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Sierra LeoneRepublic of Sierra Leone |
Capitale:
Freetown Population: 6,3 millions (2017) Langue officielle: anglais (de facto) Groupe majoritaire: aucun Groupes minoritaires: mendé (29,5 %), themné (24,7 %), krio ou créole (10,5 %), limba (6,7 %), kuranko (5,4 %), kono (4,1 %), loko (2,7 %), sherbro (2,7 %), kissi (2,5 %), soussou (2,4 %), maninka (2,1 %), etc. Langue coloniale: anglais Système politique: république présidentielle avec forte présence militaire Articles constitutionnels (langue): article 9, 17, 23, 75 et 90 de la Constitution de 1991 Lois linguistiques: Loi sur la procédure pénale (1965); Loi sur la citoyenneté (1973); Loi sur la marine marchande (2003); Loi sur les collectivités locales (2004); Loi sur l'éducation (2004); Loi sur les marchés publics (2004); Règlement du Parlement de la Sierra Leone (2006); Loi sur la protection des réfugiés (2007); Loi sur les droits de l'enfant (2007); Règlement de la Haute Cour (2007); Loi sur la Société de radiodiffusion de la Sierra Leone (2009); Loi sur les compagnies (2009); Accord sur le Tribunal résiduel spécial pour la Sierra Leone (2011); Statut du tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone (2011); Loi sur les personnes handicapées (2011); Loi sur les tribunaux locaux (2011); Loi sur le droit d'accès à l'information (2013); Loi sur les assurances (2016). |
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La Sierra Leone (qu'on devrait
prononcer [si-èr-ra lé-onn]), appelée officiellement
république de Sierra Leone,
est un
pays d’Afrique occidentale, ouvert sur l’océan Atlantique, limité au nord
et à l’est par la Guinée-Conakry (245 857 km²) et au sud-est par le Liberia
(111 370 km²). La Sierra Leone est
un donc petit État couvrant une superficie de 71 740 km², soit plus de
deux fois la Belgique (32 545 km²). La Sierra Leone est découpée en trois provinces et une région : les provinces du Nord (Northern), de l’Est (Easthern), du Sud (Southern) et la région de l'Ouest (Western); voir la carte détaillée. L'ensemble est divisé en 14 districts, placés sous l’autorité de ministres résidents. Les districts sont à leur tour subdivisés en quelque 150 chefferies (en anglais: Chiefdoms), contrôlées chacune par un chef et un Conseil des anciens, traditionnellement chargés de maintenir l’ordre et de faire appliquer la loi. La guerre civile (1991-2002) a toutefois profondément perturbé le fonctionnement de ces administrations locales. |
Le système des chefferies dans la Sierra Leone a été créé en 1896, lorsque le gouverneur Frederic Cardew a transformé la société en habilitant un ensemble de chefs de tribus pour devenir la seule autorité du gouvernement local dans le nouveau protectorat britannique. Les chefs demeuraient effectivement la seule représentation du gouvernement jusqu'à ce que la Banque mondiale ait parrainé la création d'un système de conseils locaux en 2004. Selon le système des chefferies (Chiefdoms), ces chefs sont élus pour la vie par une autorité tribale composée de notables locaux. Seulement les membres des «familles dirigeantes» peuvent être désignés à une chefferie; ces familles forment ainsi une sorte d'aristocratie créée par les Britanniques, ce qui constitue encore aujourd'hui une des conséquences du colonialisme.
Néanmoins, les chefs des chefferies exercent un énorme pouvoir dans la Sierra Leone rurale; ils sont souvent au centre de la plupart des projets de développement réalisés dans leur région. Leur soutien est donc primordial pour la réussite de n'importe quel projet dans leur sphère d'influence. Les représentants des chefferies sont les gardiens et les symboles des coutumes traditionnelles et de la culture locale, qui sont transmises d'une génération à l'autre. Les chefs sont aussi la cible favorite des attaques des partisans du monde moderne de type occidental. D'ailleurs, les chefs ont vu leur pouvoir se réduire progressivement au cours des dernières décennies, mais ils demeurent encore un facteur important dans les aspects sociaux, politiques et économiques de la Sierra Leone.
La
Sierra Leone est une ancienne colonie britannique fondée en 1787 pour y accueillir d’anciens
esclaves venus des États-Unis et des Antilles. Le nom de la
capitale, Freetown («ville libre»), symbolisait alors le rêve de liberté des esclaves
libérés au siècle dernier. Mais la ville a été vidée de ses habitants en
raison de la guerre civile qui a ravagé le pays de 1991 à 2002. Sa
population est passée de 800 000 habitants à 80 000 en mai 1995, pour remonter à
1,0 million en 2015. Parmi les autres villes importantes figurent Kenema (200
400 habitants), Bo (175 000), Koidu (124 600) et Makedi (124 600).
Les Sierra-Léonais sont répartis en trois provinces et une région ayant une population plus ou moins équivalente, variant entre 20 % (Sud) et 35 % (Nord).
À l'échelon inférieur, on trouve 14 districts,
eux-mêmes subdivisés en 149 chefferies. L’unité exécutive locale est
la chefferie, avec à sa tête un chef supérieur et un conseil des
anciens. |
2.1 Les ethnies
De nombreux groupes d’origines
ethniques diverses peuplent ce petit pays, dont les
Themné (23,3 %) au nord et les
Mendé (30,4 %) au sud, qui sont les plus importants.
