L'alphabet cyrillique
L’héritage catholique a favorisé l’alphabet latin avec le croate, le polonais, le tchèque, le slovaque, le slovène, le sorabe et le cachoube (Pologne). L’héritage du monde orthodoxe a favorisé l’alphabet cyrillique avec le serbe, le russe, le biélorusse, l'ukrainien, le bulgare, le ruthène et le macédonien. Il faut aussi préciser que le terme de «serbo-croate» n'a jamais désigné une langue aussi homogène que, par exemple, le français, l'anglais ou l'allemand. |
Cependant, en Russie, on parle aussi d'alphabet russe, l'appellation de cyrillique servant à désigner seulement la graphie du slavon utilisée en Russie jusqu'au début du XVIIIe siècle. L'alphabet russe comprend 33 lettres, le bulgare et le serbe 30, l'ukrainien 33. L'alphabet russe moderne a également été adapté à plusieurs langues non slaves des pays de l'ex-URSS par l'adjonction de lettres, que ce soit pour certaines langues ouraliennes (votiak, mordve, ostiak, vogoul), altaïques (turkmène, azerbaïdjanais), iraniennes (ossète, kurde, tadjik), caucasiennes (abkhaz, avar, circassien). À son apogée, l'écriture cyrillique a servi à noter plus d'une soixantaine de langues, non seulement des langues slaves (russe, bulgare, serbe, ukrainien, etc.) mais des langues indo-iraniennes (kurde, ossète, tadjik), des langues caucasiennes (abkhaze, adyguéen, ingouche, tchétchène, etc.), des langues turques (azéri, bachkir, karakalpak, kazakh, kirghiz, nogaï, tatar, turkmène, ouzbek, etc.), des langues finno-ougriennes (khanty, komi, etc.), des langues samoyèdes (nenets, selkup, etc.), des langues mongoles (mongol, bouriate, etc.), des langues toungouzes (even, evenki, nanaï, etc.), des langues paléo-sibériennes (koriake, nivkhe, tchouktche, etc.) et des langues romanes comme le roumain et le moldave. |
Depuis l'éclatement de l'URSS en 1991, plusieurs langues non slaves ont abandonné progressivement l'alphabet cyrillique au profit de leur alphabet original ou l'ont remplacé par l'alphabet latin. C'est le cas pour le roumain et le moldave, mais aussi le kazakh, l'ouzbek, le mongol, l'azéri, etc.
Le nom de «cyrillique» provient de Cyrille, ou Constantin le Philosophe (vers 827-869), et de son frère Méthode (vers 815-820 à 885), qui ont créé l'alphabet slavon et les premières traductions dans cette langue. Les deux frères parcoururent l'Europe de l'Est afin d'évangéliser les peuples slaves. Ils croyaient nécessaire de le faire dans la langue maternelle des peuples concernés. C'est pourquoi ils recoururent au slavon, une langue née de la fusion du vieux slave originel avec des formes issues des langues slaves locales et de normes grammaticales imaginées par Cyrille. Le slavon est donc une langue créée artificiellement à des fins liturgiques par Cyrille sur la base du macédonien qu'il connaissait bien. Les frères Cyrille et Méthode se servirent du slavon comme langue véhiculaire, plutôt que le grec ou le latin, parce que le slavon avait l'avantage d'être suffisamment compris par la plupart des Slaves. Ils adaptèrent aussitôt l'alphabet grec au slavon, ce qui donna plus tard l'alphabet connu sous le nom de «cyrillique». En réalité, l'alphabet inventé par Cyrille et Méthode n'est pas l'alphabet cyrillique, mais bel et bien l'alphabet glagolitique (du slavon glagoljati : «parole» ou «verbaliser»), lequel fut utilisé pour l'évangélisation des Balkans. Puis cet alphabet fut interdit par le pape et disparut presque entièrement dès le Xe siècle. |
C'est pourquoi les disciples de Cyrille,
notamment Clément, Naoum, Anguélarii, Gorazd et Sava, entreprirent de
réformer l'alphabet original de Cyrille et Méthode (l'alphabet glagolitique)
en le simplifiant et en le diffusant sous le nom de «cyrillique» en hommage
à leur maître. C'est surtout l'archevêque bulgare Clément
(vers 840 à 916) d'Ohrid, aujourd'hui en Macédoine, qui aurait été le grand
initiateur du nouvel alphabet adapté. On le considère donc comme le réel
inventeur de cet alphabet. Clément fonda un monastère à Ohrid, qui porta
ensuite son nom, et y instruisit des centaines d'élèves. L'État bulgare
comprenait à ce moment-là les territoires actuels de la Bulgarie, de la
Macédoine, de la Serbie, de la Grèce, de l'Albanie et de la Croatie. Quoi
qu'il en soit, ce sont les disciples des frères Cyrille qui ont diffusé dans
toute l'Europe de l'Est l'alphabet cyrillique.