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Jamaïque |
Capitale: Kingston Population: 2,7 millions (2001) Langue officielle: anglais Groupe majoritaire: créole jamaïcain Groupes minoritaires: anglais et langues immigrantes Système politique: monarchie constitutionnelle, membre du Commonwealth britannique Articles constitutionnels (langue): art. 15 et 30 de la Constitution du 6 août 1962 (modifiée en 1999) Lois linguistiques: Loi sur le mariage musulman (1957); Loi sur la réglementation des agences de voyages (1958); Loi sur le contrôle de la radio et du télégraphe (1973); Loi sur les professions complémentaires à la médecine (1974); Loi sur les aliments et drogues (1975); Loi sur l'enregistrement (naissances et décès) (1982); Loi sur la circulation routière (1984); Loi sur les produits agricoles (1995); Loi sur les jurés (1999) ; Loi sur les actions boursières (1999); Loi sur la douane (2004); Loi sur les expéditions (2002); Loi sur les municipalités (2003); Loi sur la poste (2004); Loi sur la protection du consommateur (2005). |
La Jamaïque est un pays insulaire des Grandes Antilles situé à 150 km au sud de Cuba, et séparé d'Haïti par le détroit de la Jamaïque (voir la carte des Antilles). D'une superficie totale de 10 991 km², l'île de la Jamaïque s'étend d'est en ouest sur environ 250 km, sa largeur maximale ne dépassant pas 80 kilomètres. C'est la troisième plus grande île des Caraïbes, après Cuba (110 860 km²) et l'île d'Haïti (76 480 km²).
Au point de vue administratif, la Jamaïque est divisée en 14 paroisses («parishes»): Clarendon, Hanover, Kingston, Manchester, Portland, Saint Andrew, Saint Ann, Saint Catherine, Saint Elizabeth, Saint James, Saint Mary, Saint Thomas, Trelawny et Westmoreland (voir la carte détaillée). Celles-ci sont dirigées par des conseils élus au suffrage universel ou administrées par des commissions. En 1993, la population de Kingston (la capitale), avec sa banlieue, était estimée à 525 000 habitants. Suivaient Montego Bay (70 000 habitants), dans le nord-ouest, et Spanish Town (89 000 habitants), dans les terres, à l'ouest de Kingston. La Jamaïque portait le nom de Xaymaca («pays des sources») que lui avaient donné les Amérindiens arawaks lorsqu'elle fut découverte par Christophe Colomb en 1494.
En 2001, la population était estimée à 2,7 millions d'habitants. La population est majoritairement composée de descendants des esclaves noirs amenés sur l'île entre le XVIIe et le XIXe siècle, auxquels se sont ajoutés des Européens et des Asiatiques (Indiens et Chinois). Aujourd'hui, quelque 75 % de la population est d'origine africaine, 15 % d'origine afro-européenne, 4 % d'origine européenne, 3,5 % viennent de l'Inde et du Proche-Orient, 1,5 % sont des Chinois ou des Afro-Chinois.
Plus de 90 % des Jamaïcains parlent le créole jamaïcain (en anglais: Jamaican Patois/Patwa) comme langue maternelle, tandis que les autres parlent soit l'anglais soit des langues immigrantes. On peut affirmer que la Jamaïque est un pays très homogène sur le plan linguistique. Le créole jamaïcain est un créole à base lexicale anglaise. Il résulte d'une combinaison de plusieurs langues de l'Afrique occidentale (Cameroun et Sierre Leone), telles que le twi, le fante, l'ibo et le yorouba, appartenant principalement à la famille nigéro-congolaise. De façon courante, le «patwa» (patois) est appelé «créole jamaïcain» ou encore plus simplement «jamaïcain». Voici quelques exemples de courtes phrases en créole jamaïcain:
Créole jamaïcain | Anglais | Français |
1.
