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MoldavieArrêt de la Cour
constitutionnelle n° 4 du 21 janvier 2021 |
Cet arrêt de la Cour constitutionnelle de Moldavie déclare inconstitutionnelle la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie adoptée le 16 décembre 2020. Selon la Cour la langue russe ne bénéficie pas d'un statut spécial sur le territoire de la République. La Cour se réfère aux résultats du recensement de 2014, lorsque 77,87% de la population de la Moldavie a déclaré parler roumain et seulement 9,39% russe, ce qui crée une discrimination pour les autres minorités. De plus, cette loi fut votée au Parlement en l'absence d'avis du gouvernement, sans débat comme l'exige la législation, sans consultation de la société civile et même sans débat de l'Académie de Moldova et de la communauté scientifique. La décision de la Cour est définitive et sans appel.
Hotărârea nr. 4 din 21.01.2021 pentru
controlul constituționalității Legii nr. 234 din 16 decembrie 2020
cu privire la funcționarea limbilor vorbite pe teritoriul Republicii
Moldova 37. Potrivit articolului 13 alin. (1) din Constituție, în
interpretarea Hotărârii Curții Constituționale nr. 36 din 5
decembrie 2013, limba de stat a Republicii Moldova este limba română.
Consacrarea constituțională a limbii române ca limbă de stat îi
conferă acesteia caracterul de limbă oficială a statului. Cel de-al
doilea alineat al aceluiași articol prevede că statul recunoaşte şi
protejează dreptul la păstrarea, la dezvoltarea şi la funcţionarea
limbii ruse şi a altor limbi vorbite pe teritoriul ţării. Menționarea
limbii ruse are, în acest text constituțional, un caracter
exemplificativ și nu îi conferă limbii ruse, în Republica Moldova,
un statut deosebit de cel al altor limbi vorbite pe teritoriul țării
(ucraineană, găgăuză, bulgară, romani etc.). Alineatul (4) al
articolului 13 din Constituție prevede că modul de funcționare a
limbilor pe teritoriul Republicii Moldova se stabilește prin lege
organică. Din acest alineat se poate deduce existența unei obligații
pozitive a Parlamentului de a reglementa prin lege organică modul de
funcționare a limbilor pe teritoriul Republicii Moldova. În acest
sens, marja discreționară a Parlamentului este limitată de
prevederile constituționale. HOTĂRĂŞTE: 1. Se admit sesizările
depuse de dl Octavian Țîcu, dl Dinu Plîngău și dna Maria Ciobanu,
deputați în Parlamentul Republicii Moldova. Președinte Domnica MANOLE |
Arrêt n° 4 du 21
janvier 2021 pour le contrôle
de la constitutionnalité de la loi n° 234 du 16 décembre 2020 sur
le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la
république de Moldavie 37. Selon l'article 13 par. 1 de la Constitution, dans l'interprétation de l'Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 36 du 5 décembre 2013, la langue officielle de la république de Moldavie est le roumain. La consécration constitutionnelle de la langue roumaine comme la langue de l'État lui donne le caractère d'une langue officielle de l'État. Le deuxième paragraphe du même article dispose que l'État reconnaît et protège le droit à la préservation, au développement et au fonctionnement de la langue russe et des autres langues parlées dans le pays. La mention de la langue russe a, dans ce texte constitutionnel, un caractère exemplaire et ne confère pas à la langue russe, en république de Moldavie, un statut particulier par rapport à celui des autres langues parlées sur le territoire du pays (ukrainien, gagaouze, bulgare, roumain, etc.). Le paragraphe 4 de l'article 13 de la Constitution dispose que le fonctionnement des langues sur le territoire de la république de Moldavie est établi par une loi organique. De ce paragraphe, on peut déduire l'existence d'une obligation positive du Parlement de réglementer par une loi organique le fonctionnement des langues sur le territoire de la république de Moldavie. À cet égard, le pouvoir discrétionnaire du Parlement est limité par les dispositions constitutionnelles. 46. En 2018, la Cour a déclaré obsolète la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la République socialiste soviétique moldave, adoptée en 1989. Les principales raisons étaient le paternalisme induit par la Loi sur l'usage des langues, incompatible avec les réalités européennes actuelles des droits fondamentaux et dans le caractère transitoire de la loi, valable uniquement pour le moment où elle a été adoptée, démontrée par de nombreuses lois ultérieures qui ont repris ses dispositions et rendu son existence inutile. 51. Dans le même temps, la Cour note que l' intérêt de la protection et de la promotion de la langue officielle doit être mis en balance avec l'intérêt de la reconnaissance et de la protection des droits linguistiques des citoyens appartenant à des minorités ethniques. Le droit de la population d'employer la langue officielle de l'État et le droit des citoyens appartenant à des minorités nationales d'employer leur langue maternelle peuvent coexister, si tant la majorité que les minorités ont une attitude mutuellement positive dans leurs relations. Les droits linguistiques des minorités ethniques sont garantis et protégés tant au niveau national qu'au niveau international . 54. La Cour note que l'équilibre entre la protection de la langue roumaine en tant que langue officielle et la protection des langues des minorités ethniques n'est pas assuré par les dispositions de la loi contestée. 55. Ainsi, l'article 2 de la loi confère à la langue russe un statut privilégié par rapport aux autres langues des minorités ethniques de la république de Moldavie, un statut qui ne découle pas de la Constitution. Comme la Cour l'a observé à partir des données collectées dans le cadre du recensement de 2014, il existe des districts (par exemple, Briceni, Drochia, Edinet, Falesti, Glodeni, Hancesti, Ocnita, Rascani, Soldanesti) dans lesquels la langue ukrainienne, par exemple, a un proportion plus élevée que le russe. D'après les mêmes données, on peut constater que, dans certains districts, la langue russe a une petite proportion de moins de 3% (par exemple, Cantemir, Calarasi, Criuleni, Dubasari, Hancesti, Ialoveni, Nisporeni, Orhei, Straseni, Soldanesti, Telenesti). Cependant, parce qu'il est élevé au niveau de langue de communication interethnique, le russe, langue d'une minorité ethnique, acquiert un statut quasi officiel aux côtés du roumain. 59. La Cour note que l'article 13 de la Constitution ne reconnaît
qu'une seule langue officielle et ne contient pas l'expression «langue
de communication interethnique». Le statut constitutionnel de la
langue officielle implique précisément la fonction de la langue
officielle
comme langue de communication entre tous les citoyens de la
république de Moldavie, quelle que soit leur origine ethnique à cet
égard, et l'article 10 par. (1) de la Constitution, selon lequel
l'État est fondé sur l'unité de la république de Moldavie, qui est
le patrie commune et indivisible de tous ses citoyens. 61. La loi contestée accorde un traitement préférentiel à la
langue russe, quel que soit le nombre de membres des minorités
ethniques qui l'emploient dans les unités administratives et
territoriales du pays. Les citoyens ont le choix, dans la grande
majorité des cas, entre le roumain et le russe. Ce fait présuppose,
en pratique, que la langue roumaine ne pourra pas remplir sa
fonction de langue officielle. La Cour note que l'article 13 de la
Constitution de la république de Moldavie n'autorise pas une telle
option. 63. En accordant à la langue russe un statut
analogue à celui de
la langue roumaine, la loi contestée diminue la force intégratrice
de la langue officielle, notamment dans le domaine d'activité des
pouvoirs publics. DÉCIDE:
1. Les plaintes présentées par M.
Octavian Țîcu, M. Dinu Plîngău et Mme Maria Ciobanu, députés au
Parlement de la république de Moldavie, sont admises.
La présidente, Domnica MANOLE |