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Histoire sociolinguistique
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Avis: cette page a été révisée par Lionel Jean, linguiste-grammairien.
Il n'est pas aisé de déterminer avec précision l'effectif des populations autochtones en Amérique du Nord avant l'arrivée des Européens. Selon les estimations de certains anthropologues, le nombre d'Amérindiens installés à l'intérieur des frontières actuelles des États-Unis varierait entre deux et dix-huit millions de personnes. Certains vont jusqu'à croire que tout le continent américain abritait une population aussi nombreuse que celle de l'Europe occidentale à la même époque, soit environ 40 millions de personnes. La marge de l'écart paraît donc considérable. Pour l'Amérique du Nord, les historiens retiennent généralement le nombre le plus bas, soit deux millions, mais cela ne veut pas dire qu'ils aient raison. En vertu de cette hypothèse, on estimerait à environ 1,7 million la population autochtone du territoire américain au début du XVIe siècle, car il faut soustraire la population indigène vivant au Canada, qui se chiffrait à moins de 300 000 personnes. Ainsi, selon cette même hypothèse, la population d'origine, dans le territoire qui correspond aujourd'hui à celui des États-Unis, comptait au moins un million d'habitants.
On ignore également la date exacte de l'arrivée des nations indigènes au Canada et aux États-Unis, mais les découvertes archéologiques nous indiquent que l'est des États-Unis est habité depuis plus de 12 000 ans, alors que l'arrivée des premiers habitants du continent remonterait à plus de 30 000 ans. Toutefois, il s'agit de régions qui n'avaient pas subi de glaciation, comme au Yukon. Or, les glaces ont recouvert la plus grande partie du territoire canadien et une bonne partie des États-Unis jusqu'à 10 000 ans avant notre ère. C'est pourquoi on pense généralement que l'occupation des États-Unis par les autochtones daterait de cette période.
Pour ce qui est des origines réelles des autochtones, on se perd en conjectures, et les scientifiques ne s'entendent pas sur les différentes hypothèses élaborées à ce sujet.
- Le détroit de
Béring L'hypothèse la plus connue laisserait entendre que des tribus de Mongolie et de Sibérie auraient, par petites bandes de chasseurs, émigré d'Asie par le détroit de Béring (du nom de Vitus Behring, un navigateur danois à la solde des Russes ayant exploré la région en 1728). À ce moment, le niveau de la mer devait être très bas, asséchant partiellement le détroit qui constituait une plaine d'environ 1000 kilomètres de largeur, permettant ainsi le passage entre les deux continents. Après le recul des glaciers (8000 ans avant notre ère) vers le pôle Nord, les autochtones seraient revenus dans le Nord repeupler une bonne partie du territoire nord-américain. Ils auraient peuplé tout le continent en longeant la côte du Pacifique jusqu'à la pointe méridionale de l'Amérique du Sud, où les Incas et les Aztèques, par exemple, ont créé de grands empires. D'autres groupes de chasseurs auraient remonté vers le nord jusqu'aux Grands Lacs et au-delà, se déployant jusqu'à l'océan Atlantique. |
Ces populations mongoloïdes ont toujours été considérées comme les ancêtres de tous les Amérindiens actuels. Elles ont laissé des vestiges d'une culture baptisée «chasseurs de Clovis», du nom d'un village au Nouveau-Mexique où l'on a découvert, en 1932, des pointes de flèche et des outils taillés selon une technique bien particulière. Par la suite, on a trouvé des traces similaires dans des centaines d'autres sites dans le sud du Canada, aux États-Unis et jusqu'à Panama. Depuis longtemps, toute la préhistoire amérindienne repose sur ce double constat: le continent américain n'était habité que depuis 12 000 ans et tous les Amérindiens actuels descendaient nécessairement de ces peuples mongoloïdes venues d'Asie.
- Les autres hypothèses
Toutefois, certaines découvertes archéologiques faites au cours des dernières années sont en train de bouleverser ces vieilles certitudes. En effet, certains scientifiques pensent maintenant que les Amérindiens ne sont pas nécessairement les premiers autochtones et que d'autres peuples auraient bien pu s'installer en Amérique avant eux. Des immigrants auraient pu arriver sur les côtes septentrionales il y a 17 000 ans avant notre ère, lors de la déglaciation des régions du Nord. D'autres spécialistes croient plutôt que les premiers habitants auraient traversé l'océan Pacifique par bateau pour arriver d'abord en Amérique du Sud. La plus récente théorie suppose qu'une migration humaine serait venue d'Europe il y a environ 19 000 ans. Ces populations auraient probablement été repoussées vers le sud quand les «chasseurs de Clovis» auraient envahi le continent.
