Édit du roi portant défenses de faire aucun
exercice public de la P.P.R. dans son royaume.
- Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre
: à tous présents et à venir. Salut.
-
- Le Roi Henry le Grand, notre aïeul de glorieuse mémoire,
voulant empêcher que la paix qu'il avait procurée à ses
sujets, après les grandes pertes qu'ils avaient souffertes
par la durée des guerres civiles et étrangères, ne fut
troublée à l'occasion de la Religion Prétendue Réformée,
comme il était arrivé sous les règnes des Rois ses
prédécesseurs, aurait par son
édit donné à Nantes au mois d'avril 1598, réglé la
conduite à tenir à l'égard de ceux de ladite religion, les
lieux dans lesquels ils en pourraient faire l'exercice,
établi des juges extraordinaires pour leur administrer la
justice, et enfin pourvu même par des articles particuliers
à tout ce qu'il aurait jugé nécessaire pour maintenir la
tranquillité dans son royaume, et pour diminuer l'aversion
entre ceux qui étaient de l'une et l'autre religion, afin
d'être plus en état de travailler comme il avait résolu de
faire réunir à l'Église ceux qui s'en étaient si facilement
éloignés.
- Et comme l'intention du Roi notre dit aïeul ne put être
effectuée à cause de sa mort précipitée, et que l'exécution
dudit édit fut même interrompue pendant la minorité du feu
roi notre très honoré Seigneur et Père de glorieuse mémoire,
par de nouvelles entreprises desdits de la Religion
Prétendue Réformée, elles donnèrent l'occasion de les priver
de divers avantages qui leur avaient été accordés par ledit
édit.
-
- Néanmoins le Roi notredit feu Seigneur et Père, usant de
la clémence ordinaire, leur accorda encore un nouvel édit à
Nîmes au mois de juillet 1629, au moyen duquel la
tranquillité ayant été de nouveau rétablie, ledit feu Roi
animé du même esprit et du même zèle pour la Religion que le
Roi notredit aïeul avait résolu de profiter de ce repos,
pour essayer de mettre son pieux dessein à exécution, mais
les guerres avec les Etrangers étant survenus peu d'années
après, en sorte que depuis 1635, jusqu'à la Trêve conclue en
l'année 1684 avec les Princes de l'Europe, le royaume ayant
été peu de temps sans agitation, il n'a pas été possible de
faire autre chose pour l'avantage de la Religion, que de
diminuer le nombre des Exercices de la Religion Prétendue
Réformée, par l'interdiction de ceux qui se sont trouvés
établis au préjudice de la disposition des édits, et par la
suppression des chambres mi-parties, dont l'érection n'avait
été faite que par provision.
-
- Dieu ayant enfin permis que nos Peuples jouissant d'un
parfait repos, et que nous même n'étant pas occupés des
soins de les protéger contre nos ennemis, ayons pu profiter
de cette trêve que nous avons facilitée à l'effet de
donner
notre entière
application
à rechercher les moyens de parvenir au succès du dessein des
Rois nosdits Aïeul et Père, dans lequel nous sommes entrés
dès notre avènement à la Couronne.
-
- Nous voyons présentement avec la juste reconnaissance
que nous devons à Dieu, que nos soins ont eu la fin
que nous nous sommes proposée, puisque la meilleure et la
plus grande partie de nos sujets de la Religion Prétendue
Réformée ont embrassé la Catholique. Et d'autant qu'au moyen
de ce, l'exécution de l'édit de Nantes, et de tout ce qui a
été ordonné en faveur de ladite R.P.R., demeure inutile,
nous avons jugé que nous ne pouvions rien faire de mieux
pour effacer entièrement la mémoire des troubles, de la
confusion et maux que le progrès de cette fausse Religion a
causé dans notre royaume, et qui ont donné lieu audit édit,
et à tant d'autres déclarations et édits qui l'ont précédé,
ou ont été faits en conséquence, que de révoquer entièrement
ledit édit de Nantes, et les articles particuliers qui ont
été accordés ensuite de celui-ci, et tout ce qui a été fait
depuis en faveur de ladite Religion.
-
- I
- Faisons savoir, que Nous, pour ces causes et autres à ce
nous mouvant, et de notre certaine science, pleine
puissance, et autorité Royale, avons par ce présent édit
perpétuel et irrévocable, supprimé et révoqué, supprimons et
révoquons, l'édit du Roi notredit aïeul, donné à Nantes au
mois d'avril 1598, en toute son étendue, ensemble les
articles particuliers arrêtés le deuxième mai en suivant, et
les lettres patentes expédiées sur ceux ci, et l'édit donné
à Nîmes au mois de juillet 1629, les déclarons nuls et comme
non advenus ; ensemble toutes les concessions faites, tant
par ceux-ci que par d'autres édits, déclarations et arrêts,
aux gens de ladite R.P.R. de quelque nature qu'elles
puissent être, lesquelles demeureront pareillement comme non
advenues : et en conséquence, voulons et nous plaît, que
tous les temples de ceux de ladite R.P.R. situés dans notre
royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance
soient incessamment démolis.
-
- II
- Défendons à nosdits sujets de la R.PR. de ne plus
s'assembler pour faire l'Exercice de ladite Religion en
aucun lieu ou maison particulière, sous quelque prétexte que
ce puisse être, même d'exercices réels ou de bailliages,
quand bien même lesdits exercices auraient été maintenus par
les arrêts de notre conseil.
