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République de Kiribati

Kiribati

Republic of Kiribati

Capitale:  atoll de Tarawa
Population:  94 000 (2002)
Langue officielle: anglais 
Groupe majoritaire:  gilbertin ou kiribati (97,2 %)
Groupes minoritaires: anglais et langues austronésiennes 
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue):  art. 5, 10, 16 et 127 de la Constitution de 1979
Lois linguistiques : Code de procédure criminelle.

1 Situation géographique

La république de Kiribati est un pays insulaire du Pacifique situé à la fois en Polynésie et en Micronésie, soit entre les îles Marshall et Hawaï au nord et les îles Salomon, Tuvalu, Samoa, Cook et la Polynésie française au sud (voir la carte du Pacifique). Le mot «Kiribati se prononce [kiribæs], ce qui pourrait correspondre pour un francophone à peu près à [kiribass].

Les Kiribati sont composées de 33 îles — dont 21 sont inhabitées — regroupées autour de trois archipels principaux (voir la carte détaillée) et d'une île isolée (Banaba): à l'ouest, les îles Gilbert (au nombre de 16), au centre, les îles Phoenix (au nombre de huit) et, à l'est, les 11 îles de la Ligne connues aussi sous le nom français de Sporades équatoriales parce qu'elle sont très éparpillées. Les îles de la Ligne peuvent être divisées en plusieurs groupes d'atolls entre le Nord et le Sud: les Northern and Southern Line Islands. Toutefois, l'atoll de Christmas (qui s'écrit Kiritimati en langue vernaculaire) est suffisamment éloigné de l'atoll de Fanning (Tabuaeran) et de l'atoll de Washington (Teraina) pour que la dénomination anglaise ne soit presque jamais utilisée (voir la carte). Deux archipels, ceux de la Ligne et des Phoenix, sont situés en Polynésie.

Les trois groupes d'archipels sont séparés par des distances parfois considérables — plus de 480 km du nord au sud et plus de 3220 km d'est en ouest —, avec une superficie terrestre de 717 km² et une superficie maritime de 3 550 000 km², soit juste trois fois moins que la superficie du Canada. En un sens, Kiribati est le plus «grand» des petits États du Pacifique. 

La capitale du pays est située sur l'atoll de Tarawa. Celui-ci se divise en trois «conseils municipaux» qui constituent autant de découpages administratifs: Betio (où se trouvent le port et quelques ministères), Tarawa-Sud (où se trouvent plusieurs quartiers, dont Bairiki, Ambo et l'aéroport) et Tarawa-Nord, plus isolé. Aucun quartier n'ayant la moindre autonomie administrative, on peut dire que la capitale est l'atoll de Tarawa, plus précisément le conseil municipal de Tarawa-Sud.

Quant au terme de Kiribati, il correspond à la façon vernaculaire d'écrire l'anglais Gilberts (pluriel de Gilbert), nom du capitaine britannique Thomas Gilbert qui, de concert avec le capitaine John Marshall, a sillonné ces îles lors d'un voyage entre Sydney et la Chine en 1788.  Cette appellation des îles Gilbert — ou Gilberts, comme il était de tradition d'écrire dans les anciennes cartes où les îles de l'archipel prenaient systématiquement le pluriel en français — est apparue ainsi pour la première fois sur une carte dressée et écrite en français par une expédition russe dirigée par un amiral estonien. Ce même nom de Gilberts a ensuite été utilisé par les habitants, de préférence au nom vernaculaire de Tungaru, qui l'ont prononcé [kiribès], le [g] et le [l] n'existant pas en gilbertin.

Le nom des habitants et de la langue du pays a toujours été Gilbertese (en anglais) et Gilbertin/gilbertin (en français), cette dernière forme étant apparue en 1888 avec l'arrivée des missionnaires catholiques du Sacré-Coeur (tous francophones). Ainsi, les formes traduites de l'anglais Gilbertais (nom) ou gilbertais (adjectif), (Gilbertien/gilbertien, Gilbertain/gilbertain) ou encore Kiribatien/kiribatien (comme dans le dictionnaire Le Robert ou l'arrêté français du 4 novembre 1993 semblent refléter plutôt une méconnaissance des rapporteurs en la matière. On peut utiliser à la rigueur le terme peu français de I-Kiribati. Les textes juridiques du pays utilisent en général l'expression "Kiribati language" pour désigner la langue des Gilbertins, mais on trouve parfois l'expression "Gilbertese language".

