Avant la conquête arabe de 638 par le calife Omar (634-644), la Palestine fut cananéenne, puis phénicienne, égyptienne, hébraïque, perse, grecque, romaine et byzantine. Autrement dit, l'histoire de cette époque ancienne est en partie commune aux Palestiniens arabes et aux Hébreux.
3.1 La patrie d'origine des Arabes
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En 854 avant notre ère, les Arabes auraient fait leur apparition dans l’histoire. Les premières nations arabes furent généralement des nomades vivant dans le centre de ce qui est aujourd'hui l'Arabie Saoudite. Cependant, ils avaient développé également des centres urbains et de petits royaumes au sud de la péninsule Arabique,
plus précisément dans l'actuel Yémen. Avec le temps, ils s'établirent aussi au nord de la péninsule, puis en Mésopotamie et en Syrie. Les conquêtes arabo-musulmanes ne devaient survenir qu'au VIIe siècle avec l'avènement de Mahomet (570-632).
Pendant ce temps, avant l'arrivée des Romains, les Hébreux (ou Israélites) vivaient dans ce qui est aujourd'hui
la Palestine. En 63 avant notre ère, après le siège de Jérusalem, le général romain Pompée fit de la Palestine une province romaine — la Judée — gouvernée par des rois hébreux.
Les Romains désignèrent la région sous le nom de Palaestina Prima au sud
et de Palaestina Secunda au nord. |
3.2 La province romaine, puis byzantine
Sous l'Empire romain, la population de la Palestine était peuplée majoritairement par des Grecs, alors que les Juifs ne représentaient que le quart ou le tiers des habitants. En plus de ces deux grandes communautés, il y avait aussi des Arabes et des
Nabatéens (Arabes nomades) dans le sud de la Palestine. Le grec, l'araméen, le latin et l'hébreu restaient les seules langues écrites dans la région, car l'arabe ne s'écrivait pas encore.
- Les Romains
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Les Romains expulsèrent les Juifs pratiquants hors de la région qu'ils nommèrent Palaestina Syria, c'est-à-dire la «Syrie palestinienne», le royaume israélite de Judée étant définitivement aboli. La ville de Jérusalem fut déclarée «cité romaine» et interdite aux Juifs sous peine de mort.
Par conséquent, plusieurs communautés juives se réfugièrent en Galilée, au nord de la Palestine, notamment au lac de Tibériade (mer de Galilée).
Quant à la communauté juive d'Égypte, estimée à 300 000 individus, elle fut exterminée entre 115 et 117 par les soldats romains de Trajan et par les citoyens grecs d'Alexandrie.
En 300 de notre ère, les Juifs formaient environ un quart de la
population et vivaient dans des colonies compactes en Galilée, tandis
que les Samaritains restaient concentrés en Samarie. Le christianisme
avait gagné du terrain parmi la population et les chrétiens formaient
une majorité en Palestine et à Jérusalem; l’empereur romain Constantin légalisa
même cette religion en 313 par les édits de Milan. |
- Les Byzantins
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Après le partage de l'Empire romain en 395, la Palestine devint byzantine
(«Empire romain d'Orient»). Les chrétiens devinrent de plus en plus puissants, puis majoritaires. La Palestine byzantine connut un âge d’or économique, politique et culturel, alors que l'Empire
romain d'Occident disparaissait. La population de la Palestine byzantine était composée de colons romains, de juifs convertis au christianisme, de divers peuples amenés par les Romains, ainsi que de petites communautés arabes et d'un groupe de Samaritains. Jusqu'à cette époque, les Arabes ne formaient que de petites communautés minoritaires en Palestine, notamment par l'apport des Bédouins. Les relations entre les juifs et les chrétiens de l'Empire byzantin furent généralement tendues, car les autorités empêchaient
les juifs de prier sur le mont du Temple, un lieu sacré pour les juifs.
Les langues les plus courantes de la Palestine byzantine étaient le grec et l'araméen. Néanmoins, les Juifs restant en Palestine ne parlaient plus l'hébreu, mais l'araméen, tandis que les Ghassanides, une importante communauté arabe christianisée, s'exprimait en arabe. |
En somme, les Ghassanides constituaient les premiers Arabes de la Palestine et du Levant. Une fois installés dans la région, ils devinrent un État vassal de l’Empire byzantin auprès duquel ils jouèrent le rôle d'«alliés fédérés». Ayant été autorisés à créer un royaume au sein de l'Empire byzantin, les Ghassanides servirent également de zone tampon entre les terres annexées par les Romains et l'Arabie. À son apogée, le royaume des Ghassanides s'étendit du sud de la Syrie jusqu'à Médine en Arabie, avec pour capitale Jabiyah dans le Golan actuel. Durant cette période, les Ghassanides effectuèrent des pèlerinages en «Terre sainte». En 542, une épidémie de peste bubonique survint et fit périr un tiers de la population.
3.3 La conquête arabe
À la fin du VIe siècle, une nouvelle religion monothéiste appelée «islam» fut fondée par Mahomet, dont les adeptes furent connus sous le nom de «musulmans». Mahomet réussit à unir les tribus d’Arabie dans un régime
militaro-religieux, un califat, dont lui et ses successeurs étendirent les domaines en un vaste empire au moyen de «guerres saintes» successives. Les affrontements militaires avec l’Empire byzantin commencèrent du vivant de Mahomet. La première bataille opposant musulmans et Byzantins eut lieu en 629 près du village de Mu’tah, à l’est du Jourdain. Mahomet voulait ainsi conquérir les territoires des Arabes chrétiens, les Ghassanides, vassaux de l'Empire byzantin. Les forces musulmanes furent mises en déroute, mais Mahomet considéra néanmoins la défaite comme une victoire.
- L'arabisation
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Avant sa mort en 632, Mahomet et ses troupes avaient réussi à soumettre
la plus grande partie de l'Arabie, l'Iran et l'Afghanistan. En même temps,
Mahomet avait pu arabiser et
islamiser les populations vaincues, mais certains peuples refusèrent
d'adopter l'arabe, dont l'Iran et l'Afghanistan, et conservèrent leurs
langues locales.
Les armées musulmanes finirent par vaincre les Byzantins à la bataille de Fahl, dans la vallée du Jourdain en Jordanie, le 23 janvier 635. Dès lors, presque toute la Palestine, la Jordanie et la Syrie méridionale, à l’exception de Jérusalem, furent aux mains des musulmans. En 638, le calife Omar (634-644) envahit le
reste de la Palestine et prit Jérusalem. Il annexa les territoires de la Syrie et de
la Palestine. Des juifs et des chrétiens restèrent néanmoins à Jérusalem, et les premiers musulmans, des Arabes de la péninsule Arabique, commencèrent à s'y installer,
tandis que les juifs ne formaient plus que de petites communautés éparses.
