'Égypte ne parle cette variété d'arabe comme langue
maternelle. L'arabe classique est la langue officielle de l'État et n'est
compris que par environ 50 % de la population, car seulement 48 % de la
population peut lire et écrire. Or, il faut avoir été à l'école pour savoir
l'arabe classique. Bref, l'arabe classique, sauf exceptions, n'est la langue
maternelle de personne: c'est avant tout une langue écrite et une langue dans
les relations inter-ethniques pour beaucoup d'arabophones. Bref, l'arabe
classique et l'arabe standard moderne ne sont pas synonymes. L'arabe standard
est celui qui est employé dans la plupart les médias écrits et, à l'oral, dans
les situations officielles ou formelles, que ce soit les discours politiques,
l'enseignement dans les écoles et les universités ou les journaux télévisés.
L'islam a le rang de religion officielle en Égypte, et 90
% des Égyptiens sont de religion musulmane (sunnite).
2.2 Les minorités linguistiques non
arabophones
Il existe quelques minorités parlant des langues de la
famille nilo-saharienne telles que
le nobiin (292 000 locuteurs) et des langues nubiennes (dongola, kenuz, etc.)
regroupant au total quelque 100 000 locuteurs. Mentionnons aussi une petite
communauté grecque (60 000) et de Turcs (29 000) ainsi qu'une importante
communauté de Domari ou Tsiganes (env. un million) parlant le domari (tsigane),
une langue indo-iranienne.
Peuple |
Langue maternelle |
Appartenance linguistique |
Population
(2000) |
% |
Arabes égyptiens |
arabe égyptien |
groupe sémitique |
37 000 000 |
56,1 % |
Arabes saïdi |
arabe
saïdi |
groupe sémitique |
15 000
000 |
22,7 % |
Coptes égyptiens |
arabe égyptien |
groupe sémitique |
7 000 000 |
10,6 % |
Bédouins
|
arabe
algérien |
groupe sémitique |
1 168
000 |
1,7 % |
Berbères arabisés |
arabe
marocain |
groupe sémitique |
1 167
000 |
1,7 % |
Bédouins du Golfe |
arabe du
Golfe |
groupe sémitique |
1 100
000 |
1,6 % |
Domari |
domari |
groupe indo-iranienne |
1 080 000 |
1,6 % |
Arabes soudanais |
arabe
soudanais |
groupe sémitique |
1 000
000 |
1,6 % |
Helebi |
domari |
groupe indo-iranienne |
864 000 |
1,3 % |
Bedawi leventins
|
arabe
bedawi
(égyptien de l'Est) |
groupe sémitique |
780
000 |
1,1 % |
Dongolawi (nubiens) |
kenuzi-dongola |
famille nilo-saharienne |
759 000 |
1,1 % |
Nubiens
|
arabe
saidi |
groupe sémitique |
600
000 |
0,9 % |
Arabes libyens |
arabe libyen |
groupe sémitique |
300 000 |
0,4 % |
Berbères nubiens |
arabe
saidi |
groupe sémitique |
292
000 |
0,4 % |
Nubiens Fedicca/Mohas
|
nobiin |
famille nilo-saharienne |
292 000 |
0,4 % |
Ababdas
|
arabe
soudanais |
groupe sémitique |
142
000 |
0,2 % |
Arabes palestiniens |
arabe
leventin du Nord |
groupe sémitique |
117
000 |
0,1 % |
Arabes yéménites
|
arabe
taizzi-adeni |
groupe sémitique |
116
000 |
0,1 % |
Arabes syro-libanais |
arabe standard |
groupe sémitique |
63 536 |
0,1 % |
Berbères (Siwa) |
siwi
|
groupe berbère |
30
000 |
0,0 % |
Turcs |
turc |
famille altaïque |
29 000 |
0,0 % |
Kharga (Selima)
|
arabe
algérien |
groupe sémitique |
27
000 |
0,0 % |
Baharia |
arabe algérien du Sahara |
groupe sémitique |
20 500 |
0,0 % |
Tosk
|
albanais
(tosk) |
isolat indo-européen |
18
000 |
0,0 % |
Amharas
|
amharique |
groupe
sémitique |
5 000 |
0,0 % |
Tulama
|
oromo |
groupe couchitique |
2
200 |
0,0 % |
Juifs |
arabe standard |
groupe sémitique |
771 |
0,0 % |
|
Source:
Peoplesgroups.org (2000),
http://www.peoplegroups.org/MapSearch.aspx?country=Egypt
2.3 La langue copte
Quand on parle des Coptes en Égypte, on
fait référence à une minorité religieuse comptant plus de sept millions
d'adeptes. L'Église copte orthodoxe avance le chiffre de 12 millions de
fidèles, ce qui correspondrait à 15 % de la
population égyptienne. Cette minorité constitue la plus ancienne communauté
autochtone du pays, une communauté qui existait à l'ère pharaonique,
c'est-à-dire des siècles avant la conquête arabo-musulmane.
|
Enfin, il faut bien relever le cas de la langue copte. Il ne s'agit pas d'une langue maternelle
en Égypte. C'est la langue liturgique des chrétiens d'Égypte. Ironiquement, le mot Égypte vient du grec Aiguptios,
mot formé d'après le nom donné par les Grecs à l'Égypte; quant
au mot copte, il provient de l'arabe qibt, formé du
même mot sans la première syllabe lors de la «période arabe». Les
Coptes se considèrent comme les «vrais Égyptiens». La langue copte est le résultat de la dernière évolution de la langue égyptienne
antique, écrite auparavant avec les hiéroglyphes. Attesté dès le IVe
siècle avant notre ère, le copte, une langue
chamito-sémitique, était encore parlé par les paysans de la
Haute-Égypte au XVIIe
siècle. Le copte était fragmenté en plusieurs variétés dialectales: l'akhmimique,
le bohaïrique, le fayoumique, le lycopolitain (ou subakhmimique), l'oxyrhynchite
(moyen-égyptien) et le sahidique. Mais seul le bohaïrique est encore
utilisé, et ce, uniquement dans la liturgie copte. Au XIe
siècle, il avait remplacé le sahidique. C'est en fonction du
choix de la variété sahidique qu'a surgi l'identité copte. |
Bref, la langue copte survit uniquement
comme langue liturgique de l'Église orthodoxe copte. Dans la vie
quotidienne, les Coptes parlent l'arabe égyptien. L'écriture copte est la transcription de la langue égyptienne en
lettres grecques complétée par sept caractères démotiques pour rendre les
sons qui n'existaient pas en grec.
La diffusion de l'islam et de l'arabe en
Égypte fut encouragée dès le début du VIIIe
siècle de notre ère par le calife Abd Al-Malek Ibn Marawan et son mouvement
d'arabisation. Dès lors, les Coptes furent contraints d'apprendre l'arabe
afin de conserver leur emploi au sein du gouvernement. Un siècle plus tard,
un autre calife imposa aux chrétiens coptes le port du turban noir et d'une
lourde croix autour du cou. Au XIIIe
siècle, le calife abbasside Al-Mustasim (1213-1258) abandonna la politique
d'arabisation à l'égard des Coptes, mais ceux-ci étaient devenus une
minorité et la plupart avaient déjà perdu leur langue; le copte est resté
une langue vivante jusqu'au XVIIe
siècle avant de ne se conserver que dans la liturgie. Périodiquement,
d'autres persécutions sévères eurent lieu au
XVIe siècle sous le règne des
Fatimides et des Turcs. De nombreux Coptes s'exilèrent en Éthiopie, et y
développèrent l'Église chrétienne dans ce pays tout en exerçant des
activités commerciales en Afrique de l'Est, soit entre l'Éthiopie, l'Arabie
Saoudite, l'Inde, l'Indonésie, etc. Toutefois, les tensions religieuses et
les difficultés économiques ont repoussé les Coptes égyptiens vers l'exil:
après les années 1950, plus de 500 000 Coptes se sont réfugiés aux
États-Unis, mais d'autres se sont installés en France, au Royaume-Uni, en
Allemagne, aux Pays-Bas, L'un des Coptes les plus célèbres fut certainement
l'ancien secrétaire général des Nations unies (de janvier 1992 à décembre
1996) M. Boutros Boutros-Ghali. En 1997, il fut nommé secrétaire général de
la Francophonie, poste qu'il occupa jusqu'en 2002.
