Les accords d'Évian
du 18 mars 1962
Le texte des accords d'Évian comprend deux parties:
1) un accord de cessez-le-feu, dont l'application est fixée au lendemain 19 mars 1962;2) des déclarations gouvernementales relatives à l'Algérie, qui portent notamment sur :
- la période de transition jusqu'au référendum d'autodétermination. Pour cette période étaient mis en place un Exécutif provisoire et un Haut-Commissaire représentant l'État français.
- la libération des prisonniers dans un délai de 20 jours et une mesure d'amnistie générale.
- l'organisation d'un référendum d'autodétermination dans un délai minimum de trois mois et maximum de six mois.Dans l'hypothèse où, à la suite du référendum; la solution d'indépendance serait retenue,
- des garanties prévues pour personnes conservant le statut civil de droit français ;
- la programmation du retrait des forces militaires françaises.
Le texte intégral a été publié dans Le Monde du 20 mars 1962. Cependant, le texte publié du côté algérien (dans le El Moudjahid du 19 mars 1962) comporte quelques variantes, notamment dans la dénomination des deux parties. Ainsi, le texte algérien porte la mention «Gouvernement provisoire de la République algérienne» (GPRA), alors que le texte français écrit «FLN». Or, c'est avec le FLN qu'a traité le gouvernement français, non le GPRA, dont il a toujours nié la représentativité.
I - ACCORD DE CESSEZ-LE-FEU EN ALGÉRIE ARTICLE PREMIER Il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée sur l'ensemble du territoire algérien le 19 mars 1962, à 12 heures. ARTICLE 2 - Les deux parties s'engagent à interdire
tout recours aux actes de violence collective et individuelle. ARTICLE 3 - Les forces combattantes du FLN, existant au
jour du cessez-le-feu se stabiliseront à l'intérieur des régions correspondant à
leur implantation actuelle. ARTICLE 4 Les forces françaises stationnées aux frontières ne se retireront pas avant la proclamation des résultats de l'autodétermination. ARTICLE 5 Les plans de stationnement de l'armée française en Algérie prévoiront les mesures nécessaires pour éviter tout contact entre les forces. ARTICLE 6 En vue de régler les problèmes relatifs à l'application du cessez-le-feu, il est créé une Commission mixte de cessez-le-feu. ARTICLE 7 La Commission proposera les mesures à prendre
aux instances des deux parties; notamment en ce qui concerne: ARTICLE 8 Chacune des deux parties est représentée au sein de cette Commission par un officier supérieur et au maximum dix membres, personnel de secrétariat compris. ARTICLE 9 Le siège de la Commission mixte du cessez-le-feu sera fixé à Rocher-Noir. ARTICLE 10 Dans les départements, la Commission mixte du cessez-le-feu sera représentée, si les nécessités l'imposent, par des commissions locales composées de deux membres pour chacune des parties, qui fonctionneront selon les mêmes principes. ARTICLE 11 Tous les prisonniers faits au combat détenus
par chacune des parties au moment de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu,
seront libérés; ils seront remis dans les vingt jours à dater du cessez-le-feu
aux autorités désignées à cet effet. II - DÉCLARATIONS GOUVERNEMENTALES DU 19
MARS 1961 A) DÉCLARATION GÉNÉRALE Le peuple français a, par le référendum du 8 janvier 1961, reconnu aux Algériens le droit de choisir, par voie d'une consultation au suffrage direct et universel, leur destin politique par rapport à la République française. Les pourparlers qui ont eu lieu à Evian, du 7 mars au 18 mars 1962 entre le gouvernement de la République et le FLN., ont abouti à la conclusion suivante. Un cessez-le-feu est conclu. Il sera mis fin aux opérations militaires et à la lutte armée sur l'ensemble du territoire algérien le 19 mars 1962, à 12 heures. Les garanties relatives à la mise en œuvre de l'autodétermination et l'organisation des Pouvoirs publics en Algérie pendant la période transitoire ont été définies d'un commun accord. La formation, à l'issue de l'autodétermination d'un État indépendant et souverain paraissant conforme aux réalités algériennes et, dans ces conditions, la coopération de la France et de l'Algérie répondant aux intérêts des deux pays, le gouvernement français estime avec le FLN, que la solution de l'indépendance de l'Algérie en coopération avec la France est celle qui correspond à cette situation. Le gouvernement et le FLN ont donc défini d'un commun accord cette solution dans des déclarations qui seront soumises à l'approbation des électeurs lors du scrutin d'autodétermination. CHAPITRE PREMIER a) La consultation d'autodétermination permettra aux électeurs de faire savoir s'ils veulent que l'Algérie soit indépendante (la question ne sera pas posée lors du scrutin, le seul choix sera Indépendance associée à la France ou sécession ) et, dans ce cas, s'ils veulent que la France et l'Algérie coopèrent dans les conditions définies par les présentes déclaration. b) Cette consultation aura lieu sur