Suivent les Krio ou Créoles (10,3 %), des descendants des esclaves rapatriés d’Amérique et des Antilles; ils habitent la région de l'Ouest près de la capitale. Cependant, leur langue, le créole (krio), est utilisée comme langue véhiculaire dans une grande partie du pays. Suivent quelques groupes au nord: les Limba (6,6 %), les Kuranko (5,3 %), les Kono (4,0 %), les Soussou (2,3%), les Loko (2,6%), les Kissi (2,3%), etc. Plus au sud, outre les Mendé, on trouve les Sherbro (2,6 %), les Maninka (2,0 %), les Krim, les Vai, les Gola, etc. Il existe aussi quelques petites communautés indigènes en voie d'extinction. Les allégeances tribales sont fermement ancrées en Sierra Leone. Les personnes en position d'autorité s'entourent souvent de membres de leur tribu et remplacent les autres pour la simple raison qu'ils sont de tribus différentes. Le pays compte également plusieurs immigrants: quelque 2400 Britanniques, 40 000 Libanais et 13 000 Indo-Pakistanais qui vivent à Freetown. |
2.2 Les langues
Bien que l'anglais soit demeuré de facto la langue officielle de l'État, les habitants de la Sierra Leone parlent bien d'autres langues qui appartiennent presque toutes à la famille nigéro-congolaise; on compte au total une trentaine de langues. Le mandé rassemble 30,7 % des locuteurs, le themné 24,1 %, le krio ou créole 10,3 %, le limba 6,6 %, le kuranko (5,3 %), le kono (4,0 %), le loko (2,6 %), le sherbro (2,6 %), le kissi (2,3 %), le soussou (2,3 %), le maninka (2,0 %), etc.
Ethnie | Population | Pourcentage | Affiliation linguistique |
Mendé | 2 053 000 | 30,4 % | |
Themné | 1 573 000 | 23,3 % | |
Krio | 697 000 | 10,3 % | |
Limba | 445 000 | 6,6 % | famille nigéro-congolaise |
Kuranko | 358 000 | 5,3 % | famille nigéro-congolaise |
Kono | 272 000 | 4,0 % | famille nigéro-congolaise |
Fula Jalon | 189 000 | 2,8 % | famille nigéro-congolaise |
Loko | 179 000 | 2,6 % | famille nigéro-congolaise |
Sherbro | 179 000 | 2,6 % | famille nigéro-congolaise |
Soussou | 159 000 | 2,3 % | famille nigéro-congolaise |
Maninka de l'Est | 139 000 | 2,0 % | famille nigéro-congolaise |
Kissi du Sud | 113 000 | 1,6 % | famille nigéro-congolaise |
Banta-Themné | 60 000 | 0,8 % | famille nigéro-congolaise |
Kissi du Nord | 53 000 | 0,7 % | famille nigéro-congolaise |
Foulani | 50 000 | 0,7 % | famille nigéro-congolaise |
Arabe libanais | 40 000 | 0,5 % | |
Yalunka | 40 000 | 0,5 % | |
Vai | 20 000 | 0,2 % | |
Krim kimi | 17 000 | 0,2 % | |
Indo-Pakistanais | 13 000 | 0,1 % | |
Gola | 13 000 | 0,1 % | |
Krou | 12 000 | 0,1 % | |
Bassa | 7 300 | 0,1 % | |
Bullom | 6 600 | 0,0 % | |
Yorouba | 5 400 | 0,0 % | |
Britannique | 2 400 | 0,0 % | langue germanique |
Grec | 1 000 | 0,0 % | langue grecque |
Bom bum | 800 | 0,0 % | |
Limba de l'Est | 700 | 0,0 % | |
Autres | 35 000 | 0,5 % |
- |
Total 2017 | 6 733 200 |
100 % |
- |
Plusieurs autres langues sont également employées (voir le tableau ci-dessus). Le mendé est transcrit traditionnellement avec un syllabaire indigène très particulier, le kikakui. Il s'écrit de droite à gauche (150 caractères), mais il ne serait utilisé que par environ 500 personnes. L'alphabet latin est plus courant.
Seul le créole, appelé krio, ne fait pas partie des langues nigéro-congolaises parmi la population autochtone. Parlé par au moins 10 % de la population en tant que langue maternelle, le krio est également utilisé comme langue véhiculaire par une majorité des habitants du pays: on estime que 95 % d'entre eux comprennent cette langue. C'est la langue inter-ethnique pour tous ceux qui ne parlent pas l'anglais. À base lexicale anglaise, le krio sierra-léonais a été influencé à l'origine par le yorouba et le wolof, puis par le créole de la Jamaïque. Voici quelques exemples de krio:
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Il existe un dictionnaire du krio (1980, Fyle et Jones) qui est reconnu comme la norme de l'orthographe krio. On compte trois langues véhiculaires indigènes en Sierra Leone: le mendé au sud, le themné au nord et le krio dans l'ensemble du pays.
L'anglais est la langue officielle de facto, c'est-à-dire qu'Il n'a jamais été proclamé «langue officielle» de jure, donc dans un texte juridique, voire la Constitution. Cette langue est employée par une minorité sachant lire et écrire: la fonction publique, la justice, l'éducation et les grandes affaires. On estime que près de 700 000 Sierra-Léonais pourraient s'exprimer, dans une manière ou d'une autre en anglais, ce qui représenterait quelque 15 % de la population. Par comparaison, ceux qui peuvent s'exprimer en krio sont beaucoup plus nombreux, probablement plus de 80 % des Sierra-Léonais.
Du point de vue religieux, les Sierra-Léonais sont musulmans dans une proportion de 60 %, alors que 30 % sont animistes et 10 % chrétiens (surtout catholiques, puis protestants). Les pratiques religieuses présentent souvent de fortes tendances syncrétiques.
Le territoire de l’actuelle Sierra Leone a constitué le refuge de nombreux
peuples, tels que les Kissi, les Sherbro et les Krim, touchés par les conflits
politiques de la savane africaine. Refoulant les premiers occupants, les peuples
mandingues s’y établirent au XVe siècle:
ce furent d'abord les Mendé sur la côte orientale, puis les Themné vers la frontière de l’actuel Liberia et les Soussou dans le Centre.