Aujourd'hui, depuis la chute du président Moubarak et de
la montée des islamistes, les Coptes craignent pour leur sécurité. Depuis le
mois de mars 2011, plus de 95 000 Coptes ont quitté l'Égypte, chassés par
les pogromes anti-chrétiens dont est victime la minorité copte. Pour les
salafistes, des islamistes radicaux, les Coptes constituent des «ennemis de
l'intérieur» à abattre, du fait qu'ils sont des «non-musulmans». On les
accuse d'être des «agents de l'étranger», des «mauvais Égyptiens», des
«complices des croisés occidentaux», des «juifs sionistes», des «engeance de
Satan complotant contre l'islam et la nation», etc. Auparavant relativement
prospères, fortement impliqués et bien représentés dans la vie politique au
Parlement, les Coptes d'Égypte sont maintenant devenus des étrangers dans
leurs propres pays, eux qui descendent des anciens Égyptiens présents
plusieurs siècles avant la conquête arabo-musulmane. La présence de la
communauté copte chrétienne est devenue insupportable aux islamistes
radicaux qui rêvent de construire un régime théocratique et de purifier le
pays de ses composantes non musulmanes. Il ne fait aucun doute que la montée
de l'islamisme radical en Égypte devrait accroître le nombre de réfugiés.
3
Bref historique
L’ancienne civilisation égyptienne ne fut que très
tardivement découverte par l’Occident. Effet, l’égyptologie est née au
XIXe
siècle, lors de l’expédition de Bonaparte; c'est donc une science jeune. La
préhistoire et l’histoire ancienne de l'Égypte se sont révélées progressivement,
mais les périodes les plus reculées demeurent encore mal connues; elles risquent
de le rester probablement pour toujours, car l'information reste lacunaire. Elle
est essentiellement fondée sur les inscriptions en hiéroglyphes gravées sur les
monuments, les papyrus et rouleaux de cuir sur lesquels écrivaient les Égyptiens
de l’Antiquité ayant été en grande partie perdus.
3.1 L'ancienne langue égyptienne
La langue égyptienne du temps des pharaons n'existe plus
aujourd'hui. On a longtemps émis l'hypothèse que l'égyptien ancien était la «langue-mère»
qui aurait donné naissance aux langues chamitiques et sémitiques actuelles. Mais
ce n'est pas le cas, car certaines de ses «langues-filles» lui étaient
contemporaines. On sait que l'ancien égyptien ayant évolué en néo-égyptien, la
langue de la Haute-Égypte, resta en usage jusqu'aux environs de 600 avant notre
ère.
|
L'évolution de la langue commença avec
l'ancien égyptien dont la plus
ancienne forme remonterait à près de 3000 avant notre ère. C'est la langue
qu'on retrouve dans les textes des pyramides et des inscriptions de
la IIIe à la VIe
dynastie de l'Ancien Empire. Les
premières attestations du moyen égyptien
(ou égyptien classique) sont apparues vers 2100 avant notre ère; cette
langue, qui a survécu durant environ 500 ans, demeure la «langue des
hiéroglyphes» dans histoire de l'Égypte antique, lors de la période du
Moyen Empire. Sous la XVIIe dynastie, le moyen égyptien a été
adopté comme langue officielle (textes littéraires, inscriptions royales,
documents administratifs, etc.); on le retrouve aujourd'hui sur les
inscriptions des sarcophages. Quant au nouvel
égyptien (ou néo-égyptien), il a remplacé en Haute Égypte le
moyen égyptien dans la langue parlée (après l'an 1600 avant notre ère) et
est resté en usage jusqu'aux environs de l'an 600 (avant notre ère). Le
nouvel égyptien a été employé dans les documents officiels durant la
période s'étendant entre les XIXe et
XXVe
dynasties. Lors de la Basse Époque (VII-VIe
siècles), deux variétés d'égyptien et deux écritures dérivées du nouvel égyptien
ont été utilisées simultanément: d'une part, le
démotique «archaïque» dans le Nord, d'autre part, le
hiératique «anormal» dans le Sud. Cette
appellation de démotique (du grec dêmos
signifiant «populaire») désigne une langue restée en usage jusqu'au
VIIe
siècle de notre ère. Dans l'écriture, le terme
de démotique fait référence à la «langue populaire» employée dans la vie
quotidienne, tandis que les inscriptions officielles en hiéroglyphes ont
tendance à désigner les styles archaïques de l'Ancien Empire et du Moyen Empire. |
Pour ce qui est du
copte (du grec Aiguptos signifiant «égyptien), c'est le
dernier maillon dans l'évolution de l'ancien égyptien. Attesté dès le IVe
siècle avant notre ère, le copte a été employé par les paysans de Haute Égypte
jusqu'au au XVIIe siècle et reste aujourd'hui la langue liturgique de
l'Église copte orthodoxe (environ 6,5 millions d'adeptes). L'écriture
copte est la transcription de la langue égyptienne en lettres grecques complétée
par sept caractères démotiques pour rendre les sons qui n'existaient pas en
grec.
Mentionnons également qu'en 333 avant
notre ère Alexandre le Grand occupa l'Égypte qu'il libéra de la tutelle perse;
le pays des pharaons fut intégré au monde hellénistique jusqu'à l'arrivée des
Romains. L'Égypte devint une province romaine durant sept siècles, mais la
culture romaine ne pénétra guère la société égyptienne, déjà hellénisée sous les
Ptolémée. Après le partage de l’Empire romain en 395, l’Égypte devint
byzantine et grécophone. Durant les deux siècles suivants, la communauté copte (chrétienne)
d’Égypte fut victime des persécutions du pouvoir byzantin, lesquelles visaient
également les Juifs.
3.2 L'Égypte arabo-musulmane
En décembre 639, les armées arabes du général Amr ibn al-As
arrivèrent en Égypte depuis la Palestine et avancèrent rapidement jusqu'à ce
qu'ils atteignent le delta du Nil. Dès 642, Alexandrie
capitulait. Une fois les armées byzantines défaites, les Arabes s'installèrent
dans le pays. Dans les premiers siècles de l'occupation, la conversion à l'islam
de la population resta limitée, mais elle se développa considérablement vers le
Xe siècle: dès lors, l'islamisation et l'arabisation se répandirent rapidement. L'Égypte devint un pays prospère et Le Caire
fut considérée comme l'une des plus belles villes
de l'islam. La dynastie des Ayyubides (1170-1250) porta un coup décisif à la
présence des croisés chrétiens en terre d'islam. Au XIVe siècle, ceux-ci furent
battus, ce qui renforça la puissance économique du pays. Le XVe
siècle fut la plus grande période que l'Égypte a connu depuis l'époque
hellénistique.