Quelle qu'en soit l'hypothèse, on sait que le peuplement des Amériques ne s'est pas effectué simultanément, mais qu'il s'est étalé au cours de nombreuses migrations successives durant des millénaires. On ignore réellement si l'Amérique du Nord a été occupée avant l'Amérique du Sud. À en croire les études contemporaines, les Amérindiens pourraient provenir aussi bien d'Asie que d'Europe ou de l'Océanie. Les divers groupes se seraient mélangés à la suite d'alliances ou de guerres. Il paraît ainsi vraisemblable que des peuplades d'origines différentes aient successivement abordé le continent américain avant de s'éparpiller au gré des exodes et des changements climatiques. Ce qui est certain, c'est que les explorateurs européens ont découvert des civilisations à l'histoire complexe, dont les origines se perdent dans la nuit des temps. En somme, lorsque les premiers Européens arrivèrent en Amérique, celle-ci n'était certainement pas «un territoire vierge et désert».
Lorsque les Européens commencèrent à s'installer en Amérique du Nord, au XVIIe siècle, les Amérindiens étaient dispersées sur le continent et parlaient des centaines de langues différentes. Les noms sous lesquels les communautés sont maintenant connues sont ceux de leurs familles linguistiques. La diversité ethnique et culturelle des premiers peuples était relativement forte à l'aube de la colonisation européenne, selon qu'ils se trouvaient en Alaska, dans l'Est, au sud des Grands Lacs, dans le Sud-Ouest ou près du Pacifique.
L'une des communautés les plus dynamiques était certainement les Iroquois vivant dans la vallée du Saint-Laurent, dans le secteur des lacs Érié et Ontario, dans la vallée du fleuve Hudson et dans la partie ouest des Appalaches (vaste ensemble montagneux de l’est de l’Amérique du Nord, presque parallèle à la côte atlantique, de la province de Québec au nord de l’Alabama. Les Iroquois comptaient au moins six grandes communautés: les Tuscarosas, les Senecas, les Cayugas, les Oneidas, les Onondagas et les Mohawks. Tous ces peuples ont aujourd'hui laissé des descendants au Canada et aux États-Unis.
Un autre groupe tout aussi important dans cette région des États-Unis, le Nord-Est, fut certainement les Algonquiens. Ceux-ci comprenaient également plusieurs peuples, dont les Abénaquis, les Ojibwés, les Fox, les Chippewa, les Delaware, les Cheyennes, les Arapahos, les Shawnees, etc. À l'époque des premières colonies européennes en Amérique du Nord, les peuples algonquiens occupaient non seulement dans ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick et une grande partie du Canada, mais également la Nouvelle-Angleterre, le New Jersey, le sud-est de New-York, le Delaware et le long de la côte atlantique, ainsi que autour des Grands Lacs dans le Minnesota, le Wisconsin, le Michigan, l'Illinois, l'Indiana et l'Iowa. Au moment de l'arrivée des Européens, la Confédération hégémonique des Iroquois, basée dans les actuels États de New-York et de la Pennsylvanie, était régulièrement en guerre avec leurs voisins algonquiens. En ce qui concerne particulièrement les Abénaquis, ils étaient situés dans le nord de la Nouvelle-Angleterre dans ce qui est aujourd'hui le Maine, le New Hampshire et le Vermont dans ce qui est devenu les États-Unis, et aussi l'est du Québec (qu'on appelait alors le Canada); ils avaient établi des relations commerciales avec des colons français qui s'étaient installés le long de la côte atlantique et du fleuve Saint-Laurent.
Les Français ont rencontré des peuples algonquiens aussi dans le "Midwest" grâce à leur commerce et à la colonisation limitée de la Nouvelle-France le long des fleuves Mississippi et Ohio. Les peuples historiques du «pays des Illinois» étaient les Shawnee, les Illiniwek, les Kickapoo, les Menominis, les Miami, les Sauk et les Meskwaki. Dans l'"Upper West", on trouvait les Ojibwés, les Chippewa, les Odawa, les Potawatomi et divers groupes cris vivant dans la péninsule supérieure du Michigan, au Wisconsin, au Minnesota et dans les Prairies canadiennes. Tous ces peuples parlaient des langues algonquiennes. Les communautés qui parlaient des langues algonquiennes figuraient parmi les nations autochtones les plus peuplées et les mieux organisées d'Amérique du Nord au moment de l'arrivée des Européens.
Les Indiens du Nord-Est des États-Unis ont commencé à interagir régulièrement avec les Européens dans la première partie du XVIe siècle. La plupart des visiteurs étaient français ou anglais, et ils étaient initialement plus intéressés par la cartographie et le commerce que par la conquête physique. Comme leurs homologues du Sud-Est, la plupart des Amérindiens du Nord-Est dépendaient d'une combinaison d'agriculture et de recherche de nourriture, et beaucoup vivaient dans de grandes colonies fortifiées. Cependant, les communautés du Nord-Est ont généralement évité les hiérarchies sociales courantes dans le Sud-Est. Les traditions orales et les matériaux archéologiques suggèrent qu'ils avaient connu des rivalités intertribales de plus en plus féroces au siècle précédant la colonisation; il fut supposé que ces conflits en cours ont rendu les nations du Nord-Est beaucoup plus préparées à une action offensive et défensive que les peuples du Sud-Ouest ou du Sud-Est ne l'avaient été.