Dès cette époque, les langues mandé, themné et soussou jouaient la rôle de
principal véhicule de communication. En
1460, l’explorateur portugais Pedro da Sintra donna le nom de
Sierra Leone (la «montagne du Lion») à la presqu’île où
allait s’édifier plus tard la ville Freetown; le nom italo-portugais est dû au
fait que l'auteur portugais a publié en italien son récit de voyage. On devrait
donc prononcer [sièr-ra lé-o-né]. Les Portugais
nouèrent très tôt des relations commerciales avec les populations autochtones aux
embouchures des rivières. Au XVIe siècle s’organisa la traite négrière
orchestrée par les marchands européens et à laquelle participèrent les populations
côtières.
3.1 La domination coloniale
En 1787, les Britanniques s'emparèrent du site de
Freetown et établirent une colonie destinée à accueillir des esclaves
qu'ils avaient recrutés dans leurs colonies américaines pour s'opposer aux colons
révolutionnaires. Ayant fui les États-Unis et les Antilles, puis s'étant réfugiés en
Angleterre, ces esclaves s’installèrent sur le territoire, où ils furent rejoints par
des affranchis, rapatriés des Amériques avec l’aide de sociétés philanthropiques
américaines, ou sauvés de la traite négrière après son interdiction. Soulignons notamment l'apport, en 1792, des anciens esclaves réfugiés en
Nouvelle-Écosse (Canada) après avoir combattu avec les Britanniques lors de la
guerre d'indépendance américaine. Le créole (krio) se développa aussitôt en
Sierra Leone.
La Sierra Leone Company, créée en 1791, administra la colonie jusqu’en 1808,
date à laquelle le territoire devint une colonie de la Couronne anglaise. Au
cours de cette période, l'anglais était utilisé par l'Administration coloniale,
mais le mendé, le themné et le soussou continuaient d'être largement utilisé par
les autochtones, en même temps que le créole importé des Antilles. Les rares
écoles ne dispensaient l'enseignement qu'en anglais, sauf chez les missionnaires
qui n'hésitaient pas à recourir aux langues locales pour l'évangélisation. Un
étude du professeur Philip D. Curtin révèle que les Noirs venaient en 1848 du Bénin dans
une proportion de 63,7% (ethnies fon et yoruba) et du Biafra dans une
proportion de 20,2% (ethnies ibo et haoussa).
L’arrière-pays
de Freetown ne devint un protectorat britannique qu'en 1896. Les premières élections
législatives furent organisées dans le cadre de la Constitution de 1924. Un
système de cabinet fut instauré en 1953 et sir Milton Margai, un Mendé, ancien
médecin et chef du parti du Peuple de Sierra Leone (Sierra Leone People’s Party:
le SLPP),
fut nommé président, en 1954, et premier ministre, en 1960.
3.2 La Sierra Leone indépendante
Ayant obtenu son indépendante le 27 avril 1961, la Sierra Leone
reconduisit naturellement l'anglais dans son rôle de langue officielle, sans
qu'il ne soit nécessaire de le proclamer dans une constitution. Puis le pays connut une grande
instabilité politique, marquée par les rivalités entre les différentes
communautés indigènes. La fragilité du modèle occidental d’État, associée au poids des
luttes tribales, expliquerait, en grande partie, cette instabilité politique. Les
événements de l’année 1967-1968 furent, à cet égard, révélateurs : en moins d’un
an, la Sierra Leone avait connu déjà quatre coups d’État successifs. Demeuré premier
ministre en 1962, Milton Margai fut remplacé, à sa mort, par son frère Albert Margai en 1964.
Siaka Stevens, un Themné, fondateur en 1960 du Congrès de tout
le peuple (l'APC: All People’s Congress) lui succéda en 1967, après que son
mouvement eût remporté des élections contestées. L’armée organisa alors un coup
d’État. Après un nouveau putsch militaire en 1968, Stevens revint au pouvoir.
Il tenta alors une union avec la Guinée-Conakry de Sékou Touré. La Sierra Leone
fut
proclamée comme république le 19 avril 1971.
Siaka Stevens instaura alors un régime de parti
unique, institutionnalisé par la nouvelle Constitution de 1978. L’APC demeurant
le seul parti légal, il élimina toute opposition. Cette période de parti unique
fut toutefois marquée par diverses tentatives destinées à assainir la vie
politique (lutte contre la corruption et le népotisme). Le régime abandonna
cette politique afin de profiter de la rente assurée par l’exploitation des
ressources diamantifères. À partir de 1985, la domination des «Créoles» et des
Afro-Libanais, maîtres du commerce du diamant, la principale richesse du pays,
tourne au pillage généralisé. En janvier 1986, Stevens se retira au profit du commandant
débonnaire Joseph Saidu Momoh. Une nouvelle tentative de coup d’État échoua en mars 1987 et le
nouveau président décréta «l’état d’urgence économique» en novembre. Des
mesures draconiennes d’austérité furent prises.
3.3 La guerre civile
Au début de 1991, comme si ce n'était pas suffisant, le pays vit la guerre civile
du Liberia voisin se propager sur son territoire. C'est que la Sierra Leone servait
de refuge aux Libériens fuyant les combats. Les opposants au régime libérien
forme leurs partisans en Sierra Leone pour mieux mener la rébellion et prendre
le pouvoir au Liberia. Face à l'incurie qui régnait au sein de l'armée de la
Sierre Leone, un junte militaire prit le pouvoir en 1992. Un jeune officier de
27 ans,
Valentine Strasser, accéda
à la tête de l’État, mais l’armée ne parvint pas à mettre fin à la guerre civile. Entre 1991 et 1995, les combats entraînèrent d’importants déplacements
de population: quelque 50 000 personnes trouvèrent refuge en Guinée.