2 Données démolinguistiques

Les 94 000 habitants des Kiribati (les Gilbertins ou plus rarement Kiribatiens) sont géographiquement éparpillés dans des îles parfois très éloignées, mais il existe une très grande unité démolinguistique. Étant donné que 21 îles sur 33 sont inhabitées, la majorité de la population est concentrée dans les îles Gilbert. Seulement une île de l'archipel Phoenix et trois dans celui de la Ligne sont occupées de manière permanente. Cela dit, il n'existe pas au sein de la population de Kiribati des différences socioculturelles et linguistiques très fortes. Au contraire, les observateurs attentifs de la société gilbertine, dont Sir Arthur Grimble (1888-1956), ont surtout constaté une grande homogénéité d'ordre linguistique, probablement unique dans le Pacifique, surtout si l'on tient compte de l'éparpillement extrême des archipels.

Les Kiribati sont donc un pays d'une grande homogénéité linguistique à plus d'un titre. D'une part, la très grande majorité des habitants, soit au moins 97,2 %, parlent le kiribati (ou gilbertin), une langue micronésienne de la famille austronésienne du groupe malayo-polynésien oriental. D'autre part, il existe des différences et des particularités entre les îles du Nord (l'archipel des Gilbert) et les îles du Sud, mais ces différences semblent dérisoires, même pour un linguiste. Par exemple, on note une différence dans la prononciation du [t] comme un [s] devant la voyelle [u] (phénomène d'affrication) et un vocabulaire parfois spécifique à certaines îles du Nord (mais généralement compris d'un bout à l'autre de l'archipel). De plus, on observe une organisation sociale un peu plus hiérarchisée dans certaines îles et plus communautaire dans d'autres. Dans l'ensemble, ces disparités méritent d'être relativisées, car il vaut mieux parler d'une grande homogénéité. Les mêmes structures, les mêmes coutumes, la même langue sont pratiquées d'un bout à l'autre du plus grand des petits États du Pacifique.

Le pays compte également de très petites minorités de Polynésiens et d'autres insulaires de l'extérieur du Pacifique-Sud.

On estime aussi que 30 % des Gilbertins parlent aussi l'anglais comme langue seconde. Moins de 400 locuteurs ont l'anglais comme langue maternelle. De façon générale, l'anglais est perçu dans les îles Gilbert à la fois comme une langue seconde et une langue étrangère. Le bilinguisme dans ce pays est encore loin de la coupe aux lèvres. Les gens instruits ont tendance à réserver l'anglais dans sa forme écrite et privilégier le gilbertin à l'oral.

Le gilbertin n'est parlé que par les Gilbertins. Elle est légèrement fragmentée par des variations dialectales, notamment entre les îles du Nord (archipel Gilbert) et celles du Sud. Cette langue micronésienne a été d'abord étudiée et consignée par Hiram Bingham, un pasteur protestant de la Mission basée à Hawaii qui est arrivé dans les îles Gilbert en 1857; beaucoup plus tard, en 1888, des prêtres catholiques de la Mission du Sacré-Coeur ont fait de même en s'établissant dans ces îles. Bien qu'aucun de ces religieux n'ait reçu préalablement de formation linguistique, ils ont accompli leur tâche avec un certain succès — mais non sans difficulté — en traduisant la Bible dans la langue locale vernaculaire (le gilbertin). Malheureusement, protestants et catholiques ont employé des orthographes différentes et traduit de façon distincte un grand nombre de mots. Par la suite, des linguistes ont inventé des signes servant à transcrire des sons différents en gilbertin. Quoi qu'il en soit, diverses graphies se sont imposées au cours des décennies. Par exemple, le gilbertin (ou kiribati) distingue les voyelles allongées des voyelles courtes, il est possible de les transcrire en doublant simplement la voyelle (a/aa) ou en ajoutant un signe diacritique sur la voyelle. Un autre exemple: la consonne nasale [ng], à la différence de [n], peut être représentée par les lettres -ng- ou avec juste un -n ou encore par un signe diacritique supplémentaire.

Les Gilbertins sont majoritairement chrétiens, catholiques romains (53 %), ou appartiennent à l'Église protestante gilbertine (44 %). On trouve également, mais dans une moindre mesure (env. 3 %), des adventistes, des baha'i et des mormons.