Plus au sud, on trouvait les Muskogéens (Muskogeans) installés près du Mississipi et de l'Atlantique, des Appalaches jusqu'en Floride: Creeks, Cherokees, Choctaws, Chickasaws et Séminoles. Dans les régions de la Virginie et de la Caroline du Nord, ainsi que dans le centre du continent, vivaient les Sioux: Assiniboines, Crows, Dakotas, Lakotas, Hidatsas, Iowas, Kansas, Osages, Omahas, Ponas, Quapaws. Dans le Sud-Ouest, des peuples sédentarisés habitaient un territoire semi-aride, les Athapascans: les Hopis, les Navajos et les Apaches. D'autres Athapascans vivaient dans le Nord: Kaskas, Tananas, Chipewayans, Kutchins, etc. Enfin, dans l'actuelle Alaska, on trouvait les Inuits.
Ces peuples d'Amérique furent affublés par ignorance du nom d'Indiens. Se croyant rendus aux Indes, ce sont les Espagnols qui ont donné aux autochtones le nom d'Indiens (en espagnol: Indio au singulier et Indios au pluriel). En réalité, Christophe Colomb avait baptisé Indios les autochtones parce qu'il n'avait pas su bien évaluer la taille réelle du globe! Plus tard, les Français désigneront, eux aussi, les autochtones comme des Indiens ou des Sauvages, ce dernier terme étant tombé en désuétude seulement au cours du XXe siècle. Les Britanniques et, plus tard, les Américains reprendront le terme Indians, mais ils y ajouteront Red Indians (en français Peaux-Rouges) qui s'opposera à Pale-Face (en français: Visages pâles). Puis, après quelque 200 à 300 ans de contacts, ainsi que des maladies telles que la petite vérole, la tuberculose, la scarlatine et la rougeole, le tout combiné aux conflits armés et aux famines, viendront décimer la plus grande partie de ces populations.
Aux États-Unis, o
n préfère aujourd'hui avoir recours aux termes Aboriginal peoples (Amérindiens ou autochtones), Natives («natifs»), tribal group («groupe tribal») ou plus rarement Autochtons (peuples autochtones ou nations autochtones). Au Canada, on utilise fréquemment First Nations ou Premières Nations. Dans les pays latino-américains, on emploie, outre les mots Indio/Indios, Indígena/Indígenas, Comunidades indígenas / Comunidade indígena, parfois grupo tribal («groupe tribal») et, plus rarement, nativos («natifs»). Souvent, ces termes sont opposés à civilizados («civilisés»).Plus tard, les Américains croiront qu'ils ont reçu de la «Providence» la mission de conquérir le continent tout entier et de le mettre en valeur pour faire bénéficier l'ensemble des autochtones des vertus de la «civilisation». Le «chasse aux Indiens» deviendra un sport national pour la plus grande gloire de Dieu!
La carte ci-dessous montre huit familles linguistiques importantes (sans la famille maya) qui ont existé sur le territoire actuel des États-Unis avant que leurs locuteurs aient été en grande partie déplacés par les Européens. Évidemment, certaines familles s'étendaient tant au Canada qu'aux États-Unis ou au Mexique.
Famille |
Langues | Région |
Eskimo-aléoute | aléoute, alutiiq, yupik, inupiak | Alaska |
Athapascan | kaska, tanana, chipewayan,
kutchin, etc. apache, navajo, etc. |
Alaska Arizona, Nouveau-Mexique, Texas |
Algonkienne |
atsina, blackfoot, cri, ojibway, menimini, potawatomi, winnebago, sauk, fox, illinois, cheyenne micmac, abénaki, massachuset, delaware |
Montana Minnesota, Wisconsin, Michigan Illinois, Indiana, Iowa, Missouri Maine, Massachusetts, |
Iroquoienne | huron, mohawk, seneca, oneida,
cherokee |
Maine,Vermont, New York Tennessee |
Sioux | assiniboine, crow, dakota, lakota, hidatsa, iowa, kansa, osage, omaha, pona, quapaw | Dakota du Nord, Minnesota, Montana, Dakota du Sud, Wyoming, Nebraska, Iowa |
Salishan (salish) | nooksack, salish, skagit, coeur d'Alène, etc. | Washington, Idaho, Montana |
Uto-aztèque | shoshoni, paiute, ute, hopi, comanche, piman, etc. | Californie, Nevada, Utah, Colorado, Arizona, Texas |
Muskogéenne | alabama, chickasaw, choctaw, creek, séminole, appalache, etc. | Mississippi, Alabama, Géorgie, Caroline du Sud, Floride |
Il existait également des familles plus petites telles la famille sahaptian, la famille miwok-costanoan, la famille kiowa-tanoan et la famille caddoane. Ce sont des langues parlées sur la côte ouest (Washington, Oregon, Californie) et dans le Sud (Louisiane, Mississippi et Floride).
Les États-Unis d'Amérique |
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(2) La colonisation européenne |
(3) La révolution américaine (1776-1783) |
(4) L'expansion territoriale (1803-1867) |
(5) L'Amérique anglocentrique
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(6)
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(7)
L'Amérique multiculturelle (1960 jusqu'à nos jours) |
(8)
La superpuissance et l'expansion de l'anglais |
(9) Bibliographie |