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Guinée-Conakry
(Guinée
française)
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- République de Guinée
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Capitale: Conakry
Population: 12,1 millions (2014)
Langue officielle: français (de jure)
Groupe majoritaire: aucun
Groupes minoritaires: une trentaine de langues dont le peul ou poular (32 %),
le maninka (23 %), le soussou (10 %), le guerzé (3,8 %), le kissi (3,5
%), le toma (1,8 %), le dialonké (1,8 %), etc.
Langue coloniale: français
Système politique: république populaire
pluraliste Articles constitutionnels (langue): art. 1, 8 et 25 de la
Constitution de
2010 Lois linguistiques:
Code civil
(1983);
Ordonnance n° 304/PRG/85
portant création de l'Institut de recherche linguistique appliquée
(1985);
Code
des marchés publics (1988);
Loi organique l/91/012 du 23 décembre 1991 portant Code électoral
(1991);
Loi organique l/91/006 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil
national de la communication (1991);
Code de la santé publique (1997);
Loi n° 037/an/98 du 31 décembre 1998 portant Code de procédure pénale
(1998);
Décret d/98/n° 100/prg/sgg du 16 juin 1998 portant Code de procédure
civile, économique et administrative (1998);
Code foncier et domanial (1999);
Code de l'enfant guinéen (2008).
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1 Situation géographique
|
L’Afrique compte trois Guinées, avec chacune une langue officielle
différente: français, portugais et espagnol. On distingue en
effet : 1) la Guinée (245 857 km²)
proprement dite appelée aussi Guinée-Conakry
(francophone); 2) la
Guinée-Bissau (36
125 km²) dite «Guinée
portugaise» (lusophone);
3) la Guinée équatoriale
(28 051 km² ) ou «Guinée
espagnole» (hispanophone) ou
«Guinée espagnole» (hispanophone).
La langue officielle de chacun de ces pays résulte de l'histoire
de la colonisation européenne (France, Portugal et Espagne).
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La Guinée-Conakry, appelée officiellement
république de Guinée,
est un pays d'Afrique de l'Ouest borné par l'océan Atlantique, limité au
nord-ouest par la Guinée-Bissau (lusophone), au nord par le Sénégal
(francophone), à l'est par le Mali (francophone), au sud-est par la Côte
d'Ivoire (francophone) et au sud par le Liberia (anglophone) et la Sierra Leone
(anglophone).
C’est un pays de 245 857 km², soit l’équivalant de
50 % approximativement de la surface de la France. La Guinée-Conakry comprend
également les îles de Los au large de Conakry, la capitale. Plus de 1,5
million de Guinéens habitent Conakry qui est aussi une importante ville
portuaire. |
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La Guinée-Conakry est divisée en quatre grandes régions
géographiques: d’est en ouest, on trouve la Guinée maritime
ou Basse-Guinée
(en bordure de l’Atlantique), la Moyenne-Guinée ou le Fouta-Djalon
(au sud du Sénégal: de hauts plateaux aux nombreux cours d’eau désignés comme
le «château d’eau» de l’Afrique), la Haute-Guinée (une immense savane
formant une zone de transition avec le Mali) et la Guinée forestière
(région de montagnes couvertes de forêts à l’extrémité sud-est, près du Liberia).
Au point de vue administratif, la Guinée compte huit régions
(voir
la carte détaillée) qui
portent le nom de la ville dont c'est le chef-lieu : la région de
Conakry, la région de Boké, la région de Kindia, la région de Mamou,
la région de Faranah, la région de Kankan, la région de Labé et la
région de Nzérékoré. Ces régions sont elles-mêmes divisées en 33
préfectures. |
2 Données démolinguistiques
|
Les quelque douze millions de Guinéens sont répartis en près d’une
quarantaine d’ethnies parlant chacune leur langue. Pour l'essentiel, toutes
les langues font partie de la
famille
nigéro-congolaise. Et elles constituent deux
sous-groupes importants: le groupe ouest-atlantique (OA) et le groupe
mandingue (M). Dans la carte de gauche, les langues ouest-atlantiques sont
surtout situées dans l'Ouest, les langues mandingues, à l'est, avec quelques
exceptions dans la région de Kindia, de Faranah et de Nzérékoré.
Étant donné que le dernier
recensement officiel basé sur les groupes ethniques remonte à 1955, soit avant
l’indépendance (1958), il est malaisé de s’appuyer sur des statistiques
gouvernementales.
Sur les bases de données non officielles, on pourrait affirmer que les groupes
les plus importants sont constitués du
peul ou poular
(40,9 %), du malinké ou maninka
(28,4 %) et du soussou
(11,3 %). Ensembles, ces trois langues sont parlées par plus de 80 % de la
population. |
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Basse
Guinée
|
Moyenne Guinée
|
Haute Guinée
|
Guinée Forestière
|
Soussou
|
75 % |
- |
- |
- |
Peul
|
- |
80 % |
- |
- |
Malinké
|
- |
14 % |
45 % |
35 % |
Forestiers |
- |
- |
- |
80 % |
|
Les trois principaux groupes ethniques
—
Peuls, Maninkas et Soussous
—
se répartissent dans les quatre grandes
régions géographiques de la Guinée. La Guinée
maritime abrite près de 75 % des Soussous, mais on y trouve aussi
presque toutes les grandes les ethnies du pays, en raison de la présence de la capitale,
Conakry, qui attire les Guinéens. Dans la région de la
Moyenne
Guinée, on trouve 80 % des Peuls et 14 % des Malinkés;
ces derniers sont plus nombreux en Haute
Guinée
(45 % d’entre eux). Quant à la Guinée
forestière, elle abrite surtout des Malinkés (35 % d’entre eux),
mais aussi des petites ethnies telles que les Kissiens, les Tomas,
les Guerzés, etc. |
Quoi qu'il en soit, l'appartenance à une ethnie est
complexe en Guinée-Conakry parce qu'il existe plusieurs regroupements
entre ces ethnies en raison des mariages mixtes. On distingue
parmi les Peuls, les Malinké et les Soussous des «assimilés»,
des «apparentés» et des «forestiers». Ainsi, les Nalou,
les Landoumans, les Bagas, les Moréakés, etc., sont assimilés
aux Soussous.
Le tableau qui suit présente les ethnies de plus de 5000
personnes et les langues parlées par celles-ci. Les langues
appartiennent presque toutes au groupe ouest-atlantique (OA) ou
au groupe mandingue (M).
Ethnie |
Population |
Pourcentage |
Langue |
Affiliation |
Peul (Poular) |
4 963 000 |
40,9 % |
poular (peul) |
famille
nigéro-congolaise - OA |
Maninka (Malinké) |
3 445 000 |
28,4 % |
malinké (et variétés) |
famille
nigéro-congolaise - M |
Soussou |
1 373 000 |
11,3 % |
soussou |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Kissien |
545 000 |
4,4 % |
kissi (du Nord) |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Kpelle (Guercé) |
538 000 |
4,4 % |
kpellé (guercé) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Toma |
247 000 |
2,0 % |
toma |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Kono |
158 000 |
1,3 % |
kono |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Dialonké |
111 000 |
0,9 % |
dialonké (yalunka) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Koranko |
105 000 |
0,8 % |
koranko (kuranko) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Manon |
100 000 |
0,8 % |
manon (mano) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Baga |
87 000 |
0,7 % |
baga (et variétés) |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Mandingue |
77 000 |
0,6 % |
mandingue (manya) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Lélé |
48 000 |
0,3% |
lélé |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Mandeni |
41 000 |
0,3 % |
soussou |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Jahanka |
35 000 |
0,2 % |
jahanqué (jahanka) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Ziolo |
30 000 |
0,2 % |
ziolo |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Landouman |
25 000 |
0,0 % |
landouman |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Mikifore |
23 000 |
0,0 % |
mogofin |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Bassari |
18 000 |
0,0 % |
bassari (oniyan) |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Koniagi |
17 000 |
0,0 % |
koniagi (wamey) |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Bandé |
12 000 |
0,0 % |
bandé (bandi) |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Kakabé |
12 000 |
0,0 % |
kakabé |
famille
nigéro-congolaise-
M |
Badjara |
11 000 |
0,0 % |
badjara (badyara) |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Nalou |
10 000 |
0,0 % |
nalou |
famille
nigéro-congolaise-
OA |
Fulakunda |
5 700 |
0,0 % |
poular |
famille
nigéro-congolaise - OA |
Libanais |
5 200 |
0,0 % |
arabe libanais |
chamito-sémitique (sémitique) |
Autres |
78 900 |
0,6 % |
- |
- |
Total (2014) |
12 121 600 |
100 % |
- |
- |
Suivent des langues numériquement moins importantes:
le kissi (4,4 %), le kpellé (4,4 %), le toma ((2 %), le kono (1,3 %), le
dialonké (0,9 %), le koranko (0,8 %), le manon (0,8 %), les baga et ses variétés
(0,7 %), etc.
