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Nauru / NaoeroRepublic of Nauru |
Capitale: Yaren
(non officielle) |
La république de Nauru est située au sud de l'équateur dans le Pacifique-Sud (voir la carte du Pacifique).
Nauru forme une île relativement isolée au nord des
îles Salomon, mais à quelque 2000 km à l'est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
et à 1500 km à l'ouest de Kiribati. Cette
petite île, surélevée et de forme ovale, constitue l'un des plus petits États
souverains du monde avec une superficie de 21,2 km² (république de Saint-Marin:
61 km²; principauté de Monaco: moins de 2,5 km²;
Vatican: 0,44 km²). L'île de Nauru fait partie des îles de la Micronésie. Administrativement, Nauru est divisée en 14 districts: Aiwo, Anabar, Anetan, Anibare, Baiti, Boe, Buada, Denigomodu, Ewa, Ijuw, Meneng, Nibok, Uaboe, Yaren. Nauru n'a pas de capitale officielle, mais les bureaux du gouvernement sont dans le district de Yaren, dans le Sud. 2 Données démolinguistiquesLa population nauruane était estimée à 11 845 habitants en juillet 2000. Les Nauruans forment 73,4 % de la population, alors que 10 % des habitants proviennent d'autres îles du Pacifique (Kiribati, Tuvalu, etc.); on compte aussi 8 % de Chinois et 8 % d'Européens. Presque tous les Nauruans d'origine parlent le nauruan, une langue micronésienne de la famille austronésienne du groupe malayo-polynésien oriental. Cela signifie que 54 % des insulaires parlent le nauruan comme langue maternelle, mais quelque 10 % des autres ethnies l'utilisent aussi comme langue seconde. |
Les non-Nauruans parlent d'autres langues austronésiennes telles que le kiribati, le tuvaluan, le marshallois, le kosraéen, ou encore le pidgin English (par les Chinois) ou l'anglais. Moins de 600 Occidentaux ont l'anglais comme langue maternelle, mais la plupart des différentes ethnies l'emploient aussi comme langue seconde.
Les trois ou quatre mille étrangers travaillent pour la mine (les British Phosphate Commissioners) ou pour la fonction publique; ce sont des Océaniens originaires de Kiribati et de Tuvalu, des Australiens et, plus récemment, des immigrants de l’Inde ou des Philippines, qui occupent des fonctions à tous les niveaux de la hiérarchie, chaque nationalité disposant de son propre créneau socioprofessionnel. Quant aux Nauruans de souche, ils habitent généralement loin de la mine de phosphate et du district administratif de Yaren, pour résider plutôt dans des villages situés le long de la route circulaire qui suit l’étroite plaine littorale. Les deux tiers des insulaires pratiquent la religion protestante, les autres étant catholiques.
Comme beaucoup d’îles océaniennes, l’île de Nauru a surgi de l'océan Pacifique à la faveur d’une éruption volcanique, il y a quelques millions d’années. Nous ignorons l'histoire des populations de cette petite île du Pacifique-Sud avant l'arrivée, en 1798, du capitaine britannique John Fearn. Nauru fut à ce moment surnommée «Pleasant Island» («l’île Agréable», car les contacts avec ses habitants paraissaient agréables. On sait cependant que les habitants élaborèrent très tôt (vers 1200 avant notre ère, une langue commune d'origine austronésienne, deviendra le nauru, avec ses variétés dialectales. Pendant longtemps après la découverte de l'île par les Européens, l’endroit servit d’escale pour l’approvisionnement des nombreuses flottes baleinières qui exploitaient les bancs océaniques. Puis, comme partout en Océanie, les contacts qui suivirent avec les Occidentaux se sont révélés désastreux pour les Nauruans. Ainsi, l'introduction des armes à feu déséquilibra les rapports de force entre les tribus de l'île; il en résultat une série de guerres civiles interminables.
3.1 La colonisation allemande
En 1888, Nauru fut annexée par l'Empire
allemand
afin d'en assurer le contrôle et la pacifier, ce qui mit un terme aux guerres
civiles. L'alcool et les armes à feu furent interdits, alors que les chefs
tribaux, arrêtés. Les Allemands découvrirent les premiers gisements
de phosphates en 1899. L'île de Nauru fut d'abord intégrée au protectorat
allemand des îles Marshall, puis fut ensuite rattachée à la Nouvelle-Guinée
allemande en 1906, à la suite d'un nouveau découpage administratif. Cependant,
l'administration allemande resta toujours réduite, avec comme résultat qu'une
certaine autonomie fut laissée aux habitants de l'île. La petite administration
coloniale ne se préoccupa même pas de propager la culture et la langue
allemandes.