3 Données historiques

Il est probable, d'après des fouilles archéologiques, que les îles Gilbert aient été habitées par une population austronésienne aux environs du deuxième millénaire avant notre ère. Aux XIVe et XVe siècles, certaines îles de l'archipel Gilbert connurent une vague d'invasion en provenance des îles Fidji et Tonga. L'île de Butaritari (tout au nord des Gilbert) a été la première île de cet archipel qui fut découverte par le navigateur espagnol Quiros en 1606. Toutes les autres îles du pays n’ont été officiellement découvertes qu'entre 1765 et 1826, soit plus d’un siècle plus tard, par des capitaines britanniques tels que John Byron en 1765, James Cook en 1777, Thomas Gilbert et John Marshall en 1788; des explorateurs français et américains en ont découvert d'autres. Au XIXe siècle, les îles de ce qui deviendra les Kiribati ont  vu débarquer de nombreux Européens, que ce soit des matelots, explorateurs, missionnaires anglais protestants au sud et catholiques français au nord, ainsi que des représentants de maisons de commerce australiennes, allemandes ou américaines.

3.1 La souveraineté britannique

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, plus de 9000 Gilbertins furent recrutés pour travailler dans les plantations des îles Fidji, des Samoa et de Tahiti. La mise en place de la souveraineté britannique sur cet ensemble d'îles se fit en plusieurs étapes en raison des très grandes distances séparant chacune d'elles. Le protectorat établi sur l'île d'Abemama en 1892 se prolongea par l'annexion de l'île Banaba en 1900, où l'exploitation minière rencontra un vif succès à tel point que l'île devint un centre important pour la colonisation britannique.

L'annexion définitive des îles Gilbert et Ellice eut lieu en 1915. Le territoire devint une colonie de la Couronne britannique en 1916 sous le nom de Gilbert and Ellice Islands Colony (colonie des îles Gilbert et Ellice). L'île Christmas y fut jointe en 1919 et certaines des îles Phoenix en 1937. L'Administration britannique imposa la langue anglaise sans difficulté dans l'archipel.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le pays devint un enjeu stratégique central lors de la guerre du Pacifique (1942-1943). Dès décembre 1941, les troupes japonaises s'installèrent à Banaba et aux îles Gilbert. La reconquête du territoire, longue et difficile, s’acheva en novembre 1943 pour l'archipel des Gilbert et en 1945 pour l'île Banaba. Entre-temps, de nombreux Gilbertins furent victimes de massacres et la plupart des Banabans furent déportés sur l'île Nauru.

3.2 L'autonomie

Après la guerre, l'Administration britannique procéda à un transfert lent et progressif des pouvoirs à sa colonie. L'autonomie interne fut introduite à partir de 1963; l'île Christmas étant désignée sous le nom de Kiritimati, une graphie différente avec une prononciation quasi identique. En 1975, l'archipel des Ellice se sépara du reste de la colonie, à la suite d'un référendum, et devint indépendant, trois ans plus tard, sous le nom de Tuvalu.

L'indépendance des îles Gilbert ne survint que le 12 juillet 1979; le nouveau pays s'appela officiellement Kiribati, l'appellation vernaculaire de Gilbert, et ajouta les îles de la Ligne et les îles Phoenix sur lesquelles les États-Unis avaient abandonné leurs revendications.

Depuis ce moment, le pays a connu une relative stabilité politique. Le gouvernement conserva l'anglais comme langue officielle ainsi que toutes les institutions britanniques. En 1985, la signature d'un accord sur les droits de pêche concédés à des armements soviétiques dans la zone des 200 milles marins déclencha un véritable tollé dans la région tout en provoquant la fureur des Américains (alors sous l'administration Reagan) qui signèrent rapidement de nouveaux accords de pêche avec les autres États insulaires de la région.

4 La politique linguistique

La langue officielle des Kiribati est l'anglais, bien que presque toute la population (97 %) parle le gilbertin (ou kiribati), la langue nationale, comme langue maternelle. Cependant, ce statut des langues n'est pas proclamé dans la Constitution, ni dans aucune loi. Cette différence de statut, commencée à l'époque coloniale, s'est simplement perpétuée jusqu'à nos jours. On pourrait dire que le bilinguisme constitue la fer de lance de la politique actuelle.

4.1 Le bilinguisme de l'État

L'État des Kiribati pratique résolument un bilinguisme, que ce soit au Parlement, dans l'Administration publique, les tribunaux et les écoles.

