PRÉAMBULE
Le Président de la République française
et le Président de l’Union indienne
Considérant que leurs gouvernements, fidèles à la déclaration
commune faite en 1947 et désireux de resserrer les liens d’amitié
établis depuis lors entre la France et l’Inde, ont manifesté
l’intention de régler le problème des Établissements français de
l’Inde par voie amiable.
Considérant qu’après expression du vœu des populations par leurs
représentants, un accord a été conclu le 21 octobre 1954 portant
transfert de pouvoirs par le Gouvernement de la République française
au Gouvernement de l’Union indienne.
Ont décidé de conclure un traité à l’effet de consacrer la cession
par la République française des Établissements de Pondichéry,
Karikal, Mahé et Yanaon à l’Union indienne et de régler les
problèmes qui en découlent et ont désigné comme plénipotentiaires à
ces fins : Le Président de la République française :
M. Stanislas Ostrorog, ambassadeur extraordinaire et
plénipotentiaire de France en Inde.
Le Président de l’Union indienne :
M. Jawaharlal Nehru, ministre des Affaires extérieures, lesquels,
après avoir échangé leurs pouvoirs qui ont été trouvés en bonne et
due forme, sont convenus des dispositions suivantes :
Article premier
La France cède à l'Inde en pleine souveraineté le territoire des
Établissements de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon.
Article 2
Ces établissements conserveront le bénéfice du statut administratif
spécial en vigueur avant le 1er
novembre 1954. Toute modification constitutionnelle à ce statut ne
pourra intervenir, le cas échéant, qu’après consultation de la
population.
Article 3
Le Gouvernement de l’Inde succèdera aux droits et obligations
résultant de tous actes faits par l’administration française dans
ces Établissements et engageant le territoire.
Article 4
Les nationaux français, nés sur le territoire des Établissements et
qui y seront domiciliés à la date de l’entrée en vigueur du traité
de cession, deviendront, sous réserve des dispositions de l’article
5 ci-après, nationaux et citoyens de l’Union indienne.
Article 5
Les personnes visées à l’article précédent pourront, par déclaration
écrite faite dans les six mois qui suivront l’entrée en vigueur du
traité de cession, opter pour la conservation de leur nationalité.
Les personnes qui auront exercé cette option seront réputées n’avoir
jamais acquis la nationalité indienne.
La déclaration du père ou, si le père est décédé, celle de la mère,
ou, si les parents sont décédés, celle du tuteur déterminera la
nationalité des enfants non mariés, âgés de moins de 18 ans, qui
devront être mentionnés dans cette déclaration. Toutefois, les
enfants mariés du sexe masculin, âgés de plus de 16 ans, pourront
exercer l’option par eux-mêmes.
Les personnes qui auront conservé la nationalité française du fait
du choix exercé par leurs parents dans les conditions indiquées au
paragraphe précédent pourront, pendant les six mois qui suivront
l’accomplissement de leur dix-huitième année, exercer une option
personnelle en vue d’acquérir la nationalité indienne par
déclaration souscrite devant les autorités indiennes compétentes.
Cette option prendra effet à partir de la date à laquelle la
déclaration aura été souscrite.
L’option du mari sera sans effet sur la nationalité de la femme.
Les déclarations visées aux paragraphes premier et 2 seront rédigées
en double exemplaire, l’un en français, l’autre en anglais, et
seront adressées aux autorités françaises compétentes qui feront
parvenir immédiatement aux autorités indiennes compétentes
l’exemplaire rédigé en anglais de la dite déclaration.
Article 6
Les nationaux français, nés sur le territoire des Établissements qui
seront domiciliés sur le territoire de l’Union indienne à la date de
l’entrée en vigueur du traité de cession, deviendront nationaux et
citoyens de l’Union indienne. Ils bénéficieront toutefois, ainsi que
leurs enfants, des droits d’option prévus à l’article 5 ci-dessus.
Ces options seront exercées dans les conditions et les formes
prévues au dit article.
Article 7
Les nationaux français, nés sur le territoire des Établissements,
qui seront domiciliés dans un pays autre que le territoire de
l’Union indienne et les territoires des dits Établissements à la
date de l’entrée en vigueur du traité de cession, conserveront la
nationalité française sous réserve des dispositions de l’article 8
ci-après.
Article 8
Les personnes visées à l’article précédent pourront, par déclaration
écrite souscrire devant les autorités indiennes compétentes, dans
les six mois qui suivront l’entrée en vigueur du traité de cession,
opter pour l’acquisition de la nationalité indienne. Les personnes
qui auront exercé cette option seront réputées avoir perdu la
nationalité française à la date d’entrée en vigueur du traité de
cession.