Sous l'initiative Instigateur du brigadier Julius Maada Bio, un nouveau coup d’État écarta Valentine Strasser du pouvoir en janvier 1996 et, avec l'aide de mercenaires sud-africains, il entama de nouvelles négociations avec le Revolutionary United Front (RUF). En mars et avril de la même année, des élections multipartites portèrent à la présidence de la République Ahmed Tejan Kabbah qui bénéficiait de l'aide des «kamajors», une milice constituée de chasseurs traditionnels d'origine mendé. Mais, le 25 mai 1997, le président Kabbah fut renversé à la suite d’un putsch conduit par Johnny Paul Koroma, qui se proclama chef de l’État.
Pendant ce temps, l'homme fort du Liberia voisin, Charles Taylor, s'organisait pour étendre son influence sur la Sierre Leone et sur ses richesses minières et conserver son influence à travers celle du président Kabbah en exil auquel il était lié personnellement. Les combats reprirent dans les provinces, tandis que les rebelles du RUF (Revolutionary United Front ) commirent des atrocités contre la population civile. Pendant la guerre de 1998, les cruautés envers les femmes et les enfants ont provoqué 20 % d’invalides au sein de la population sierra-léonaise, dont la plupart sont des enfants. Entré dans Freetown en janvier 1999, le RUF mit la capitale à feu et à sang, au prix de 6000 morts, tandis que la population s'enfuyait. En juillet, un accord provisoire de cessez-le-feu était prévu.
Une mission des Nations unies en Sierra Leone (Minusil), forte d'une dizaine de milliers d'hommes, fut chargée de surveiller le désarmement des combattants et de prendre le contrôle des zones minières. En janvier 2002, plus de 47 000 combattants étaient désarmés et démobilisés. La guerre civile de Sierra Leone prit officiellement fin le 18 janvier 2002. Le 14 mai 2002, le président sortant, Ahmad Tejan Kabbah, était réélu avec 70 % des voix. Mais la guerre civile avait fait entre 100 000 et 200 000 morts. Plus de deux millions de personnes (le tiers de la population) ont été déplacées.
En raison des différents crimes commis durant le conflit, notamment des crimes contre l'humanité ainsi que des crimes de guerre, le Conseil de sécurité de l'ONU décida en 2002 la création d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone (en anglais: Special Court for Sierra Leone ou SCSL). Ce tribunal faisait partie du système judiciaire sierra-léonais, même s'il recevait un important soutien international et que les huit juges étaient des juges internationaux. Il s'agit ainsi d'une juridiction hybride, car elle associait droit international et droit national sierra-léonais. Doté d’un budget initial de 75 millions de dollars et prévu pour durer seulement trois ans, le tribunal a finalement fermé ses portes en décembre 2013 après avoir dépensé 300 millions de dollars. Le 26 septembre 2013, le Tribunal spécial pour la Sierre Leone a pris sa dernière décision majeure. Sa chambre d’appel a confirmé la peine de 50 ans de prison infligée à l’ex-président libérien Charles Taylor. |
En avril 2012, le tribunal avait retenu cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité contre Charles Taylor, cinq chefs d’accusation de crimes de guerre et un chef d’accusation d’autres violations graves du droit humanitaire international perpétrés par le Front révolutionnaire uni (RUF) de Sierra Leone.
Enfin, malgré l'implication de la communauté internationale, le Royaume Uni a continué à jouer un rôle central tant au plan politique, que militaire et linguistique, en Sierra Leone. Le pays est pour l'instant en paix. Cependant, pour des raisons économiques, de nombreux enfants travaillent encore dans les mines de diamants, qui sont très dangereuses. La propagation du SIDA chez eux est également très importante, 16 000 de moins de 15 ans sont séropositifs. Ensuite, ce fut la crise d'Ebola en 2014, l'épidémie qui a causé la mort de quelque 4000 personnes. Depuis 2016, les perspectives de croissance pour l'économie de ce pays anglophone semblent favorables, mais le gouvernement est confronté à d'énormes difficultés pour s'acquitter de ses obligations financières, telles que le paiement des salaires des travailleurs du secteur public et des partenaires privés qui dépendent de lui. Pour ce faire, le gouvernement du président Ernest Koroma a fait appel au Fonds monétaire international.
Une grande instabilité politique n'est généralement guère favorable à l'élaboration d'une politique linguistique. D'ailleurs, l'anglais n'est la langue officielle que de facto, il n'est proclamé ni dans la Constitution de 1991, ni dans une quelconque loi. Seule la Constitution fait allusion à la langue anglaise: les articles 75 et 90 mentionnent l'anglais comme connaissance obligatoire dans les institutions parlementaires, mais les articles 9, 17 et 23 traitent des langues indigènes en matière éducative et judiciaire. Voyons ce qu'il en est dans les faits.
4.1 La langue de la législature
L'article 75 de la Constitution précise que, pour être membre du Parlement, il faut être «capable de parler et de lire la langue anglaise avec un degré de compétence suffisant pour lui permettre de participer activement aux travaux du Parlement». De plus, en vertu de l'article 90, «les activités du Parlement doivent se dérouler en anglais»:
Article 75
Qualifications pour être membre du Parlement
doit être qualifié pour une élection en tant que membre du Parlement:
Article
90 |
L'article 2 du Règlement du Parlement de la Sierra Leone (2006) respecte la disposition constitutionnelle à ce sujet :
Article 2 Langue La procédure et les débats du Parlement doivent être en anglais. |
L'article 17 de la même loi exige que toute pétition de la part d'un membre du Parlement soit en anglais ou être accompagnée d'une traduction anglaise certifiée conforme par celui qui la présente:
Article 17
Pétitions Toute pétition doit être en anglais ou être accompagnée d'une traduction anglaise certifiée conforme par celui qui la présente. Aucune lettre ou autre document ne peut être attaché à une pétition, ni aucun effacement ni aucune rectification interlinéaire ne doivent être fait à ce sujet. |
De fait, les lois sont discutées en anglais, puis adoptées et promulguées en anglais, jamais dans une langue africaine.
