1 Situation généraleLe dénomination de Zanzibar est ambiguë, mais dans le cas présent elle désigne avant tout un État autonome de la Tanzanie situé dans l'archipel du même nom dans l'océan Indien. Cet archipel est situé en face des côtes tanzaniennes et est formé de trois îles principales (Unguja, Pemba et Mafia) et de plusieurs autres petites îles. Les îles d'Unguja et de Pemba forment l'État de Zanzibar, alors que l'île de Mafia est intégrée à la Tanzanie continentale. Autrement dit, Mafia n'est pas administrée par le gouvernement de Zanzibar, qui a juridiction sur les deux autres îles, Unguja et Pemba; Mafia fait partie de la région de Pwani dont elle constitue l'un des six districts. Pour ajouter à la confusion, l'île d'Ungula est également appelée Zanzibar (comme l'archipel), de même que sa ville la plus peuplée (Zanzibar City), 205 870 habitants. le terme de Zanzibar est formé de deux mots arabes: barr et Zand, qui signifient «terre des Zands», les Zands étant une ethnie africaine.
La superficie de l'archipel
de Zanzibar est de
2643 km²,
dont 1650 km²
pour Unguja et
980 km² pour
Pemba. Les deux îles
sont
situées à
50 km l'une de l'autre. L'île
de Pemba est connue sous le nom
arabe de Al Jazeera Al Khadra,
ce qui signifie «l'île verte». L'île
d'Unguja est entourée d'une
vingtaine d'îlots dans le canal de
Zanzibar, dont la plupart sont
inhabités. |
Zanzibar est divisé administrativement en cinq districts: North Unguja (Unguja-Nord), South Unguja (Unguja-Sud), Urban West (Ville-Ouest), North Pemba (Pemba-Nord) et South Pemba (Pemba-Sud).
L'État de Zanzibar est dirigé par le Gouvernement révolutionnaire de Zanzibar (en anglais : Revolutionary Government of Zanzibar ; en swahili: Jamhuri ya Watu wa Zanzibar), lequel gère la République autonome de Zanzibar couvrant deux des trois îles principales de l'archipel: Unguja et Pemba.
Bien que
Zanzibar puisse bénéficier d'une
autonomie politique, celle-ci
demeure plus limitée
que, par exemple, dans les États
de l'Inde, ceux des États-Unis
ou dans les provinces
canadiennes. Le
gouvernement de l'Union, la
Tanzanie, est responsable de la
défense, des affaires
extérieures, de la politique
fiscale et des questions
monétaires, tandis que Zanzibar
conserve sa juridiction sur la
santé, l'agriculture, la
sylviculture, la politique de développement et
des activités administratives
internes. L'éducation et la
culture ne sont pas des domaine
relevant de l'Union; par
conséquent, la responsabilité de
l'éducation incombe à Zanzibar.
Le Parlement local,
appelé Baraza la Wawakilishi
(«Chambre des
représentants»), ne peut adopter
que des lois spécifiques à
Zanzibar. Dans la plupart des
cas, les lois tanzaniennes
s'appliquent à Zanzibar. Le
pouvoir exécutif est assuré par
le président de Zanzibar, qui
est également l'un des ministres de
la Tanzanie.
2 Données démolinguistiques
Selon le recensement officiel de 2002 ("Tanzania
Population and Housing Census"), la Région autonome de Zanzibar
compte une
population de
981 754 habitants. Les districts
sont répartis de la façon suivante:
Les habitants de l'archipel de Zanzibar sont appelés des Zanzibarais ou Zanzibaris. La région est multiraciale: les Africains sont le groupe le plus nombreux, suivi des Arabes puis des Indiens. |
L'archipel, comme le reste de la Tanzanie, compte deux langues officielles: le swahili (kiswahili) et l'anglais. Les langues parlées dans l'archipel sont relativement nombreuses: swahili (appelé kiswahili), arabe omanais (200 000), arabe classique, hindi, ourdou, goujarat, konkani, anglais, italien, français, etc. Les langues numériquement les plus importantes sont le swahili et l'arabe omanais, l'arabe classique et l'anglais étant des langues secondes.