Seuls les missionnaires, les Liebenzeller Mission, se préoccupèrent des insulaires nauruans. Ils proposèrent la première traduction de la Bible en nauruan et les premières adaptations dans cette langue d'ouvrages de catéchisme ou consacrés à l'histoire de l'Église chrétienne. En 1907, parut le Taschenwörterbuch Deutsch-Nauruisch, un dictionnaire de poche nauruan-allemand; puis les premiers manuels scolaires furent publiés en nauruan.
L’exploitation du phosphate, dont les engrais enrichissent les sols agricoles de ces grands voisins du Pacifique, fut inaugurée en 1907 par la Pacific Phosphate Company. Cette découverte favorisa le développement économique de l'île. Mais un accord de la compagnie avec le gouvernement allemand prévoyait que tous les postes administratifs vacants de la Pacific Phosphate Company devaient être renouvelés avec du personnel allemand. C'est pourquoi la langue allemande finit par s'imposer dans l'usage des insulaires, et ce, d'autant plus que des immigrants venant des autres îles s'installèrent à Nauru. À la veille de la Première Guerre mondiale, la population de Nauru était formée de 30 Allemands, 70 Britanniques, 1400 Nauruans et environ 1000 Caroliniens (habitants des îles Carolines) et Chinois. Le 6 novembre 1914, les Australiens s'installèrent sur Nauru, ce qui un terme final à la colonisation allemande de Nauru.
3.2 L'administration australienne
En 1920, la Société des Nations (SDN) attribua le mandat (Nauru Island Agreement) d'administrer l'île de Nauru conjointement à la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, qui se partagèrent les profits des phosphates. À partir de cette même année, la British Phosphate Company (BPC) succéda à la Pacific Phosphate Company jusqu'en 1967, date de son rachat par le futur État de Nauru.
Dans les faits, seule l'Australie administra l'île. L'acculturation des Nauruans se poursuivit de telle sorte qu'en 1920 la religion nauruane totémique fut abolie. En 1927, les Nauruans, qui demandaient une plus grande application à leurs revendications, obtirent le droit de former un Council of Chiefs («Conseil des chefs») qui n'eut qu'une fonction consultative. Durant cette période, la langue anglaise accapara toutes les fonctions de prestige aux dépens de la langue nationale, le nauruan.
De 1942 à 1945, les troupes de l'Empire japonais occupèrent l'île et déportèrent près du tiers de la population, puis tentèrent d'implanter sans succès le japonais dans les écoles. La construction d'une piste d'atterrissage fut la plus importante réalisation des Japonais sur Nauru; cette piste demeure à l'origine de l'actuel aéroport international de Nauru. Afin d'effectuer ce travail, les Japonais ont fait venir 1500 Japonais et Coréens, en plus des 300 travailleurs nauruans et gilbertins forcés d'y travailler.
Les envahisseurs japonais furent chassés par les Américains après la guerre, mais en 1947 l’île fut placée sous la tutelle des Nations unies qui en confièrent encore l'administration à l'Australie. Plus de 3700 Japonais et Coréens furent rapatriés dans leur pays et certains furent inculpés à leur retour pour crimes de guerre parce qu'ils auraient commis des exactions sur les prisonniers européens et nauruans. Des 1848 habitants nauruans en 1940, il n'en restait que 1369 habitants en 1946.
L'exploitation des mines de phosphate repris de plus belle avec la British Phosphate Commissioners. Toutefois, comme seuls 2 % des revenus revenaient aux Nauruans et 1% à l'administration de l'île, les ouvriers se révoltèrent, notamment les mineurs chinois. Mécontents, les Nauruans réussirent à faire entendre leurs revendications et obtinrent la création d'un Conseil de gouvernement local («Local Government Council»), mais seulement après le dépôt de plusieurs plaintes auprès des Nations unies. Même s'il était composé de Nauruans, ce conseil resta dans les faits contrôlé par l'administrateur de l'Australie. Cette situation encouragea la population à demander plus d'autonomie politique et une augmentation des redevances dans l'exploitation des phosphates.
Même si l'Australie souhaitait conserver la gestion de la Défense et des Affaires étrangères de Nauru, la population de Nauru réclama l'indépendance totale. L'Australie finit par accepter en 1966 cette idée d'indépendance et entama le processus qui devait mener à la création de l'État nauruan.
3.3 L'État nauruan
Le 31 janvier 1968, Nauru devint un État indépendant et entra la même année dans le Commonwealth. L'indépendance fut assortie d'indemnités compensatrices en raison de la destruction de sites, car l'île dut importer de la terre arable. Des centaines de millions en provenance de l'Australie tombèrent dans la caisse du gouvernement.