4.2 La langue de la justice
L'anglais est également langue officielle des tribunaux. Les articles 17 et 23 de la Constitution sont conformes en prescrivant l'usage exclusif de l'anglais tout en autorisant à un justiciable qui ne comprend pas l'anglais d'avoir la possibilité de recourir gratuitement aux services d'un interprète:
Article 17 2) Quiconque:
Article 23
|
En vertu de la Loi sur la procédure pénale (1965), il semble que la connaissance de l'anglais ne soit pas un motif de disqualification pour les membres d'un jury à la condition de comprendre la «langue habituelle du lieu où se déroule le procès»:
Article 178 Récusation motivée La récusation motivée est autorisée selon l'un des motifs suivants:
|
D'ailleurs, la Loi sur les tribunaux locaux (2011) en arrive au même fait: il faut maîtriser la langue ethnique dominante de la chefferie.
Article 5 Qualifications pour la nomination de président d'un cour locale Nul ne peut être qualifiée pour être président ou vice-président de la cour à moins:
Article 6 2) Nul ne peut être nommé greffier de cour, greffier aux finances ou huissier, à moins qu'il sache lire et écrire en anglais. |
Cependant, pour être désigné comme greffier, il faut savoir lire et écrire en anglais, car le procès-verbal doit être rédigé en anglais, même si les témoins se sont exprimés dans la langue locale. Autrement dit, l'usage de sa langue maternelle n'est pas un droit, car le juge n'est pas tenu de comprendre un accusé ou un témoin dans sa langue maternelle. C'est donc la règle du gros bons sens qui prévaut, mais il ne s'agit pas d'un droit à la langue: c'est un droit à l'interprétariat.
À l'intention des personnes handicapées, l'article 41 de la Loi sur les personnes handicapées (2011) impose l'usage de la langue des signes et du braille dans les services juridiques:
Article 41
Règlement sur les services
juridiques gratuits
|
Le texte ne précise pas quelle est la langue qui sert de relais, mais ce ne peut être que l'anglais, et certainement pas une langue africaine.
En 2002, le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé la création d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone (en anglais: Special Court for Sierra Leone ou SCSL) afin de poursuivre les responsables des différents crimes commis durant la guerre civile, notamment des crimes contre l'humanité ainsi que des crimes de guerre. L'Accord sur le Tribunal résiduel spécial pour la Sierra Leone (2011) reconnaissait que l'anglais était la langue du tribunal:
Article 17 Disposition des actifs À la fin des travaux du Tribunal résiduel spécial, les biens hérités du tribunal spécial ou acquis par le tribunal résiduel spécial deviennent la propriété du gouvernement de la Sierra Leone. EN FOI DE QUOI, les représentants dûment autorisés de l'Organisation des Nations unies et du gouvernement de la Sierra Leone ci-après ont signé le présent accord en deux exemplaires originaux en langue anglaise. |
Il en est ainsi dans le Statut du tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone (2011) bien que le recours à un interprète soit autorisé si un accusé ne comprend ni ne parle la langue utilisée au tribunal, l'anglais:
Article 17 Droits de l'accusé 4) Conformément au présent statut, lors de la mise en accusation portée contre un accusé, celui-ci a droit aux garanties minimales suivantes, en pleine égalité:
Article 25
Langue de travail |
En septembre 2013, le Tribunal spécial pour la Sierre Leone a pris sa dernière décision majeure et a cessé ses activités.
4.3 L'administration publique
L'Administration sierra-léonaise fonctionne un peu comme dans les tribunaux. L'anglais est la langue officielle, mais les communications orales peuvent se faire en anglais (lorsque le citoyens connaît cette langue), mais surtout en mendé dans le Sud et en themné dans le Nord, mais le plus souvent en krio parce que c'est la langue la plus utilisée au pays entre les ethnies. Encore une fois, il ne s'agit pas d'un droit linguistique accordé par l'État, mais d'une pratique découlant des nécessités de la vie.
L'article 16 de la Loi sur les collectivités locales (2004) admet l'usage d'une langue indigène locale pour les délibérations au sein des conseils locaux, mais le procès-verbal doit être en anglais:
Article 16 Utilisation des langues 1) Sous réserve du paragraphe 2, un conseil local peut mener ses délibérations en anglais ou dans toute autre langue habituelle aux communautés dans la localité. 2) Le procès-verbal des réunions et autres dossiers d'un conseil local doivent être en anglais. |
La Loi sur la citoyenneté (1973) exige qu'un requérant doit posséder une connaissance adéquate d'une langue actuellement utilisée en Sierra Leone ou encore une langue indigène et en usage actuel:
Deuxième annexe (articles 7 et 8) 1) Sous réserve des dispositions du paragraphe 2, les qualifications pour la naturalisation d'un étranger qui en fait la demande et dont l'un ou l'autre des parents est une personne d'origine négro-africaine nègre sont les suivantes:
Troisième annexe (section 8.3)
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Si la Constitution interdit la discrimination à l'égard des femmes et des groupes ethniques, elle limite l'acquisition de la citoyenneté aux personnes «de descendance patrilinéaire négro-africaine». Cette limitation nie la citoyenneté, par exemple, aux membres de la communauté libanaise et aux Européens parce qu'ils ne sont pas de race noire. L'Administration en Sierra Leone poursuit aussi la tradition de la «fidélité ethnique», restée un facteur important dans l'attribution des postes au sein du gouvernement et des forces armées. À cet égard, les plaintes de discrimination ethnique (et forcément linguistique) sont courantes. Quand on n'appartient pas à l'ethnie mendé ou themné, les chances sont moins grandes.