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Avec la conquête arabe commença une période de treize siècles de présence musulmane en Palestine. Les Arabes divisèrent la province d'ash-Sham («Syrie») en cinq districts (jund), dont l'un conserva le nom de Palestine (Filastīn) et s'étendit du Sinaï jusqu'à Akko (future Saint-Jean-d'Acre); la capitale locale fut d'abord Ludd, puis dès 717 ar-Ramlah (Ramallah) et, plus tard, Jérusalem qui devient la troisième ville sainte de l’islam.
- Le statut des non-musulmans
Au cours du premier siècle après la conquête arabe, le calife et les gouverneurs de la «Syrie» régnèrent entièrement sur des habitants chrétiens et juifs. Les seuls Arabes à l'ouest du Jourdain étaient les Bédouins installés avant la conquête arabe, si l'on fait exception des soldats qui formaient les garnisons militaires. Les Palestiniens, juifs comme chrétiens, ne furent pas dans l'obligation de devenir musulmans. On peut croire qu'il s'agissait d'un acte de tolérance de la part des conquérants musulmans, mais en réalité cette «concession» correspondait à une conviction fondamentale de l'islam: les juifs et les chrétiens devaient être considérés comme des individus appartenant à une «classe inférieure» possédant un statut particulier de dhimmi («protégés»).
Donc, pas question d'égalité, la discrimination étant plus avantageuse pour
l'Empire!
Ce statut de dhimmi obligeait non seulement les chrétiens et les juifs à payer un impôt particulier par tête, mais aussi à être bannis de l'administration publique, à se faire interdire de construire de nouveaux temples (synagogues et églises) et d'employer obligatoirement des travailleurs musulmans. C'est pourquoi, après plus d'un siècle, la majorité de la population,
devenue plus pragmatique, avait adopté l'islam. La plupart des Palestiniens, chrétiens comme juifs, qui parlaient l'araméen, finirent par adopter non seulement la langue arabe, mais aussi la religion islamique.
- L'âge d'or arabo-musulman
Malgré les nombreux conflits politiques et les luttes dynastiques pour le pouvoir, le pays profita de la prospérité de la civilisation islamique et son âge d’or dans les sciences, les arts, la philosophie et la littérature. Les musulmans prirent soin de préserver les connaissances léguées par les Grecs et développèrent de nouveaux domaines de connaissance, ce qui allait contribuer plus tard au succès de la Renaissance en Europe. Le géographe arabe Muqaddasi, né à Jérusalem en 942, considérait en 985 que la Palestine s’étendait de la plaine côtière à la steppe, à travers la montagne, puis la dépression du Jourdain. Il se plaignait qu'«à Jérusalem la grande majorité de la population est juive» et déplorait que «la mosquée soit vide des adorateurs». Cela signifiait que les Arabes ne constituaient encore qu'une minorité de la population, du moins à Jérusalem. Mais la langue arabe s'était
néanmoins implantée partout en Palestine.
Au Xe siècle, la dynastie régnante des Fatimides s'opposa aux attaques turques, bédouines et byzantines. Bien que la Palestine soit désormais sous une autorité musulmane, l’affection du monde chrétien pour la «Terre sainte» n'avait pas cessé de croître, au contraire.
Jérusalem restait pour les chrétiens le centre du monde spirituel terrestre.
3.4 Le temps des croisades
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À partir de 1096 jusqu'à 1099 eut lieu la première croisade des chrétiens. La Palestine
fut alors appelée «Terre sainte» par les chrétiens. Le nom de «Palestine» perdit sa valeur officielle sous le gouvernement des Croisés, qui créèrent un nouvel État: le
Royaume latin de Jérusalem. Une grande partie des habitants musulmans et juifs fut massacrée par les chrétiens. Le
Royaume latin de Jérusalem devait durer un peu moins de deux siècles. Sous le
régime des Croisés, le français (surtout), mais aussi l'allemand, l'anglais et
l'italien furent largement employés dans l'organisation administrative.
Toutefois, la langue de communication quotidienne resta l'arabe dans toute la
région.
Après la défaite et le départ des Croisés (XIIe et XIIIe siècles), les jund arabo-musulmans
(districts) furent réintroduits à la place des évêchés et des paroisses. La communauté juive redevint plus nombreuse, notamment dans les villes côtières. |
À la fin du XIIIe siècle, la «Syrie» fut divisée en neuf «royaumes», dont les royaumes de Gaza (avec Askalon et Hébron), Karak (avec Jaffa), Safed (avec Acre, Tyr et Sidon) et Damas (avec Jérusalem au sud). Au milieu du XIVe siècle, l'appellation «Filastin» redevint le nom officiel du district avec pour chef-lieu Jérusalem; Tibériade devint le chef-lieu d'un autre district, celui de Hauran. Au cours de cette période, la Palestine accueillit des réfugiés arabes chassés par l’arrivée des Mongols en Irak et en Syrie; vers la fin du XVe siècle, ce fut le tour de nombreux réfugiés juifs chassés d’Espagne. Beaucoup d’entre eux s’installèrent en Galilée. Cependant, à la fin de la domination arabe, il ne restait plus que quelques milliers de Juifs en Palestine.
3.5 La domination ottomane
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Lors de la victoire des Turcs ottomans sur les Mamelouks égyptiens en 1517, la Palestine allait devenir turque et faire partie de l'Empire ottoman jusqu'à l'hiver de... 1917-1918. Le pays fut divisé en quatre districts administrativement rattachés à la «province de Damas» et gouvernés depuis Istanbul. Le district de Jérusalem fut placé entre les mains de Palestiniens arabisés, descendant des Cananéens et des colonisateurs successifs. Le nom de Palestine perdit sa dénomination officielle pour «province de Damas» (Dimashq al-Shâm), mais la population locale continua d'employer familièrement et officieusement Filastin. Le
turc devint la langue officielle de l'administration, alors que l'arabe restait la langue de la majorité de la population locale. Cependant, certaines communautés apprenaient l'arabe classique, le turc
ottoman et/ou le français.