Aaks ar di kwestyan. 2. Sel mi wahn bakl a ail. 3. Dat a fimi breda. 4. Mi lov chaaklit kiek wid nof aisnin. 5. Shi a mi bes fren. 6. Tek di pikni dem gaa skuul. |
1.
Ask
her the question. 2. Sell me a bottle of oil. 3. That is my brother. 4. I love chocolate cake with plenty of icing. 5. She is my best friend. 6. Take the children to school. |
1.
Posez-lui
la question. 2. Vendez-moi une bouteille d'huile. 3. C'est mon frère. 4. J'aime le gâteau au chocolat avec beaucoup de glaçage. 5. Elle est ma meilleure amie. 6. Amenez les enfants à l'école. |
N'allons pas croire que, s'il paraît relativement aisé pour un Jamaïcain de comprendre l'anglais, il en est ainsi pour un anglophone qui voudrait apprendre le créole. Ainsi, un Américain visitant la Jamaïque ne comprendra jamais le créole jamaïcain parce qu'il ne perçoit pas les mots anglais dans les phrases. Cependant, le créole jamaïcain se révèle très proche des créoles parlés à Panama et au Costa Rica, et assez intelligible avec le créole du Belize, celui de la Grenade et celui de Saint-Vincent. Par ailleurs, en Jamaïque, il existe différentes façons de parler le créole, lequel varie selon les régions.
Quant à l'anglais, c'est la langue officielle de l'État. Cet anglais correspond à ce qu'on peut appeler l'«anglais standard» ou «anglais de la reine» («Queen's English»). Or, la plupart des Jamaïcains ne parlent pas cet anglais normalisé, mais plutôt un anglais local mêlé de slang jamaïcain, de mots créoles, espagnols et africains, le tout avec un fort accent particulier. Alors que le créole («patwa») est la langue parlée couramment à la maison et entre amis, l'anglais reste une langue étrangère que les enfants apprennent à l'école. Évidemment, l'anglais demeure la langue de prestige et un Jamaïcain doit idéalement savoir utiliser cette langue dans les communications formelles sous peine de passer pour un «impoli», notamment dans les villes, que ce soit dans les bureaux de l'Administration, les banques ou la poste. Cela dit, des enquêtes portant sur la compréhension orale de l'anglais dans des émissions de nouvelles ont révélé que 40 % des Jamaïcains ne comprenaient pas clairement les messages en langue anglaise à la radio.
Près de 80 % des Jamaïcains sont de confession religieuse chrétienne: des protestants 61,3 % (Church of God 21,.2 %, baptistes 8,8 %, anglicans 5,5 %, adventistes Seventh-Day 9%, pentecôtistes 7,6 %, méthodistes 2,7 %, Église-Unie 2,7 %, Brethren 1,1 %, Témoins de Jéhova 1,6%, moraviens 1,1%), des catholiques romains 4 % et d'autres incluant plusieurs mouvements revivalistes 34,7 % (Pocomania, Rastafaris, etc.). On trouve également des communautés juives, musulmanes et hindouistes.
Depuis de nombreuses décennies, beaucoup de Jamaïcains ont émigré vers d'autres pays, surtout à la Barbade, aux Bahamas, en Grande-Bretagne, aux États-Unis (Miami, Atlanta, New York, Boston) et au Canada (Toronto). On estime à deux millions le nombre des Jamaïcains résidant hors de leur pays d'origine.
Avant l'arrivée des Européens, l'île était peuplée d'Amérindiens arawaks. Ils y vivaient depuis environ sept siècles lorsque Christophe Colomb découvrit l'île de la Jamaïque en 1494 qu'il nomma Janahica; le mot signifierait, selon divers auteurs, «vaste endroit avec eau», «île aux sources», «terres des bois et des eaux» ou encore «lieu, endroit où abonde le maïs».
