Jean Talon (1625-1694)

Mémoire de M. Talon 
adrefsé à Monseigneur Colbert

Fait à Québec, ce dixième Novbre 1670


 

Monseigneur,... Toutes les filles venues cette année sont mariées à 15 près que j'ai fait distribuer dans des familles connues en attendant que les soldats qui les demandent aient formé quelque établifsment et acquis de quoi les nourir.

Pour avancer le mariage de ces filles, je leur ai fait donner, ainsi que j'ai accoutumé de faire, outre quelques subsistances, la somme de 50 livres monnaie du Canada en denrées propres à leur ménage.

La demoiselle Etienne qui leur a été donnée pour gouvernante par Mefsieurs les Directeurs de l'Hôpital Général retourne en France pour prendre la conduite de celles qu'on enverra cette année; si Sa Majesté a la bonté d'en faire pafser, auquel cas il serait bon de recommander fortement que celles qui seront destinées pour ce pays ne soient aucunement disgraciées de la Nature, qu'elles n'aient rien de rebutant à l'extérieur, qu'elles soient saines et fortes, pour le travail de campagne, ou du moins qu'elles aient quelques industries pour les ouvrages de main, j'en écrit dans ce sens à Mrs. les Directeurs. Trois ou quatre filles de naifsance et distinguées par la qualité serviraient peut-être utilement à lier par le mariage des Officiers qui ne tiennent au pays que par les appointements et l'émolument de leurs terres et qui par la disproportion ne s'engagent pas davantage.

Les filles envoyées l'an pafsé sont mariées, et presque toutes ou sont grofses ou ont eu des enfans, marque de la fécondité de ce pays.

Si le Roi fait pafser d'autres filles ou femmes venues de l'Ancienne en la Nouvelle France, il est bon de les faire accompagner d'un certificat de leur Curé ou du Juge du lieu de leur demeure qui fafse connaitre qu'elles sont libres et en état d'être mariées, sans quoi les Ecclésiastiques d'ici font difficulté de leur administrer ce sacrement. A la vérité ce n'est pas sans raison deux ou trois mariages s'étant ici reconnus; on pourrait prendre la même précaution pour les hommes neufs, et cela devrait être du soin de ceux qui seront chargés des pafsagers.

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Source du texte: Musée de la civilisation, Fonds d'archives du Séminaire de Québec, Lettres O, no 118.

Source de l'estampe: œuvre de Théophile Hamel (sans date), Musée de la civilisation, dépôt du Séminaire de Québec, 1993, no16425.

 

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