l'ensemble du territoire algérien, c'est-à-dire dans les quinze départements
suivants: Alger, Batna, Bône, Constantine, Médéa, Mostaganem, Oasis, Oran,
Orléansville, Saida, Saoura, Sétif, Tiaret, Tizi-Ouzou, Tlemcen. c) La liberté et la sincérité de la consultation seront garanties conformément au règlement fixant les conditions de la consultation d'autodétermination. d) Jusqu'à l'accomplissement de
l'autodétermination, l'organisation des Pouvoirs publics en Algérie sera établie
conformément au règlement qui accompagne la présente déclaration. Il est
institué un Exécutif provisoire et un Tribunal de l'ordre public. e) Le haut commissaire sera dépositaire des pouvoirs de la République en Algérie, notamment en matière de défense, de sécurité et de maintien de l'ordre et en dernier ressort. f) L'Exécutif provisoire sera chargé notamment:
g) Le Tribunal de l'ordre public sera composé d'un nombre égal de juges européens et de juges musulmans. h) Le plein exercice des libertés individuelles et des libertés publiques sera rétabli dans les plus brefs délais. i) Le FLN, sera considéré comme une formation politique de caractère légal. j) Les personnes internées tant en France qu'en Algérie seront libérées dans un délai maximum de vingt jours à compter du cessez-le-feu. k) L'amnistie sera immédiatement proclamée. Les personnes détenues seront libérées. l) Les personnes réfugiées à
l'étranger pourront rentrer en Algérie. Des Commissions siégeant au Maroc et en
Tunisie faciliteront ce retour. m) Le scrutin d'autodétermination aura lieu dans une délai minimum de trois mois et dans un délai maximum de six mois. La date en sera fixée sur proposition de l'Exécutif provisoire dans les deux mois qui suivront l'installation de celui-ci. CHAPITRE II I. - L'État algérien exercera sa
souveraineté pleine et entière à l'intérieur et à l'extérieur. L'État algérien se donnera librement ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu'il jugera le plus conforme à ses intérêts. Sur le plan international, il définira et appliquera en toute souveraineté la politique de son choix. L'État algérien souscrira sans réserve à la
Déclaration universelle des
droits de l'Homme et fondera ses institutions sur
les principes démocratiques et sur l'égalité des droits politiques entre tous
les citoyens sans discrimination de race, d'origine ou de religion. Il
appliquera, notamment, les garanties reconnues aux citoyens de statut civil
français. Nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison:
Dispositions concernant les citoyens
français de statut civil de droit commun
Les nationaux français exerçant les droits civiques algériens ne peuvent exercer
simultanément les droits civiques français. b) Afin d'assurer, pendant un délai de trois années, aux nationaux exerçant les droits civiques algériens et à l'issue de ce délai, de façon permanente, aux Algériens de statut civil français (Les Pieds Noirs), la protection de leur personne et de leurs biens, et leur participation régulière à la vie de l'Algérie, les mesures suivantes sont prévues :
B) DE LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET L'ALGÉRIE Les relations entre les deux pays seront fondées, dans le respect mutuel de leur indépendance, sur la réciprocité des avantages et l'intérêt des deux parties. L'Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales dans les conditions fixées par les présentes déclarations. en contrepartie, la France accordera à l'Algérie son assistance technique et culturelle et apportera à son développement économique et social une aide financière privilégiée. 1° Pour une période de trois ans renouvelable, l'aide de la France sera fixée dans des conditions comparables et à un niveau équivalent à ceux des programmes en cours. Dans le respect de l'indépendance commerciale
et douanière de l'Algérie, les deux pays détermineront les différents domaines
où les échanges commerciaux bénéficieront d'un régime préférentiel. 2° Dans les départements actuels des Oasis et de la Saoura, la mise en valeur des richesses du sous-sol aura lieu selon les principes suivants:
3° La France et l'Algérie développeront leurs relations culturelles. III. DU RÈGLEMENT DES QUESTIONS MILITAIRES Si la solution d'indépendance de l'Algérie et de coopération entre l'Algérie et
la France est adoptée, les questions militaires seront réglées selon les
principes suivants : IV. DU RÈGLEMENT DES LITIGES La France et l'Algérie résoudront les différends qui viendraient à surgir entre elles par des moyens de règlement pacifique. Elles auront recours soit à la conciliation, soit à l'arbitrage. A défaut d'accord sur ces procédures, chacun des deux États pourra saisir directement la Cour internationale de justice. V. DES CONSÉQUENCES DE L'AUTODÉTERMINATION Dès l'annonce officielle prévue à l'article 27 du règlement de
l'autodétermination, les actes correspondant à ces résultats seront établis. |