Ce n'est qu'en 1509 que les Espagnols en firent une colonie du nom de Santiago, puis fondèrent en 1538 Santiago de la Vega, qui devint la capitale de cette colonie espagnole. Les Arawaks constituèrent la première main-d'œuvre d'esclaves de la part des Espagnols. La quasi-totalité des Amérindiens fut rapidement décimée par les mauvais traitements et les maladies apportées par les Européens. On ne comptait déjà plus d'autochtones à la fin du XVIe siècle. Les Espagnols firent alors appels aux esclaves noirs qui s'hispanisèrent rapidement. À ce moment-là, les langues parlées en Jamaïque étaient l'espagnol, le portugais et le créole.
3.1 La colonie britannique
En 1655, les Britanniques s'emparèrent de l'île; l'année
suivante, arrivèrent de l'île de Niévès plus de 1000 colons anglais et leurs esclaves. Dès 1658,
la Jamaïque comptait 4500 Blancs et 1400 Noirs. Entre-temps, la plupart des colons espagnols
avaient quitté l'île pour Cuba restée espagnole. Néanmoins, les Espagnols
firent valoir leurs prétentions sur ce territoire jusqu'en 1670. Les colons anglais introduisent
sur l'île de nombreux esclaves
noirs venus d'Afrique et développèrent l'exploitation de la canne à sucre et la culture du cacao.
Entre 1680 et 1688, la Jamaïque importa 8000 esclaves par an. Les Britanniques firent de la Jamaïque une colonie très productive,
qui devint aussi l'une des principales plaques tournantes de la traite des Noirs;
à la fin du XVIIIe siècle, l'île
comptait alors quelque 300 000 esclaves, contre 30 000 Blancs. C'est à cette époque que s'élaborèrent le créole
jamaïcain (formé d'anglais, de mandingue, de malinké, de bambara et de
dioula) et la langue anglaise locale propre à la Jamaïque. Durant cette époque,
les Britanniques eurent beaucoup de mal à traquer les marrons,
ces esclaves qui s'enfuyaient.
Après l'abolition de l'esclavage en 1833, les affranchis quittèrent les plantations pour s'établir sur des terres inoccupées
à l'intérieur du pays,
ce qui ruina l'économie fondée sur les grandes exploitations de canne à sucre.
Pour remplacer la main-d'œuvre noire, Londres fit venir des travailleurs de la Chine et
de l'Inde dans les plantations.
La langue anglaise se particularisa et devint une forme régionale
caractérisée par des apports espagnols, irlandais, écossais, créoles, etc.
L'économie
resta dominée par une minorité de planteurs blancs et la population noire
commença à se rebeller contre les mesures discriminatoires dont elle
faisait l'objet. Devant l'indifférence du gouvernement britannique, une rébellion éclata à Morant Bay en 1865, suivie
d'un mouvement de révolte qui s'étendit à tout le pays.
Cette rébellion fut brutalement réprimée, à la suite de quoi l'Assemblée
législative locale fut abolie. C'est ainsi que la Jamaïque acquit le statut de
«colonie
de la Couronne». L'établissement du nouveau statut de «colonie de la Couronne»
favorisa, au cours des décennies suivantes, le développement d'une classe
moyenne avec ses fonctionnaires et sa police issus du peuple.
La Jamaïque connut alors une période de relative stabilité pendant laquelle s'implantèrent de grandes compagnies étrangères, par exemple l'américaine United Fruit. L'économie fut orientée vers le tourisme de masse et l'extraction de la bauxite, tandis que beaucoup de Jamaïcains émigrèrent vers la Grande-Bretagne. À la fin du XIXe siècle, des commerçants proche-orientaux commencèrent à immigrer. Le mélange d'Africains, d'Européens, de Chinois, d'Indien et de Proches-Orientaux donnèrent aux Jamaïcains leur diversité physique et culturelle, bien que les influences britanniques et africaines soient demeurées les forces dominantes dans la formation de la nation.