Selon les règles de procédure au Parlement national, les parlementaires ont le droit de choisir l’anglais ou le gilbertin (kiribati) durant les débats et les réunions. Cependant, beaucoup de Gilbertins préféreraient que toutes les discussions et tous les débats se déroulent en «kiribati pur»; certains d'entre eux affirment qu'il y a une nette tendance pour les parlementaires à mélanger l'anglais et le gilbertin du fait que les deux langues sont souvent employées simultanément et que certains mots anglais ou expressions ne peuvent pas être facilement traduits dans la langue nationale. Dans la pratique habituelle, les débats et discussions du Parlement sont conduits en gilbertin assorti de mots ou d'expressions en anglais. Depuis plusieurs années, les lois sont rédigées en anglais, puis traduites en gilbertin (kiribati). En cas de conflit d’interprétation entre les deux versions, la version anglaise fait foi. Il semble que l'article 27 de la Constitution de 1979 soit appliquée à toutes les lois:

Article 27

Kiribati text of Constitution

The provisions of this Constitution shall be published in a Kiribati language text as well as this English text, but in the event of any inconsistency between the two texts this English text shall prevail.

Article 127

Texte de la Constitution en kiribati

Les dispositions de la présente Constitution seront publiées en kiribati ainsi que dans la présente version anglaise, mais en cas de conflit entre les deux textes la présente version anglaise fera foi.

Dans l'Administration, l'anglais a toujours été considéré comme la langue plus importante, et ce, depuis le début de l'époque coloniale britannique. Dans toutes les communications formelles, telles que les documents, devis, annonces, pétitions, etc., l'anglais a été la seule langue utilisée. Bien que l'anglais ait maintenu son rôle privilégié, les faits démontrent que le kiribati (gilbertin) a aujourd'hui acquis le même statut que l'anglais. En effet, presque tous les documents importants du gouvernement, que ce soit la Constitution, les lois, les circulaires, les lettres, les avis des ministères, etc., sont rédigés à la fois en anglais et en kiribati. Toutefois, lorsque les fonctionnaires du gouvernement considèrent qu'il y va de l'intérêt public, le gilbertin (kiribati) est souvent la seule utilisée. Tous les services gouvernementaux sont offerts en gilbertin, car certains fonctionnaires maîtrisent mal l'anglais.

Dans les cours de justice, la tendance est de recourir massivement au gilbertin, même si l'anglais est la langue officielle.  La Constitution a reconnu ce droit des Gilbertins de recourir à leur langue dans les tribunaux. L'article 5 de la Constitution dispose que toute personne arrêtée ou détenue sera informée, aussitôt qu'il sera raisonnablement possible de le faire, et dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation ou détention:

Article 5

Protection of right to personal liberty

[...]

(2) Any person who is arrested or detained shall be informed as soon as reasonably practicable, and in a language that he understands, of the reasons for his arrest or detention.

Article 5

Protection de droit à liberté personnelle

[...]

(2) Quiconque est arrêté ou détenu sera informé, aussitôt qu'il sera raisonnablement possible de le faire, dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation ou détention.
 

L'article 10 de la même Constitution est de la même eau:

Article 10

Provisions to secure protection of law

[...]

(2) Every person who is charged with a criminal offence-

(a) shall be presumed to be innocent until he is proved or has pleaded guilty;

(b) shall be informed as soon as reasonably practicable, in detail and in a language that he understands, of the nature of the offence charged;

(f) shall be permitted to have without payment the assistance of an interpreter if he cannot understand the language used at the trial of the charge,

Article 10

Dispositions garantissant la protection de loi

[...]

(2) Quiconque est accusé d'un acte criminel:

(a) sera présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait plaidé ou ne soit trouvé coupable;

b) sera informé, dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire, en détail et dans une langue qu'il comprend, de la nature de l'accusation; [...]

f) aura la permission de recourir gratuitement aux services d'un interprète s'il ne comprend pas la langue utilisée à son procès, [...]

Quant à l'article 16 de la Constitution, il précise les dispositions prévues durant les «périodes d'urgence publique». Ici aussi, il est indiqué que durant toute détention une personne a le droit d'être informé par écrit, dans une langue qu'elle comprend, et en détail, des motifs pour lesquels elle est détenue:

Article 16

Provisions for periods of public emergency

(1) In this Chapter "period of public emergency" means any period during which-

(a) Kiribati is at war; or

(b) there is in force a proclamation made under this section.

[...]

(6) Where a person is detained by virtue of such a law or regulation as is referred to in the preceding subsection, the following provisions shall apply, that is to say-

(a) he shall, as soon as reasonably practicable and in any case not more than 10 days after the commencement of his detention, be furnished with a statement in writing, in a language that he understands, specifying in detail the grounds upon which he is detained;

Article 16

Dispositions pendant les périodes d'urgence publique

(1) Dans ce chapitre «Période d'urgence publique» signifie toute période pendant laquelle:

(a) les Kiribati sont en guerre; ou
(b) qu'il y a une importante proclamation à faire en vertu de cette disposition.