3.3 Les invasions
En 1517, l’Égypte fut conquise par les troupes du sultan
ottoman Sélim Ier. Les Ottomans firent de l'Égypte une province
turque (1516-1882). Le pays croula dans la misère et l'anarchie, alors que les
trente dernières
années du XVIIIe siècle furent marquées par des épidémies de peste et
des famines qui réduisirent la population à quatre millions d’habitants. Cette
situation favorisa la mainmise des Européens, notamment les Britanniques, les
Français et les Russes qui, bénéficiant du régime des capitulations sur tout le
territoire de
l'Empire ottoman, prirent le contrôle du commerce. La langue arabe
d'Égypte subit l'influence du turc ottoman dont elle emprunta des centaines de mots.
|
L'expédition de Bonaparte en 1798 s'inscrit
vit dans un contexte de rivalité entre la France et la
Grande-Bretagne. Tandis que Bonaparte occupait l'Égypte, il donna
l'ordre à un groupe d'officiers et d'ingénieurs français d'élaborer
un projet de canal reliant le delta du Nil à la mer Rouge (près du
port de Suez).
Après le départ des Français en 1801, une période de
désordre s'installa dans le pays. Mais l'influence française fut
néanmoins importante, car depuis cette époque il existe des écoles
françaises en Égypte. C'est le Français Jean-François Champollion
qui déchiffra les hiéroglyphes égyptiens en 1824. Pour les
Égyptiens, les Français ne représentèrent pas une soumission, comme
ce fut le cas avec les Britanniques. Dans les décennies
suivantes, le français allait devenir la langue seconde courante de la
bourgeoisie égyptienne et de tous les étrangers, qu'ils soient français,
anglais, libanais, grecs, italiens, etc. |
Puis ce furent des ingénieurs français (Lepère, de Bellefonds et
surtout Ferdinand de Lesseps) et la collaboration de Napoléon III, qui permirent
la construction du fameux canal de Suez (1859-1869), sans oublier que 52 % des
souscripteurs provenaient de fonds français. Ce fut l'impératrice Eugénie,
l'épouse de l'empereur Napoléon III, qui inaugura le canal. L'Égypte
entretint généralement des liens
d'amitié avec la France, ce qui peut expliquer pourquoi ce pays fait maintenant partie des Sommets de la
Francophonie.
En 1882, les Britanniques occupèrent militairement
l'Égypte pour protéger leurs intérêts commerciaux et stratégiques dans la zone
du canal de Suez. En 1904, la France et la Grande-Bretagne s'accordèrent sur un
partage: l'Égypte restait sous tutelle britannique, le Maroc, sous celle de la
France. Le protectorat britannique fut officiellement proclamé en 1914. Au
lendemain de la Première Guerre mondiale, certains Égyptiens revendiquèrent
l'indépendance du pays. Les Britanniques renoncèrent au protectorat en 1922,
reconnurent l'indépendance de l'Égypte, mais se réservèrent la Défense et les
Affaires étrangères, tout en conservant une importante mainmise sur l'économie
du pays. L'indépendance devint effective en 1936, mais la présence des troupes
britanniques persista jusque dans les années 1960. Au cours de cette période,
l'anglais prit racine en Égypte pour ne plus régresser auprès de la population.
En 1942, le roi Farouk Ier promulgua la Loi affirmant l’usage de la langue
arabe
dans les relations des individus et des organismes
avec le gouvernement et ses intérêts afin de restreindre l'influence
l'anglais dans le pays. Les articles 1 et 2 se lisent comme suit:
Article 1er
La correspondance, les offres et autres
documents soumis aux ministères, aux départements, aux conseils de
direction et aux organismes municipaux ainsi que les documents qui y
sont joints doivent être rédigés en arabe, et si ces documents sont
rédigés dans une langue étrangère, leur traduction arabe doit y être
jointe; le non-respect de cette disposition entraîne la nullité de
ces documents.
La présente disposition ne s’applique pas
aux personnes susmentionnées qui ne résident pas en Égypte ou aux
organismes et aux établissements dont le siège social n’est pas en
Égypte ou qui n’y ont pas de succursale ou de procuration.
Article 2
Tous les registres, livres et documents que les représentants du
gouvernement, les conseils de direction ou les organismes municipaux
ont le droit d’inspecter et d’examiner en vertu des lois, des
règlements, des contrats de concession, des monopoles ou des
licences doivent être rédigés en arabe.
De même, les enseignes placées par les
entreprises et les magasins commerciaux ou industriels sur les
façades de leurs bâtiments doivent être écrites en arabe, à la
condition que cela n'empêche pas qu'elles soient écrites dans une
autre langue que la langue arabe, mais qu'elles ne soient ni de
taille supérieure ni plus importantes que celles en arabe.
|
Malgré cette loi pour protéger l'arabe,
l'anglais a continué d'exercer sa domination parce que la loi n'a pas été
appliquée, faute de moyens de contrôle.
3.4 L'Égypte moderne
En fait, l'indépendance de l'Égypte fut soumises à une
condition majeure: le maintien de l'armée britannique dans la zone du canal de
Suez. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques prirent le contrôle
complet du territoire égyptien. Le coup d'État du 23 juillet 1952 renversa la
monarchie égyptienne et la République fit proclamée.
|
Deux ans plus tard,
Gamal
Abdel Nasser (1918-1970) prit le pouvoir, interdit tous
les partis politiques et instaura une régime inspiré du socialisme. Ses réformes
touchèrent le contrôle des naissances, l'amélioration des conditions sanitaires,
l'industrialisation, etc., mais également l'alphabétisation et l'arabisation
de l'Égypte. Nasser inspira les nationalistes du monde arabe. Il devint le
chef de file des Arabes et l'une des figures historiques de
l'émergence du tiers monde au
Proche-Orient, sinon une troisième
force politique face aux deux blocs qu'étaient alors le bloc
occidental et le bloc soviétique. Puis
Nasser entreprit la nationalisation du canal de Suez en 1956 (soit
douze ans avant la date prévue), ce qui déclencha une attaque
conjointe de la part des Britanniques, des Français et des
Israéliens. Les États-Unis et l'URSS intervinrent à leur tour, ce
qui força la coalition franco-britannique à se retirer du territoire
égyptien et consacra l'indépendance nationale de l'Égypte, après
soixante-dix ans d'occupation britannique. |
|
Voulant fédérer le monde arabe autour de lui-même et après un
référendum tenu le 21 février 1958, Nasser réussit à fonder la
République arabe unie en réunissant l'Égypte et la Syrie, qui furent
représentées à l'ONU avec un siège unique. Le 22 février, Nasser
devint le président du nouvel État unifié avec Le Caire comme
capitale. Le 8 mars, le Yémen du Nord vint s'ajouter à la Fédération
en espérant pouvoir ainsi tenir tête aux Britanniques grâce au
soutien de l'Égypte. N'obtenant pas le soutien espéré, le Yémen se
retira de l'union, le 27 décembre 1961.
En même temps, le président Nasser imposa à la Syrie une
bureaucratie autoritaire et un régime à parti unique, l'Union
nationale, parti fondé en toute hâte pour la création de la
République arabe unie. La Syrie se sentit colonisée par l'Égypte.
L'union cessa d'exister lorsque la Syrie fut victime d'un coup
d'État le 28 septembre 1961, tandis que la République arabe syrienne
fut rétablit. Toutefois, l'Égypte continua d'être appelée
officiellement le nom officiel de République arabe unie jusqu'en
1971.