Malgré la mainmise turque et musulmane sur la région, les communautés chrétiennes et juives conservèrent une certaine autonomie. La Palestine bénéficia de la prospérité de l’Empire ottoman au cours du XVIe siècle, mais déclina lentement au cours du siècle suivant. Ce déclin eut des répercussions sur le commerce, l’agriculture et la démographie, et il se prolongea jusqu’au XIXe siècle. Au début de ce siècle, la population de la Palestine avait été réduite de la moitié par rapport à ce qu'elle avait été au XVIe siècle; il ne restait environ que 250 000 habitants, dont environ quelque 10 000 juifs et quelques milliers de chrétiens, mais la région restait massivement arabo-musulmane. |
C'est à cette époque que les puissances européennes s'installèrent au
Proche-Orient parce qu'elles étaient à la recherche de matières premières et de marchés, sans oublier les besoins de stratégie militaire. Au cours des années 1880, des colons allemands et des immigrants hébreux apportèrent des machines modernes et des capitaux nécessaires au développement du pays. On estime que la Palestine abritait quelque 24 000 Juifs, alors que la population totale s'élevait à quelque 400 000 habitants; les langues les plus utilisées étaient l'arabe palestinien et le turc
ottoman.
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Le gouvernement ottoman imposa de sévères restrictions à
l'immigration et à l'achat de terres par les Juifs, beaucoup moins par
les Arabes musulmans. La Palestine fut divisée entre le vilayet
(province) de Damas, le vilayet (province) de Beyrouth et le sandjak
(arrondissement) de Jérusalem. Toute la région fut progressivement appelée par les
Ottomans Arz-i Filistin («terre des Philistins») pour désigner la zone située entre la Méditerranée et
celle de chaque côté du Jourdain.
Malgré les «rescrits» (ou ordonnances) impériaux ottomans obligeant les autorités locales de fonder des écoles qui incorporaient des élèves de toutes confessions religieuses et malgré une loi générale de l’Empire ottoman de 1869 exigeant une instruction obligatoire d’au moins trois ans pour tous les «citoyens ottomans», les élèves des écoles publiques des
vilayets de Beyrouth et de Damas demeurèrent majoritairement musulmans, car les chrétiens et les juifs préféraient envoyer leurs enfants dans les différentes écoles missionnaires occidentales. À la veille de la Première Guerre mondiale (1914), la
«Palestine» comptait plus de 700 000 habitants, dont 570 000 Arabes musulmans, 75 000 Arabes chrétiens et 60 000 Juifs.
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3.6 La Palestine britannique (1922-1948)
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Lors de la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, la France et la Russie décidèrent en secret de se partager le Proche-Orient. Ces grandes puissances croyaient que la Palestine constituait un cas particulier en raison de l’enjeu symbolique des lieux saints et que la région devait bénéficier d’un statut international, ce qui sera fait en 1916 lors des accords de Sykes-Picot. En 1917, les Britanniques s’emparèrent de Jérusalem et forcèrent l’Empire ottoman à la capitulation. Par le traité de Sèvres de 1920, l'Empire ottoman fut démantelé et perdit ses territoires arabes du Proche-Orient.
La Société des Nations (SDN) plaça alors la Palestine (Jordanie et Israël actuels), la Syrie du Sud (Transjordanie) et l'Irak sous
Mandat britannique, tandis que la France obtenait le contrôle du Liban et de la Syrie (Mandat français). Les Britanniques furent chargés de la défense et de la sécurité du territoire palestinien, de l'immigration, du service postal, des transports et des installations portuaires.
Bien sûr, pendant que les Britanniques imposaient l'anglais dans
l'administration des pays sous leur mandat, les Français implantait le français
au Liban et en Syrie. Autrement dit, les populations locales, surtout arabes et
hébraïques, changeaient d'empire. |
- La déclaration Balfour
La déclaration Balfour
Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie avec les aspirations sionistes, soumise au cabinet et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté regarde favorablement l'établissement en Palestine d' un foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant entendu que rien ne sera fait qui peut porter atteinte soit aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politiques dont les Juifs disposent dans tout autre pays.
Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste. | |
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Le 2 novembre 1917, en pleine guerre mondiale, le ministre britannique des Affaires étrangères, lord Balfour, publia une lettre où il indiquait que son gouvernement était disposé à créer en Palestine un «foyer national pour le peuple juif».
Adressée au baron de Rothschild, la lettre fut en fait rédigée en étroite concertation avec ce dernier, qui présidait l'antenne anglaise du mouvement sioniste, promoteur de l'installation des
Juifs en Palestine. Cette lettre ouverte n'avait pour les Anglais d'autre intérêt que de rassurer les
Juifs américains, plus portés à soutenir les puissances centrales qu'une alliance où figurait la Russie au passé lourdement antisémite. Mais cette lettre allait légitimer trente ans plus tard la création de l'État d'Israël. |
- Le Mandat britannique
En même temps, par la déclaration Balfour de 1917, la Grande-Bretagne promettait
à son tour aux Juifs, dont l’aide apportée à l’effort de guerre avait été précieuse, un «foyer national juif». Cette promesse fut par la suite ajoutée dans le mandat conféré à la Grande-Bretagne par la Société des Nations en 1922. Le terme de Palestine redevint alors en usage. L'article 22 du mandat traitait des trois langues officielles:
Article 22
L'anglais, l'arabe et l'hébreu seront les langues officielles de la Palestine. Toute déclaration ou inscription en arabe sur des timbres ou de la monnaie en Palestine doit être répétée en hébreu et toute déclaration ou inscription en hébreu doit être répétée en arabe. |
- L'ordonnance de 1922
Le statut des langues fut défini par la Grande-Bretagne dans l'ordonnance prise en Conseil privé de la Palestine (Palestine Order in Council), promulguée le 10 octobre 1922, qui tenait lieu de Constitution. L'article 82 stipulait que l'anglais, l'arabe et l'hébreu seraient les trois langues officielles des actes d'autorité publique, du
Conseil législatif, de l'administration, des cours de justice, etc.:
Article 82
Toutes les ordonnances, tous les avis et actes officiels du gouvernement, de même que tous les avis officiels des autorités locales et municipales dans les zones prescrites en vertu d'un décret du Haut Commissaire, seront publiés en anglais, en arabe et en hébreu. Les trois langues peuvent être utilisées dans les débats et les discussions du Conseil législatif et peuvent être assujetties à tout règlement qui, à l'occasion, est adopté par les services gouvernementaux et les tribunaux. |
Cet article de l'ordonnance de 1922 fut le seul texte juridique à portée linguistique jusqu'à la création de l'État d'Israël (1948). Durant toute la période du
Mandat britannique, l'anglais devint la principale langue utilisée par le gouvernement. Soulignons que l'anglais, l'arabe et l'hébreu avaient été mentionnés
dans cet ordre hiérarchique comme les langues des documents officiels. Dans les écoles, chaque communauté disposait de son propre système et l'enseignement était offert soit en arabe, soit en hébreu, soit en anglais, pas les trois. Dans les écoles britanniques, seul l'anglais était enseigné; dans les écoles arabes privées, le français et l'italien pouvaient également l'être. Pendant les trois décennies qui ont suivi, il y a eu une augmentation considérable de l'usage et de la diffusion de l'anglais en Palestine.