[...]

(6) Lorsque quiconque est détenu en vertu d'une telle loi ou d'un règlement tel que mentionné dans l'alinéa précédent, les dispositions suivantes s'appliqueront, soit:

(a) dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire et dans un délai ne dépassant pas 10 jours après le début de sa détention, d'être informé par écrit, dans une langue qu'il comprend, et en détail, des motifs pour lesquels il est détenu;

Dans le Code de procédure criminelle (chap. 17 des lois consolidées), les articles 150, 151, 181 et 182 exposent la procédure à utiliser dans les tribunaux. Selon l'article 150, toute sentence doit être prononcée dans «la langue de la cour» (''in the language of the court''), ce qui désigne forcément l'anglais. Mais l'article 151 prévoit que l'accusé, à sa demande, peut exiger une traduction dans sa propre langue, qui doit lui être donnée sans délai, et ce, gratuitement:

Section 150

Contents of judgment

(1)
Every such judgment shall, except as otherwise expressly provided by this Code, be written by the presiding officer of the court in the language of the court, and shall contain the point or points for determination, the decision thereon and the reason for the decision, and shall be dated and signed by the presiding officer in open court at the time of pronouncing it:

Provided that where the accused person has admitted the truth of the charge and has been convicted, it shall be a sufficient compliance with the provisions of this subsection if the judgment contains only the finding and sentence or other final order and is signed and dated by the presiding officer at the time of pronouncing it.

Section 151

Copy of judgment to be given to accused on application

On the application of the accused person a copy of the judgment, or, when he so desires, a translation in his own language, if practicable, shall be given to him without delay; and such copy shall be given free of cost.

Section 181

Language of the court

(1)
The language of the magistrates' court shall be such language as the Chief Justice shall prescribe and, in the absence of any prescribed language, shall be Gilbertese.

(2) The language of the High Court shall be English.

Section 182

Interpretation of evidence to accused

(1)
Whenever any evidence is given in a language not understood by the accused, and he is present in person, it shall be interpreted to him in open court in a language which he understands.

(2) When documents are put in for the purpose of formal proof it shall be in the discretion of the court to interpret as much thereof as appears necessary.

Section 210

Conduct of preliminary inquiry 

(6)
If the statement is taken down in a language different from that in which it has been given, and the witness does not understand the language in which it is taken down, the statement shall be interpreted to him in a language which he understands.

Article 150

Teneur de la sentence

(1)
Toute sentence doit, sauf disposition contraire expressément prévue par le présent code, être rédigée par le président de la cour dans la langue de la cour, et contenir le ou les détails de la sentence, de la décision à ce sujet et le motif de la décision, et être datée et signée par le président du tribunal au moment de se prononcer :

À la condition que l'accusé ait admis la véracité de l'accusation et qu'il a été reconnu coupable, si la sentence ne contient que les conclusions et condamnations ou toute autre décision finale, elle doit être suffisamment en conformité avec les dispositions du présent paragraphe et signée et datée par le président de la cour au moment de se prononcer.

Article 151

Double de la sentence à donner à l'accusé sur demande

Sur demande de l'accusé, un double de la sentence ou, lorsqu'il le désire ainsi, une traduction dans sa propre langue doit si possible lui être donnée sans délai; et ce double doit être accordé gratuitement.

Article 181

Langue de la cour

(1)
La langue de la cour des magistrats doit être celle que le président de la Cour suprême prescrira et, en absence d'une langue désignée, le gilbertin.

(2) La langue de la Haute Cour est l'anglais.

Article 182

Traduction d'un témoignage pour l'accusé

(1)
Chaque fois qu'un témoignage est rapporté dans une langue que ne comprend pas l'accusé et qu'il est physiquement présent, il doit recevoir une traduction de la cour en session dans une langue qu'il comprend.

(2) Lorsque les documents sont déposés comme preuve formelle, il relève de la discrétion du président du tribunal de les faire traduire si cela lui paraît nécessaire.



Article 210

Conduite d'une enquête préliminaire 

(6)
Si la déclaration en est rédigée dans une langue différente dans laquelle elle a été transmise et que le témoin ne comprend pas la langue dans laquelle elle est inscrite, la déclaration doit lui être traduite dans une langue qu'il comprend.

Soulignons qu'à défaut de prescrire une langue du tribunal, c'est le gilbertin qui fait office de langue d'usage. Il est rare qu'un texte juridique mentionne le terme Gilbertese (gilbertin) pour désigner la langue, le terme généralement utilisé étant plutôt kiribati.

