Déclaration de la CIIP
relative à
la politique de l'enseignement des langues en Suisse romande
du 30 janvier 2003
La Conférence intercantonale de
l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin, considérant les
acquis de la coordination romande de l'enseignement des langues,
s'inscrivant dans la continuité
des travaux de la CDIP issus du Concept général pour l'enseignement des
langues (1998),
s'inspirant des travaux menés
sous l'égide du Conseil de l'Europe, en particulier le Cadre européen de
référence et le Portfolio européen des langues,
considérant ses prises de
position politiques antérieures en matière d'enseignement des langues en
Suisse,
vu les propositions du rapport
Principes généraux d'une politique coordonnée en matière d'enseignement
des langues pour la Suisse romande (juillet 2002),
sur le préavis de la conférence
des secrétaires généraux,
arrête
La politique de l'enseignement
des langues qu'elle entend promouvoir dans les écoles publiques
francophones des cantons de la Suisse romande est définie selon les
principes et les thèses d'application suivants :
1. Les principes
1.1 Portée
Les principes de base de la politique de l'enseignement des langues
s'étendent - quoique à des degrés divers - aussi bien à la scolarité
obligatoire qu'au degré secondaire II (voies gymnasiale, de culture
générale et de l'enseignement professionnel).
1.2 Intentions générales
En plus de l'enseignement du français (langue locale), tous les élèves
bénéficient, au cours de leur scolarité obligatoire, d'un enseignement de
l'allemand et de l'anglais. L'enseignement d'au moins une langue étrangère
se poursuit au niveau secondaire II. En parallèle à ces enseignements, il
est offert aux élèves des occasions de contact avec d'autres langues.
L'enseignement des langues est
orienté vers une approche centrée sur les processus d'apprentissage des
élèves. Il participe au développement chez l'élève de compétences de
communication opérationnelles dans plusieurs langues (plurilinguisme).
1.3. Relations entre les
apprentissages / curriculum intégré
L'enseignement/apprentissage des langues doit s'inscrire à l'intérieur
d'un curriculum intégré commun à l'ensemble des langues (langue locale,
langues étrangères et langues anciennes). Ce curriculum intégré des
langues définira la place et le rôle de chacune d'entre elles par rapport
aux objectifs linguistiques et culturels généraux. Il précisera les
apports respectifs et les interactions entre les divers apprentissages
linguistiques.
1.4. Immersion et échanges
L'enseignement/apprentissage des
langues tend à s'articuler à des contenus scolaires au travers notamment
de démarches d'enseignement bilingue.
Des occasions de rencontres diversifiées avec les langues vivantes sont
offertes aux élèves (au travers notamment d'échanges scolaires) de façon à
promouvoir l'acquisition d'attitudes d'ouverture vis-à-vis d'autres
langues et à favoriser l'acquisition de compétences sociales et
interculturelles.
1.5. Évaluation des
apprentissages
L'enseignement/apprentissage des langues appelle le développement d'une
culture de l'évaluation passant notamment par des démarches de type
portfolio et la reconnaissance des acquis antérieurs des élèves.
Une attention particulière est
portée sur la nécessité de donner à tous les élèves la possibilité de
s'engager dans des apprentissages linguistiques sans que cela représente
un écueil de plus pour eux et un risque supplémentaire de marginalisation.
1.6. Formation des enseignants
La réussite d'une telle politique de l'enseignement/apprentissage
nécessite qu'un poids important soit accordé à la formation initiale et
continue des enseignants.
2. Thèses en vue de la mise
en oeuvre de la politique romande en matière d'enseignement des langues
2.1. Place des langues dans
le curriculum
1. L'enseignement du français,
langue véhiculaire et de culture du lieu ainsi que langue d'intégration
est objet d'une attention particulière tout au long de la scolarité, de
l'école enfantine à la fin du cursus de formation de chaque élève.
2. L'enseignement de
l'allemand débute pour tous les élèves en 3e année primaire au plus
tard. Des occasions de contact avec cette langue peuvent être aménagées
dans les degrés précédents sous forme notamment de modules d'immersion.
3. L'anglais est enseigné à
tous les élèves à partir de la 7e année. Des occasions de contact avec
cette langue sont proposées aux élèves dès la 5e soit au travers
d'autres disciplines, soit dans le cadre de correspondances ou par le
biais de la consultation de documents en anglais.