2.1 Les Peuls
Les Peuls
appelés
Fulani
par les anglophones, se dénomment eux-mêmes
fulbé
(singulier : pullo). Ils
comptent une population totale de plus de 40 millions de
personnes dans une quinzaine de pays (voir
la carte). On les retrouve, outre en Guinée (4,9
millions), au Nigeria (16 millions), au Mali (2,7 millions), au
Cameroun (2,9 millions), au Sénégal (3,6 millions), au Niger
(1,6 million), au Burkina Faso (1,2 million), en Mauritanie 400
000), en Guinée-Bissau (320 000), en Gambie (3124 000), au
Tchad (580 000), en Côte d'Ivoire (423 000), etc.
2.2 Les Malinkés
Les Malinkés sont
appelés aussi Mandingues, Mandinkas, Mandés ou Maninkas. C'est
un peuple d’Afrique de l'Ouest présent surtout au Mali et en
Guinée, mais également au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina
Faso, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau; il y a quelques
petits groupes de Mandingues au nord de la Sierra Leone et du
Libéria. On estime leur nombre total à plus de quatre millions.
En Guinée-Conakry, les
Malinkés sont installés en Haute-Guinée
(45 % d’entre eux), en Guinée
forestière (35 % d’entre eux) et en Moyenne-Guinée
(15 %). Leur langue, le malinké (ou mandingue, maninka, etc.),
compte plus d'une vingtaine de variétés dialectales classées en deux
groupes : le malinké occidental (soninké, mandingue du Sénégal
oriental, kaabu de la Guinée-Bissau) et le malinké oriental (bambara
du Mali, dioula de la Côte d'Ivoire, etc.).
2.3 Les Soussous
Les Soussous co
nstituent
le troisième groupe le plus important de la Guinée.
Cette ethnie s'est formée à
partir de trois autres ethnies : un fond mandé qui remonte aux
populations qui occupaient l’empire du Ghana, un fond nalu et
baga assez récent que l’ethnie soussou a assimilé
progressivement et enfin un malinké plus marqué dans la région
de Moreah et le Tamiso. L’ethnie soussou a donc,
au cours de son histoire, augmenté sa taille en intégrant
d’autres ethnies du littoral. La communauté
soussou appartient au groupe mandingue de la
famille
nigéro-congolaise et parle à peu
près la même langue que les Dialonkés du Fouta (Moyenne-Guinée).
La Guinée
maritime abrite près de 75 % des Soussous. On trouve des Soussous surtout
en Guinée-Conakry, mais de petites communautés subsistent en
Sierra Leone et en Guinée-Bissau.
2.4 Les autres
ethnies
|
Évidemment, il existe de
nombreuses autres ethnies et langues sur le
territoire guinéen. La carte de gauche n'en présente
pas la moitié d'entre elles, mais seulement celles qui
sont parlées par plus de 5000 locuteurs dans une
préfecture. La carte de gauche représente les
langues parlées dans chacune des préfectures, sans
préciser les aires linguistiques elles-mêmes.
Nous pouvons constater que la
plupart de ces langues minoritaires sont parlées en périphérie,
notamment dans le Sud et l'Ouest sur le littoral.
Les langues les plus importantes sont le kissi (n°
8), le kpellé (n° 7), le toma (n° 18), le kono (n°
10), qui sont parlés dans plusieurs préfectures.
Les trois grandes langues
nationales, le peul, le malinké et le
soussou, recouvrent les mêmes aires linguistiques que
les plus petites langues, sauf dans le Sud-Est, où
celles-ci prédominent.
Dans la ville de Conakry, la capitale,
les langues maternelles des habitants sont, par ordre décroissant, le soussou (42 %),
le peul (30 %), le malinké (13 %), le kissi (4 %), le
kpellé (4 %), le français (2 %) et le toma (2 %). |
2.5 Le français et l'arabe
Le français est la langue officielle du pays, mais seulement de 15 % à 25 %
des Guinéens le pratiquent. Dans les campagnes éloignées, cette langue
demeure à peu près inconnue. Le français sert de langue véhiculaire entre les
ethnies, mais également le poular, le malinké et parfois le soussou.
Pour ce
qui est de la langue arabe, cette langue n'est
employée que par les adeptes du Coran. Au point
de vue religieux, les musulmans sont nettement les plus nombreux en Guinée,
avec près de 85 % d’adeptes dans la population. On compte 5 % de Guinéens
adeptes des religions traditionnelles animistes et 4 % de chrétiens (dont 3 %
de catholiques et 1 % de protestants évangéliques).
Les Guinéens sont musulmans dans une proportion de 85 %,
chrétiens à 8 % et adeptes des croyances africaines à 7 %.
3 Données
historiques
Les Nalous et les Bagas peuplèrent la région dès le VIIIe
siècle, et furent rejoints au XIe siècle par les Jalonkés
d'origine mandée. Ils furent suivis par les Peuls et les Mandingues, qui
arrivèrent entre le XVIe et le XVIIIe siècle, en
apportant l'islam. Au XIIe siècle, la région fit partie de l’empire
du Ghana et de celui du Mali. Ce dernier connut son apogée au XIVe
siècle; il s'étendit du nord et de l'est de la Guinée à Tombouctou (Mali),
avant de péricliter au siècle suivant.
3.1 L’arrivée des Européens
En vertu du traité de Tordesillas
(1494) qui traçait les limites territoriales entre l'Espagne et le Portugal,
le page Alexandre VI Borgia (1431-1503) avait contraint les Espagnols et les
Portugais à s'entendre sur le partage du monde: tout ce qui serait découvert à
l'ouest du méridien appartiendrait à l’Espagne et à l'est (Brésil et Afrique),
au Portugal. En réalité, l’Église catholique avait attribué aux deux puissances
péninsulaires, non pas des zones de colonisation,
mais des zones d'évangélisation,
mais cette distinction ne résista pas longtemps aux appétits impérialistes.
En vertu du traité de Tordesillas, l'Afrique devait appartenir aux seuls Portugais,
puisque les Espagnols y étaient écartés. Les autres pays de l'Europe, comme
la France, la Grande-Bretagne et la Hollande, furent incapables de s'opposer
au traité de Tordesillas jusqu'à la fin du XVIe siècle.
Les Portugais furent les premiers Européens,
au XVe siècle, à longer les côtes de la Guinée et à entrer en contact
avec les populations qui s'y trouvaient. Ils installèrent des comptoirs et pratiquèrent
le commerce des épices, de l’huile de palme, l'or, de l'ivoire et... la traite
des esclaves. La toponymie conserve encore leur marque (Rio Nuñez, Rio
Pongo, Cap Verga, etc.) et plusieurs familles ont hérité de leurs
noms (Fernandez, Gomez, etc.). Mais les Portugais entrèrent très
tôt en compétition avec les Britanniques
et les Français. Ils se trouvèrent rapidement
circonscrits dans ce qui est devenu aujourd’hui la Guinée-Bissau. Les Britanniques
finirent par se contenter sans trop de difficultés de la Sierra Leone. Puis,
en une quarantaine d’années, l’impérialisme français supplanta ses rivaux dans
la région en étendant sa zone à partir de la côte maritime en direction du Fouta-Djallon
et de la Haute-Guinée. Les autochtones ne connurent d’abord l’écriture que
par l'alphabet arabe: une transcription de la langue peule en caractères arabes
apparut d'ailleurs au cours du XVIIIe siècle, mais cette arrivée
dans le monde de l'écriture fut ralentie sérieusement par l'invasion des forces
coloniales.