- Les promesses contradictoires
Durant leur mandat, il s'avéra difficile pour les Britanniques de concilier leurs promesses contradictoires, tant à l'égard des Juifs que des Arabes. Les Juifs voulaient leur «foyer national», tandis que les Palestiniens refusaient que les Britanniques puissent promettre à une troisième partie des terres qui ne leur appartenaient pas ou plutôt «qui ne leur appartenaient plus». Le mandataire britannique avait explicitement pour tâche de «placer le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques qui permettront l'établissement d'un foyer national juif et le développement d'institutions d'autogouvernement».
Il devait également «faciliter l'immigration juive et encourager l'installation compacte des
Juifs sur les terres». Autrement dit, les Britanniques devaient tout faire pour encourager les
Juifs à s’installer en Palestine, car la consolidation du foyer national juif constituait l’assise même du mandat. Cependant, les devoirs de l’administration britannique envers les Arabes étaient beaucoup plus simples: il s’agissait simplement de «veiller à la préservation de leurs droits civils et religieux». Comme on pouvait s’y attendre, cette asymétrie du
Mandat britannique ne devait pas être acceptée par les leaders palestiniens. Dès le début,
ces derniers exigèrent de respecter les accords anglo-égyptiens qui prévoyaient la formation d’un royaume arabe indépendant recouvrant toute la région. Toutefois, les «arrangements coloniaux» entre la France et la Grande-Bretagne en décidèrent autrement, notamment du fait que les Français déposèrent en 1920 le roi Fayçal de Syrie, mettant fin ainsi au projet de royaume arabe unifié. Pendant que les Britanniques respectaient à la lettre leur engagement vis-à-vis du sionisme, les Arabes firent tout pour faire échec à cette entreprise, mais en vain.
Après 1928, lorsque l’immigration juive augmenta à nouveau, la politique britannique oscilla entre les pressions arabes et juives. L’immigration fit un bond à partir de 1933, soit avec l’avènement du nazisme en Allemagne. En 1935, près de 62 000 Juifs arrivèrent en Palestine. La peur d’une domination juive fut la principale cause de la révolte arabe qui éclata en 1936 et continua par intermittence jusqu’en 1939. Afin de ménager et apaiser les Arabes, la Grande-Bretagne publia un «Livre blanc» qui restreignait l'immigration juive, interdisait l'achat des terres et prévoyait la création en Palestine d'un État fédéral ou binational regroupant Juifs et Arabes, avec une majorité arabe. Les sionistes refusèrent cette proposition.
3.7 Le plan de partage de 1947
Le conflit israélo-palestinien s’atténua au cours de la Seconde Guerre mondiale, puis reprit en 1945. Les horreurs de l’holocauste en Europe provoquèrent la sympathie du monde entier pour la «cause des Juifs européens». Même si la Grande-Bretagne refusait toujours d’accepter 100 000 rescapés juifs en Palestine, de nombreux survivants des camps nazis purent entrer illégalement sur le territoire. La «question palestinienne» continua
de se poser.
En 1947, la Grande-Bretagne décida de renoncer à son mandat en Palestine et de remettre le problème (familièrement la «patate chaude») aux Nations unies. Juifs et Palestiniens se préparèrent alors à la confrontation. Pourtant, Arabes et Juifs avaient tous deux d'excellentes raisons de revendiquer la Palestine, sauf qu'ils voulaient le même territoire pour les mêmes motifs, sans vouloir partager quoi que ce soit, d'où une confrontation sans issue.
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Tandis que les Juifs ne voulaient rien entendre d'un État palestinien, les Palestiniens refusaient d'accepter un État juif. En novembre 1947, sous la pression des États-Unis et de l'Union soviétique, les Nations unies proposèrent la division de la Palestine en deux États: un État arabe et un État juif. L'État juif proposé regroupait une majorité de Juifs, soit 558 000 et 405 000 Arabes palestiniens. Quelque 10 000 Juifs se trouvaient alors dans l'éventuel État arabe qui comptait 99 % d'Arabes pour une communauté de 804 000 habitants. Quant à la zone internationale de Jérusalem, elle devait compter environ 100 000 Juifs et 105 000 Arabes. De plus, environ 10 000 personnes (2 %) ne se retrouvaient ni dans l'État juif ni dans la zone internationale de Jérusalem, tandis que 31 % des Arabes (soit 405 000) n'étaient ni dans l'État arabe ni à Jérusalem.
Le «plan de partage» de 1947 fut accepté par les Juifs, qui croyaient avoir tout à gagner, mais il fut refusé par les Palestiniens qui croyaient avoir tout à perdre. Les positions radicales se développèrent des deux côtés, et le monde arabe se mobilisa avec les Palestiniens dans une guerre contre les Israéliens qui, armés par l'Union soviétique et les États-Unis, finirent par gagner la guerre. Pendant ce temps, les Juifs en profitèrent pour
s'emparer de nouveaux territoires.
Finalement, à l'issue des conflits, au lieu des 50% du territoire attribués par l'ONU, les Palestiniens n'avaient obtenu que 25% du territoire, car les Israéliens avaient pu profiter de leurs victoires pour refaire le partage des frontières en fonction de leurs intérêts.
Bref, une occasion manquée pour les Palestiniens! |
- La protection linguistique
Dans le texte officiel du partage de la Palestine (résolution 181), adopté le 29 novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies, le chapitre II prévoyait des dispositions linguistiques. Il s'agit des points 2, 6 et 7 :
Chapitre II
Droits religieux et droits des minorités
1. La liberté, de conscience et le libre exercice de toutes les formes de culte compatibles avec 1’ordre public et les bonnes mœurs seront garantis à tous.
2. Il ne sera fait aucune discrimination, quelle qu’elle soit, entre les habitants, du fait des différences de race, de religion, de langue ou de sexe
3. Toutes les personnes relevant de la juridiction de l’État auront également droit à la protection de la loi.
4. Le droit familial traditionnel et le statut personnel des diverses minorités ainsi que leurs intérêts religieux, y compris les fondations, seront respectés.
5. Sous réserve des nécessités du maintien de l’ordre public et de la bonne administration, on ne prendra aucune mesure qui mettrait obstacle à l’activité des institutions religieuses ou confessions ou constituerait une intervention dans cette activité et on ne pourra faire aucune discrimination à l’égard des représentants ou des membres de ces institutions du fait de leur religion ou de leur nationalité.
6. L’État assurera à la minorité, arabe ou juive, l’enseignement primaire et secondaire, dans sa langue, et conformément à ses traditions culturelles.