4. A terme, et dans la
perspective d'une formation au plurilinguisme, l'apprentissage de
l'anglais pourrait débuter dès la 5e année. Cette hypothèse nécessite au
préalable une étude sérieuse sur les conditions à réunir et les moyens à
mettre en œuvre pour la réaliser.
5. Dans le but de promouvoir
la connaissance de l'italien et la culture qui y est associée, des
occasions de contacts diversifiés avec l'italien sont offertes dès la 7e
année (sous la forme d'activités de type éveil aux langues - notamment
en collaboration avec les enseignants de cours de langue et de cultures
italiennes -, de consultation de sources en italien dans diverses
disciplines ou encore d'échanges individuels). De manière
complémentaire, les cantons s'efforcent d'offrir aux élèves,
indépendamment de leur niveau scolaire, la possibilité de suivre un
enseignement de l'italien, sous forme d'option, dès la 7e année.
6. Les langues anciennes
participent à la formation culturelle et linguistique des élèves. Leur
place dans l'école obligatoire est réaffirmée et des modules de type "
éveil aux langues " spécifiques sont mis à disposition de l'ensemble des
classes du secondaire I. Ils portent sur l'étude du fonctionnement de la
langue, notamment de la syntaxe et du vocabulaire, dans la perspective
des transferts à réaliser sur d'autres apprentissages ou sur des
dimensions culturelles et de civilisation.
7. Les langues de la migration
ont également leur place dans le cadre d'une approche coordonnée de
l'enseignement/apprentissage des langues. Pour les élèves migrants, il
faut tendre à assurer une meilleure coordination entre les cours de
langue et de culture d'origine et les différents apprentissages
linguistiques. Cela nécessite la mise en oeuvre des principes contenus
dans les recommandations de la CDIP.
2.2. Objectifs de
l'apprentissage des langues
8. Les objectifs sont définis,
pour l'ensemble des langues concernées, en relation avec les niveaux du
Cadre européen commun de référence pour les langues qui vont du
débutant, pour le niveau A1, au locuteur expérimenté, au niveau C2.
En fin de 6e année, les
objectifs pour l'allemand, aussi bien en expression qu'en compréhension,
correspondent au premier niveau du Cadre européen commun de référence
pour les langues, soit le niveau A1 (niveau introductif ou de
découverte).
9. À terme, les niveaux minima
à atteindre en fin de scolarité obligatoire par tous les élèves sont les
mêmes pour l'allemand et l'anglais. En expression orale et écrite, ces
objectifs sont de niveau B1, soit le niveau seuil (correspond à des
compétences d'expression s'appuyant sur des données simples dans un
contexte familier). En compréhension, les objectifs sont de niveau B1+.
Dans une phase intermédiaire, qui ne devrait pas dépasser 2010, les
objectifs minimums communs à tous les élèves sont de niveau A2 en
expression (niveau intermédiaire - communication sur des tâches simples
et habituelles) et de niveau A2+ en compréhension.
10. Les objectifs
linguistiques sont complétés par d'autres objectifs portant sur la
connaissance de la réalité sociale, culturelle et géographique des pays
concernés. Pour l'allemand, une partie de ces objectifs concernent la
Suisse alémanique et portent sur le développement d'attitudes
d'ouverture vis-à-vis de la culture alémanique et de compétences de
communication avec des locuteurs alémaniques (diglossie). En anglais, un
accent est mis sur la compréhension du monde anglophone et de sa
diversité (sur les plans social et culturel, notamment).
2.3. Relations entre les
apprentissages linguistiques
11. Les apprentissages des
différentes langues sont construits dans leur complémentarité et dans
leurs interactions possibles. Dans cet esprit, l'apprentissage de
l'allemand, en tant que première langue étrangère, est également pensé
en tant que préparation à l'apprentissage d'autres langues, par exemple,
par la mise en place de stratégies et de techniques d'apprentissage.
L'apprentissage de l'anglais, pour sa part, doit s'appuyer sur les
apprentissages déjà réalisés par les élèves en allemand. Les langues
anciennes de même que les langues de la migration sont également
envisagées dans leurs apports aux autres apprentissages.
12. Les liens entre
l'apprentissage du français et celui des langues qui interviennent
ultérieurement sont précisés au niveau aussi bien de l'étude du
fonctionnement de la langue que de la mise en place de stratégies
d'acquisition.