Si la déclaration est pris dans une langue différente de celle dans laquelle il a été donné, et le témoin ne comprend pas la langue dans laquelle il est pris, la déclaration doit être interprétée à lui dans une langue qu'il comprend. Autrement dit, les Gilbertins ont le droit d'être informés et d'utiliser leur langue dans toute procédure judiciaire. Cela étant dit, la plupart des documents écrits sur la jurisprudence ont souvent été rédigés dans le passé uniquement en anglais.

4.2 Le travail sur le code linguistique

L'État des Kiribati s'est préoccupé depuis plus d'une trentaine d'années de la langue kiribati. En 1970, le ministère de l'Éducation, de la Formation et de la Culture a créé officiellement le Kiribati Language Board (Conseil de la langue gilbertine), dont les fonctions étaient de normaliser l'orthographe et la grammaire du kiribati, puis de rédiger et mettre à jour un dictionnaire, ainsi que travailler au développement d'une littérature kiribati.

Mais, au moment de l'indépendance (1979), un débat eut lieu au sujet de la dénomination du pays. Le nouveau gouvernement a senti le besoin de recourir à un mot local en lieu et place de la dénomination désignant jusqu'alors les îles Gilbert (Gilbert Islands), ainsi que du terme Gilbertese (Gilbertin ou Gilbertine en français), d'après le nom du groupe principal des îles. C'était, avant l'indépendance, la terminologie officielle pour désigner la société gilbertine. Le terme traditionnel de Tungaru était peu utilisé par les Gilbertins et risquait d'être confondu avec Tonga et Tuvalu. C'est pourquoi le terme de Kiribati, la prononciation vernaculaire de Gilbert, a été adopté afin de donner un équivalent local à l'ancienne entité coloniale.

Par la suite, une question s'est posée au Conseil de la langue gilbertine quant à la forme adjectivale de Kiribati. On a pensé Kiribatese (pour «Kiribatais»), Gilbertese (pour «Gilbertais»), mais aussi Kiribatian (pour «kiribatien») ou simplement la forme kiribati. Le mot I-Kiribati a été retenu comme un nom propre pour référer aux individus aussi bien comme nom que comme adjectif. Récemment, le Conseil de la langue gilbertine a recommandé la forme I-Kiribati (ou I Kiribati, sans le trait d'union) et le Cabinet a approuvé le mot Kiribati pour l'adjectif et I-Kiribati (ou I Kiribati, sans le trait d'union) pour le nom. En français, on utilise la forme Gilbertin/gilbertin ou Gilbertine/gilbertine.

Par la suite, le Conseil s'est penché sur deux questions au sujet de la langue gilbertine. Le premier problème concernait les légères variations dialectales entre le Nord et le Sud, le second a trait aux mots nouveaux apportés par l'anglais. Dans le premier cas, le Conseil de la langue gilbertine s'est interrogé s'il fallait normaliser l'orthographe en se basant sur la variété utilisée dans le Sud (l'archipel Gilbert) ou intégrer des particularités dialectales tant du Sud que du Nord. Finalement, le Conseil de la langue gilbertine a décidé qu'il n'était nullement nécessaire de modifier l'orthographe en raison de différences si peu importantes. En revanche, le Conseil a décidé une réforme de l'orthographe pour fixer et préciser l'écriture adoptée par les missionnaires protestants et catholiques. Ainsi, il a été décidé de mettre un w- devant -a lorsque celui-ci était prononcé à la française (après [m] notamment) pour le distinguer du son [æ], d'écrire -ng- le son [ŋ]. Cette normalisation a parfois déplu aux Églises qui avaient déjà traduit et publié leurs textes religieux et manuels d'enseignement selon les anciennes pratiques en vigueur.

Pour ce qui est de l'influence de l'anglais, la tâche du Conseil de la langue consiste à être capable de fournir un vocabulaire adapté aux réalités nouvelles qui apparaissent normalement en anglais. Dans la création des nouveaux mots, les recommandations du Conseil sur la langue gilbertine sont acheminées au Ministre qui, après son approbation, les renvoient au Conseil des ministres pour les décisions finales.