C'est au cours du régime de la République arabe unie que le
président Nasser avait fait adopter, le 8 décembre 1958, une loi sur
la protection de la langue arabe:
Loi n° 115 de 1958 sur la
correspondance et les enseignes. Cette loi devait s'appliquer
tant en Égypte qu'en Syrie. |
Elle obligeait l'emploi de la langue arabe non seulement dans les registres
officiels du gouvernement, mais aussi dans les enseignes
placées par les entreprises et les magasins commerciaux ou industriels sur les
façades de leurs magasins, à la condition que cela n'empêche pas que ces
enseignes soient rédigées dans une langue étrangère autre langue que l'arabe, à
la condition que celle-ci soit de taille plus grande et plus importante que dans
l'autre langue.
Le président Nasser
resta la
figure marquante du tiers monde et du monde arabe jusqu'à sa mort en 1970. Mais la guerre des Six
Jours en 1967 porta un dur coup au régime de Nasser et laissa un pays humilié
par la défaire aux mains d'Israël. Pour beaucoup d'Arabes, Nasser fut un
chef qui réforma son pays et rétablit la fierté arabe; pour d'autres, la
politique de militarisme de Nasser mena l'Égypte à de graves défaites et
d'importantes pertes, plutôt qu'à la paix et à la prospérité.
- El-Sadate
|
Anouar el-Sadate
(1918-1981), compagnon d'armes de Nasser, prit la direction du pays le 28
septembre 1970 et s'engagea dans des
voies politiques opposées à celles de son prédécesseur. Il fit la paix avec
Israël, ce qui valut à l'Égypte d'être exclue de la Ligue arabe. La signature
des accords de Camp David de 1978 avec le premier ministre israélien Menahem
Begin rendirent l'Égypte extrêmement impopulaire dans le monde arabe et
musulman. L'Égypte était à ce moment-là la plus puissante des nations arabes,
presque une icône du nationalisme arabe. Et de nombreux espoirs reposaient dans
la capacité de Sadate d'obtenir des concessions de la part d'Israël pour les
réfugiés palestiniens. Après avoir fait adopter en 1976 la loi n° 102 modifiant
la loi n° 115 de 1958 de sur la langue arabe, Sadate mit un frein à l'arabisation et prôna aussi
l'ouverture économique et fit appel aux investissements étrangers. Bref, la loi
de 1976 ne fut à peu près jamais appliquée dans son intégralité.
Au cours d'une
parade militaire, le président Sadate fut
assassiné en 1981 par des membres de l'organisation islamiste radicale Al-Jihad
au cri de «mort au pharaon»; ceux-ci s'opposaient
notamment à la négociation entamée par Sadate avec Israël. Aucun dirigeant arabe
et musulman n'assista aux obsèques. |
- Moubarak
Le successeur de Sadate, le vice-président Hosni Moubarak réaffirma l'adhésion aux accords de
Camp David au sujet d'Israël tout en relançant les relations avec l'URSS. Sur
d'autres plans, le régime du président Moubarak fut assez autoritaire à l'égard
des comportements «déviants». Accusé de faire des concessions aux islamistes,
le gouvernement égyptien rendit la partie difficile aux homosexuels, aux
féministes, aux intellectuels, ainsi qu'aux minorités linguistiques et
religieuses, qui subissaient une certaine répression et des vexations de la part
d'un régime qui se comporterait à leur égard comme des talibans. Par exemple, la
défense des minorités coptes, la déclaration d'athéisme ou la demande de
normalisation des relations politiques avec Israël coûtaient, dans le meilleur des
cas, l'exil; dans le pire, la mort. L'Égypte était gouvernée depuis trente
ans par un despote qui tenait tout le pays sous sa botte. Mais les Égyptiens en
ont eu assez du président Moubarak. Un vent de révolte gronda dans tout le pays.
La
chute de popularité de Moubarak s'accéléra avec la mise en lumière de la
corruption, dont les membres de sa famille. Le chômage, le manque de logements,
l'augmentation des prix des biens de première nécessité et le manque de liberté
d'expression parurent être les causes importantes des manifestations de janvier 2011.
La population voulait la fin du régime autoritaire de Moubarak. Ce mouvement populaire
s'inspirait du mouvement tunisien qui a abouti à la chute du régime du président
Ben Ali. Pourquoi le président Moubarak était-il, lui aussi, si détesté?
|
Le dictateur était au pouvoir depuis trente ans,
trente ans à vivre sous la loi
d'urgence, trente ans qu'ils se faisaient arrêter sans raison, trente ans
qu'ils avaient peur de parler. La justice n'existait guère dans le pays,
et il n'y avait ni
de bonnes écoles. Et Moubarak avait signé la paix
avec Israël! L'Égypte n'est pas la Tunisie, c'est un pays de
plus de 80 millions d'habitants, le plus populeux des pays arabes.
C'est aussi un pays phare, qui possède un rayonnement culturel sur
toute la région, avec son cinéma, sa télévision, ses universités.
L'Égypte est située au cœur de la région la plus explosive de la
planète. Elle a comme voisin Israël et la Palestine, le Liban et la
Syrie. Même
si son pays risquait de basculer dans le chaos, Moubarak s'est
entêté longtemps, mais, le 11 février 2011, il a fini par céder et
a quitté ses fonctions pour remettre le pouvoir à l'armée. Aussitôt,
les centaines de milliers de manifestants réunis à la place Tahrir au
Caire ont explosé de joie. Pourtant, la fête devait être courte devant les
défis qui attendaient les Égyptiens. |
- La montée des islamistes
Si le
passé est garant de l'avenir, il est à parier que le démocratie n'est pas
nécessairement pour
demain en Égypte. Il est possible que la situation politique risque
d'aboutir vers un régime encore plus fermé, car les conditions d'une
démocratie ne sont guère réunies. Il faudrait notamment une réelle volonté politique
de changement, l'abandon des acquis des riches au profit des pauvres et le
développement d'une classe moyenne qui saurait mener à bien le pays vers une
économie moderne.
L'ex-président Moubarak a
transmis les rênes du pouvoirs aux militaires, notamment au général Omar Souleimane,
74 ans, celui qui a géré la dictature, la censure et les chambres de torture. Or, ce
général, responsable en partie des malheurs de l'Égypte, n'a jamais fait mystère
de son mépris pour la démocratie. Dans une entrevue accordée à un média
américain, il a même déclaré que l'Égypte n'était pas prête pour un système de
gouvernement démocratique. C'est toujours le même discours: les peuples dominés
ne sont jamais prêts à se gouverner eux-mêmes!
Dans ces conditions, les
militaires pourraient perdurer encore longtemps, en récupérant la
révolte et en procédant à des aménagements de façade afin de se donner une
légitimité et de conserver le pouvoir. Si l'armée a laissé tomber le dictateur,
elle n'a pas laissé tomber la dictature. Depuis la chute de Moubarak, l'armée a
continué à arrêter, à torturer et à traduire devant des tribunaux militaires des
citoyens dont le seul crime était de l'avoir critiquée. Le Conseil suprême des
forces armées a maintenu la loi d'urgence imposée par l'ancien président
Moubarak, qui donnait des pouvoirs excessifs aux autorités en place. Les
militaires sont demeurés les grands bénéficiaires de l'ancien régime, ils
constituent un État dans l'État en contrôlant 40 % de l'économie du pays.
|
Par la suite, les Frères musulmans, le groupe d'opposition
le mieux organisé, sont tombés dans l'euphorie. Leur
programme était clair: les femmes ne doivent pas avoir le droit de diriger le
pays, les chrétiens ne doivent pas être ministres, les minorités ne doivent
pas bénéficier de droits particuliers; et les Frères musulmans (40 % des voix) voulaient un État islamique avec
l'imposition de la Charia. Quant aux salafistes, le second groupe islamiste du
pays (25 % des voix), ils ne croyaient guère à une «démocratie à l'occidentale».