2.1 Le swahili
La République autonome de Zanzibar constitue l'un des rares États du monde à avoir une population dont la majorité parle le swahili (toujours appelé kiswahili à Zanzibar) comme langue maternelle. Dans les autres pays, y compris en Tanzanie, le swahili est une langue seconde véhiculaire servant aux communications inter-ethniques. À Zanzibar, le swahili est la langue la plus utilisée dans les familles, même lorsque l'un des conjoints est issus d'une communauté linguistique différente (comme l'arabe omanais). Le swahili est parlé dans toutes les îles de l'archipel et la plupart des Zanzibarais s'identifient à cette langue.
Cependant, il faut distinguer différentes variétés dialectales du swahili:
- le kiunguja (9000), parlé à Zanzibar City et dans les environs de la ville;
- le kitumbatu et le kimakunduchi parlés dans le reste de l'île d'Unguja;
- le kipemba (1900) parlé sur l'île de Pemba;
À l'extérieur des deux îles, il existe le kimrima, parlé à Pangani, à Vanga, à Dar es Salaam, à Rufiji et sur l'île de Mafia. Au Kenya, il y a le mijikenda parlé sur la petite île de Mvita au sud de Mombassa, le kingare et le chijomvu parlés dans la région de Mombasa, le chi-chifundi et le kivumba parlés sur la côte méridionale du Kenya, le kiamu parlé sur l'île de Lamou et le sheng parlé à Nairobi (capitale du Kenya). En Tanzanie il faut mentionner le swahili de l'île de Tumbato (56 000) et le swahili de Bajuni (16 000). L'intercompréhension entre ces variétés est relativement aisée.
2.2 L'anglais
L'anglais est la langue officielle au même titre que le swahili à Zanzibar comme en Tanzanie continentale. Elle n'est une langue maternelle que pour une faible portion de la population. L'anglais n'est abordé qu'en fin des études primaires et devient une simple «langue d'enseignement» dans les écoles secondaire, alors que ni les élèves ni les professeurs ne maîtrisent cette langue. Seulement 10 % de la population zanzibaraise est scolarisée dans cette langue, laquelle est mal maîtrisée par les élèves qui terminent leur secondaire. La population zanzibaraise est essentiellement swahiliphone, puis arabophone, avant d'être anglophone, et ce, contrairement à ce qu'écrivent la majorité des guides touristiques qui affirment
que «l'anglais est parlé par la majorité de la population».Il est vrai que, dans les lieux touristiques, les petits commerçants et le vendeurs savent généralement des mots anglais, mais la plupart seraient incapables d'entretenir une conversation dans cette langue. Normalement, les guides et employés des agences touristiques savent «baragouiner» l'anglais, c'est-à-dire un anglais extrêmement simple. En fait, les commerçants qui s'expriment en anglais sont généralement d'origine indienne et sont spécialisés dans l'exportation internationale.
2.3 L'arabe
Plus de 200 000 Zanzibarais s'expriment en arabe comme langue maternelle. Il s'agit de l'arabe omanais, non de l'arabe classique qui n'est appris que dans les écoles coraniques (les madrasa) et n'est utilisé que dans les mosquées. À Zanzibar, l'arabe omanais est employé dans les familles d'origine arabe; il ne sert pas aux échanges inter-ethniques (dominés par le swahili), ni dans les relations commerciales (dominées par l'anglais). Bien que les guides touristiques puissent prétendre que beaucoup de Zanzibarais connaissent l'arabe, peu d'entre eux seraient capables de poursuivre une conversation en arabe classique.