Puis les mouvements nationalistes se développèrent sous l'impulsion de deux leaders jamaïcains, Alexander Bustamante (1884-1977) et Norman Washington Manley (1893-1969). D'abord alliés puis adversaires politiques, ils alternèrent au pouvoir. L'idée de l'indépendance fut relancée par l'octroi d'une nouvelle constitution en 1953. Manley accéda au poste de premier ministre en 1955 et fut un partisan de l'unité des Caraïbes anglophones, celle-ci se réalisant brièvement dans la fédération des Indes-Occidentales (1958-1962). La Jamaïque obtint son indépendance, dans le cadre du Commonwealth, le 6 août 1962.
3.2 Un État indépendant
Au lendemain de l'indépendance, des élections suivirent: elles furent remportées par le Jamaica Labour
Party (JLP), dirigé par Alexander Bustamante. Celui-ci
devint premier ministre, jusqu'à son remplacement, en 1967, par Hugh Lawson Shearer.
En 1972, le People's National Party (PNP), dirigé par le dirigeant syndical Michael Manley, fils de Norman Washington Manley,
remporta les élections et mena une politique prônant un «socialisme démocratique» ouvertement favorable au régime
de Fidel Castro. Devant l'aggravation de la situation économique, il perdit les élections de 1980 au profit d'Edward Seaga, qui dirigea alors le Jamaica Labour
Party (JLP). Seaga
renforça les liens avec les États-Unis et s'efforça d'attirer les capitaux étrangers dans le pays. Cependant, les effets de sa très impopulaire politique de rigueur
furent réduits par la baisse des cours de la bauxite.
Le PNP et Manley revinrent au pouvoir en 1989 et poursuivirent une politique modérée. Manley démissionna pour des raisons de santé en 1992 et Percy Patterson lui succéda à la tête du People's National Party. Le PNP fut réélu en 1993 et en 1998. La Jamaïque demeure un lieu de transbordement majeur pour la cocaïne d'Amérique du Sud à destination de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Le gouvernement a mis en place un vaste programme d'éradication du cannabis, mais la corruption teste un problème majeur. En même temps, la délinquance et la criminalité atteignent des niveaux difficilement supportables pour la population, ce qui s'avère très nuisible au développement du tourisme.
La politique linguistique de la Jamaïque est relativement simple: c'est la non-intervention. De fait, l'anglais n'est même pas proclamé, juridiquement parlant (de jure), comme langue officielle. Il a acquis ce statut dans les faits (de facto).
4.1 Les tribunaux
La Constitution du 6 août 1962 (modifiée en 1999) ne contient que deux dispositions linguistiques au sujet des tribunaux et autres organismes administrant la justice. L'article 15 mentionne qu'une personne doit être informée, dans une langue qu'elle comprend (c'est-à-dire éventuellement le créole), des raisons de son arrestation ou de sa détention:
Article
15
[...] 2) Any person who is arrested or detained shall be informed as soon as reasonably practicable, in a language which he understands, of the reasons for his arrest or detention. |
Article
15
[...] 2) Quiconque est arrêté ou détenu sera informé, dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire et dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation ou de sa détention. |
Quant à l'article 20, il assure la protection de la loi pour que toute cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial dans un délai raisonnable. Il précise aussi que toute personne accusée d'un acte criminel doit être informée, dans une langue qu'elle comprend (éventuellement le créole), de la nature de l'accusation qui pèse contre elle:
Article 20 6) Every person who is charged with a criminal offence - a) shall be informed as soon as reasonably practicable, in a language which he understands, of the nature of the offence charged; [...] |
Article 20 [...] 6) Quiconque est accusé d'un acte criminel: a) sera informé, dès qu'il sera raisonnablement possible de le faire et dans une langue qu'il comprend, de la nature de l'accusation; [...] e) aura la permission de recourir gratuitement aux services d'un interprète s'il ne comprend pas la langue anglaise. |
Les procès se déroulent en anglais, mais la Constitution prévoit que, lorsqu'une partie à une procédure judiciaire ne comprend ni ne parle l'anglais, l'accusé est informé dans une langue qu'il comprend (le créole), pour autant que cela soit raisonnablement possible, de la teneur de l'inculpation, et reçoit gratuitement l'assistance d'un interprète. Il n'est pas prévu de dispositions analogues pour les procédures civiles, ce qui n'exclut pas la possibilité qu'une assistance similaire puisse être fournie.