La déclaration du père ou, si le père est décédé, celle de la mère,
ou, si les parents sont décédés, celle du tuteur déterminera la
nationalité des enfants non mariés, âgés de moins de 18 ans, qui
devront être mentionnés dans cette déclaration. Toutefois, les
enfants mariés du sexe masculin, âgés de plus de 16 ans, pourront
exercer l’option par eux-mêmes.
Les personnes qui auront acquis la nationalité indienne du fait du
choix exercé par leurs parents dans les conditions indiquées au
paragraphe précédent, pourront, pendant les six mois qui suivront
l’accomplissement de leur dix-huitième année, exercer une option
personnelle en vue de recouvrer la nationalité française par
déclaration souscrite devant les autorités françaises compétentes.
Cette option prendra effet à partir de la date à laquelle la
déclaration aura été souscrite.
L’option du mari sera sans effet sur la nationalité de la femme.
Les déclarations visées aux paragraphes premier et 2 seront rédigées
en double exemplaire, l’un en français, l’autre en anglais, et
seront faites devant les autorités indiennes compétentes, qui feront
parvenir immédiatement aux autorités françaises compétentes
l’exemplaire rédigé en français de la dite déclaration.
Article 9
A compter du 1er novembre 1954, le
Gouvernement de l’Inde prendra à son service tous les fonctionnaires
et agents des Établissements n’appartenant pas au cadre
métropolitain ou au cadre général du Ministère de la France
d’outre-mer. Ces fonctionnaires et agents, y compris les membres des
forces publiques, bénéficieront, de la part du Gouvernement de
l’Inde, des mêmes conditions de service, en matière d’émoluments, de
congés et de pensions, et, pour les questions de discipline ou le
maintien de leurs emplois, des mêmes droits (ou de droits analogues,
compte tenu des circonstances), que ceux dont ils bénéficiaient
immédiatement avant le 1er novembre
1954. Ces fonctionnaires et agents, y compris ceux appartenant aux
forces publiques, ne pourront être licencies ni leur avancement
compromis du fait d’actes accomplis dans l’exercice de leurs
fonctions avant le 1er novembre
1954.
Les fonctionnaires, magistrats et militaires français, nés dans les
Établissements ou y conservant des attaches familiales, pourront
librement revenir dans les Établissements, à l’occasion de congés ou
de leur retraite.
Article 10
Le Gouvernement français s’engage à assurer le service des pensions
qui sont à la charge de la métropole, même si leurs bénéficiaires
ont acquis la nationalité indienne en vertu des articles 4 à 8
ci-dessus. De son côté, le Gouvernement indien s’engage à assurer le
service des pensions, allocations et subventions qui sont à la
charge du territoire.
Le régime des pensions des diverses caisses locales de retraites
demeurera en vigueur.
Article 11
Le Gouvernement indien prendra les dispositions nécessaires pour que
les personnes domiciliées dans les Établissements au 1er
novembre 1954 et y ayant continué leurs activités puissent exercer
une profession libérale sans avoir à acquérir de qualifications
supplémentaires, diplômes, permis ou autres formalités.
Article 12
Les œuvres administratives de bienfaisance et de crédit
fonctionneront conformément à leur statut présent et ne pourront
être modifiées sans consultation préalable de la population.
Les avantages actuels en faveur des établissements privés de
bienfaisance seront maintenus, toute modification n’intervenant
qu’après consultation de la population.
Article 13
Les biens de caractère religieux ou culturels seront la propriété
des missions ou des organismes chargés, dans le cadre actuel de la
règlementation française, de la gestion de ces biens.
Le Gouvernement indien reconnaît avec tous les droits qui en
découlent, la personnalité civile des conseils de fabrique et
conseils d’administration des missions religieuses.
Article 14
Les instances introduites avant le 1er novembre 1954 seront jugées
conformément à la législation alors applicable au fond et aux lois
de procédure en vigueur à cette date dans les Établissements.
A cet effet, et jusqu’à la solution complète de ces instances,
continueront à fonctionner les juridictions propres aux
Établissements mais composées de licenciés en droit habituellement
domiciliés dans ces Établissements, honorablement connus et choisis
selon les règles françaises sur la désignation des magistrats
intérimaires.