Il ne sera porté aucune atteinte aux droits des communautés de conserver leurs propres écoles en vue de l’instruction et de l’éducation de leurs membres dans leur propre langue, à condition que ces communautés se conforment aux prescriptions générales sur l’instruction publique que pourra édicter l’État. Les établissements éducatifs étrangers poursuivront leur activité sur la base des droits existants.
7. Aucune restriction ne sera apportée à l’emploi, par tout citoyen de l’État, de n’importe quelle langue, dans ses relations personnelles, dans le commerce, la religion, la presse, les publications de toutes sortes ou les réunions publiques.
8. Aucune expropriation d’un terrain possédé par un Arabe dans l’État juif (par un Juif dans l’État arabe) ne sera autorisée, sauf pour cause d’utilité publique. Dans tous les cas d’expropriation, le propriétaire sera entièrement et préalablement indemnisé, au taux fixé par la Cour suprême. |
Évidemment, c'est l'article 7 portant sur l'éducation, qui semble le plus important. Quoi qu'il en soit, le traité n'ayant pas été accepté, cette disposition n'a donc jamais été appliquée. Il aurait fallu que chacun des futurs États ait accepté l'Autre, y compris sa minorité juive ou arabe (selon le cas).
4 La création de l'État d'Israël (1948)
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L’État d’Israël fut proclamé unilatéralement le 14 mai 1948, au moment même où la Grande-Bretagne remettait officiellement ses pouvoirs à l’ONU. La Déclaration d'indépendance fut prononcée par
David Ben Gourion, président de l'Agence juive, qui devint le premier premier ministre du pays. En voici un petit extrait de la Déclaration de l'État israélien:
L'ÉTAT D'ISRAËL sera ouvert à l'immigration juive et aux Juifs venant de tous les pays de leur Dispersion; il veillera au développement du pays au bénéfice de tous ses habitants; il sera fondé sur la liberté, la justice et la paix selon l'idéal des prophètes d'Israël; il assurera la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants sans distinction de religion, de race ou de sexe; il garantira la liberté de culte, de conscience, de langue, d'éducation et de culture; il assurera la protection des Lieux saints de toutes les religions et sera fidèle aux principes de la Charte des Nations unies.
L'ÉTAT D'ISRAËL se montrera prêt à coopérer avec les institutions et les représentants des Nations
unies pour l'exécution de la résolution du 29 novembre 1947 et s'efforcera de réaliser l'union économique dans tout le pays d'Israël. NOUS DEMANDONS aux Nations unies d'aider le
peuple juif à édifier son État et de recevoir l'État d'Israël dans la famille des Nations. | |
L'appellation «État d'Israël» permettait d'éviter d'employer la
dénomination trop laïque de «République d'Israël» parce que les sionistes religieux ne voulaient pas en entendre parler. La déclaration affirmait assurer la plus complète égalité à tous ses habitants sans distinction de religion, de race ou de langue, mais devait être ouverte à l'immigration juive et aux Juifs venant de tous les pays de leur «Dispersion».
Évidemment, cette déclaration égalitariste deviendra bientôt nulle et non
avenue.
4.1 Les guerres israélo-arabes
Le nouvel État d'Israël fut immédiatement attaqué par sept armées arabes venues en principe secourir les Palestiniens, mais il y avait aussi d'autres motifs
que la solidarité entre «frères arabes»: l'antisémitisme pure et dure, le désir de contrer l'influence américaine et
le besoin de rallier leurs propres populations autour de leur régime respectif. Le 23 mai 1948, les forces jordaniennes s'emparèrent de la ville de Jérusalem-Est, en plus d'envahir la Samarie et une partie de la Judée. Le 24 avril, le nouveau Parlement de Jordanie approuva officiellement l'union des deux rives du Jourdain en un seul État, le Royaume hachémite de Jordanie, celui-ci ayant annexé la Cisjordanie.
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Par le fait même, les Jordaniens avaient pris pied dans les zones dévolues à un futur État arabe en vertu du plan de partage de l'Organisation des Nations unies de 1947. Le 20 juillet 1951, le roi Abdallah, désapprouvé pour son annexion de la Cisjordanie et les accords d'armistice avec Israël, fut assassiné à Jérusalem. Son fils Talal lui succéda, mais il dut abdiquer pour raison de santé en faveur de son fils Hussein (le 11 août 1952).
Le reste des forces arabes subirent la défaite, ce qui permit à Israël de
gagner un territoire au-delà des limites fixées par l’ONU. La guerre israélo-arabe mit sur les routes quelque 780 000 réfugiés palestiniens, dont la moitié environ s’enfuirent dans la panique;
la seconde moitié des Palestiniens fut évacuée de force par les Israéliens pour laisser la place aux immigrants juifs. Les Palestiniens furent
donc dans l'obligation de s'établir dans des pays voisins, dans des camps de réfugiés, surtout au Liban, en Syrie et en Égypte. En octobre 1956 eut lieu la seconde guerre israélo-arabe, provoquée cette fois-ci par la nationalisation par l’Égypte du canal de Suez. Contraint par les Américains et les Soviétiques, Israël finit par évacuer les territoires
conquis.
Plus tard, les frontières allaient rapetisser davantage pour passer à 19% (en 1967) et à 10% (en 2003, avec le plan Sharon). S'ils avaient su ce que leur réservait le prochain demi-siècle, les Palestiniens auraient sans doute accepté le plan de partage de l'ONU de 1947; on aurait aujourd'hui deux États séparés qui se détesteraient probablement, mais qui ne se feraient pas la guerre. |
- La guerre des Six Jours
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Après la fermeture du détroit de Tiran par le président Nasser d’Égypte, ce qui coupait alors la navigation israélienne à la mer Rouge, Israël déclara, cette fois-ci, la guerre à ses voisins et lança une offensive simultanée contre l'Égypte, la Jordanie et la Syrie.
Ce fut la guerre des Six Jours (du lundi 5 au samedi 10 juin 1967). En moins d'une semaine, l'État hébreu tripla son emprise territoriale; il permit à Israël de reconquérir la bande de Gaza et de s’emparer de la péninsule égyptienne du Sinaï, de la partie arabe de Jérusalem (Jérusalem-Est) et de la Cisjordanie, sans oublier le plateau du Golan. Environ 350 000 Palestiniens durent fuir ces territoires dont l'occupation fut aussitôt condamnée par les Nations unies.