Par ailleurs, l'article 2 de la Loi sur les jurés (1999) prévoit qu'un individu ne peut faire partie d'un jury s'il est incapable de parler, lire ou écrire l'anglais.
Article 2 Qualification des jurés 1) Sous réserves des paragraphes 2), 3) et 4), quiconque est âgé de plus de 18 ans et moins de 65 ans, dont le nom est sur toute liste actuelle officielle des électeurs pour des élections à la Chambre des représentants et qui réside en Jamaïque, est qualifié et apte à servir comme juré. 2) Est exclus quiconque :
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Bref, des accommodements sont prévus, car les Jamaïcains parlent avant tout le créole et certains ignorent l'anglais. Quoi qu'il en soit, si l'usage du créole est toléré à l'oral, tous les documents écrits, ainsi que la sentence, doivent être en anglais.
4.2 Le domaine de la législation
L'anglais est la seule langue des activités parlementaires, de la rédaction et de la promulgation des lois. Rien n'empêcherait le gouvernement d'autoriser l'emploi du créole dans les débats parlementaires, d'autant plus que tout le monde le parle, mais pour le moment seul l'anglais est autorisé.
Des mouvements se font entendre pour utiliser le créole jamaïcain au Parlement et pour donner un statut de co-officialité au créole à côté de l'anglais, car le patwa est la langue de pratiquement tout le monde et l'anglais est perçu comme une langue étrangère. Pour le moment, il ne semble pas que ces propositions soient encore politiquement et socialement acceptables; beaucoup de Jamaïcains de la classe moyenne considèrent cette éventualité comme une «attaque contre l'anglais», car ils se montrent favorables à une sorte de communauté mondiale anglophone. Il est probable que les Jamaïcains soient plus enclins à accepter une modification constitutionnelle incluant une disposition concernant la non-discrimination par la langue. Présentement, l'article 24 de la Constitution interdit la discrimination sur des raisons de sexe, de race, de couleur, de religion, de lieu d'origine, de classe sociale et d'opinion politique. Mais, selon certains universitaires, ce n'est pas assez, car les Jamaïcains souffrent de discrimination quand ils reçoivent, dans une langue qu'ils ne comprennent pas (l'anglais), la sécurité sociale, des services gouvernementaux, l'éducation et toute information à caractère public.
Un comité parlementaire rédigeant des amendements constitutionnels soutient largement toutes ces propositions et a recommandé que l'University of the West Indies (UWI) crée une institution pour «formaliser, standardiser et populariser» le créole jamaïcain au point de vue juridique afin d'éliminer la discrimination. Bien qu'un système d'écriture normalisée existe en créole jamaïcain, la plupart des gens l'ignorent, car ils n'écrivent qu'en anglais.
4.3 L'anglais, la langue de l'État
À la Jamaïque, l'anglais demeure la langue de l'État. En principe, les services gouvernementaux sont tous offerts en anglais. Cependant, étant donné que la majorité des Jamaïcains parlent le créole comme langue maternelle, des «adaptations» dans les communications orales sont accordées en créole aux citoyens, surtout dans les zones rurales. Autrement dit, tant que les citoyens font affaire individuellement avec l'État, ils peuvent utiliser le créole. Mais si c'est l'État qui communique avec l'ensemble des citoyens, il n'utilise que l'anglais.