Selon la Loi sur la protection des réfugiés (2007), au cours de la procédure dans le statut de réfugié, le demandeur a le droit d'être pleinement informé par l'agence d'exécution, dans une langue qu'il comprend, et le cas échéant par un interprète fourni gratuitement par l'Agence, du fonctionnement de la procédure et de ses droits, mais les documents de voyage doivent être en anglais ou en français:
Article 13 Droits et devoirs des demandeurs d'asile au cours de la procédure dans le statut de réfugié 1) Au cours de la procédure dans le statut de réfugié, le demandeur a : (a) le droit :
PROGRAMME Paragraphe 1
1) Le document de voyage visé à
l'article 28 de la présente convention doit être similaire
au modèle ci-joint.
Spécimen de document de voyage |
Au plan commercial, l'article 134 de la Loi sur la marine marchande (2003) exige que tous les documents soient rédigés dans la langue anglaise, tandis que les marins doivent posséder une connaissance suffisante de l'anglais pour comprendre les ordres :
Article 134 Emploi de la langue anglaise 1) Sauf disposition contraire de la présente loi, toute la correspondance, les documents, les formulaires ou autres écrits doivent être rédigés dans la langue anglaise et, dans le cas d'un contrat d'équipage, d'un carnet de bord officiel et d'une feuille d'appel, selon la forme prescrite, sauf qu’une autre version linguistique d’un document peut être annexée à la version anglaise.
2) Tous les panneaux écrits déplacés à bord d'un
navire sierra-léonais doivent
être en langue anglaise. |
En vertu de la
Loi sur les marchés publics (2004), un appel d'offres
international aux soumissionnaires implique la publication des documents en
anglais:
Article 48 Invitation à soumissionner 4) Un appel d'offres international dans lequel la participation des soumissionnaires étrangers est demandée doit impliquer la publication en anglais de l'invitation à soumettre des soumissions, ou à demander une soumission préalable; si cette procédure a lieu, conformément à l'article 21 et à l'appel d'offres, les documents contractuels doivent également être disponibles en anglais et ils doivent être présentés dans les cas suivants:
|
La Loi sur les compagnies (2009) est très claire en ce qui concerne l'usage de l'anglais. À défaut d'un document en anglais, une traduction certifiée conforme est exigée:
Article 320 Dispositions générales sur les revenus annuels 3) Sauf lorsque la compagnie est une société privée, les revenus annuels doivent inclure:
Article 485
Article 486 |
Enfin, la Loi sur les assurances (2016) compte sur les mêmes exigences pour l'anglais ou, à défaut, d'une traduction certifiée:
Article 43 Comptes et déclarations présentés par des assureurs étrangers dans leur pays de domicile 2) Si un document au paragraphe 1 est dans une autre langue que l'anglais, le document doit être accompagné d'une traduction certifiée en anglais. Article 44 Certificat que l'assureur étranger a respecté les exigences et la loi dans le pays de domicile 2) Si un certificat est dans une autre langue que l'anglais, une traduction certifiée en anglais doit accompagner l'original. |
En somme, tant qu'il s'agit de communications avec les citoyens indigènes, une langue locale peut suffire, mais si le contexte concerne le monde des affaires, l'anglais demeure incontournable.
4.4 L'éducation
Le système d'éducation de la Sierra Leone est divisé en quatre niveaux: 1) l'enseignement primaire de six ans; 2) l'enseignement secondaire inférieur de trois ans; 3) trois années d'enseignement secondaire supérieur ou professionnel; 4) quatre années d'études universitaires ou post-secondaires (tertiaires).
- L'enseignement à la maternelle
L'enseignement appelé «préprimaire» (jardins d'enfants ou maternelle) n'est pas obligatoire dans ce pays. Néanmoins, la Loi sur l'éducation (2004) oblige le gouvernement à soutenir l'enseignement préprimaire qui doit être l'instruction offerte aux élèves âgés de trois à six ans dans les jardins d'enfants ou dans les écoles maternelles, notamment afin d'élargir et d'enrichir leur usage de la langue et de leur donner d'autres compétences dans la communication:
Article 5 Éducation préprimaire 1) L'enseignement préprimaire doit être l'instruction offerte aux élèves âgés de trois à six ans dans les jardins d'enfants ou dans les écoles maternelles. 2) Bien qu'elle soit facultative et ne fasse pas partie du système formel, l'éducation préprimaire continue d'être soutenue par le gouvernement en raison de son utilité dans la préparation des enfants à l'enseignement primaire,
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La loi ne précise pas de quelle langue il s'agit, ce peut être l'anglais ou la langue maternelle.
- L'enseignement primaire
La guerre civile en Sierra Leone a entraîné la destruction de
1270 écoles primaires; en 2001, 67 % de tous les enfants d'âge scolaire
n'étaient pas scolarisés. La situation s'est heureusement améliorée depuis lors,
car le taux de scolarisation des écoles primaires a doublé entre 2001 et 2005 et
la reconstruction de nombreuses écoles depuis la fin de la guerre. Bien que le nombre d'enfants dans l'enseignement primaire ait considérablement
augmenté depuis la fin de la guerre civile, il y avait encore en 2007 de 25 % à
30 % du nombre total de ces
enfants qui ne fréquentaient pas l'école. En 2010, ce taux était tombé à 14 %. Le niveau de scolarité des filles est inférieur à ce
niveau en partie en raison des croyances culturelles dans certaines régions de
la Sierra Leone qui ne soutiennent pas l'éducation des filles.