Le premier président, Hammer De Roburt, est resté au pouvoir presque sans interruption pendant plus de vingt ans. L'île connut une période de prospérité sans précédent, grâce notamment au cours mondial du phosphate qui augmenta considérablement. Nauru devint l’un des États les plus riches de la planète. Les Nauruans furent appelés les «émirs du Pacifique»: ils ne payèrent pas d’impôts et laissèrent toutes les tâches pénibles à une main-d’œuvre immigrée venue des îles voisines. Mais, à partir de 1989, les revenus des Nauruans commencèrent à diminuer avec la baisse de la demande mondiale en phosphate, sans oublier que les réserves de phosphate s'épuisaient inexorablement, alors que les coûts d'exploitation augmentèrent. Les Nauruans continuèrent d'utiliser la langue anglaise dans tous les rôles sociaux.
Dès le début des années quatre-vingt-dix, les mauvaises politiques ont précipité l'épuisement des réserves de phosphates et plongé Nauru dans la faillite et l'instabilité politique. À partir de 2000, l'État nauruan était en faillite. Afin de diversifier ses sources de revenus, Nauru s'engagea dans le blanchiment d'argent, la vente de passeports tout en négociant ses votes dans les instances internationales. Nauru serait aujourd’hui le deuxième paradis fiscal au monde par son importance. Enfin, le gouvernement loue des espaces à l'Australie qui en fait des prisons à ciel ouvert pour les immigrants refusés qu'elle a refusés.
L'arrivée depuis 2004 d'une nouvelle majorité au gouvernement et d'une nouvelle politique économique semble apporter une meilleure transparence dans les finances de l'État nauruan. Néanmoins, le plateau central de Nauru ressemble aujourd'hui à une sorte de paysage lunaire, car le sol est resté défiguré par l’exploitation du phosphate. Au final, quelque 85 % de l'île est dévastée, car l'exploitation du phosphate a apporté la déforestation et la disparition des oiseaux. Avec une petite population d'environ 12 500 habitants, les Nauruans n'ont plus d'autres ressources que d'espérer un hypothétique visa pour l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Leur culture et leur langue risquent de disparaître à court terme, car ils n'ont plus d'avenir. Derrière les Nauruans: un désert de pierre et de corail, et une dette de 140 millions d’euros. Aujourd'hui, Nauru est devenu l'un de États les plus pauvres au monde, et l'abandon de l'île et l'exil de ses habitants, dont l'espérance de vie est en chute libre, semble sérieusement envisagé.
C'est une histoire étrange qui fait penser aux habitants de l'île de Pâques : la découverte de ressources naturelles, qui a fait un temps la richesse de l’île, fut suivie d'une exploitation massive ayant totalement ravagé le territoire et précipité le pays dans la faillite économique. Comme quoi la prospérité économique peut aussi se transformer en catastrophe.
Le petit État du Nauru pratique une politique de bilinguisme nauru-anglais. Pourtant, les deux langues officielles ne sont proclamées par aucun texte de loi, pas même dans la Constitution du 29 janvier 1968.
L'anglais est resté la langue habituelle de la législation. Selon la Custom and Adopted Laws Act de 1971 (Loi sur le droit coutumier et les lois adoptées), le droit coutumier et les lois d'application générale, incluant les règles, règlements et ordonnances qui, le trente-et-unième jour de janvier 1968, étaient en vigueur en Grande-Bretagne sont considérés, sauf exceptions, comme des lois de Nauru.