Par exemple, la Loi sur l'enregistrement (naissances et décès) (1982) impose l'usage de l'anglais dans les certificats de naissance et de décès, même «en bon anglais» ("in plain English") dans le cas de la cause du décès. L'article 17 de la Loi sur le mariage musulman (1957) prescrit l'angolais dans le Registre des mariages. L'article 18 de la Loi sur la circulation routière (1984) autorise les services compétents à n'émettre des permis de conduire qu'à un requérant «capable de lire et d'écrire l'anglais». La connaissance de l'anglais est aussi exigée pour l'obtention d'un permis par la Loi sur les produits agricoles (1995), la Loi sur les aliments et drogues (1975), la Loi sur la douane (2004), etc.
L'usage de l'anglais est obligatoire pour être élu maire d'une municipalité (Loi sur les municipalités de 2003), pour l'adressage des colis à l'intérieur du pays (Loi sur la poste de 2004), pour les informations aux consommateurs (Loi sur la protection du consommateur de 2005), pour les documents lors des transactions boursières (Loi sur les actions boursières de 1999), pour les affiches écrites à bord d'un navire jamaïcain (Loi sur les expéditions de 2002), les documents des agents de voyage (Loi sur la réglementation des agences de voyages de 1958), etc.
En ce qui concerne les professions liées à la santé, l'anglais est une exigence incontournable. La Loi sur les professions complémentaires à la médecine (1974) précise que les technologues de laboratoire médical (art. 3), les radiologistes (art. 8), les physiothérapeutes (art. 13), les ergothérapeutes (art. 18), les diététiciens (art. 23), les orthophonistes (art. 28), etc., doivent posséder une connaissance suffisante de la langue anglaise pour exercer leur profession «avec efficacité en Jamaïque».
Évidemment, l'affichage public est uniquement en anglais. Par ailleurs, les raisons sociales des compagnies ainsi que tout l'affichage commercial ne sont qu'en anglais. Visuellement, la Jamaïque est un pays de langue anglaise.
4.2 L'éducation
Le système d'éducation est régi par l'Education Act de 1965, l'Education Regulations Act de 1980 et les Règlements de 1973, mais il n'existe aucune disposition concernant la langue d'enseignement. La Jamaïque dispose d'écoles maternelles («pre-schools education») où l'enseignement est dispensé en anglais. Les écoles primaires ne sont pas tout à fait gratuites et obligatoires. En effet, bien que ce ne soit pas exorbitant comme frais, lorsqu'ils doivent faire un choix entre manger ou aller à l'école, ce choix pour certains est fort simple: l'école devient le second choix. La loi relative à l'enseignement de 1980 précise que «l'accès à un établissement d'enseignement public ne peut être refusé à un élève qui remplit les conditions d'admission, sauf a) s'il n'y a plus de place dans ledit établissement, ou b) pour toute autre raison générale ou particulière reconnue par le ministre compétent».
La seule langue d'enseignement est l'anglais. Plus de 70 % des enfants fréquentent l'école primaire à la Jamaïque, mais les statistiques officielles de 1994 démontrent que le taux d'alphabétisation de la population jamaïcaine est de 75,4 %, soit 81,2 % pour les femmes contre 69,2 % pour les hommes. Le taux d'analphabétisme a été estimé à 24,6 %, soit 18,8 % pour les femmes et 30,8 % pour les hommes. Par ailleurs, la Jamaïque est aux prises avec le problème des enfants au travail, soit 22 000 enfants ou 4,6 % des enfants dans la tranche d’âge de 6 à 16 ans. Dans quelques lieux touristiques, les enfants sont même forcés de se prostituer, ce qui constitue sûrement l’une des pires formes de «travail» pour des enfants. Le gouvernement a injecté environ 23 millions de dollars dans la lutte contre la pratique du travail des enfants grâce à un programme développé en coopération avec l’Organisation internationale du travail.