En général, les établissements d'enseignement sont coopératifs dans l'adoption des changements orthographiques et lexicaux. Toutefois, un certain nombre d'enfants est obligé d'apprendre des mots qui diffèrent de la langue qu'ils emploient quotidiennement. Le journal national, le Te Uekera, met aussi en pratique les recommandations du Conseil de la langue gilbertine, une fois qu'elles sont approuvées par le Cabinet, mais non autrement. Le Conseil compte aussi sur l'impact de la radio pour introduire des nouveaux mots dans la langue. Les médias et le Conseil de la langue travaillent ensemble dans ce domaine de la normalisation de la langue, car beaucoup de nouveaux mots appris par les Glibertins ont été adoptés lors des émissions conçues spécifiquement à une meilleure compréhension de la langue kiribati. Néanmoins, on croit qu'une longue période d'éducation sera nécessaire avant que les mots officiellement retenus ne soient acceptés uniformément par le public, même s'ils intégrés dans les programmes d'études scolaires.

4.3 L'éducation

Pendant presque un siècle, l'éducation primaire des Glibertins était sous la responsabilité de l’Église protestante et de l’Église catholique. Dans les écoles catholiques, beaucoup d’enseignants étaient des religieuses venus de l'étranger. La langue anglaise a reçu plus d'attention de leur part. Ce choix relevait davantage du statut de la langue anglaise plutôt que des exigences de la réalité, car l'expérience a démontré que la plupart de ces enseignants parlaient couramment la langue vernaculaire après quelques mois. Dans les écoles protestantes, la situation s'est présentée différemment, puisque la plupart des enseignants étaient des résidents de la colonie et qu'ils produisaient du matériel pédagogique en langue kiribati. Puis, au début des années cinquante, l'Église protestante s'est retirée de l'éducation primaire. Cette nouvelle situation a amené le gouvernement à établir des écoles primaires publiques partout dans les îles. Pour sa part, l'Église catholique a continué à dispenser l'éducation primaire et de desservir plus de la moitié de la population d'âge scolaire. En 1977, les écoles primaires catholiques se sont intégrées au système public de l'État.

C'est maintenant le ministère de l’Éducation, de la Formation et de la Technologie (METT: Ministry of Education Training and Technology) qui est le grand responsable du secteur de l'éducation. La politique linguistique s’est depuis modifiée et a consisté à accorder plus de place au kiribati. La tendance est de pratiquer un mélange raisonnable du kiribati et de l'anglais, en plus d'accorder la priorité à la culture gilbertine dans le programme d'études. Uniformisé, celui-ci est appliqué dans toutes les écoles primaires du pays.

Les écoles primaires dispensent une éducation de base pour les enfants de l'âge de six à quinze ans. Le ministère de l'Éducation a élaboré un programme qui privilégie la lecture et l'écriture à la fois en gilbertin et en anglais. Dans toutes les écoles primaires du pays, le gilbertain sert de véhicule d'instruction exclusif pendant les trois premières années, sauf pour les cours d'anglais oral. En quatrième année, commence la transition vers l'anglais; l'objectif fixé est que les enfants apprennent assez d'anglais pour en connaître les rudiments. L'enseignant peut les instruire ou bien en anglais ou bien dans leur langue maternelle, mais l'accent est généralement mis sur l'anglais. Au cours de deux année suivantes, l'anglais est de plus en plus utilisé comme langue d'enseignement, mais l'enseignant peut donner ses explications tant en gilbertin qu'en anglais.

Dans les écoles secondaires, toutes les discipline sont enseignées en anglais, sauf pour les cours de gilbertin où la langue vernaculaire est employée. De façon générale, l'anglais reste une langue scolaire que les enfants n'emploient qu'à l'école, puisque la vie quotidienne se déroule en kiribati. L’anglais est rarement utilisé dans la vie normale. Les élèves qui viennent des régions du Sud ou de l'île Banada ont plus de facilité, car ils sont plus exposés à la langue anglaise.

Pour ce qui est de l'éducation supérieure, l'anglais a conservé ses prérogatives. En effet, la plupart des jeunes qui veulent parfaire leurs études fréquentent les campus de l'University of the South Pacific (USP), l'Université du Pacifique-Sud, où les cours ne sont dispensés qu'en anglais, sauf pour les cours de langues étrangères. Rappelons que cette université est répartie dans plusieurs campus dans le Pacifique-Sud et que les étudiants doivent s'expatrier pour les fréquenter. L'anglais sert à la fois de langue véhiculaire et de langue d'enseignement.

4.4 Les médias et la vie économique

Quand la station de radio de Baikiri (dans l'atoll de Tarawa) a commencé à fonctionner en 1952, la transmission a été limitée à un total d'une heure et demie par jour, qui devait être divisée entre l'anglais, le gilbertin et le tuvaluan (pour Tuvalu). Les langues locales étaient limitées essentiellement aux bulletins d'informations.