Le Français Gaspard-Théodore Mollien
découvrit la Moyenne-Guinée (Fouta-Djalon) et la ville de Timbo en 1818; pour
leur part, l'Anglais Gordon Laing (1826) et le Français René Caillié (1828)
atteignirent Tombouctou au Mali. En 1840, l'amiral français Bouet-Willaumez
(1808-1871), futur gouverneur du Sénégal, signa les premiers traités avec des
chefs locaux de la Guinée. En 1880, le Français Olivier de Sanderval jeta les
bases de la colonisation européenne dans la région. Dans les années 1880, l'almamy
(souverain) d’origine malinkée, Samory Touré, équipé d'armes modernes,
prit le contrôle de l'intérieur du pays. En 1884-1885, suite à un accord
entre les puissances coloniales de l’époque (France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Portugal), la conférence de Berlin reconnut les «droits» de la
France sur la région.
3.2 La colonisation française
Le territoire de la Guinée devint une colonie française en 1893 et fut
intégré à l'Afrique occidentale
française (AOF) en
1893. Mais l'almamy Samory Touré mena une guerre organisée contre
l'occupation française sur la côte et dans les massifs montagneux du Sud-Est,
jusqu'à ce qu'il fut vaincu en 1898. Fait prisonnier en 1898, il fut déporté
au Gabon où il mourut en 1900. Il fut l'un des derniers héros de l'histoire
précoloniale du pays. Les résistances à l’occupation française
continuèrent et ne cessèrent qu’en 1912, lors de la «pacification» de
cette zone érigée en région militaire depuis 1899. Finalement, l'émiettement
en multiples chefferies rivales facilita l'emprise française sur le pays. Mais
les excès militaires français provoquèrent en 1911 une révolte des Guerzé
et des Manons, qui fut réprimée avec une très grande brutalité.
La France imposa un système d'administration coloniale identique à celui
appliqué dans les autres territoires africains de son empire colonial. Le
français devint la langue de l’Administration. La plupart des documents
officiels ne furent pratiquement jamais connus de la part des intéressés, sauf
lorsqu’ils furent occasionnellement traduits dans un «dialecte local». Près
de 95 % des Guinées ne fréquentaient pas l’école et ignoraient par
conséquent le français. Cependant, le français était très répandu auprès
de l’élite guinéenne qui n’hésitait pas au besoin à écourter les
études coraniques de leurs enfants pour leur faire suivre leurs cours à l’école
française.
La mise en valeur du pays demeura le fait des Français, car les autochtones
ne fournirent que la main-d’oeuvre à bon marché, notamment dans l’exploitation
de la bauxite. Les sociétés françaises monopolisèrent les cultures
d'exportation et les multiplièrent. Évidemment, l'exploitation des ressources
naturelles s'orienta vers les besoins de la Métropole, ce qui suscita très
tôt un syndicalisme très politisé, surtout dans les centres industriels et
portuaires, qui se transforma en mouvements contestataires. Pendant les deux
guerres mondiales, la Métropole fit largement appel aux soldats guinéens: 36
000 furent mobilisés en 1914-1918 et près de 18 000 en 1939-1945.
La Guinée française devint par la Constitution française du 7 octobre 1946
un «territoire d'outre-mer». À la fin de l’empire colonial français, le
taux de scolarisation des «indigènes» restait inférieur à 12 %. Cette
situation cachait aussi d'importantes disparités entre les sexes (par exemple,
moins de 10 000 filles sur 45 000 enfants scolarisés), les milieux urbains et
ruraux (dits «de brousse»), les différents groupes sociaux (fonctionnaires,
artisans, ouvriers et manoeuvres, paysans) et religieux (par exemple, écoles
coraniques et les écoles privées catholiques), sans parler des régions
géographiques. L'enseignement supérieur demeurait inexistant. Puis,
inévitablement, une conscience politique anticoloniale se développa pour
s'affirmer avec force après la Seconde Guerre mondiale.
3.3 Vers l’indépendance
En 1952, Ahmed Sékou Touré, arrière-petit-fils de Samory Touré, mena des
activités politiques afin d’obtenir davantage de représentants africains
dans le gouvernement local. Il fonda le Parti démocratique de Guinée
dont il fit une organisation populaire fortement structurée. Lors du
référendum du 28 septembre 1958, la Guinée fut le seul pays de toute
l'Afrique francophone à rejeter la proposition du général de Gaulle
concernant l'intégration des colonies de l'Afrique occidentale française au
sein d’une éventuelle Communauté française. Sékou Touré, qui était
convaincu que la France ne pourrait durablement ostraciser une Guinée si riche
en produits miniers, demandait à sa population de voter NON au projet
d'intégration à la Communauté française. Dans son discours au général
de Gaulle à Conakry, le 25 août 1958, Sékou Touré, alors vice-président du
Conseil de gouvernement, déclarait:
Le projet de Constitution ne doit pas s'enfermer dans la logique du
régime colonial qui a fait juridiquement de nous des citoyens français, et
de nos Territoires, une partie intégrante de la République française Une
et Indivisible. Nous sommes africains et nos Territoires ne sauraient être
une partie de la France. Nous serons citoyens de nos États africains,
membres de la Communauté franco-africaine.
|
Mécontente de la décision guinéenne après son vote négatif lors du
référendum du 28 septembre (1958) sur la Communauté, la France suspendit
immédiatement son aide (contrairement à ce que croyait Sékou Touré). En un mois, l'administration guinéenne se vit privée
de tous les techniciens et fonctionnaires français, y compris les médecins,
les infirmières, les enseignants, les responsables de la sécurité aérienne,
etc. Pendant que les présidents Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du
Niger et Léopold Sédar Senghor du Sénégal se comptaient parmi les
défenseurs les plus acharnés de la Francophonie, Sekou Touré, lui, continuait
d’exiger pour son pays l’indépendance immédiate et totale, et proclamait
haut et fort que la Francophonie constituait une «nouvelle forme de domination
coloniale». Paris tentera d’empêcher l’admission du nouvel État aux
Nations unies.
3.4 Le régime autoritaire de Sékou Touré
La Guinée accéda à l'indépendance le 2 octobre 1958. Depuis son indépendance
et jusqu’en 2010, la Guinée ne connaîtra que des régimes militaires ou
autocratiques.
|
Ahmed Sékou Touré devint le premier président de la
république de Guinée et le grand «responsable suprême» du pays.
Le début de la présidence de Touré fut marqué par une politique
marxiste, avec la nationalisation des entreprises étrangères
(françaises) et une économie fortement planifiée. Il mit aussitôt en
œuvre une politique de
«panafricanisme» impliquant la «décolonisation intégrale de toutes
les structures du pays», afin d’instaurer une «société socialiste».
Sékou Touré remporta le prix Lénine pour la paix en 1961.
Toutefois, l'attitude intransigeante de Sékou Touré envers la France
ne fut pas toujours bien appréciée; c'est pourquoi certains pays
africains rompirent les relations diplomatiques avec la Guinée.
Malgré tout, le président Touré gagna l'appui de nombreux groupes et
dirigeants anticolonialistes et panafricains. Néanmoins, sa
politique visant à s'approprier la richesse et les terres agricoles
des propriétaires traditionnels irrita de nombreux acteurs
puissants, alors que son gouvernement se révélait incapable de
redresser l'économie et les droits démocratiques en Guinée. |
- La révolution culturelle
Avec Sékou Touré, la Guinée porta dorénavant le nom de République populaire
révolutionnaire de Guinée. L’une des toutes premières «décisions
législatives» adoptée au lendemain de l'indépendance peut nous donner une
idée du caractère autoritaire du nouveau régime en place. Voici le texte de l’ordonnance
du 2 octobre 1958 destinée simplement à contrer le vol dans le pays:
Article 1er - Tout individu coupable de vol sera condamné
à des peines de trois à dix ans de prison.
Article 2 - Les peines infligées pour vol seront effectuées dans un
pénitencier et les condamnés seront astreints à des travaux de force.
Article 3 - La peine pourra être élevée à quinze ans en cas de
récidive.
Article 4 - Les vols commis soit la nuit, soit par effraction, soit
par escalade, soit en bande, soit avec arme, soit avec menaces, soit avec
violences, seront punis de la peine de mort.