En principe, la langue d'enseignement dans les écoles publiques de la Sierre Leone est l'anglais, du primaire jusqu'à l'université. L'article 9 de la Constitution de 1991 précise au paragraphe 3 que «le gouvernement doit promouvoir l'apprentissage des langues indigènes ainsi que l'étude et l'application de la science moderne, des langues étrangères, de la technologie, du commerce et des affaires»:
Article 9 Objectifs pédagogiques 1) Le gouvernement doit orienter sa politique de sorte qu'il existe des droits égaux et des possibilités éducatives adéquates pour tous les citoyens à tous les niveaux,
2) Le gouvernement doit s'efforcer d'éradiquer l'analphabétisme et, à cette fin, diriger sa politique éducative vers la réalisation,
3) Le gouvernement doit promouvoir l'apprentissage des langues indigènes ainsi que l'étude et l'application de la science moderne, des langues étrangères, de la technologie, du commerce et des affaires. |
L'article 2 de la Loi sur l'éducation (2004) prévoit qu'on puisse introduire un enseignement des langues indigènes (en anglais: "indigenous languages") de façon à améliorer la compréhension des élèves:
Article 2 Système d'éducation 2) Le système visé au paragraphe 1 doit être conçu :
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Il en est ainsi à l'article 41 dans la Loi sur les droits de l'enfant (2007), alors que le paragraphe 2 énonce que «tout enfant doit avoir la possibilité d'apprendre au moins une langue indigène de la Sierra Leone à partir du niveau primaire» :
Article 41 Obligation d'inculquer la fierté culturelle et nationale 1) Un enfant doit être élevé et éduqué pour être fier de sa culture et de son identité nationale. 2) Tout enfant doit avoir la possibilité d'apprendre au moins une langue indigène de la Sierra Leone à partir du niveau primaire. |
Dans les faits, l'enseignement des «langues indigènes» se limite au mendé et au themné qui, dans leur région respective, peuvent être enseignés comme matière facultative du primaire jusqu'à la fin du secondaire. Or, peu d'enseignants ont les compétences nécessaires pour peuvent le faire, car non seulement ils ont été formés pour enseigner l'anglais, mais de toute façon il n'y a fort peu de manuels disponibles dans les langues indigènes.
Pire, les enfants dans les écoles publiques primaires ne disposent à peu près pas de manuels, ni même de crayons. Dans de nombreux villages des campagnes, les écoles ont été détruites ou sérieusement endommagées, pillées et saccagées. C'est pourquoi beaucoup d'enfants ont reçu une instruction très rudimentaire. Les enseignants ne donnent leurs cours qu'avec fort peu de ressources; il n'est pas rare que deux ou même trois classes partagent une pièce comprenant un seul tableau, dont une partie est utilisée par chaque classe; les locaux sont pourtant remplis d'élèves enthousiastes qui font leur apprentissage en écoutant attentivement leur maître et en répétant exactement ce qu'il dit; n'oublions pas que l'anglais est une langue étrangère pour tous les élèves et qu'ils ne comprennent pas cette langue à leur entrée au primaire.
En plus de l'anglais comme langue d'enseignement, la Loi sur les personnes handicapées (2011) énonce que «les établissements d'enseignement doivent s'efforcer d'introduire dans leurs institutions la langue des signes et le braille»:
Article 16
Cours devant être
mis en place dans les établissements publics d'enseignement |
L'enseignement dans la langue des signes et du braille n'est possible que dans certaines écoles urbaines. Quant à la langue des signes, il s'agit forcément de la langue des signes anglais.
De plus, le fait de vivre en milieu urbain ou non explique également lʼabsence de scolarisation : 55 % des enfants vivant en zone rurale et ne possédant pas d'école à une distance inférieure à 45 minutes ne ne sont pas scolarisés, contre 13 % des écoliers urbains ayant une école accessible en moins de 15 minutes. Lʼabsence d'une école à cycle complet peut également susciter un retrait précoce de lʼécole, car cette situation concernait en 2011 quelque 38 % des écoles primaires et 28 % des élèves.
Enfin, malgré lʼabolition des frais de scolarité au primaire depuis 2001, la scolarisation continue d'avoir un coût indirect en raison des frais associés aux uniformes, à la papeterie et autres fournitures, aux transports, sans oublier parfois des frais scolaires illégaux.
- L'enseignement secondaire
Le taux de fréquentation scolaire est de 40 % au
secondaire pour les garçons et de 33 % pour les filles. La langue
d'enseignement est l'anglais, mais la langue étrangère obligatoire est le
français en raison de la proximité des pays francophones (Sénégal, Guinée, Mali,
Côte d'Ivoire, Burkina Faso).
Les examens des écoles secondaires dans les écoles financées par le gouvernement
(et de nombreuses écoles privées) sont coordonnés par le West African
Examinations Council. Il s'agit notamment de l'examen du certificat d'éducation
de base et de l'examen de certificat d'école secondaire de l'Afrique de l'Ouest .
- L'enseignement tertiaire
Il existe deux universités en Sierra Leone: l'Université de la Sierra Leone,
fondée en 1827 par Fourah Bay College; et l'Université de Njala, qui a été
fondée en tant que station expérimentale agricole de Njala en 1910 et est
devenue une université en 2005. Il existe un collège de formation des
enseignants à Bo. De plus, l'Evangelical College of Theology, fondé en 1964, est accrédité par
l'Université de la Sierra Leone et le Comité d'éducation tertiaire pour le diplôme
et le baccalauréat. Au niveau tertiaire, tout l'enseignement est offert
uniquement en anglais.