Toutefois, les parties pourront d’un commun accord transporter aux
tribunaux indiens compétents la connaissance de ces instances. Cette
disposition s’appliquera aussi aux instances qui, bien que déjà
ouvertes, ne seraient pas encore inscrites au rôle du greffe des
juridictions françaises ainsi qu’aux instances manifestant
l’exercice d’une voie de recours ordinaire ou extraordinaire.
Seront exécutés par les autorités indiennes compétentes les
jugements et ordonnances rendus par les juridictions françaises
avant le 1er novembre 1954 et qui sont devenus définitifs ou le
deviendront par la suite en raison de l’expiration des délais de
recours. Seront exécutés de même, les jugements et ordonnances
rendus après le 1er novembre 1954 par application du premier
paragraphe du présent article, quelle que soit la juridiction qui
aura statué.
Les actes constitutifs des droits établis avant le 1er
novembre
1954, conformément à la loi française, conserveront la valeur que
cette loi leur conférait alors.
Les archives des juridictions françaises devront être conservées
conformément aux règlements en vigueur à la date de la cession et
communication de leurs éléments devra être donnée aux représentants
accrédités de la France, toutes les fois qu’ils en feront la
demande.
Article 15
Les registres d’état civil existant à la date de la cession seront
conservés conformément aux règlements en vigueur à cette date et les
copies ou extraits d’actes délivrés à la demande des intéressés ou
des autorités compétentes.
Les casiers judiciaires des greffes des tribunaux existant à la date
de la cession seront conservés conformément aux règlements en
vigueur à cette date et des copies ou extraits seront, sur demande,
délivrés aux autorités françaises et aux intéressés conformément à
la législation en vigueur avant le 1er
novembre 1954.
Les demandes émanant des autorités françaises et les copies ou
extraits qui leur seront adressés seront rédigés en langue française
et ne donneront lieu au remboursement d’aucun frais.
Les autorités françaises et indiennes se donneront réciproquement
avis des condamnations pénales emportant inscription au casier
judiciaire sur leur propre territoire qui seront prononcées, d’une
part, par les juridictions françaises et, d’autre part, par les
juridictions siégeant dans les territoires cédés à l’Inde, à
l’encontre des ressortissants de l’autre pays qui sont originaires
de ces territoires.
Ces avis seront adressés sans frais, par voie diplomatique, en
langue française, ou accompagnés d’une traduction dans cette langue.
Article 16
Les règles posées à l’article 14 seront applicables aux procédures
portées devant le Conseil du contentieux administratif où siégeront
magistrats intérimaires et fonctionnaires locaux désignés
conformément aux principes posés par le second paragraphe du dit
article 14.
Article 17
Les ressortissants français et de l’Union française, domiciliés dans
les Établissements au 1er novembre
1954, y jouiront, dans le cadre des lois et règlements territoriaux
actuellement en vigueur, de la même liberté de résidence, de
circulation et de commerce que les autres habitants des
Établissements.
Article 18
Toute personne physique ayant la nationalité française au titre des
articles 4 à 8 ou de toute autre manière, et toute personne morale
française pourront librement rapatrier leurs capitaux et exporter
leurs biens dans un délai de dix ans à partir du 1er novembre 1954.
Article 19
Le Gouvernement de l’Inde est substitué à compter du 1er novembre
1954 au territoire pour toutes créances, dettes et déficit des
divers comptes de la gestion locale. A ce titre, il remboursera
immédiatement au Gouvernement français le montant des avances de
trésorerie et des divers fonds mis par le Trésor français à la
disposition du territoire ainsi que les avances qui lui ont été
accordées par la Caisse centrale de la France d’outre-mer, à
l’exclusion des sommes versées à titre de dons. Il versera, en
outre, l’indemnité dont sont convenus les deux Gouvernements pour la
cession de la centrale électrique de Pondichéry.
Le Gouvernement français remboursera simultanément au Gouvernement
indien la valeur équivalente au pair, en livres sterling ou en
roupies indiennes, de la monnaie retirée de la circulation dans les
Établissements avant le 1er novembre 1955.
Article 20
L’Inde accepte le maintien des institutions d’ordre scientifique ou
culturel français existant le 1er
novembre 1954 dans les Établissements et y facilitera, par accord
des deux Gouvernements, l’ouverture d’institutions du même ordre.
Article 21
Le Collège français de Pondichéry sera maintenu dans les locaux
qu’il occupe comme
institution d’enseignement français du second
degré de plein exercice.