Ils croyaient encore que la «loi de Dieu» doit primer sur tout le reste.
Puis les militaires et les Frères musulmans ont conclu un
pacte. Aux militaires reviendraient la direction de l'économie et le maintien de
ses privilèges; aux islamistes, la direction des mœurs. Le résultat pouvait
être le suivant: un code moral strictement intégriste conjugué à un gouvernement
dictatorial. Les Frères musulmans ont très bien compris que les gens pauvres et
peu instruits n'ont que la religion comme refuge. Or, la liberté d'expression et
les droits de la personne ne constituent jamais la priorité des pauvres; ils
veulent du pain avant tout. Et ce groupe de la société forme la majorité de la population
en Égypte. Cette majorité croit au Coran et à son prophète,
et elle n'hésiterait pas à désirer un autre «guide suprême». L'obscurantisme s'est aussitôt installé dans l'Égypte de
l'après-Moubarak. |
L'arrivée des Frères musulmans au
pouvoir n'augurait rien de bon pour la minorité copte. Depuis la chute de la
dictature de Moubarak, les coptes ont été régulièrement victimes d'agressions et
d'attaques, aboutissement d’une longue série de persécutions et d’agressions christianophobes, souvent commises en toute impunité ou parfois même avec la
complicité passive de l'armée et de la police, dont les membres sont composés
exclusivement de musulmans cherchant à protéger leurs coreligionnaires. Les
nouvelles autorités ont fermé systématiquement les yeux devant les exactions
commises par des fanatiques musulmans. Dans toute l'histoire de l'Égypte, la
violence interreligieuse n'a jamais été aussi forte et aussi menaçante pour les
chrétiens. Il ne fait donc plus aucun doute que la montée de l'islamisme radical
devrait accroître les départs des Coptes de l'Égypte.
- L'élection du président Morsi en 2012
Quoi qu'il en
soit, les mois qui suivirent ne pouvaient être que tumultueux. En effet, il y eut des
élections parlementaires, une élection présidentielle et une tentative de
réforme constitutionnelle qui finit par aboutir à une impasse. Le 24 juin 2012, Mohamed Morsi,
issu d'une formation politique des Frères musulmans, fut élu président de la
République arabe d'Égypte avec 51,7 % des voix face à son adversaire Ahmed
Chafik.
|
Après avoir tenté de cohabiter avec les militaires, Morsi destitua le
chef de l'armée et s'attribua plus de pouvoirs législatifs. En novembre 2012,
le président Morsi promulgua une déclaration constitutionnelle qui lui conférait
la possibilité de légiférer par décret et d'annuler des décisions
judiciaires déjà en cours. Des manifestations eurent lieu dans tout
le pays parce que le président, comparé à Hosni Moubarak, détenait
le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ainsi que le pouvoir
judiciaire. Afin de prendre de
court les contestations, il annonça qu'il soumettait le projet de Constitution à
un référendum. La nouvelle
Constitution de
2012, tout comme la précédente, prévoyait
que «les principes de la Charia» étaient «la principale source de la législation».
On y préciserait aussi que ces principes doivent être interprétés selon la
doctrine sunnite. Les musulmans, les chrétiens et les juifs étaient les seules
dénominations religieuses explicitement citées; le sort des autres minorités
religieuses, notamment les coptes, inquiétait des organisations comme Amnistie
internationale. Malgré quelques compromis qui ont empêché le pire, la nouvelle
Constitution devait ouvrir la voie à une islamisation progressive de l’Égypte, sous
la férule des Frères musulmans. |
La présidence de Morsi s'est révélée négative dans la
mesure où l'économie s'est effondrée,
alors que le président a fait la
gaffe de s'approprier les pleins pouvoirs en promettant que ce n'était que
temporaire, le temps que la Constitution soit mise en place à la suite d'un
référendum prévu à la mi-décembre de 2012. Bref, Morsi accumulé erreur sur erreur et s'est aliéné une partie de la classe
politique et des élites libérales, mais il avait été élu démocratiquement. Il
aurait pu être destitué démocratiquement.
Toutefois, ce sont sont pas toujours les urnes qui décident en Égypte, mais la foule
et l'armée. Or, une société qui est incapable de changer de gouvernement
autrement qu'en ayant recours aux militaires et aux chars n'est pas ce qu'on
peut qualifier
de plus démocratique. De fait, contesté par une partie de la population, Mohamed
Morsi fut renversé par l'armée le 3 juillet 2013, à la suite d'un vaste
mouvement de protestation. Morsi aura tenu à peine plus d'un an à la tête de
l'Égypte. Le lendemain, Mohamed Morsi était détenu par l'armée, alors que des
mandats d'arrêt étaient émis à l'encontre des dirigeants des Frères musulmans.
Une
nouvelle
constitution a été adoptée le 15 janvier 2014 après un référendum (98,1 % de
OUI); elle succédait à la Constitution de 2012, elle-même
suspendue par l'armée égyptienne après la destitution du président Morsi, puis
abrogée après avoir été remplacée par celle de 2014.
- Le nouveau président égyptien Abdel
Fattah al-Sissi
Depuis le 8 juin 2014, l'Égypte a un nouveau président en
la personne du maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Il fut élu avec plus de 96 %
des suffrages dans un contexte d'abstention supérieure à 50 % et de fraudes
massives. Après avoir éliminé toute opposition de la scène politique, al-Sissi
décida de gouverner le pays de façon autoritaire à un point tel que les
spécialistes n’hésitèrent plus à décrire l’Égypte comme une dictature. Encore une
fois ! Le maréchal-président partit en croisade contre les Frères
musulmans, dont les partisans écopèrent de condamnations à mort et de peines
d’emprisonnement au terme de procès bâclés. Plus de 2500 morts et 15 000
arrestations. Les journalistes et les manifestants
sont aussi sévèrement réprimés. L’organisation Human Rights Watch estime que
l’Égypte vit sa pire crise des droits de l’Homme depuis les années 1960. La
politique de répression du futé maréchal a pour effet premier de radicaliser les islamistes qu'il
combat.
De son côté, Washington fit part de son impatience de
travailler avec le nouvel homme fort de l'Égypte pour faire avancer le
partenariat stratégique et les nombreux intérêts communs aux deux pays. Abdel Fattah
al-Sissi est classé comme un «bon dictateur» par l'Occident, trop heureux qu'il
se soit débarrassé d'un gouvernement islamiste. Depuis 1952, l'Égypte a été
gouvernée par trois haut-gradés de l'armée : Gamal Abdel
Nasser (1956-1970), Anouar el-Sadate
(1970-1981) et Hosni Moubarak (1981-2011). Chacun d'eux a commencé avec fanfares
et trompettes, a gouverné les mains tachées de sang et a mal fini. Est-ce le
sort qui attend al-Sissi? Probablement, mais il ne le sait pas encore.
Quelques années après la «révolution», l’Égypte serait de retour à la case départ. En
Égypte, chaque fois qu’un parti islamiste est élu de façon démocratique, il est
renversé au nom de la laïcité.