-
- III
- Défendons pareillement à tous seigneurs de quelque
condition qu'ils soient de faire l'exercice dans leurs
maisons et fiefs de quelque qualité que soient lesdits
fiefs, le tout à peine contre tous nosdits sujets, qui
feraient ledit exercice, de confiscation de corps et de
biens.
-
- IV
- Enjoignons à tous les ministres de ladite R.P.R. qui ne
voudraient pas se convertir et embrasser la Religion
Catholique, Apostolique et Romaine, de sortir de notre
royaume et terres de notre obéissance, quinze jours après la
publication de notre présent édit, sans y pouvoir séjourner
au delà, ni pendant ledit temps de quinzaine n'y faire aucun
prêche, exhortation ni autre fonction, à peine des galères.
-
- V
- Voulons que ceux desdits ministres qui se convertiront,
continuent à jouir leur vie durant, et leurs veuves après
leur décès, tandis qu'elles seront en viduité des mêmes
exemptions de taille et logement des gens de guerre, dont
ils ont joui pendant qu'ils faisaient la fonction de
ministres, et en outre, nous ferons payer auxdits ministres
aussi leur vie durant, une pension qui sera d'un tiers plus
forte que les appointements qu'ils touchaient en qualité de
ministres, de la moitié de laquelle pension leurs femmes
jouiront aussi après leur mort, tant qu'elles demeureront en
viduité.
-
- VI
- Que si aucuns desdits ministres ne désirent se faire
avocat ou prendre les degrés de docteur ès loi, nous voulons
et entendons qu'ils soient dispensés des trois années
d'études prescrites par nos déclarations ; et qu'après avoir
subi les examens ordinaires, et par ceux-ci être jugés
capables, ils soient reçus docteurs en payant seulement la
moitié des droits que l'on a accoutumé de percevoir pour
cette fin en chacune Université.
-
- VII
- Défendons les écoles particulières pour l'instruction
des enfants de ladite R.P.R., et toutes les choses
généralement quelconques, qui peuvent marquer une
concession, quelle que se puisse être, en faveur de ladite
Religion.
-
- VIII
- A l'égard des enfants qui naîtront de ceux de ladite
R.P.R., voulons qu'ils soient dorénavant baptisés par les
curés des paroisses. Enjoignons aux pères et mères de les
envoyer aux églises à cet effet là à peine de 500 livres
d'amende, et de plus grande s'il y échet ; et seront ensuite
les enfants élevés en religion Catholique, Apostolique et
Romaine, à quoi nous enjoignons bien expressément aux juges
des lieux de bien tenir la main.
-
- IX
- Et pour user de notre clémence envers ceux de nos sujets
de ladite R.P.R. qui se seront retirés de notre royaume,
pays et terres de notre obéissance, avant la publication de
notre présent édit, nous voulons et entendons qu'en cas
qu'ils y reviennent dans le temps de quatre mois, du jour de
ladite publication, ils puissent, et leur soit loisible, de
rentrer dans la possession de leurs biens et en jouir tout
ainsi et comme ils auraient pu le faire, s'ils y étaient
toujours demeurés; au contraire des biens de ceux qui dans
ce temps là de quatre mois ne reviendront pas dans notre
royaume, ou pays et terres de notre obéissance, qu'ils
auraient abandonnés, demeurent et soient confisqués en
conséquence de notre déclaration du vingtième du mois d'août
dernier.
-
- X
- Faisons très expresses et itératives défenses à tous nos
sujets de ladite R.P.R. de sortir, eux, leurs femmes et
enfants, de notre dit royaume, pays et terres de notre
obéissance, et d'y transporter leurs biens et effets, sous
peine pour les hommes de galères et de confiscation de corps
et de biens pour les femmes.
-
- XI
- Voulons et entendons que les déclarations entendues
contre les relaps soient exécutées selon leur forme et
teneur.
-
- XII
- Pourront au surplus lesdits de la R.P.R., en attendant
qu'il plaise à Dieu de les éclairer comme les autres, de
demeurer dans les villes et lieux de notre royaume, pays et
terres de notre obéissance, y continuer leur commerce et
jouir de leurs biens sans pouvoir être troublés ni empêchés
sous prétexte de ladite R.P.R. à condition, comme il est
dit, de ne point faire d'exercices ni de s'assembler sous
prétexte de prières ou de culte de ladite religion de
quelque nature qu'il soit, sous les peines ci-dessus de
confiscation de corps et de biens.
- Si donnons en mandement en nos âmes et nos conseillers
les gens tenant nos cours de parlement, chambre de nos
comptes et cours des Aides à Paris, Baillis, Sénéchaux et
autres justiciers et officiers qu'il appartiendra et à leurs
lieutenants, qu'ils fassent lire, publier et enregistrer
notre présent édit, en leur cours et juridictions, même en
vacations, et celui-ci entretenir et faire entretenir,
garder et observer de points en points et sans y
contrevenir, ni permettre qu'il soit contrevenu en aucune
manière : car tel est notre plaisir.
- Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours,
nous avons fait mettre notre sceau à cesdites présentes.
-
Donné à Fontainebleau au mois
d'octobre 1685. Et de notre règne le quarante-troisième. Signé
LOUIS. et sur le repli, visa, LE TELLIER, et à côté, par le Roy,
COLBERT. et scellé du grand Sceau de cire verte, sur lacs de soie
rouge et verte. |