3 Bref historique de Zanzibar
Les premiers habitants des îles de Pemba et de Zanzibar semblent être arrivés vers le IIIe millénaire avant notre ère. Il s'agissait de pêcheurs côtiers venus de l'Afrique continentale grâce à des embarcations légères. Par la suite, des routes commerciales se développèrent le long de la côte africaine; celles-ci étaient utilisées par des marchands marins en provenance des régions arabes et indiennes, afin de faire le commerce, entre autres, des esclaves, de l'or, de l'ivoire et des épices. Progressivement, les habitants s'imprégnèrent de la culture arabe avant toute islamisation; c'est à cette époque que s'implanta la civilisation swahilie influencée par des mixages arabes et bantous.
3.1 L'influence persane
Au VIIIe siècle, le sultan perse de Chiraz s'installa à Zanzibar et favorisa une vague d'immigration persane. Selon les régions, trois groupes distincts se formèrent : les Watumbatu au nord d'Unguja, les Wahadimu au sud d'Unguja et les Wapemba à Pemba. Les habitants continuèrent à ses considérer comme des Chirazis et délaissèrent leurs origines bantoues. Au XIe siècle, les Omanais installés à Zanzibar entrèrent en conflit avec les Chirazis. L'archipel constitua un sultanat prospère et devint une centre commercial important entre Arabes, Perses et Indiens.
3.2 La colonisation portugaise
En 1499, l’île d'Unguja fut visitée par l’explorateur portugais Vasco de Gama (1469-1524). Elle passa sous autorité portugaise en 1503, car les Portugais, qui avaient vite compris l'intérêt stratégique de la création de comptoirs le long de la côte est-africaine, s'installèrent en même temps à Mombasa et sur les îles de Pemba et d'Unguja. C'est cette présence portugaise qui fut à l'origine de la fondation de la ville de Zanzibar en 1590. Les Portugais n'eurent guère le temps d'imposer leur langue sur le territoire, car ils durent affronter à la fois les Omanais, les Perses et les Britanniques. D'ailleurs, ce furent les Omanais qui réussirent à chasser les Portugais de la région en 1698.
3.3 La présence omanaise
Le sultanat d'Oman reprit le contrôle de Zanzibar à partir de 1698 au moment où toute l'économie était orientée vers le commerce d'esclaves. Afin de favoriser la culture de la datte à grande échelle, les Omanais durent importer des esclaves africains. Non seulement les Omanais employaient les esclaves qu'ils allaient chercher, mais ils utilisèrent Zanzibar comme poste de traite pour le commerce international. À la fin du XVIIe siècle, alors que toute la population s'était islamisée, l'arrivée d'un nouveau sultan sur le trône d'Oman marqua le début de l'alliance avec les Britanniques afin d'éloigner les Perses qui convoitaient la région. C'est au cours de cette période que s'implanta la langue arabe dans l'archipel, mais les populations continuèrent de parler leurs langues bantoues, notamment le swahili zanzibari, l'arabe et l'ourdou.
3.4 L'alliance anglo-omanaise
L'alliance anglo-omanaise entraîna progressivement le déclin de la traite arabe dans la région, car la Grande-Bretagne abolit l'esclavage en 1772. Comme les autres puissances coloniales firent de même, Zanzibar se trouva avec un surplus d'esclaves. De plus, les Britanniques exercèrent des pressions afin d'interdire les navires négriers d'accoster dans l'archipel qui dut s'orienter vers le commerce du clou de girofle, puis de l'ivoire. Mais les autorités omanaises n'appliquèrent à peu près jamais les clauses du traité anglo-omanais, si bien que, vers 1850, de 12 000 à 15 000 esclaves transitaient annuellement à Zanzibar. Il faudra attendre les années 1890 pour que l'esclavage soit totalement aboli à Zanzibar. En 1880, le sultanat de Zanzibar possédait encore une étendue considérable: il comprenait, outre l'île d'Unguja, l'île de Pemba au nord, celle de Mafia au sud, ainsi qu'une partie de la côte africaine, depuis la presqu'île des Somalis jusqu'au Mozambique portugais. Du côté de l'Ouest jusqu'aux grands lacs, les limites n'étaient pas précisées.