Aujourd’hui, il n’y a plus de transition vers la
démocratie en Égypte. Depuis le coup d’État du
3 juillet 2013,
le régime militaire s’est consolidé. Plus de 10 000 opposants
politiques ont été mis en prison et la torture est
devenue une pratique courante et normale. Des centaines de personnes
sont condamnées à mort. L'ancien président
Hosni Moubarak a été acquitté. Finalement, le
régime actuel est encore plus répressif que celui de
Moubarak, car c'est un
régime plus jeune, plus musclé et plus déterminé que le
précédent qui s’était ramolli au cours des longues
années au pouvoir. La dissidence d’avec le régime est
plus réprimée que jamais. Retour
à la case départ.En matière
de langue, le président Abdel-Fattah El-Sissi a lancé en
décembre 2020 une campagne appelée «Parlez l’arabe» ("Itkalem
Arabi") afin de susciter l'adhésion des Égyptiens vivant
à l’étranger à leur patrie et à la langue arabe. Cette
campagne offrait un guide pédagogique aux parents et a
fait connaître aux enfants égyptiens à l’étranger le
patrimoine de leur pays d'origine, ainsi que les fêtes
nationales, les coutumes, etc., dans le but de préserver
leur identité nationale. De plus, le ministère de
l'Immigration et des Affaires égyptiennes a créé une
application mobile de «Parlez l’Arabe», qui a connu un
certain succès chez un grand nombre de familles
égyptiennes vivant à l’étranger.
En 2021, des parlementaires ont
tenté, une fois de plus, de faire adopter un
projet de loi sur la
protection de la langue arabe. Des controverses ont
suivi, car le projet de loi imposerait l'arabe du Coran
dans les médias qui privilégient l'arabe égyptien
standard afin de se faire comprendre par la population.
L’un des articles du projet de loi est l’article
6, qui impose des sanctions en cas
de non-respect de la langue arabe classique par les médias
audiovisuels officiels, car cet article était limité aux médias
officiels et n’incluait pas les médias privés. De plus, l’adhésion à l’arabe classique dans toutes
les émissions est une exigence qui est qualifiée d'«impossible»,
car les émissions peuvent être classées en catégories: il existe des
émissions d’information, y compris des bulletins d’information, et
ceux-ci peuvent être respectés en arabe classique, ainsi que des
émissions culturelles, en gardant à l’esprit qu’il existe des poèmes
en langue familière qui sont autorisés à être diffusés dans ces
émissions. Évidemment, ce projet de
loi veut surtout donner un pouvoir législatif afin de
réduire l'influence de l'anglais dans la vie des
Égyptiens, mais certains opposant remettent aussi en
question l'usage de l'arabe classique dans les médias.
4 La politique linguistique axée sur
l'arabisation
Contrairement à l'Algérie où la politique d'arabisation
fut violente, l'Égypte a réussi à arabiser le pays sans trop de perturbations. Ce
fut l'affaire de quelques décennies, mais le français et l'anglais, surtout ces
deux langues, n'ont pas
disparu complètement du paysage égyptien. Même si l'État a été complètement
arabisé, les anciennes langues coloniales ont conservé certains privilèges
dans le domaine de l'éducation, de l'affichage et des affaires.
Selon l'article 2 de la
Constitution de 1971, modifiée en
1980 (aujourd'hui abrogée), l'islam est la religion de l'État dont la langue
officielle est l'arabe:
Article 2 (1971,
abrogé)
L'islam
est la religion de l'État dont la langue officielle est l'arabe ;
les principes de la loi islamique constituent une source principale
de législation. |
Mais cet article a été reproduit presque
intégralement dans la
Constitution de
2012:
Article 2
(2012, abrogé)
L'islam est la
religion de l'État. L'arabe est sa langue officielle. Les
principes de la Charia islamique sont la source principale de la
législation. |
Et dans la
Constitution de
2014:
Article 2
(2014, en vigueur)
L'islam est la
religion de l'État. L'arabe est sa langue officielle. Les
principes de la Charia islamique sont la source principale de la
législation. |
Évidemment, dans tous les cas, l'arabe dont il s'agit est
l'arabe standard ou l'arabe classique, non l'arabe égyptien. C'est en vertu de cette déclaration que s'est élaborée la
politique linguistique d'arabisation.
Par ailleurs, une bonne dizaine de projets de loi ont été
présentés au Parlement concernant la protection de la langue arabe, mais aucun
n'a pu être adopté.
4.1 La législature et la justice
En ce qui a trait à la législature,
l'arabe classique est la langue officielle des débats, mais ceux-ci peuvent se
faire en arabe égyptien. Toutefois, les lois ne sont rédigées et promulguées
qu'en arabe standard. Aucune loi ne régit l'emploi des langues à la législature
et c'est sur la foi de l'article 2 de la
Constitution de
2014 que l'arabe, la variété
standard, est
obligatoire.
Il en est de même dans le domaine judiciaire
où seul l'arabe standard est légalement permis, mais les
communications orales en arabe dialectal sont autorisées. L'anglais et le
français peuvent exceptionnellement être employés en la présence d'un
interprète. Les seuls documents écrits autorisés sont en arabe standard.
4.2 Les services public
L'arabe égyptien est utilisé couramment dans les
communications orales au sein des services gouvernementaux, mais seul l'arabe
classique ou standard est permis dans les communications écrites. Ici aussi, il n'existe
aucune loi concernant l'emploi des langues dans les services publics.
Dans le cas des inscriptions gouvernementales, celles-ci
peuvent être unilingues arabes classique ou bilingues; dans ce cas, le
bilinguisme est plus souvent arabe-anglais, mais le bilinguisme arabe-français
est encore fréquent dans le cas des pouvoirs publics plus anciens.
Les plaques
identifiant les noms de rues sont fréquemment unilingues arabes, mais le
bilinguisme arabe-anglais est de plus en plus la règle et il tend à remplacer
progressivement le bilinguisme arabe-français. Le bilinguisme utilisé dépend de
la population des villes et des quartiers. Au Caire, la capitale, les noms des
rues de plusieurs quartiers sont bilingues (arabe-français ou arabe-anglais); à
Héliopolis, le bilinguisme est surtout arabe-français, alors qu'à Alexandrie le
bilinguisme arabe-anglais est plus courant; ailleurs, on peut lire des
inscriptions bilingues en arabe et en grec ou, par exemple, en arménien, en
allemand, etc. Néanmoins, l'anglais est souvent employé seul dans les gares et
les aéroports.
Il n'existe que fort peu de textes juridiques
égyptiens faisant mention de la langue arabe. En voici un portant sur le défense
des consommateurs; il s'agit de la
Loi n° 67
sur la protection du consommateur (2006):
Article 3
Le fabricant ou l'importateur - selon le cas - doit apposer une
étiquette sur les produits de base en indiquant les spécifications
exigées selon les normes égyptiennes, toute autre loi ou tout
règlement en application de la présente loi.
Cette étiquette doit
être rédigée en arabe,
de forme lisible et claire, et de façon à respecter l'objectif de
placer l'étiquette de fabrication en qui concerne la nature de
chaque produit, la manière dont il est annoncé, présenté ou offert
pour la vente.
Le fournisseur de service doit indiquer de façon claire les données
concernant le service offert, y compris son prix, ses spécifications
et ses caractéristiques. |
Cette loi découle d'un décret ministériel, n° 16/1993,
d'imposer l'emploi de la langue arabe sur toutes les étiquettes.
L'article 4 de la
Loi sur la nationalité égyptienne (1975) donne comme exigence la maîtrise de l'arabe:
Article 4
La nationalité
égyptienne peut être accordée par décret du ministre de l'intérieur
:
1) À quiconque est né
en Égypte, d'un père d'origine égyptienne, s'il demande la
nationalité égyptienne, après avoir établi sa résidence ordinaire en
Égypte et qu'il était d'âge légal au moment où il demandait la
nationalité.
3) À tout étranger né
en Égypte d'un père étranger né également à l'étranger, si cet
étranger appartient à la majorité des habitants dans un
pays dont la langue est
arabe ou la
religion, l'islam, s'il demande la nationalité égyptienne dans un
délai d'un an à partir de la date où il atteint l'âge légal.