- Les enjeux politiques
Les territoires occupés devinrent un enjeu politique non seulement pour Israël, mais également pour les Palestiniens qui multiplièrent les attentats contre Israël. Les représailles israéliennes, marquées par la destruction de très nombreux villages arabes dans les territoires occupés, accrurent en même temps l'isolement d'Israël et un certain respect par la communauté internationale. Puis, le 6 octobre 1973 (jour du Yom Kippour ou «fête du Grand Pardon»), l'Égypte et la Syrie déclenchèrent une attaque-surprise contre Israël afin de récupérer les territoires perdus en 1967. |
Après quelques semaines de combats, l’armée israélienne parvint à refouler ses adversaires, non sans avoir subi de lourdes pertes. Le 2 juin 1964, la Charte nationale palestinienne (ou Charte nationale de l'Organisation de libération de la Palestine: OLP) avait été adoptée à Jérusalem par le premier Conseil national palestinien; cette charte fut profondément remaniée en 1968, après la guerre des Six Jours, à la quatrième session du Conseil national palestinien, réuni au Caire du 1er au 17 juillet 1968. La Charte définit le but
ultime de l'organisation, c'est-à-dire l'anéantissement de l'État d'Israël par la lutte armée.
Par conséquent, la Charte niait à l'État d'Israël toute légitimité; elle n'a jamais été abrogée par le Conseil national palestinien. Par la suite, le plus grand souci de ces régimes, tous autoritaires, sera d'assurer leur propre survie pour se maintenir au pouvoir.
4.2 L'impasse perpétuelle
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En décembre 1987, une révolte générale embrasa les territoires palestiniens occupés par Israël. La répression par l'armée de l'Intifada (en arabe: «soulèvement») accrut le clivage entre les partisans de la paix et les défenseurs d'Israël, notamment les mouvements religieux et les nationalistes sionistes. Mais les images télévisées diffusées dans le monde entier montrant des soldats israéliens brutalisant des enfants palestiniens popularisèrent la cause palestinienne défendue par Yasser Arafat. Pour les Palestiniens, l'Intifada était un «mouvement de libération nationale» en signe de protestation contre l'occupation israélienne.
Avec les années, les milliards de dollars qui affluèrent vers la
Palestine n'atteignirent jamais les populations qui y habitaient. Plutôt que de
servir, par exemple, à construire des écoles, cet argent conforta les dirigeants
à consolider leur pouvoir, creuser des tunnels et acheter des armes pour combattre les Israéliens. |
En novembre 1988, l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) reconnut explicitement le droit à l'existence de l'État d'Israël et adopta la «déclaration d’indépendance de l’État de la Palestine». Le choix de cette initiative diplomatique facilita la mise en œuvre de négociations israélo-arabes et aboutit à la reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP (septembre 1993) ainsi que la mise en place d’une Autorité nationale palestinienne (mai 1994-septembre 1995) dirigée par Yasser Arafat.
Mais la politique du premier ministre israélien d’alors, Benyamin Netanyahou, et l’expansion considérable de la présence des colons juifs en milieu palestinien, notamment en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, entraînèrent l’interruption des négociations. Celles-ci reprirent
aux États-Unis à Camp David II (en juillet 2000) entre le président américain (Bill Clinton), le président palestinien (Yasser Arafat) et le premier ministre israélien (Ehoud Barak), mais elles aboutirent également à un échec. L’un après l’autre, les signes d’une prochaine reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes se firent plus apparents, mais n’aboutirent jamais. C'était
encore l'éternelle impasse!
4.3 Les accords d’Oslo
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Le 13 septembre 1993, à Washington, sur la pelouse de la Maison-Blanche à Washington, Yasser Arafat, le président de l’Organisation de libération de la Palestine
(OLP), et Yitzhak Rabin (entre 1992-1995), alors premier ministre israélien, se donnèrent une poignée de main devant le président américain Bill Clinton. Tous deux venaient de signer des accords de paix, un premier pas vers le règlement du conflit israélo-palestinien. La vive poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin fit renaître l'espoir de l'établissement d'une paix durable entre l’État d’Israël et l’OLP.
Depuis, plusieurs traités furent conclus entre les deux parties. Ces traités sont connus sous le terme d’accords d’Oslo. La plupart des rencontres, qui eurent lieu en dehors des négociations de paix officielles, se sont déroulées à Oslo, grâce à M. Johan Joerger Holst, ministre des Affaires étrangères de Norvège, qui en était le médiateur. |
La Déclaration de principes sur les aménagements de l'autonomie provisoire du 13 septembre 1993 (Washington) donne les grandes lignes des accords entérinés pour les cinq années intérimaires de l'autonomie palestinienne. D'après cette Déclaration de principes, les négociations sur le statut permanent de la bande de Gaza et de la Cisjordanie devaient commencer la troisième année de la période intérimaire. Le statut permanent des territoires devait être effectif après cette période intérimaire de cinq ans. Depuis la signature de la Déclaration de principes, Israéliens et Palestiniens signèrent les accords et les documents suivants :
- l'Accord Gaza-Jéricho (le 4 mai 1994);
- l'Accord sur le transfert préalable de pouvoir et de responsabilités (le 29 août 1995);
- l'Accord intérimaire israélo-palestinien sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (le 28 septembre 1995);
- l'Accord de Hébron (le 21 janvier 1996);
le mémorandum de Wye Plantation (le 23 octobre 1998);
- l'Accord intérimaire de Sharm-el Sheikh (le 4 septembre 1999);
- le Protocole sur le passage direct entre la Cisjordanie et la bande de Gaza (le 5 octobre 1999).
En résumé, les accords d'Oslo représentent l'ensemble des accords conclus entre Israël et les Palestiniens pour fixer le calendrier et les règles de la mise en place progressive de l'autonomie en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que les conditions des négociations finales sur les questions restées en suspens. Les Palestiniens demandaient qu’on applique le droit international et qu’en conséquence Israël se retire des territoires occupés depuis 1967. En échange de cette promesse (non tenue), les Palestiniens acceptaient un compromis historique: la reconnaissance de la légitimité du contrôle israélien sur 78 % de la Palestine traditionnelle, c’est-à-dire l’État d’Israël dans ses frontières de l’armistice de1948.
Cependant, le Hamas était contre ces accords, ainsi que les
ultranationalistes israéliens. De son côté, le Hamas voulait libérer toute la
Palestine de la Méditerranée au Jourdain, tandis que les Israéliens voulaient
conserver toute la Palestine. Bref, les deux clans ne demandaient pas mieux que
de faire dérailler les accords d'Oslo.