3.5 La colonisation britannique
Le 1er juillet 1890,
Zanzibar devint un protectorat britannique, le sultan de
Zanzibar n'ayant plus qu'un rôle symbolique. La langue anglaise
s'implanta dans l'administration, mais n'empêcha nullement le
swahili de tenir tête à l'anglais. Après la Seconde Guerre
mondiale, des revendications autonomiste virent le jour et des
partis politiques furent créés: l'Afro-Shirazi Union, qui devint
l'ASP (Afro Shirazi Party), était contrôlé par les Africains,
alors que le ZNP (Zanzibar Nationalist Party) l'était par les
Arabes. Après les émeutes raciales de 1961, les Britanniques
accordèrent l'indépendance à Zanzibar, le 10 décembre 1963, sous
la forme d'un sultanat (sultanat de Zanzibar).
3.6 L'indépendance et l'intégration à
la Tanzanie
Le sultanat de Zanzibar sombra dans l'anarchie. Le 12 juillet 1964, une violente révolution éclata et, dans la nuit du 11 janvier, il se produisit un véritable massacre, alors que plus de 17 000 Arabes et Indiens furent tués. Le coup d'État qui suivit permit l'instauration d'une république populaire à tendance marxiste et dirigée par le Gouvernement révolutionnaire de Zanzibar. À la suite du conflit racial qui s'était exporté au Tanganyika voisin, devenu indépendant le 9 décembre 1961, les deux pays en vinrent à un accord afin de fusionner, ce qui donna naissance à la République unie de Tanganyika et de Zanzibar, puis la Tanzanie (mot formé du Tan de Tanganyika et du Zan de Zanzibar), le 26 avril 1964.
Cette union politique permit à Zanzibar de conserver une certaine autonomie sous le contrôle du Gouvernement révolutionnaire de Zanzibar. L'autonomie devait durer dix ans, mais elle s'est prolongée indéfiniment. Puis le gouvernement autonome, dirigé par Sheik Abied Amani Karume, administra la région en violant fréquemment les droits de l'homme. Les Indiens, les Européens, les Asiatiques et les propriétaires terriens quittèrent l'île en constatant leurs biens et leurs terres étaient confisqués par l'État. En 1972, l'assassinat du président Karume apporta davantage de libertés. En effet, Aboud Jumbe Mwinyi, le nouveau leader du gouvernement révolutionnaire, moins extrémiste que Karume, entreprit quelques réformes et permit une ouverture vers les pays occidentaux. En 1984, Idris Abdul Wakil fut élu président de Zanzibar, et fut suivi par Salmin Amour dont le gouvernement continua d'encourager le secteur privé en libéralisant le commerce et en favorisant par le fait même le développement du tourisme. Cependant, les îles d'Unguja et de Pemba continuent aujourd'hui d'être la proie de violences raciales. En même temps, l'irrédentisme zanzibarais semble de plus en plus fort, exacerbé par les tensions religieuses illustrées en 1992 par l'adhésion secrète de l'île à l'OCI, l'Organisation de la conférence islamique, alors que le gouvernement zanzibarite n'a pas autorité pour conclure des accords internationaux. Bref, le climat politique demeure toujours tendu à Zanzibar, depuis plus de quarante ans, car les problèmes de cohabitation ethnique et religieuse à la base de la crise permanente n'ont jamais été résolus.
4 La politique linguistique
La République autonome de Zanzibar n'a pas développé une politique linguistique élaborée. De plus, les textes juridiques concernant l'emploi des langues sont inexistants, y compris ceux relatifs au gouvernement local de Zanzibar: la Constitution de 1984 de Zanzibar et la Regional Administration Authority Act de 1998.