Article 5 - Le propriétaire qui, en défendant son bien, aura
occasionné la mort d'un ou de plusieurs voleurs, bénéficiera de l'excuse
absolutoire.
Article 6 - Quiconque aura occasionné par sa faute la mort d'autrui
sera condamné à la peine de mort, à moins qu'il ne lui soit reconnu des
circonstances atténuantes.
Article 7 - Quiconque par son imprudence aura occasionné la mort
d'autrui sera condamné à la peine de mort, s'il est avéré que cette
imprudence a été la cause principale ayant entraîné le décès.
Article 8 - La présente ordonnance sera appliquée provisoirement
pendant la période qui sera jugée déterminante pour entraîner les
améliorations envisagées par le gouvernement.
Article 9 - La présente ordonnance sera publiée et communiquée
partout où besoin sera.
|
Avec la révolution culturelle, les fonctionnaires du gouvernement devaient
répondre au téléphone en disant d’abord: «Allô! Prêts pour la
révolution!» Au cours de l'année 1960, Sékou Touré ordonna une destruction
massive de livres, journaux, documents administratifs, juridiques, archives,
etc., dans tous les services publics. Les archives furent pillées et vidées,
et tous les autres documents furent brûlés sous le contrôle d'un agent de la
sécurité. Par la suite, l'importation de livres et de journaux étrangers fut
interdite pour les particuliers. L’une des émissions les plus écoutées à l’époque
par les Guinéens, la Revue de presse, fut supprimée pour être
remplacée par la Causerie du président où il était le seul à parler.
Dans les campagnes, les radios rurales durent adopter une «approche
personnelle» en langues nationales pour communiquer avec la population. Comme
on pouvait bien s’y attendre, la révolution passait aussi par la langue... et
par l’école.
- La réforme scolaire
En 1958 déjà, le gouvernement avait pris la décision d'«adapter les
structures de l'éducation aux nouvelles réalités nationales» dans le but
d'instaurer un «enseignement démocratique et populaire». La réforme
ambitionnait de «scolariser tous les enfants du pays à partir de l'année
scolaire 1964-1965». Toutefois, c’est à partir de 1968 que Sékou Touré
appliqua sa politique linguistique d’africanisation et entreprit de réformer
l’éducation dans les écoles primaires.
La Commission nationale d'alphabétisation fut créée. Après avoir codifié
le premier alphabet guinéen (sans trop de rigueur scientifique), la commission
choisit huit langues nationales (malinké, soussou, peul ou poular, kissi,
basari, loma, koniagi et kpellé) sur une vingtaine et élabora des alphabets
dans plusieurs autres langues nationales. Ces alphabets furent adoptés par le
Conseil national de la révolution réuni à Nzérékoré en juin 1965. Des manuels
furent imprimés et une campagne nationale d'alphabétisation fut lancée. Ces
mêmes langues étaient matières d'enseignement dans tout le cursus scolaire et
universitaire, du secondaire au supérieur où les notes obtenues comptaient comme
n'importe quelle autre matière aux compositions et examens de fin d'année.
Les objectifs pédagogiques portèrent sur deux
points importants: la réforme de l’enseignement destiné à assurer les liens
entre «l’école», «la vie» et «la production», et à alphabétiser les
adultes dans les langues nationales. En tout, il y eut une bonne vingtaine de
réformes en éducation. La Direction nationale d'alphabétisation produisit une
documentation importante afin de subvenir aux besoins des différentes matières
enseignées dans les écoles. Par ailleurs, de nombreuses publications en
langues nationales furent rédigées par les enseignants guinéens.
Dans les premières années de la réforme (mais après 1967), les apprentissages de base
tels la lecture, l'écriture et le calcul se faisaient dans l'une des langues nationales au cours de la
première année, alors que le français n'était abordé qu'à l'oral. Puis, au
cours des trois années suivantes, les élèves passaient
progressivement du français comme matière enseignée au français en tant que
langue d'enseignement. Les langues nationales suivaient le processus inverse: de
langue d'enseignement, elles devenaient des matières d’enseignement. À l’époque,
cette réforme scolaire fit passer Sékou Touré pour un précurseur dans toute
l’Afrique.
Par la suite, la «révolution culturelle socialiste» modifia la politique
adoptée dans les programmes d'enseignement. Le français cessa net d'être la
langue d'enseignement au primaire. Dans chaque région, la langue «dominante»
dut être enseignée dans les écoles (primaires). Par exemple, les élèves
étudièrent en soussou en Guinée maritime, en peul au
Fouta-Djalon, en malinké en
Haute-Guinée, en kissi, en toma, en
kpellé en
Guinée forestière,
etc. Ainsi, les langues nationales choisies devinrent des langues d'enseignement
à la place du français, et ce, de la 1re à la 8e
année, ainsi qu’une discipline de la 9e année à l'université.
Les mémoires de fin d'études supérieures en langues nationales ou traitant
des langues nationales enrichirent la documentation de l'Académie des langues
de la Guinée. Au nom de la Révolution, les programmes scolaires comportaient
obligatoirement l'étude des discours de Sékou Touré.
Les résultats de cette «révolution culturelle» se révélèrent
décevants. D’une part, les langues nationales étaient handicapées du fait
qu’elles n’avaient jamais servi dans les communications écrites, notamment
dans les sciences et les techniques; il fallait toujours recourir au français. La
formation des maîtres entraîna d'énormes problèmes, car les anciens instituteurs
durent apprendre à lire et écrire dans une langue nationale pour se rendre
compte que les manuels scolaires ne suivaient pas. En effet, l'unique imprimerie
de Conakry ne put jamais suffire à la tâche et la plupart des manuels préparés
par les chercheurs en pédagogie restèrent à l'état de manuscrits, dans les
tiroirs. Finalement, le nombre des langues d'enseignement passa de huit à six.
De plus, les successions ininterrompues des enseignants égyptiens, soviétiques,
vietnamiens, yougoslaves, américains, etc., qui arrivaient et repartaient au gré
des alliances politiques, n'aidait sûrement pas à l'amélioration de
l'enseignement, surtout qu'Ils ignoraient non seulement les langues nationales,
mais aussi le français.
Par ailleurs, afin de faire face à la
scolarisation d'une nombreuse jeunesse, le gouvernement de Sékou Touré imposa
«l'enseignement de masse». Or, cet enseignement fut mal reçu par la
population. En effet, une classe pouvait comporter jusqu’à 200 élèves ou
plus (ce qui n'était pas forcément différent de ce qui existait avant
l'indépendance ), les «travaux champêtres» et l'idéologie socialiste absorbaient les
trois quarts du temps, les élèves étaient notés collectivement (non
individuellement), les salles
de classe ne disposaient généralement d'aucun équipement, chaque élève
devant même apporter son siège. En fait, nombre d'enfants abandonnèrent
simplement l'école, car beaucoup de parents, surtout dans les campagnes,
préférèrent faire travailler leurs enfants aux champs. La propagande du
gouvernement de Sékou Touré annonçait régulièrement un taux officiel de
scolarisation de 40 %, alors qu’en réalité il oscillait plutôt autour de 20
%. À la fin du régime, en 1984, le taux de scolarisation restait encore
inférieur à 20 %. Soulignons que, durant cette période, tous les enfants des élites guinéennes
fréquentaient systématiquement l’école privée et apprenaient, pour leur part, le
français. Quoi qu'il en soit, À la fin du régime d'Ahmed Sékou Touré, le
français était redevenu l'unique langue d'enseignement dans les écoles.
L'expérience des langues nationales tourna court en 1984, dès la mort de
l'ancien président.
On peut attribuer l'échec de la politique linguistique de Sékou Touré à
plusieurs causes: une réforme bâclée et improvisée, la rareté des manuels
scolaires et l'insuffisance de la formation des maîtres.