4) À chaque étranger
né en Égypte et y ayant son lieu de résidence ordinaire et atteint
l'âge légal, s'il demande la nationalité égyptienne dans un délai
d'un an i il s'applique au sein d'un an à partir de la date où il
atteint l'âge légal, et répond aux conditions suivantes :
1. Qu'il soit
mentalement sain d'esprit et ne souffrant d'aucune déficience le
rendant un fardeau pour la société.
2. Qu'il soit de
bonne conduite et d'une bonne réputation, et qu'aucune sanction
pénale ou pénalité restreignant sa liberté ne doit avoir été adoptée
lui dans un crime contre l'honneur, à moins qu'il n'ait été
réhabilité.
3. Qu'il doive
avoir la maîtrise de la langue arabe.
4. Qu'il doive avoir
un moyen légal de gagner sa vie. |
4.3 L'éducation
Le ministère de l'Éducation oblige les écoles publiques
primaires à n'enseigner qu'en arabe standard, mais elle permet aux
écoles privées d'enseigner d'autres langues en plus de l'arabe officiel. Cela
signifie qu'il existe plusieurs écoles anglaises et françaises réservées aux
classes aisées, puis de rares écoles destinées aux minorités arméniennes ou
grecques.
Pour ce qui est du secondaire, les élèves doivent
apprendre une langue étrangère dès le premier cycle: ils ont le choix entre
l'anglais et le français. Au second cycle, il leur faut choisir une deuxième
langue étrangère: l'anglais ou le français (celle qui n'a pas été choisie au
premier cycle), l'allemand, l'italien ou l'espagnol. Près de 60 000 élèves
étudient ainsi actuellement dans des écoles de langue française.
Dans les universités, le système est plus souple, même si
en principe l'arabe classique reste la langue d'enseignement. En réalité, selon
les facultés et les disciplines, l'anglais et le français constituent également
des langues d'enseignement universitaire. Par exemple, la médecine, le génie et
les sciences en général sont enseignés en anglais, le droit en français;
plusieurs facultés dispensent leur enseignement à la fois en français et en
anglais.
Ajoutons quelq ues mots sur l'enseignement de la
religion en Égypte dans les écoles égyptiennes dites «civiles», Celles-ci
enseignent la religion musulmane ou la religion chrétienne, selon des programmes
officiels gouvernementaux. Il n'est pas possible aux parents de dispenser leurs
enfants de l'enseignement religieux, ni de choisir la religion de ces derniers.
Lorsqu'un des parents est musulman, les enfants sont considérés obligatoirement
comme musulmans et éduqués selon cette religion. De plus, il n'existe aucune
possibilité d'apprendre une autre religion que celles fixées par l'État. Comme
les élèves musulmans, les élèves chrétiens sont obligé d'apprendre la religion
chrétienne, selon un programme officiel fixé par une commission choisie par le
ministère de l'Éducation et de l'Enseignement. Dans toutes les écoles civiles,
cet enseignement occupe trois heures par semaine au cycle primaire (sur un total
de 27 à 34 heures d'études), et deux heures dans les cycles préparatoire et
secondaires (sur un total de 34 à 39 heures d'études). De façon générale, les
élèves apprennent par cœur les leçons d'arabe et les récite de mémoire dans des
classes surchargées (entre 60 à 80 élèves).
Les cours de langue arabe (classique) font une large part
à des événements religieux exclusivement musulmans. Par exemple, tout élève
chrétien reçoit un peu d'enseignement religieux lorsqu'il suit des cours
d'arabe, alors qu'un élève musulman ignore tout de la religion chrétienne. Les
manuels de classe utilisés dans les cours d'arabe restent eux aussi fortement
influencés par l'islam. Ainsi, dans le préambule d'un manuel d'arabe, on peut
apprendre que son objectif est d'«implanter dans le cœur des élèves les hautes
valeurs qui approfondissent la foi en Dieu, dans leur religion, leur patrie,
leur nation arabe et l'humanité toute entière, en les poussant aux bonnes
œuvres et à la bonne conduite». Ces livres comportent tous de nombreux textes
tirés du Coran et de nombreux récits du prophète Mahomet. De façon générale, les
livres de religion et d'arabe témoignent d'une certaine xénophobie, voire de
racisme, et ont recours à des mots comme mécréants, kafirs,
moushriks, etc. Bref, on peut dire que les cours d'arabe véhiculent une
doctrine religieuse passablement partisane.
Les manuels de religion chrétienne ne font aucune
référence à la religion musulmane, ni au Coran, ni à Mahomet ou aux musulmans,
mais des références sont faites à la Bible en tant que livre sacré des
chrétiens. Néanmoins, l'élève chrétien doit quand même apprendre et réciter des
formules et comprendre des notions purement islamiques qui tendent à démontrer
que l'islam est la seule vraie religion.
La
Loi sur
l'éducation (2019) ne traite pas des langues, sauf pour élargir à
l'article 55 l'étude des langues étrangères en plus des programmes
officiels. Il existe de nombreuses écoles privées en Égypte.
Ces écoles privées et payantes jouissent généralement d'une grande réputation,
car la qualité de leur enseignement est considérée comme meilleure; d'ailleurs,
elles sont de plus en plus populaires. On y enseigne, en plus de l'arabe, soit
l'anglais, soit le français, soit l'allemand; il existe quelques rares écoles
destinées aux minorités grecque et arménienne. Grâce à l'appui des souverains
égyptiens, des congrégations religieuses catholiques ont fondé, entre 1860 et
1910, plusieurs écoles chargées de l'éducation en français des familles aisées.
On en compte plus d'une quarantaine aujourd'hui. Ces établissements font partie
intégrante du système éducatif égyptien. La spécificité de ces écoles tient à la
large place qui est accordée à l'enseignement des langues vivantes, notamment en
français qui y est enseigné pendant toute la scolarité, en raison de 10 heures
par semaine. Dans ces écoles, la langue d'enseignement des mathématiques et des
sciences est le français.
Enfin, le système d’éducation égyptien semble connaître de
graves problèmes à tous les niveaux, du primaire jusqu'à l’université. Ces
problèmes sont dus principalement au manque de ressources financières et aux
classes surchargées (comptant souvent jusqu'à 80 élèves). Dans les régions
rurales, les écoles manquent de locaux. Il n'est pas surprenant de constater que
le taux d’analphabétisme soit très élevé, surtout en dehors des centres urbains,
alors 45 % de la population égyptienne ne sait ni lire ni écrire.
4.4 L'affichage
Jusque dans les années quatre-vingt, il n'y avait aucune
réglementation au chapitre de la langue de l'affichage commercial. Étant donné
le nombre assez élevé de langues parlées en Égypte (nubien, berbère, anglais,
français, arménien, grec, italien, allemand, hébreu, etc.), on retrouvait dans
l'affichage une très grande diversité: unilinguisme arabe ou anglais, français,
arménien, etc., en passant par toutes sortes de combinaisons de bilinguisme
arabe-anglais, arabe-français, arabe-arménien, anglais-français, anglais-grec,
etc.