- Le renforcement du contrôle israélien
Or, depuis les accords de paix d’Oslo, le contrôle israélien sur le territoire palestinien s’est renforcé et le nombre de colons juifs a augmenté de 54 % malgré la promesse d'Israël de «geler» la colonisation des terres conquises après la guerre de 1967; en Cisjordanie seulement, le nombre de colons bondit de 100 500 à plus de 190 000, une augmentation de 90%. En 2008, le nombre des colons s'élevait à 285 000 répartis dans 140 colonies juives. Qu'a fait, de son côté, le Hamas après les accords d'Oslo? Il a envoyé des jeunes gens se faire exploser dans les cafés! Bref, cette politique de colonisation juive était de toute façon une violation de l’article 49 (Déportations, transferts, évacuations) de la IVe Convention de Genève, qui se lit comme suit:
Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le motif.
Toutefois, la Puissance occupante pourra procéder à l'évacuation totale ou partielle d'une région occupée déterminée, si la sécurité de la population ou d'impérieuses raisons militaires l'exigent. Les évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes protégées qu'à l'intérieur du territoire occupé, sauf en cas d'impossibilité matérielle. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin.
La Puissance occupante, en procédant à ces transferts ou à ces évacuations, devra faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que les personnes protégées soient accueillies dans des installations convenables, que les déplacements soient effectués dans des conditions satisfaisantes de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation et que les membres d'une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.
La Puissance protectrice sera informée des transferts et évacuations dès qu'ils auront eu lieu.
La Puissance occupante ne pourra retenir les personnes protégées dans une région particulièrement exposée aux dangers de la guerre, sauf si la sécurité de la population ou d'impérieuses raisons militaires l'exigent.
La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d'une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. |
Ce non-respect des dispositions de la Convention de Genève s’est toujours fait avec l’appui inconditionnel des États-Unis. C'est pourquoi les Palestiniens ont toujours soupçonné non sans raison les États-Unis de ne pas être des «courtiers honnêtes» parce qu’ils se révélaient «trop favorables» à l'égard d’Israël. En effet, la politique israélienne a toujours été systématiquement et aveuglément adoptée par les Américains, sans considération suffisante des intérêts et des besoins des Palestiniens.
C'est aisé à comprendre: le lobby juif est très puissant aux États-Unis, celui
des Palestiniens, nul.
Dans l'éventualité où l'on aurait appliqué les accords d'Oslo de1993, quelque 1,5 million de Palestiniens se seraient autogouvernés sur le tiers réel de la Cisjordanie, tout en se retrouvant encerclés dans le réseau des colonies juives, dont la population était déjà dix fois moins importante (excluant les colons de Jérusalem-Est) que celle des Palestiniens, et en accaparant deux fois plus de terres. Le territoire palestinien de la Cisjordanie est toujours en train de se rétrécir comme une peau de chagrin!
- La création de bantoustans
Israël espérait sans doute, après s'être débarrassé de l'Autorité palestinienne, faire accepter sa «solution à long terme» qu'il préconise depuis 1998: quelques «bantoustans» palestiniens autogérés, enserrés dans un carcan de colonies juives, dont le réseau n'a cessé de s'étendre depuis la signature des accords d'Oslo de 1993. Ces colonies juives, devenues le «cancer de la Palestine», sont au cœur du conflit israélo-palestinien. Les Nations unies considèrent
ces colonies comme illégales et les Palestiniens ragent de voir leur éventuel État indépendant se rétrécir à mesure que s'élèvent de nouvelles implantations occupées par des «extrémistes juifs». C'est exactement ce que veut Israël: s'organiser pour que les Palestiniens gèrent éventuellement leurs propres affaires, sans aucune forme de souveraineté, dans des bantoustans qui leur seraient réservés. Toute perspective d'autodétermination palestinienne risque alors de se transformer en mirage et non viable au plan économique.
4.4 Les difficiles relations israélo-palestiniennes
Depuis le 29 septembre 2000, les relations israélo-palestiniennes entrèrent dans une phase d'effondrement du processus de paix. La deuxième Intifada palestinienne éclata en laissant les deux parties profondément ébranlées et en menant à la débâcle toute négociation sur le statut permanent de la Palestine. La répression israélienne atteignit des sommets avec des attaques aériennes et terrestres. Sur le terrain, l'armée israélienne utilisa tous les moyens de répression, tels que des blindés, des hélicoptères et même des F-16, ainsi qu'un blocus sévère, pour écraser les Palestiniens. Comme le souligne l'historien israélien Zeev Sternhell: «Seul un esprit malade peut espérer que l'occupation des territoires entraîne la fin de la guérilla et de la terreur.»
Mais les dirigeants israéliens pensent tout le contraire.. avec le succès que
l'on connaît, de sorte que le cycle infernal continue.
- L'appui inconditionnel américain
Les Palestiniens, comme les Israéliens, regardaient du côté des États-Unis
pour trouver une solution, mais le président américain de l'époque (George W. Bush) ne semblait pas trop s’émouvoir de la situation. L'un des proches conseillers de
ce président aurait déclaré: «Laissez-les saigner ("Let them bleed"), au bout d'un moment, ils deviendront plus raisonnables.»
En même temps, George W. Bush trouva le moyen de qualifier Ariel Sharon d'«homme de paix».
Pour les Arabes du monde entier, Sharon était considéré comme un «criminel de guerre» au même titre que Slobodan Milosevic au Kosovo. Ils se demandaient pourquoi l'ex-président de la Yougoslavie était traduit devant le Tribunal international, et pas Sharon! L’échec des accords d’Oslo pour le monde arabe semble avoir été ressenti comme une catastrophe bien plus apocalyptique que la destruction, le 11 septembre 2001, des tours jumelles du World Trade Center pour les Américains et le reste du monde. Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures de la part de l'Occident?
- La corruption généralisée des
dirigeants
De leur côté, les nombreux attentats des Palestiniens révoltés exercèrent à long terme une action déstabilisante sur la population israélienne, tout en braquant les dirigeants israéliens dans une politique consistant à taxer tous les Arabes et les musulmans de «terroristes». Quant à la corruption endémique du régime de Yasser Arafat, elle était connue depuis longtemps, mais ce n'est qu'au moment du décès du leader que le monde commença, éberlué, à en mesurer toute l'ampleur. Arafat est mort milliardaire, avec plus de 200 comptes en banque. Il a employé son argent pour asseoir son autorité, acheter la loyauté et, parfois, secourir directement les Palestiniens qui lui demandaient de l'aide (de l'argent!). Rappelons que le leader palestinien, Yasser Arafat, est décédé, le jeudi 11 novembre 2004 à Paris. Le dirigeant palestinien fut enterré à Ramallah, dans son quartier général de la Mouqataa où il avait été assiégé depuis près de trois ans par l’armée israélienne qui le privait de sa liberté de mouvement.