Dans les tribunaux, selon l'article 10 (paragraphe 3) de la Constitution du 29 janvier 1968, quiconque est accusé d'un acte criminel sera informé rapidement dans une langue qu'il comprend et en détail de la nature de l'acte criminel dont il est accusé et aura la permission de recourir gratuitement aux services d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée à son procès:
Article 10 Disposition garantissant la protection de la loi [...] (3) Quiconque est accusé d'un acte criminel: a) sera présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit trouvé coupable selon la loi; b) sera informé rapidement, dans une langue qu'il comprend et en détail, de la nature de l'acte criminel dont il est accusé; c) il lui sera accordé des délais adéquats et des facilités pour préparer sa défense; d) aura la permission de recourir gratuitement aux services d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée à son procès; [...] |
Autrement dit, bien que la langue anglaise soit la langue des
tribunaux, le nauruan est admis lors de la procédure, que ce soit de la part
de l'accusé ou des témoins. La
Loi sur la
procédure civile de 1972
n'est pas plus précise dans la mesure où elle énonce que la sentence doit être
rendue dans «la langue du tribunal», sans nommer la langue; on sait qu'il s'agit de l'anglais:
Article 18
Sentence motivée rendue des des questions controversées
|
La
Loi sur le tribunal de la famille (1973) autorise
une langue langue que l'anglais et précise qu'il s'agit du nauruan:
Article 12 Langue du tribunal de la famille La langue du tribunal de la famille est l'anglais à moins que le président du tribunal n'ordonne que la procédure se déroule en nauruan. |
La Loi sur les tribunaux de 1972 est
beaucoup plus précise. L'anglais est l'unique langue de la Cour suprême, mais
le nauruan est autorisé dans les cours de district. Lorsqu'un document
autorisé dans une cour de district est transféré à la Cour suprême, il doit
être traduit en anglais:
Article 47 Langue des tribunaux (1) La langue de la Cour suprême est l'anglais. (2) La langue de la cour de district est le nauruan ou l'anglais, tel que le décidera le magistrat ayant la responsabilité de la procédure dans une cause ou une affaire. (3) Lorsque l'audience dans une cause ou une affaire à une cour de district est plus tard transférée à la Cour suprême, la langue utilisée par le tribunal de district est le nauruan; le compte rendu fait par le magistrat et les affidavits et les documents en nauruan doivent être traduits en anglais par le greffier avant que le dossier ne soit transmis au registraire et ils doivent être certifiés par le greffier pour être reconnus comme une traduction correcte; et toute partie à la cause ou l'affaire peut, sur paiement de la taxe prescrite, obtenir du registraire une copie de cette traduction. |
En fait, un compte rendu rédigé en anglais à partir d'une déclaration présumée avoir été faite en nauruan ne doit pas être admis comme preuve parce qu'il pourrait avoir été enregistré en nauruan, la preuve orale de la déclaration ne devant pas être admise. Mais un compte rendu écrit doit être fait en nauruan par un interprète s'il est capable d'écrire en nauruan. On peut consulter aussi le Règlement sur la procédure civile de 1972.
L'Administration gouvernementale fonctionne en anglais (surtout à l'écrit) et en nauruan (surtout à l'oral). L’unité monétaire est le dollar australien, divisible en 100 cents. De façon générale, la langue anglaise est omniprésente dans les documents administratifs officiels, de même que dans les entreprises commerciales.
L'éducation relève à la fois des districts et du ministère de l'Éducation. Les domaines tels que la santé, les mathématiques et l'enseignement de l'anglais demeurent sous la juridiction du gouvernement. Selon les directives du ministère de l'Éducation
(Department of Education), l'école, tant au primaire qu'au secondaire, doit soutenir et mettre en œuvre un système d'éducation bilingue dans lequel la langue nauruan est la langue nationale, alors que, en même temps, la langue anglaise ne doit pas être négligée. Cet objectif de l'enseignement du nauruan est poursuivi dans le but de renforcer et assurer la survie de la langue nauruan. Le gouvernement estime que les Nauruans seraient plus à l'aise dans leur propre langue et qu'ils comprendraient et réussiraient mieux dans leurs études. L'objectif final est de s'assurer que tous les élèves sachent lire et écrire en anglais et en nauruan. En réalité, l'enseignement de l'anglais demeure plus important et cet enseignement est presque exclusif au secondaire. La majorité des élèves qui réussissent le secondaire atteignent un niveau raisonnable de compréhension, en particulier en anglais, mais il reste un nombre important d'analphabètes en anglais.Dans les médias, si la radiotélévision (NTV-Nauru Television et Radio Nauru) est relativement bilingue, les journaux sont demeurés unilingues anglais.
La politique de bilinguisme pratiquée par l'État nauruan semble inégalitaire, l'anglais ayant un net avantage sur la langue nationale. Il faut dire que le nauruan est une bien petite langue qui ne peut que difficilement tenir tête à l'anglais, surtout en l'absence de dispositions législatives contraignantes, comme c'est le cas ici. En somme, la politique linguistique de la république de Nauru s'apparente à de nombreux pays en situation de post-colonialisme. La langue de l'ancien colonisateur continue d'accaparer les rôles de prestige, alors que la langue nationale est reléguée aux situations de communications informelles, avec une place limitée à l'enseignement primaire et dans les médias électroniques. Il faut dire, à la défense des Nauruans, qu'ils ont d'autres problèmes plus urgents à résoudre, notamment celui de leur propre disparition, ce qui impliquera forcément celle de leur langue unique.
Bibliographie
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