Cette situation presque anarchique a donné lieu à de
violents débats au Parlement en 1986. Plusieurs députés ont voulu faire adopter
une loi afin d'interdire dans l'affichage commercial toute autre langue que l'arabe. Les
commerçants ont fait valoir leur préférence pour le libre choix dans la langue
de l'affichage. Finalement, la même année, le gouvernement a fait publier ce qui
semble être un décret. Ce décret de 1986 interdit d'apposer des inscriptions
unilingues non arabes sur toute affiche commerciale. Cela signifie que toutes
les affiches publiques ou commerciales doivent être rédigées en arabe ou être
accompagnées d'une traduction en arabe. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir
de réglementation concernant l'application du bilinguisme. Dans le domaine de l'affichage et de la publicité
commerciales, c'est la liberté complète dans la mesure où l'arabe est
obligatoirement présent. Un projet de loi
sur la promotion de l'arabe fut présenté en 2021, qui
obligerait toute publicité
publiée ou installée sur la voie publique ou dans un lieu public
ou un moyen de transport en commun d'être rédigée en langue arabe; une
traduction en langue étrangère peut y être ajoutée, à la condition
que la langue arabe soit de taille plus grande et située au-dessus.
|
L'anglais est la principale langue employée dans les opérations commerciales en
Égypte (y compris sur les billets de banque); aussi l'utilisation conjointe de
l'arabe et de l'anglais constitue la forme de bilinguisme la plus courante.
La seconde langue employée dans les cas de bilinguisme
commercial dépend soit de la population qui habite les villes ou les quartiers,
soit du type de produits manufacturés. Ainsi, au Caire, le bilinguisme arabe-anglais est très
fréquent, ce qui n'exclut pas pour autant l'affichage bilingue avec le français,
le grec ou l'arménien; à Héliopolis, les magasins affichent surtout en arabe et
en français, alors que, à Alexandrie, le grec, l'italien ou l'allemand sont
utilisés également. Dans le domaine de la publicité, les produits français,
italiens, allemands ou grecs sont annoncés en deux langues: arabe-français, arabe-italien, arabe-allemand, arabe-grec.
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Enfin,
il arrive aussi que l'on utilise les anciens hiéroglyphes égyptiens,
particulièrement pour la publicité ayant trait à la littérature, la culture ou
l'artisanat. De façon générale, le français ne subsiste plus que sur de
vieilles enseignes ou dans certains secteurs, tels que les instituts de beauté
et les restaurants chics, et dans les quartiers bourgeois.
De plus, les organisations ou institutions religieuses,
culturelles ou ethniques affichent généralement dans leur langue. C'est l'usage
normal pour les organisations allemandes, italiennes, arméniennes, grecques,
hébraïques, etc. Enfin, l'arabe égyptien (dialectal), le berbère et le nubien,
bien que parlés couramment par une partie ou l'autre de la population, ne sont
jamais employés dans l'affichage.
La situation des langues de l'affichage en Égypte révèle
la relative faiblesse de l'arabe classique et de l'arabe standard. D'une part, la majorité des citoyens
parlent un arabe dialectal, très différent de la langue officielle, d'autre
part, les opérations commerciales sont dominées par les langues européennes
(anglais, français, allemand, italien); de plus, l'alphabet latin est devenu un
symbole de prestige en Égypte et toutes les raisons semblent bonnes pour
recourir à une «langue à alphabet latin». Même les prix des produits sont
souvent affichés en chiffres «arabes» occidentaux plutôt qu'en symboles arabes
autochtones. En cela, la cas de l'Égypte n'est pas très différent des pays du
Maghreb (la Tunisie, l'Algérie et le Maroc).
4.5 Les médias
La langue anglaise influence la langue arabe et en particulier la langue
arabe des médias en raison de l'hégémonie du monde occidental sur les pays
musulmans, y compris les pays arabes. Il en résulte que beaucoup de mots anglais
pénètrent dans la langue arabe dans divers domaines tels que les technologies de
l'information, l'économie politique, la médecine et les domaines de l'éducation.
De toute évidence, divers facteurs sont responsables de l'influence de la langue
anglaise sur la langue des médias arabes, notamment sociaux, culturels,
éducatifs et linguistiques.
Pour certains arabophones, cette rend la langue arabe vulnérable, car elle
perd ainsi beaucoup de termes qui pourraient être en arabe, ce qui aussi remet
en question l'identité arabe. Les répercussions négatives émergent en raison de
l'influence de la langue anglaise sur la langue arabe des médias afin de suivre
le rythme des exigences de l'ère moderne. Pour ce faire, il paraît nécessaire de
prendre des mesures efficaces dans le but de prévenir ou de réduire l'impact de
la langue anglaise sur la langue arabe des médias de sorte que la langue arabe
puisse reprendre sa place.
Dans l'état actuel des choses, le problème auquel est confrontée la langue
arabe concerne sa «pauvreté en terminologie scientifique» pour exprimer les
différents domaines de la civilisation moderne et ses inventions industrielles.
D'où la nécessité de coordonner les efforts déployés par les différentes
académies linguistiques afin d'enrichir la langue arabe et la sortir de l'état
de pauvreté de la terminologie scientifique. Le même problème se transpose dans
les écoles et les univrersités.
L'Égypte croit avoir trouvé un équilibre entre les besoins de
l'arabisation et les nécessités de l'économie et de l'ouverture au monde. Cette
ouverture semble manifeste à l'égard de l'anglais, mais moins en ce qui concerne
le français peu menaçant. L'État
égyptien a même décidé de faire partie des Sommets francophones regroupant 49
États et gouvernements. Toutefois, la question des minorités ne semble même plus
se poser. Elles sont simplement ignorées, sans subir de répression. En ce sens,
l'État est logique avec l'article 40 de la Constitution qui proclame que «les
citoyens sont égaux devant la loi et qu'ils ont les mêmes droits et les mêmes
devoirs publics, sans distinction de race, d'origine, de langue, de religion ou
de conviction». Le problème, c'est qu'en ayant les mêmes droits que les
arabophones les minorités n'ont pas la force d'exercer leurs droits de
minoritaires.
Par ailleurs, les tentatives d'enrayer l'influence de
l'anglais dans l'arabe se sont révélées jusqu'ici quelque peu décevants.
L'Égypte est le plus grand réservoir d'arabophones dans le monde. Elle se doit
de donner l'exemple aux autres pays arabophones. Si l'Égypte ne réussit pas, il
est encore plus difficile pour les autres pays de réussir. Mais les pays arabes
sont toujours aux prises avec au moins deux langues arabes qui se font
concurrence: l'arabe classique ou coranique et l'arabe local ou dialectal. Or,
l'unité de la langue arabe ne peut se faire que par l'arabe classique. C'est là
un dilemme, car les deux variétés doivent faire face également à la langue
anglaise.
Dernière mise à jour:
19 déc. 2023
Bibliographie
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Business, and Revolution in Egypt, Columbia University Press, 2017,
336 p.
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Suisse», Lausanne, Institut suisse de droit comparé, texte envoyé pour
le colloque du 4 mars 2000 organisé par le Mouvement pour les droits de
l'homme à Beyrouth,
[http://www.lpj.org/Nonviolence/Sami/articles/frn-articles/enseignement.html].
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quotidien en Égypte, Paris, Presses orientalistes de France, 1980,
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GAUTHIER, François, Jacques LECLERC et Jacques MAURAIS.
Langues et constitutions, Montréal/Paris, Office de la langue
française / Conseil international de la langue française, 1993, 131 p.
GUIRGUIS, Laure. Égypte. Révolution et
contre-révolution, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 181p.
LECLERC, Jacques. Langue et société, Laval,
Mondia Éditeur, coll. "Synthèse", 1992, 708 p.
MARCOU, Jean. L’Égypte contemporaine, Paris,
Éditions Le Cavalier Bleu, coll. Idées reçues, 2008, 128 p.
POMMIER, Sophie. Égypte, l’envers du décor,
Paris, La Découverte, 2008, 300 p.
STACHER, Joshua. Adaptable Autocrats, Cairo,
American University of Cairo Press, 2012, 256 p.
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