Le Gouvernement français aura la charge de son fonctionnement tant
en ce qui concerne le choix et la rémunération du personnel de
direction, d’enseignement et de surveillance nécessaires, qu’en ce
qui concerne l’organisation des études, programmes et examens, ainsi
que la charge de son entretien. Les locaux seront la propriété du
Gouvernement français.
Article 22
Les institutions privées d’enseignement existant à la date du 1er
novembre 1954 dans les Établissements seront autorisées
à subsister et conserveront la possibilité
de dispenser un
enseignement français.
Elles continueront à recevoir des autorités locales, notamment en
matière de subventions, une aide au moins égale à celle qui leur a
été accordée jusqu’au 1er novembre
1954.
Elles pourront recevoir sans obstacle l’aide que le Gouvernement
français désirerait leur apporter en accord avec le Gouvernement
indien.
Article 23
Le Gouvernement français ou les organismes privés reconnus par lui
auront la faculté d’entretenir dans les Établissements et, par
accord des deux gouvernements, d’y créer les organismes ou
institutions destinés à des études préparant à des
diplômes de langue et de civilisation françaises,
à la recherche scientifique ou à
la diffusion de la culture française
dans le domaine des sciences, des lettres et des arts. Le
Gouvernement de l’Inde accordera, suivant les lois et règlements en
vigueur, toutes facilités d’admission et de résidence aux
universitaires français que le Gouvernement français aura chargés
d’un voyage d’études ou d’une mission d’enseignement aux Indes.
Article 24
L’Institut français de Pondichéry, créé par entente intervenue entre
les deux gouvernements depuis l’accord du 21 octobre 1954, et
inauguré le 21 mars 1955 sera maintenu comme institution
d’enseignement supérieur et de recherches. Le Gouvernement de l’Inde
donnera toutes facilités en vue de permettre le développement des
activités de cet organisme selon ce qui aura été convenu
périodiquement entre les deux gouvernements.
Article 25
Les équivalences des diplômes et grades universitaires français
délivrés aux personnes originaires des Établissements :
baccalauréat, brevet élémentaire, brevet d’études du premier cycle,
avec des diplômes et grades universitaires délivrés par des
universités indiennes, sont admises par le Gouvernement indien pour
l’accession aux études supérieures et aux carrières administratives.
Ces équivalences seront fixées suivant les recommandations de la
Commission mixte de l’enseignement, nommée par les deux
gouvernements en vertu de l’accord du 21 octobre 1954. Il en ira de
même pour les diplômes de droit et de médecine dans les
Établissements.
Les diplômes qui ne revêtent qu’un caractère local seront reconnus
dans les conditions habituelles.
Article 26
Le Gouvernement français cède au Gouvernement indien tous les biens
immobiliers appartenant à l’administration locale des Établissements
à l’exception de ceux dont la liste est incluse dans l’article 8 du
protocole annexe.
Les immeubles qui sont actuellement en la possession des autorités
religieuses seront conservés par celles-ci et le Gouvernement de
l’Inde accepte dans tous les cas où cela sera nécessaire de leur
transférer les titres de propriété correspondants.
Article 27
Le Gouvernement français conserve les archives ayant un caractère
historique et le Gouvernement indien conserve celles nécessaires à
l’administration du territoire.
Chacun des deux Gouvernements mettra à la disposition de l’autre la
liste des archives en sa possession et la copie de celles-ci pouvant
l’intéresser.
Article 28
Le français restera langue officielle des Établissements aussi
longtemps que les représentants élus de la population n’auront pas
pris une décision différente.
Article 29
Les questions pendantes au moment de la ratification du traité de
cession seront examinées et réglées par une commission
franco-indienne composée de trois représentants du Gouvernement
français et de trois représentants du Gouvernement indien.
Article 30
Tout différend relatif à l’application ou à l’interprétation du
présent traité qui ne pourrait être réglé par des négociations
diplomatiques ou par arbitrage, sera porté devant la Cour
internationale de justice à la requête d’une des Hautes Parties
Contractantes.
Article 31
Les textes français et anglais du présent traité feront également
foi. Le présent traité entrera en vigueur le jour de sa ratification
par les deux Gouvernements intéressés. L’échange des instruments de
ratification aura lieu à New Delhi.
Le présent traité sera déposé aux archives du Gouvernement de l’Inde
qui en remettra une copie certifiée conforme au Gouvernement de la
République française.
Fait à New Delhi, en double exemplaire, le 28 mai 1956.
JAWAHARLAL NEHRU & STANISLAS OSTROROG
Premier ministre et ministre ambassadeur extraordinaire et
des Affaires extérieures plénipotentiaire de France.
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