Aujourd'hui, les programmes radiophoniques et les bulletins d'information sont présentés principalement en gilbertin. Bien que beaucoup de Glibertins voudraient que le gilbertin (kiribati) demeure la seule langue employée par les médias, quelques émissions en langue anglaise sont actuellement conservées à la radio, comme c'est le cas également pour certains articles du Te Uekera, le journal national (hebdomadaire). Ce journal est le seul appartenant au gouvernement; il est publié par la Broadcasting and Publication Authority (BPA) à Bairiki. Le nom de Te Uekera, pour «l'arbre de connaissance» est tiré d'une légende bien connue à Kiribati. Selon cette légende, l'arbre célèbre a grandi dans le village de Buariki au nord de l'atoll de Tarawa. Les articles sont surtout en gilbertin, mais aussi en anglais. La télévision n'est pas encore répandue à Kiribati, mais les bandes vidéo, surtout en langue anglaise, gagnent de plus en plus d'auditoire.

Les Églises chrétiennes de Kiribati offrent normalement leurs services en langue kiribati. Certaines d'entre elles disposent d'émissions de radio qui diffusent toujours en gilbertin, sauf pour certains airs religieux chantés traditionnellement en latin ou en anglais. 

Dans le domaine économique, l'anglais demeure omniprésent dans le pays. C'est la langue des affaires et des activités commerciales. Dans certains cas, le gilbertin (kiribati) peut être utilisé, mais l'anglais l'est toujours. En fait foi la Loi sur les approvisionnements (Procurement Act) de 2002, qui porte sur les achats publics:  

Procurement Act 2002

Section 17

Language

The pre-qualification documents, solicitation documents and other documents for solicitation of proposals, offers or quotations shall be formulated in English, except where I-Kiribati is otherwise indicated in case:

(a) the procurement proceedings are limited solely to domestic suppliers or contractors pursuant to section 8 (1), or

(b) the procuring entity decides, in view of the low value of the goods, construction or services to be procured, that only domestic suppliers or contractors are likely to be interested.

Section 29

Language of tenders


Tenders may be formulated and submitted in any language in which the solicitation documents have been issued or in any other language that the procuring entity specifies in the solicitation documents.

Loi sur les approvisionnements de 2002

Article 17

Langue


Les documents de préqualification, les documents de sollicitation et autres documents pour la sollicitation d'offres, les offres ou sommations doivent être formulés en anglais, sauf lorsque le kiribati est indiqué autrement dans le cas où :

(a) la procédure d'approvisionnement est limitée seulement aux fournisseurs ou aux entrepreneurs nationaux, conformément à l'article 8.1, ou

(b) l'entité d'approvisionnement décide, en vue de la faible valeur des biens, de l'élaboration des services à acheter, dont seuls les fournisseurs ou entrepreneurs nationaux sont susceptibles de s'intéresser.

Article 29

Langue des offres


Les offres peuvent être formulées et présentées en n'importe quelle langue dans laquelle les documents de sollicitation ont été publiés ou dans une autre langue que l'entité d'approvisionnement que celle utilisée dans les documents de sollicitation.

La politique de bilinguisme pratiquée par l'État des Kiribati semble plutôt égalitaire, le gilbertin ayant un net avantage sur la langue officielle. Il faut dire que l'anglais n'est la langue maternelle d'à peu près personne et qu'il se trouve peu d'individus pour s'exprimer en cette langue dans la vie quotidienne. Bref, la politique linguistique de la république de Kiribati s'apparente à une politique de libération post-coloniale. La langue de l'ancien colonisateur continue de s'accaparer les rôles de prestige, mais la langue nationale réussit relativement à tenir tête à la puissante langue anglaise. Pour le moment, le gilbertin est encore relégué aux situations de communications informelles, mais cette situation est probablement appelée à changer au cours des prochaines décennies.

Dernière mise à jour: 28 déc. 2023

Bibliographie

GUGLIELMELLI, Vincenzo. Échanges de documents avec l'auteur, Marseille, novembre 2002.

MOYSE-FAURIE, Claire. «Langues minoritaires et politiques linguistiques: le cas des langues océaniennes», dans Mémoires no 8, Société de Linguistique de Paris, 1999, p. 79-104.

REPUBLIC OF KIRIBATI. «Education for all» dans The Year 2000 Assessment Country Report, Bairiki, Ministry of Education Training and Technology, 1999.

YACOUB, Joseph. «L’Océanie et ses minorités» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 709-110.

   

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