Les programmes scolaires sont décidés par le ministère de l'Éducation de la Jamaïque, mais les conseils scolaires gèrent les écoles et les programmes. En principe, tous essaient de se rapprocher des exigences du Caribbean Examinations Council (auquel participent les gouvernement des Anguilla, Antigua et Barbuda, Barbade, Belize, les îles Vierges britanniques, les îles Cayman, la Dominique, la Grenade, Guyana, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Trinidad et Tobago, les îles Turks et Caicos). Depuis une dizaine d'années, le gouvernement de la Jamaïque s’est lancé dans une série d’initiatives visant à améliorer la qualité de l’enseignement primaire, dont le fruit a été le Projet d’amélioration de l’enseignement primaire (PEIP-2), qui devait se terminer à la fin de 1997. Il avait notamment pour objectif d’établir le contenu, les cibles de performance et les guides à l’intention des enseignants dans le cadre du programme d’études du primaire. Il tendait aussi à créer un système d’évaluation de la performance cognitive des élèves dans les années les plus importantes du primaire, et à doter les enseignants de compétences et de ressources leur permettant de garantir que tous les élèves terminant le primaire sauraient lire, écrire et parler en anglais. Les trois principales composantes du PEIP-2 étaient les suivantes: 1) le programme d’évaluation national, 2) l’évaluation du programme, 3) l’amélioration de l’enseignement de la langue maternelle (comprendre l'anglais) à l’école primaire.
Enfin, les études universitaires se font exclusivement en anglais. Les cours se donnent essentiellement par la University of the West Indies (l'Université des Antilles) fondée en 1948. Il s'agit d'un établissement autonome régional soutenu par 15 États: outre Sainte-Lucie, Anguilla, Antigua et Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, les îles Vierges britanniques, les îles Caïman, la Dominique, la Grenade, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent et les Grenadines, le Trinidad et Tobago. L'Université des Antilles compte trois campus principaux: soit Mona en Jamaïque, Cave Hill à la Barbade et St. Augustine à Trinidad. On comprendra que, dans ces conditions, règne l'unilinguisme anglais dans les établissements universitaires.
4.3 Les médias
Tous les médias écrits (Jamaica Gleaner, Jamaica Observer, Jamaica Star, X News, Mandeville Weekly, etc.) paraissent en anglais. La radio (Radio Jamaica, JBC-FM, FAM, HOT 102, KLAS, IRIE-FM, LOVE, POWER, ROOTS-FM) et la télévision (CVM TV et Love-TV) diffusent surtout en anglais, mais également en créole jamaïcain. L'article 13 de la Loi sur le contrôle de la radio et du télégraphe de 1973 impose à tout radioamateur de s'identifier en anglais à la fin de chacune des transmissions, et ce, indépendamment de la langue utilisée pendant la transmission:
Article
13 4) Toute station de radioamateur doit s'identifier à la fin de chaque transmission en anglais, indépendamment de la langue utilisée pendant la transmission. 5) Les identifications exigées par le présent règlement doivent être données sur chaque fréquence utilisée et transmises par télégraphie en utilisant le code morse international ou au moyen de la téléphonie en anglais avec lequel l'emploi d'un alphabet phonétique national ou international standard reconnu comme une aide pour l'identification correcte en téléphonie est encouragée.
Article
14
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La politique linguistique de la Jamaïque semble très simple. C'est une politique de non-intervention qui consiste à perpétuer les pratiques en vigueur lors du colonialisme britannique. Les affaires publiques se déroulent en anglais, mais le peuple continue de parler son créole. Diverses tentatives sont actuellement en cours afin de promouvoir l'usage du créole au Parlement, dans l'enseignement et dans les médias. Pour le moment, les réalisations tardent encore, mais les locuteurs du créole jamaïcain constituent la majorité linguistique dans le pays. S'il y tiennent vraiment, ils peuvent réussir à faire céder le gouvernement à la condition de bousculer les forces favorables à l'anglais. À court terme, on ne voit pas comment la Jamaïque pourrait changer de politique, laquelle joue sur le bilinguisme anglo-créole à l'oral, anglais à l'écrit.
Bibliographie
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