- Un bilan décevant
Le régime autoritaire de Sékou Touré s’est rapidement transformé en
dictature et aurait provoqué, au cours des ans, l’exil du quart de la population
guinéenne (500 000 personnes sur deux millions). Ayant acculé son pays à la faillite
et, devant le mécontentement grandissant de la population, le dictateur
entreprit d’assouplir son régime. Il fit alors de nombreux voyages
diplomatiques dans le but d'établir des relations avec d'autres pays et de
trouver des investisseurs; il chercha de l'aide auprès du bloc communiste
(Europe de l'Est, Union soviétique et Chine) afin d’obtenir le financement
que la France lui refusait. Cible de plusieurs tentatives d'assassinat, il
accusa régulièrement la France de comploter pour renverser son régime et
avait rompu toute relation avec celle-ci dès novembre 1965. Entre 1958 et 1971, neuf
des 71 membres du gouvernement furent exécutés, huit moururent en détention,
18 furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité, 20 furent remis en liberté
provisoire, cinq se réfugièrent à l'étranger. Les rapport du «responsable suprême»
avec les pays
voisins, soit la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Burkina Faso,
restèrent troubles jusqu’en 1978.
Curieusement, la Constitution
«révolutionnaire» de 1982 (ni celle de 1958) ne contenait aucune disposition
d'ordre linguistique. De façon paradoxale, les tentatives de Sékou Touré de faire
de la Guinée un pays officiellement plurilingue semblent avoir été un énorme
échec. Il est probable que ce ne soit pas ce que la population désirait. C'est
dans ce cadre général d'échec qu'intervint, le 26 mars 1984, la mort subite de Sékou Touré,
à Cleveland (Ohio), aux États-Unis, lors d'une opération de chirurgie cardiaque.
3.5 Le régime de Lansana Conté
Après la mort de Sékou Touré1984, le pays se trouvait ruiné, des dizaines de
milliers
de Guinéens avaient fui le pays pour se réfugier en Côte d'Ivoire, au Sénégal
ou en France, alors que les prisons étaient pleines et quelque 700 000 morts étaient
attribués à l'ancien dictateur. Aussitôt, un Comité révolutionnaire de redressement national (CRRN), comprenant des
militaires, porta au pouvoir le colonel Lansana Conté, d'origine soussou. Puis la Guinée s’engagea
dans une série de réformes et, en rupture avec l'ancien régime, elle se
rapprocha de la France et de ses voisins. Les nouveaux dirigeants décidèrent de
s'en tenir à un enseignement entièrement en français. On chargea l'Académie des
langues de travailler sur l'hypothèse d'une «langue nationale
d'unification» du pays, qui devait être adoptée après un «délai de réflexion» de
six ans, c'est-à-dire en 1990.
|
Par la suite, la population guinéenne
s'est retrouvée aux prises avec l'un de ces plans de restructuration dont seuls
le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont le secret. La
Guinée connut notamment le licenciement d'un bon tiers des fonctionnaires
inutiles que comptait le pays, la privatisation des banques et de la centaine de
sociétés d'État fantoches, avec en prime l'augmentation fulgurante du prix
des denrées de première nécessité. En 1993, le colonel Lansana Conté
remporta la première élection présidentielle pluraliste. Les libertés
fondamentales furent progressivement restaurées, l'inflation en partie
maîtrisée, la vie démocratique revint lentement. Cependant, la stabilité politique
demeura précaire, comme l'ont démontré
les affrontements entre les Malinkés, les Soussous et les Peuls lors d’une
nouvelle tentative de coup d'État militaire, en février 1996. De plus,
Amnistie internationale a commencé à dénoncer le régime guinéen,
notamment pour ses violations du droit d'expression et du droit d'association,
et les tortures en tout genre des personnes incarcérées, souvent sans procès.
Selon le Rapport mondial sur le développement humain publié en 1992 par
le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), la Guinée était
classée au dernier rang des 170 pays du monde, derrière Haïti et la Somalie.
|
En février 1996, une mutinerie militaire éclata pour
non-paiement des soldes. Réfugié dans les sous-sols du Palais des nations,
le président échappa de peu à la mort, alors que l'on bombardait son bureau.
Conté allait être encore victime d'une tentative d'assassinat en janvier
2005. Au début de 2006, l'état de santé du président s'aggrava brusquement;
il dut se rendre à plusieurs reprises à l'étranger pour se faire
hospitaliser. Dès lors, il ne quitta plus le pays pour participer à des
réunions internationales. Sous ce second régime autoritaire (après Sékou
Touré), l'État
guinéen devint encore plus dysfonctionnel, rongé par une corruption endémique. Exaspérés
par la flambée des prix et la corruption, les Guinéens descendirent
dans la rue en janvier 2007. Le gouvernement paniqua et l'armée
tira sur la foule. Bilan: plus de 200 morts et des milliers de
blessés. Pour calmer le jeu, le président Conté créa une commission
d'enquête afin d'identifier et de poursuivre les responsables de la
répression. Par la suite, il ne se passa plus rien, mais les grèves se
multiplièrent, impliquant l'armée, puis les douaniers, les policiers,
les médecins, les magistrats, etc. Malade et diminué, Lansana Conté
ne vécut plus dans la capitale, car ils se réfugia dans un petit village où
il cultivait des champs de riz,. Au cours de cette période, ses proches
conseillers assurèrent le pouvoir jusqu'à sa mort survenue le 22
décembre 2008. Il avait passé vingt-quatre ans à la tête de la
Guinée.
3.6 La junte militaire de Danis
Camara
Dès le lendemain, le capitaine Moussa Dadis Camara et le
Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) prenaient le
pouvoir. Le chef de la junte, qui s'est autoproclamé «président de la
république de Guinée», s’engageait alors à lancer une transition devant
inclure la tenue d’élections législatives et présidentielle en 2009
auxquelles la junte ne participerait pas. La junte militaire a néanmoins
réservé à l'ancien président Conté des funérailles nationales et a prié Dieu
qu'il lui donne «le courage de continuer son
œuvre de tolérance et de paix pour le
bonheur de la Guinée».
Le 28 septembre 2009, l’armée réprimait dans le sang une manifestation
pacifique organisée par les Forces vives dans le stade de Conakry, faisant
plus de 150 tués et plus de 1200 blessés. Ce massacre fut unanimement
condamné par la communauté internationale. La France a immédiatement
suspendu sa coopération militaire et déployé une assistance médicale aux
victimes.
Après une tentative d’assassinat par son aide de camp en
décembre 2009, Dadis Camara fut évacué et hospitalisé à Rabat (Maroc). Le 15
janvier 2010, à Ouagadougou, le capitaine Dadis Camara, le général Sékouba
Konaté et le président Blaise Compaoré (Burkina Faso) signaient la
Déclaration conjointe de Ouagadougou, définissant les modalités de la
transition guinéenne. La nomination d’un nouveau premier ministre (janvier
2010) et la désignation d’un gouvernement d’union nationale (février 2010)
engagèrent la Guinée sur la voie de la transition. Le Conseil national
de transition (CNT), un organe législatif à la place du Parlement, fut mis
en place en janvier 2010. Sa mission qui ne devait excéder six mois, allait
finalement s'étendre sur quatre ans. Puis Camara annonça qu'il renonçait au
pouvoir, officiellement pour des raisons de santé. En réalité, la France,
les États-Unis et le Maroc avaient profité de l'hospitalisation de Camara à
Rabat pour lui trouver un successeur et le forcer à l'exil. Depuis le
massacre de 2009, Français et Américains se méfiaient du président guinéen
et croyaient que ses ambitions militaires pouvaient constituer une menace
pour la stabilité de la région.
3.7 L'élection du président Alpha Condé
Le 3 décembre 2010, la Cour constitutionnelle proclama la
victoire d’Alpha Condé, avec 52,5 % des suffrages, à la présidence. Le 21
décembre 2010, Alpha Condé fut investi président de la République en
présence de 13 chefs d'État africains et de délégations gouvernementales
d'autres continents. Condé a promis «une ère nouvelle» et annoncé son
intention de devenir «le Mandela de la Guinée» en unifiant et développant
son pays. Le 19 juillet 2011, des militaires attaquèrent sa résidence
privée de Conakry, dont une partie fut soufflée par une roquette, mais Alpha
Condé s'en est sorti indemne. En janvier 2014, le Conseil national de
transition cédait la place à la nouvelle Assemblée nationale pour siéger à
l’Hémicycle.