13. Les moyens d'enseignement
intègrent des éléments permettant d'établir des ponts avec les autres
langues et d'instaurer les bases d'une didactique intégrée. Dans le même
esprit, des modules de type éveil aux langues sont également proposés.
2.4. Insertion de
l'enseignement/apprentissage des langues dans des contenus scolaires et
pédagogie des contacts
14. Un accent fort est mis sur
un apprentissage des langues intégré à des contenus scolaires et sociaux
au travers notamment de démarches d'enseignement par immersion,
d'échanges et de contacts divers.
L'enseignement bilingue, sous
ses formes diverses, est rendu plus accessible aux enseignants par la
mise à disposition d'outils adaptés et d'offres de formation.
15. Les contacts - sous forme
d'échanges de classes, d'enseignants, de groupes d'élèves, d'échanges
individuels d'élèves ou de correspondances prolongées - font partie de
l'enseignement/apprentissage des langues. Ils prennent place à
l'intérieur d'une pédagogie des contacts. Ils sont encouragés et
favorisés par des mesures concrètes. Une priorité est donnée au cours de
la scolarité obligatoire aux échanges et contacts en lien avec
l'allemand.
Chaque élève se voit offrir,
au cours de sa scolarité obligatoire, une palette de possibilités de
contacts et d'échanges linguistiques.
2.5. Evaluation des
apprentissages des élèves
16. Le Portfolio européen des
langues (PEL 15+) ainsi que les deux Portfolios en cours de rédaction
pour des élèves plus jeunes offrent des instruments permettant d'évaluer
les apprentissages des élèves tout en favorisant leur autonomie. Une
place importante est donnée, dans l'évaluation, aux démarches s'appuyant
sur l'utilisation de ces instruments.
17. De façon à favoriser une
approche positive de l'apprentissage des langues chez les élèves, on
s'efforcera, d'une part, de pondérer la prise en compte des résultats en
langue étrangère dans les processus d'orientation et de sélection (à
l'articulation entre les cycles ou entre le primaire et le secondaire I)
et, d'autre part, lors des évaluations, d'accorder davantage
d'importance aux acquis et aux progrès des élèves qu'à leurs
difficultés.
18. Les compétences acquises
par les élèves en fin de scolarité obligatoire sont certifiées selon les
niveaux du Cadre européen commun de référence. A moyen terme, des ponts
seront établis avec des certificats de langue internationaux.
2.6. Formation des
enseignants
19. La formation initiale vise
à préparer les futurs enseignants de langue ou les généralistes à entrer
dans des démarches de didactique des langues coordonnées ; elle permet
une sensibilisation de l'ensemble des enseignants à leur apport dans la
construction de compétences plurilingue et pluriculturelle chez les
élèves.
20. Une place est réservée
dans la formation des maîtres généralistes et des enseignants de
français à la didactique du français langue étrangère. Les enseignants
sont sensibilisés aux difficultés spécifiques rencontrées dans leurs
disciplines propres par les élèves allophones débutants en français,
ainsi qu'aux moyens de les prévenir ou de les réduire.
21. Les enseignants de langue
et les généralistes sont initiés, au cours de leur formation initiale, à
la pédagogie des contacts et aux principes de l'enseignement bilingue.
On favorisera dans ce but des occasions de contacts diversifiés avec les
langues, soit sous forme d'échanges, de correspondance ou de
consultation de documents et de sources en langues étrangères.
22. Compte tenu de
l'importance de l'enseignement/apprentissage de l'allemand à l'école
obligatoire et du souci consistant à ouvrir l'enseignement des langues
en direction de contenus scolaires, un niveau exigeant de compétences en
allemand est visé pour l'ensemble des enseignants (aussi bien du
primaire que du secondaire I).
À l'entrée en formation
pédagogique un niveau de maîtrise linguistique et culturelle minimum est
exigé (niveau C1 pour les spécialistes et les semi-généralistes en
charge de l'enseignement de l'allemand, et B2 pour les généralistes),
des offres de formation complémentaire sont proposées en cours de
formation pédagogique aux étudiants ne l'ayant pas atteint.
Neuchâtel, le 30 janvier 2003
Le président de la Conférence,
Thierry Béguin
Le secrétaire général,
Jean-Marie Boillat
|