4.5 Les médias
Si l'éducation ne se porte pas très bien en Sierra Leone, il en est ainsi pour la presse, du moins pour la liberté d'expression. Le gouvernement a décidé de transformer en loi les Public Emergency Regulations (ou Règlement d'urgence publique), qui ont servi dans le passé à emprisonner des journalistes. Cette mesure, selon Reporters sans frontières (RSF), constitue une menace pour la liberté d’expression. Le règlement contiendrait plusieurs dispositions entrant directement en contradiction avec celles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP), dont la Sierra Leone est signataire. Entre autres dispositions, le paragraphe 10.1 de la loi, intitulé Publication de reportages semant la confusion, prévoit que «nul ne doit publier de reportage ou de déclaration susceptible de provoquer l’inquiétude ou le découragement, ou d’être préjudiciable à la sécurité publique, à la tranquillité publique ou au maintien de l’ordre public». Quiconque viole les dispositions de cet article serait passible d’un an d’emprisonnement.
Néanmoins, la Loi sur le droit d'accès à l'information (2013) reconnaît aux citoyens le droit à l'information qui peut être demandée par écrit, même dans une langue locale, mais en ce cas l'agent d'information publique à qui la demande est faite doit prendre des dispositions pour une traduction de la demande en anglais:
Article 3 Soumission et formulaire de demande 1) Une demande d'information en vertu de l'article 2 doit:
5)
Nonobstant le paragraphe 3, une demande peut, si le
requérant est
incapable de communiquer en anglais,
être faite dans une autre
langue locale utilisée au
Sierra Leone; et dans ce cas, l'agent d'information publique
à qui la demande est faite doit prendre des dispositions
pour une traduction de la
demande en anglais.
3) Tous les documents doivent être disponibles en tenant compte de la nécessité d'atteindre les personnes handicapées, du coût, de la langue locale et de la méthode de communication la plus efficace dans la région; et l'information devrait être facilement accessible et être disponible gratuitement ou à un prix coûtant, en tenant compte du moyen utilisé. |
- Les médias écrits
Comme il fallait s'y attendre, la langue des médias écrits est l'anglais, que ce soit dans Afro Times, Awoko, Concord Times, The Daily Mail, Freedom Now, Front Line, Independent Observer, New Shaft, Rockel Times, Sierra News, Standard Times, The Herald Guardian, The Mirror, The New Citizen, The Telegraph, etc.
Il n'existe pas de journaux dans les langues africaines, hormis le For di People ("For the People", en anglais), un journal sierra léonais de langue créole (krio) basé à Freetown. Ce journal a été fondé en 1983 par Paul Kamara. Évidemment, M. Kamara et d'autres membres du personnel ont été menacés et emprisonnés à de nombreuses reprises dans l'histoire du journal. |
On peut citer notamment un cas de diffamation séditieux de haut rang à la suite d'une suggestion selon laquelle la condamnation de fraude du président Ahmad Tejan Kabbah en 1968 l'aurait rendu constitutionnellement inapte pour exercer ses fonctions.
- Les médias électroniques
La situation est différentes pour les
médias électroniques. En effet, l'article 10 de la
Loi sur la Société de radiodiffusion de la Sierra Leone (2009)
précise que la Sierra Leone Broadcasting Corporation
doit
diffuser
des programmes dans les langues sierra-léonaises, en
anglais et dans les autres langues étrangères qui peuvent être
choisies:
Article 10 Fonctions de la Société 1) L'objet pour lequel la Société est créée est de fournir de l'information, de l'éducation, du divertissement et de refléter toutes les nuances d'opinion dans toute la Sierra Leone. 2) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe 1, la Société :
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De plus, la Loi sur les personnes handicapées (2011) énonce que chaque station de télévision doit fournir un ou des sous-titres dans la langue des signes dans tous les bulletins d'information et les programmes éducatifs ainsi que dans tous les programmes couvrant des événements d'importance nationale:
Article 38
Installations
supplémentaires pour personnes handicapées |
La Radio nationale (SLBS: Sierra Leone Broadcasting Service) diffuse en anglais, mais certains bulletins d'informations sont mendé, en themné et en créole (kriol). La BBC diffuse également en anglais, mais plusieurs stations locales, tells que Radio Democracy et Kiss FM utilisent le kriol, le mendé et le themné. RFI 1 Afrique et RFI 2 diffusent en anglais et en français. Pour sa part, la Télévision nationale (SLBS) produit ses émissions en anglais, mais certains bulletins sont en trois autres langues: le kriol, le mendé et le themné. L'anglais est une langue mieux connue en ce qui concerne les affaires internationales. Cependant, beaucoup de citoyens de la Sierra Leone n'ont actuellement pas accès aux téléviseurs; par conséquent, les médias ne jouent pas un rôle important dans la culture de ces gens-là.
Aux prises avec d'importants conflits inter-ethniques et la guerre civile, la Sierra Leone n'a pas le temps d'élaborer une politique linguistique complexe. En fait, c'est la non-intervention dans son application la plus étroite. L'État ne fait absolument rien au point de vue juridique, ni d'ailleurs dans la pratique. Il s'est contenté de poursuivre la politique coloniale en laissant l'anglais comme langue officielle de facto, car aucun texte de loi n'existe pour proclamer ce statut. L'État sierra-léonais n'a apparemment aucune politique éducative en ce qui a trait à la langue anglaise ni aux langues africaines. Il n'interdit rien, mais ne fait rien. Une telle attitude n'est pas surprenante dans un contexte de corruption généralisée. Forcément, les petites communautés sont marginalisées. Il est possible que, dans les années à venir, un gouvernement élabore une politique plus «indigéniste», mais pour le moment on ne voit pas comment elle pourrait se concrétiser.
Bibliographie
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