Malgré ses richesses naturelles, la Guinée n'est jamais parvenue à faire décoller
son économie. Pourtant, selon les Guinéens eux-mêmes, la Guinée-Conakry est
un pays «béni d'Allah»; on l’a surnommée «le château d'eau de l'Afrique
de l'Ouest» et raison de son réseau hydrographique, et ses ressources
minières sont énormes: les deux tiers des réserves de bauxite du monde, des
métaux rares (cobalt, uranium), de l'or, des diamants, etc. Malgré ses richesses
naturelles considérables, la Guinée est classée parmi les pays les plus pauvres
du monde. Selon une étude de l'Institut national de la statistique de
Guinée et de la Banque mondiale publiée en juillet 2012, plus de la moitié des
Guinéens (55 %) vit en dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins d'un dollar
par jour, un chiffre en hausse ces dix dernières années.
La même année, la Guinée était classée au 178e
rang sur 187 pays,
selon l’Indice de développement humain (IDH), ce qui en fait l'un
des pays les plus pauvres de la planète. Tous les Guinéens sont bien conscients
que la pauvreté qu’ils vivent ne disparaitra pas par le fait d’un coup de
baguette magique. Ils savent aussi que la disparition de leur misère n'est
possible que dans des institutions politiques efficaces, solides, et justes.
4 La politique linguistique
Sous le régime de Sékou Touré, ni la Constitution de 1958 ni celle de 1982
ne contenait de disposition à caractère linguistique. L’ancien régime
autoritaire préférait sans doute fonctionner comme bon lui semblait, au gré
du vent, sans avoir à se préoccuper des contraintes constitutionnelles. La
Constitution du
19 avril 2010 contient
pour sa part des dispositions sur la question linguistique. Il s’agit des
alinéas 4 et 5 de l’article 1er:
Article 1er
4) La langue officielle est le français.
5) L'État assure la promotion des
cultures et des langues du peuple de Guinée.
|
Par cette disposition, l’État guinéen se réapproprie officiellement l’usage
du français qui n’avait jamais été abandonné sous l’ancien régime. L’État
veut également continuer d’assurer la promotion des cultures et des langues
du peuple de Guinée. L'article 25 de la Constitution de 2010 traite des
programmes d’alphabétisation et d’enseignement ainsi que des langues nationales
dans les médias électroniques:
Article 25
2) L’État doit intégrer
les droits de la personne humaine dans les
programmes d’alphabétisation et d’enseignement
aux différents cycles scolaires et
universitaires et dans tous les programmes de formation des forces
armées, des forces de sécurité publique et assimilés.
3)
L’État doit également assurer
dans les langues nationales
par tous les moyens de communication
de masse, en particulier par la radiodiffusion et la télévision, la
diffusion et l’enseignement de ces mêmes droits. |
Il reste à savoir comment se concrétise ces dispositions d'ordre
linguistique.
4.1 La langue de l’État
Toute la politique linguistique écrite de la Guinée tient essentiellement
à l'article 1er de la Constitution, qui fait du français la langue officielle et
assure aux langues nationales une certaine place. Cette disposition
constitutionnelle signifie que le français reste la langue de la présidence de
la République, de l'Assemblée nationale, de l'Administration publique, des cours
de justice, des forces armées et policières, de l'enseignement à tous les
niveaux, de l'affichage, des médias, etc.
L'article 201 du
Code foncier et domanial (1999) impose une traduction française pour
les actes ou documents rédigés dans une langue étrangère:
Article 201
2) Les actes reçus par les officiers
publics ou ministériels étrangers et les décisions rendues par les
juridictions étrangères ne peuvent être publiés ou constituer le
titre d’une inscription de privilège ou d’hypothèque que s’ils ont
été légalisés par le ministre des Affaires étrangères ou son délégué
qualifié et déposés au rang des minutes d’un notaire guinéen ou
s’ils ont été rendus exécutoires en Guinée.
3)
Ils doivent être accompagnés, s’ils ont été rédigés
en langue étrangère,
d’une traduction en français certifiée
soit par le ministre ou son
délégué susvisé soit par un interprète agréé auprès des tribunaux.
Les originaux, expéditions, copies, extraits ou bordereaux déposés
pour être conservés à la conservation foncière doivent en outre
porter toutes les mentions prescrites par l’article 1160 du Code
civil. |
Dans le
Code
des marchés publics (1988), l'article 8 oblige les candidats et
titulaires des marchés publics à produire leurs documents en français:
Article 8
Toutes les pièces écrites, publiées, remises aux candidats et
titulaires des marchés publics ou produites par eux, à quelque titre que
ce soit, seront établies en
langue française. |
Dans le
Code de la santé publique (1997), l'article 173 oblige les
fabricants de tabac à inscrire la mention suivante en français : «La
consommation du tabac est nocive pour la santé.»
Article 173
1)
La vente du tabac et de ses
produits dérivés sera subordonnée à l’apposition sur l’emballage
d’une étiquette portant la mention «La
consommation du tabac est nocive pour la santé». |
Lors des élections en Guinée, en vertu de la
Loi organique l/91/012 du 23 décembre 1991 portant Code électoral
(1991), les membres du bureau de vote doivent savoir lire et écrire le
français:
Article 72
1) Les membres du bureau de vote sont
désignés par arrêté un ministre de l’Intérieur sur proposition des
préfets. Ils sont requis par les préfets
parmi les électeurs de la circonscription, à l’exclusion des
candidats et de leurs parents en lignes directe ou par alliance
jusqu’au quatrième degré.
5)
En cas de défaillance d’un membre du bureau au scrutin, il est
pourvu à son remplacement par le président, qui choisit au sort
parmi les électeurs présents
sachant lire et écrire le français.
Mention en est portée au procès-verbal.
Article 82
1) Immédiatement après la clôture du
scrutin, il est procédé au dépouillement de la manière suivante:
- L’une est ouverte et le nombre des
enveloppes est vérifié.
- Si ce nombre est plus grand ou moindre que celui des
émargements, il en est fait mention au procès-verbal.
- Le bureau de vote désigne, parmi les électeurs présents, un
certain nombre de scrutateurs
sachant lire et écrire le
français, qui seront
d’office retenus pour former, avec le bureau de vote, la
commission de dépouillement.
|
Le français semble donc obligatoire dans le fonctionnement de l'État.
Cependant, le
Code de l'enfant guinéen (2008) est une exception, car l'enfant a le
devoir de «respecter l’identité, les langues et les valeurs
nationales»:
Article 2
1)
Tout enfant a le droit de jouir des droits reconnus
par le présent Code sans distinction de race, de groupe ethnique, de
couleur, de sexe, de
langue, de religion,
d’appartenance politique ou autre opinion, d’origine nationale et
sociale, de fortune, d’état de santé, de naissance ou autre statut,
et sans distinction du même ordre pour ses parents ou son tuteur
légal. Article 7
2) L’enfant,
selon son âge et ses capacités, et sous réserve des restrictions
contenues dans le présent Code, a le devoir :
a) - De respecter ses parents, ses
supérieurs et les personnes âgées en toute circonstance et, en
cas de besoin, de les assister ;
b) - De respecter l’identité, les langues et les valeurs
nationales ;
[...]
|
Précision que cette loi est conforme à la Convention
internationale des droits de l'enfant, alors que l'éducation est un
droit garanti par les États qui doivent tenir compte des langues nationales.
À l'article 30 de ladite convention, on peut lire:
Article 30 Enfants de
minorité ou de populations autochtones
L’enfant appartenant à une population autochtone ou à une minorité a le
droit de jouir de sa propre vie culturelle, de pratiquer sa propre
religion et d’employer sa propre langue. |
Dans les faits, bien que le français soit la langue
officielle de la Guinée, des accommodements sont prévus dans les services
publics. Les langues nationales les plus importantes, généralement le peul,
le malinké (ou maninka) et le soussou — parfois le kissi, le kpellé et le
toma —, sont utilisées concurremment avec le français. On peut parler d’un
véritable bilinguisme au sein de l’appareil de l’État, du moins lors des
communications orales.
À l’écrit, le français conserve ses prérogatives.
4.2 La langue de la justice
Dans les tribunaux, certaines langues sont autorisées dans les
communications orales. Il s'agit évidemment du peul, du malinké et du soussou,
voire le le kissi, le kpellé ou le
toma. C'est probablement la raison pour laquelle, selon le Code civil
(1983),
la connaissance d'une langue nationale est nécessaire :
Article 115
Dans tous les cas où une déclaration est
souscrite en vue d’acquérir la nationalité guinéenne, le président
du tribunal qui la reçoit :
1. La constate dans un procès-verbal;
2. Constate dans ce même procès-verbal le
degré d’assimilation du déclarant aux mœurs
et usages nationaux, par exemple
la connaissance d’une langue nationale,
indépendamment de l’usage plus ou moins familier de la langue
officielle;
|
La
loi n° 037/an/98 du 31 décembre 1998 portant Code de procédure pénale
(1998) est claire sur l'emploi des langues dans une procédure
judiciaire. D'abord, les membres d'un juré doivent savoir lire et écrire le
français; puis, lorsqu'un accusé ou un témoin ne parle pas ou ne comprend pas le
français, le juge doit faire appel à un interprète:
Article 106
1) Les témoins sont entendus séparément
et hors la présence de l’inculpé par le juge d’Instruction assisté
de son greffier; il est dressé procès-verbal de leurs déclarations.
2)
Le juge d’instruction peut faire appel à un
interprète majeur,
à l’exclusion de son greffier, des témoins et des parties.
3) L’interprète,
s’il n’est pas assermenté, prête serment de traduire fidèlement les
dépositions. Mention de cette formalité doit être portée sur chaque acte
auquel celui - ci participe, à peine de nullité de l’acte.
Article 252
Peuvent seuls remplir les fonctions de
juré, les citoyens guinéens de l’un et l’autre sexe âgés de plus de
trente ans, sachant lire et
écrire en français, non
atteints de surdité, jouissant des droits politiques, civils et de
famille, et ne se trouvant dans aucun cas d’incapacité ou
d’incompatibilité énumérés par les deux articles suivants.
Article 266
3) Le président peut déléguer un de
ses conseillers afin de procéder à cet interrogatoire.
Il doit être fait appel à un
interprète
si l’accusé ne parle ou ne comprend
pas la langue française.
Article 339
1)
Dans le cas où l’accusé, les témoins ou l’un deux, ne
parlent pas suffisamment
la langue officielle
ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le
président nomme d’office un interprète,
âgé de vingt et un ans au moins, et lui fait prêter serment de
remplir fidèlement sa mission.
Article 399
1)
Dans le cas où le prévenu ne parle pas suffisamment
la langue française,
les dispositions de l’article 339 sont applicables. |
L'article 650 de la même loi impose une traduction en
français lorsque des documents sont rédigés dans une langue étrangère:
Article 650
1) Le juge d’instruction ou
l’officier de police judiciaire commis par lui transcrit la
correspondance utile à la manifestation de la vérité. Il en est
dressé procès-verbal.
2) Cette transcription est
versée au dossier. Les
correspondances en langue étrangère sont transcrites en français avec
l’assistance d’un interprète
requis à cette fin. |
Le principe du traducteur et de l'emploi de la langue officielle sont
identiques dans le
décret d/98/n° 100/PRG/DGG du 16 juin 1998 portant Code de procédure
civile, économique et administrative (1998):
Article 53
1)
La juridiction n’est pas tenue de recourir à un
interprète si elle comprend
une des langues
dans lesquelles s'expriment couramment les parties.
2)
L'interprète doit prêter serment à
l'audience s'il n'est pas déjà assermenté.
Article 731
1)
L'acte est notifié
dans la langue officielle de l'État
d'origine.
2) Toutefois le destinataire qui ne
connaît pas la langue dans laquelle l'acte est établi peut en
refuser la notification et demander que celui-ci soit traduit ou
accompagné
d'une traduction en langue française, à la diligence et
aux frais de la partie requérante.
Article 783
Les parties et leurs défenseurs
peuvent, sur autorisation du juge poser des questions; celles-ci
doivent être formulées ou
traduites en langue française;
il en est de même des réponses qui leur sont faites. |
Autrement dit, lorsqu'un citoyen guinéen emploie sa langue
nationale dans une procédure judiciaire, cela ne constitue pas un droit
linguistique, car ce droit n'est reconnu que pour la langue française.
4.3 L’éducation
Ce sont la loi n° L/97/022/AN du 19 juin 1997 portant orientation de l'éducation
nationale et le décret n° 97/196/PRG/SGG du 21 août 1997, qui
définissent les caractéristiques fondamentales de l’éducation
en Guinée-Conakry. Malheureusement, ces documents ne sont pas disponibles.
Le pays dispose d'un réseau d’écoles à tous les niveaux. Les enfants des villes
peuvent fréquenter des écoles maternelles, des écoles primaires et secondaires,
ainsi que établissements d'enseignement supérieur.
- L'enseignement préprimaire
L'enseignement préprimaire ou préscolaire se fait
généralement dans la langue maternelle de l'enfant (peul, malinké, soussou, kissi, kpellé
ou toma), mais peut aussi être offert en français. Cet enseignement, entièrement
privé, est d'une durée de trois ans et n'existe que dans les milieux urbains.
Les enfants y sont reçus dès l’âge de trois ans. L’enseignement préscolaire
n’est pas obligatoire et touche moins de 15 % des enfants guinéens.
- L'enseignement primaire
L’enseignement
primaire se
poursuit durant six ans. Les enfants y sont admis à
l'âge de sept ans, parfois plus tard dans les campagnes.
Les langues nationales (peul, malinké,
soussou, kissi, kpellé et toma), quand on les enseigne au primaire, constituent
des matières d’enseignement, non pas des langues d’enseignement. De plus,
les écoles coraniques et les établissements franco-arabes continuent d’enseigner
l’arabe, surtout dans les matières religieuses, littéraires et sociales. Plus
de 90 % des enfants guinéens sont scolarisés à l'école primaire.
L’enseignement
primaire est
obligatoire et il
est sanctionné par le certificat d’études
primaires élémentaires (CEPE). Ensuite, pour pouvoir entrer au secondaire, les élèves doivent
également réussir un autre examen, «l'examen d'entrée en septième
année».
Bien que le français soit la langue officielle, beaucoup
de Guinéens, surtout dans les zones rurales, ne le maîtrisent pas. Il est donc
difficile pour les enfants de suivre en classe s’ils ne maîtrisent pas la langue
d’enseignement. Dans certaines zones rurales, l'enseignement peut se faire en
peul, en malinké, en soussou, en kissi, etc.
- L'enseignement secondaire
L’enseignement secondaire est divisé en deux cycles, le
collège (quatre années) et le lycée (trois années), auxquels il faut ajouter
l’enseignement technique et professionnel (durées variables) et l’enseignement
supérieur (durées variables).
L'achèvement de ces
deux cycles conduit respectivement au brevet
d’études du premier cycle (BEPC) et au baccalauréat
première partie en douzième année et deuxième partie
en terminale. Tout l'enseignement est donné en
français.
Passer du primaire au secondaire n'est pas facile pour un
Guinéen, car seuls 62 % des garçons et 51 % des filles peuvent y accéder. Le
taux brut de scolarisation au secondaire était de 38 % en 2010.
Environ un quart de ces élèves suit des cours dans des écoles
privées.
- L'enseignement supérieur
Dans l'enseignement supérieur, la durée des études varie
de quatre à six ans selon les études en cours. Le pays compte cinq
établissements d’enseignement supérieur publics : l’Université de Conakry,
l’Université de Kankan, l’Institut supérieur des mines et géologie de Boké,
l’Institut supérieur agronomique et vétérinaire de Faranah et l’Institut
supérieur de sciences de l’éducation de Guinée. Les établissements
d’enseignement supérieur sont des établissements publics à caractère
scientifique jouissant de l’autonomie de gestion. Ils sont placés sous la
tutelle du Ministère ayant en charge l’Enseignement supérieur. Le français est
la langue d'enseignement des établissements supérieurs.
- Les langues nationales
En dépit du peu de place des langues nationales dans
l'enseignement, le
gouvernement guinéen semble convaincu que celles-ci doivent
encore jouer un grand rôle dans la promotion de la culture nationale. Pour ce
faire, l'Académie des
langues est devenue l’Institut de recherche en linguistique appliquée (voir
le texte de loi). L'Institut
pédagogique national a été remplacé par l’Institut national de recherche et d'action
pédagogique. Un Centre d'études linguistiques a été mis en place à la
Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Conakry. Par
ailleurs, faute d'enseignants qualifiés, il arrive que, dans les zones rurales
et les petites classes, l’école se fasse dans la langue locale.
- Les difficultés
Bien que l’enseignement soit gratuit, la scolarisation de la population
guinéenne demeure encore faible. En effet, au début des années
quatre-vingt-dix, on comptait quelque 76 % d'analphabètes dans le pays.
Seulement 30 % des enfants en âge scolaire fréquentaient l’école primaire.
Environ 10 % des jeunes pourraient aller à l’école secondaire, contre 2 %
dans l’enseignement supérieur. Le gouvernement a entrepris des campagnes de
sensibilisation à la radio et à la télévision, mais les résultats sont
lents bien qu’encourageants. De façon générale, les filles fréquentent
beaucoup moins l’école que les garçons. Au cours de la période de 2005 à 2010, le taux d’alphabétisme des adultes (15 ans
et plus) s’élevait à 41%. Au total, 3,3 millions d'adultes sont analphabètes.
Les femmes représentent à elles seules plus de 59 % des
analphabètes.
Les
écoles de la Guinée sont plutôt pauvres et elles manquent cruellement de
manuels scolaires. À titre d’exemple, le ratio livre-élèves est en
général de dix pour les manuels en sciences, de sept pour les mathématiques
et de quatre pour le français.
La Guinée doit aussi faire face à un problème majeur : l'abandon scolaire.
En effet, chaque année des millions d’enfants quittent l’école sans
y avoir acquis les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul.
Ou bien ils abandonnent avant la fin du primaire, car les conditions
d’apprentissage difficiles ne les incitent guère à poursuivre leurs
études. Ainsi, le tiers des élèves ne termine pas le primaire. Par ailleurs, seulement
trois élèves sur dix
entrent au collège.
Le système d'éducation est aux prises avec d'énormes
inégalités sociales.
En Guinée, parmi les enfants les plus pauvres, 50 % entrent à l'école
primaire et 46 % arrivent en dernière année. Parmi les enfants les
plus riches, 81 % entrent à l'école primaire et 78 % persistent
jusqu'en
dernière année.
De plus, les enfants des milieux les plus aisés sont scolarisés dans
le secteur privé. Les programmes scolaires et les examens sont
identiques au secteur public mais les conditions de travail sont
nettement supérieures : enseignants qualifiés, présence de matériel
scolaire, nombre d’élèves par classe raisonnable, etc. Généralement,
l'enseignement offert dans les établissements privés favorisent l'apprentissage
et la pratique du français et de l'anglais dans le but d'amener les élèves à un
bilinguisme le plus fonctionnel possible.
Enfin, fréquenter l'école coûte cher en Guinée.
L'enseignement est en théorie gratuit, mais les parents d’élèves
doivent payer ce qui est appelé «le banc». Ils doivent verser
une cotisation à l’école pour que leur enfant puisse s’asseoir sur
le banc en classe et suivre les cours. Les familles doivent également
obligatoirement cotiser à l'association des parents d’élèves, sans
compter l'achat des fournitures scolaires, notamment l'uniforme qui est
obligatoire et qui coûte cher. Beaucoup de parents se découragent et
retirent leur enfant de l'école pour économiser.
- L'enseignement des
langues étrangères
En ce qui concerne les langues étrangères, la Guinée a privilégié deux
langues: l’anglais et l’espagnol. La première langue étrangère enseignée
est l’anglais. L’élève a, au secondaire, le choix entre l'espagnol et l'allemand,
mais
la plupart préfèrent l'espagnol.
4.4 Les médias
Les médias guinéens diffusent en français et dans
plusieurs langues nationales. La plupart des médias écrits n’emploient que le français. Les Guinéens
peuvent se procurer des journaux étrangers en anglais, en espagnol et en
portugais.
Les langues nationales sont privilégiées dans les stations locales
désignées comme des «radios rurales». Dans chacune des quatre régions
géographiques (Guinée maritime,
Moyenne-Guinée, Haute-Guinée et Guinée
forestière), il existe une station de radiodiffusion qui dispose d'une grille de
production et de programmes, autonome et locale. Toutes les langues recensées
dans chacune des localités sont présentes à l’antenne de la radio. En
Guinée, c’est la seule façon de rejoindre tous les citoyens, quelle que soit
leur langue. Dans cette perspective, le français constitue «une langue parmi
les autres». Tous les médias électroniques appartiennent à l'État, car il n’existe
pas de radio ou de télé privée en Guinée. Mais une loi serait prévue pour
autoriser les médias électroniques privés en Guinée.
Les radios étrangères
sont facilement captées, celles provenant du Liberia et de la Sierre Leone sont
en anglais, celles de la Guinée-Bissau sont diffusées en portugais, les autres
sont toutes en français. La Loi organique l/91/006 du 23 décembre 1991 portant création du Conseil
national de la communication (1991) oblige le Conseil national de la
communication de veiller au développement de l’information des populations dans ses
langues nationales :
Article 5
Pour atteindre tous ses objectifs, le
Conseil national de la communication est chargé :
1 - De définir les modalités de
mise en œuvre du droit à l’expression des
différents courants d’opinion à travers les médias publics ;
2 - De veiller au développement de l’information des populations
dans ses
langues nationales ;
3 - De veiller à la promotion de la culture nationale, sous
toutes ses formes, en
matière de production et de diffusion d’œuvres
nationales ;
Article 40
Les décisions du Conseil national de la
communication concernant :
1 - La publicité ;
2 - La production et la diffusion d’œuvre
audio-visuelles d’origine nationale,
en langues nationales ou en français
; |
Dans le domaine de la télévision, l’État ne peut encore couvrir tout le
territoire national. La télévision est en Guinée un média beaucoup plus coûteux
et donc inaccessible pour la plupart des Guinéens. Seules quelques langues (peul,
malinké, soussou, etc.) sont employées sur une base régulière à la
télévision nationale (la RTG). Seuls 47 Guinéens sur 1000 possèdent un poste de
télévision.
La politique linguistique de la Guinée-Conakry en est une de pragmatisme.
Elle réside dans l’unilinguisme français pour l’appareil de l’État,
incluant l’école, mais se transforme en un multilinguisme à l'oral, ce
qu’on peut appeler un «multilinguisme de stratégie», pour tout ce qui
relève des services à la population: administration orale, tribunaux, médias
électroniques, etc.
Après avoir été un «précurseur» dans l’utilisation des langues
nationales africaines du temps de Sékou Touré, l’État guinéen est revenu
à une forme de politique moins dogmatique où l’improvisation idéologique a
laissé la place à un certain réalisme. On peut croire que la politique
actuelle constitue néanmoins une formule de transition. Il est probable que l’État
s’en ira éventuellement vers une utilisation accrue des langues nationales sans abandonner l’usage
officiel du français, l’un des facteurs essentiels du développement
économique.
Dernière mise à jour:
16 nov. 2023
Bibliographie
AMEILLON, B. La Guinée: bilan d'une indépendance, Paris,
Éditions Maspéro, 1964. 200 p.
[http://www.guinee.net/bibliotheque/ameillon/lgmoral.html].
BAH, Mahmoud. Construire la Guinée après Sékou Touré, Paris.
Éditions, L'Harmattan, 1990, 210 p.
CALVET, Louis-Jean. La guerre des langues et les politiques
linguistiques, Paris, Hachette Littératures, coll. «Pluriel», 1999,
294 p.
DIALLO, Moustapha. «Étude menée en Guinée», Institut des sciences
de l’éducation de Guinée, ISSEG, Cepec, s. d.
[http://www.cepec.org/international/ECB/doc/ecb-21.htm].
ENCYCLOPÉDIE MICROSOFT ENCARTA, 2004, art. «Guinée»,
pour la partie historique.
MARTY, Paul. L'islam en Guinée: Fouta-Djallon, Éditions Ernest
Leroux, Paris, 1921, 588 p.
[http://www.fuuta-jaloo.net/Diina/pmarty/chap8.html].
ONU. «Onzième rapport périodique, additif Guinée» dans
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, CERD/C/334/Add.1, 15 décembre 1998.
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