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L'Autorité palestinienne qu'Arafat présidait aurait siphonné près d'un milliard de dollars US provenant de dons internationaux sans jamais rendre de compte à personne. C'est en arrosant ses alliés de «billets verts» qu'Arafat s'est assuré la haute main sur la société palestinienne, qu'il a exterminé ses ennemis et favorisé ses amis, tout en récompensant les parents des «martyrs» (les jeunes terroristes kamikazes). Il régnait sur un régime archaïque et hautement centralisé, et contrôlait personnellement les groupes armés et les mouvements financiers.
Arafat demeurait néanmoins la voix et le symbole de la cause palestinienne qu'il a propulsés au premier rang des préoccupations mondiales. Et son peuple l'aimait et le respectait! Pour les Juifs, Arafat était un leader corrompu dont l'ego avait cloué le cercueil du processus de paix. Par ailleurs, les nombreuses incursions militaires de l'armée israélienne dans les territoires administrés par l'Autorité palestinienne semblaient prouver que le gouvernement israélien n'accordait aucun crédit à cette «autorité». Bref, on est entre humains! |
- L'élection du Hamas
Avec le retrait de la vie politique d'Ariel Sharon en raison d'une grave hémorragie cérébrale (4 janvier 2006) dont il a été victime, la donne changea encore en Israël; même le parti qu'il avait fondé, le Kadima, fut remis en question, ce qui accentuait l'incertitude au
Proche-Orient, déjà alimentée à ce moment-là par les doutes sur la tenue des législatives de 25 janvier 2006 dans les territoires palestiniens. Ces élections ont fait élire le
Hamas (acronyme de harakat al-muqâwama al-'islâmiya), un mouvement islamiste et nationaliste palestinien constitué d'une branche politique et d'une branche armée, les brigades Izz al-Din al-Qassam. Beaucoup de Palestiniens étaient tellement dégoûtés de la vieille garde corrompue du Fatah, ce parti dirigé par les fidèles de Yasser Arafat, que la montée du Hamas était prévisible. Pour les Palestiniens, le Hamas correspondait à trois réalités:
1) un parti politique, vainqueur des législatives de 2006;
2) un mouvement social, qui devait gérer des hôpitaux, des écoles, etc.;
3) un groupe islamiste et nationaliste.
C'était là un programme très attrayant pour les Palestiniens. Sa charte affirmait que «la terre de Palestine est une terre islamique». Il prônait la destruction de l'État d'Israël et l'instauration d'un État islamique palestinien sur tout le territoire de l'ancienne Palestine mandataire.
Le Hamas considérait aussi que l’établissement d’un État palestinien entièrement souverain et indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, pourrait aboutir à une paix durable. Ce point de vue faisait rêver les Palestiniens, mais c'était oublier que l'État d'Israël existait et qu'il
était devenu la plus grande puissance militaire du Proche-Orient.
Dans les faits, au lieu de bien gérer les hôpitaux, les écoles et assurer des services sociaux à une population déjà
appauvrie, le Hamas s'est plutôt réarmé grâce à l'ide de l'Iran et a décidé de mener une guerre d'usure contre Israël. On ne peut pas certainement caractériser le Hamas par la "realpolitik" (de l'allemand :
«politique réaliste»), ce qui supposerait une politique fondée sur le calcul des forces et l'intérêt national. Avec
son attitude résolument belliqueuse, le Hamas plaçait les Palestiniens de Gaza entre l'enclume et le marteau.
De leur côté, les Américains, qui connaissent bien l’histoire de l’État d’Israël, dont l’expansion des colonies juives et la sauvagerie des colons, et l’ont toujours appuyé aveuglément depuis soixante-dix ans, préfèrent ignorer les faits, car ils n’ont, sauf erreur, jamais fait quelque effort que ce soit pour défendre les droits des Palestiniens. La raison paraît évidente: toute intervention effective des États-Unis
en Palestine doit en même ne jamais aller à l’encontre du puissant lobby juif dont l'influence est prépondérante au Congrès américain.
Les enjeux demeurent considérables, tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Il y va de la survie des deux peuples. Or, les points litigieux sont importants et concernent l’entité palestinienne, les frontières politiques, le sort des colonies juives, le sort des réfugiés de 1948 et le statut de Jérusalem-Est.
5.1 Les éléments fondamentaux
- L’entité palestinienne: Israël accepte théoriquement la création d’une entité palestinienne — et même un État — constituée de parcelles sans continuité territoriale à Gaza et en Cisjordanie, mais réclame sa «démilitarisation», un contrôle de son espace aérien et de la vallée du Jourdain, bref un mini-État (ou un semblant d'État) au pouvoir partiel dans les domaines de la défense, des affaires étrangères, de l'économie, de l'eau, etc.
Autrement dit, le gouvernement israélien veut imposer aux Palestiniens une sorte de bantoustan qui n'aura aucune légitimité à long terme. Cependant, les Palestiniens veulent créer un véritable État souverain, sans aucune restriction, et viable au plan économique. En fait, Israël voudrait bien perpétuer le régime d’autonomie actuellement en vigueur, alors que l’Autorité palestinienne a toutes les apparences d’un État, sans en avoir les compétences. Dans l'état actuel des choses, les Palestiniens sont très loin d'obtenir un État et le gouvernement israélien leur a même fait savoir qu'ils ne l'auront pas.
- Les frontières: Israël exclut un retour aux frontières politiques de juin 1967 qu’exigent les Palestiniens et veut annexer les zones de Cisjordanie où ont été construites les principales colonies juives de peuplement.
- Les colonies juives: Israël veut annexer les grands blocs de colonies où vivent près de 80% des quelque 200 000 colons implantés en Cisjordanie, ce qui représente 20% des terres saisies aux Palestiniens; seules les colonies isolées seraient évacuées. Les Palestiniens, pour leur part, demandent que toutes les colonies, au nombre d’environ 150, soient démantelées ou placées sous la souveraineté du futur État palestinien.
- Les réfugiés de 1948: Les Palestiniens veulent que l’État hébreu admette la responsabilité du problème des réfugiés et reconnaisse le «droit de retour» aux trois millions et demi de ces réfugiés établis dans les territoires occupés, en Jordanie, en Syrie et un demi-million au Liban.
Israël est opposé à tout retour en masse des réfugiés qui transformerait «l’État juif» en un «État binational». Il propose leur indemnisation par la communauté internationale et admet le retour en Israël de quelques milliers d’entre eux dans le cadre du «regroupement des familles». Bref, l’immense majorité des réfugiés palestiniens devrait définitivement rester dans les pays voisins. Pour Israël, c'est le futur État palestinien qui devrait accueillir les réfugiés désirant bénéficier d'un droit de retour.
- Le statut de Jérusalem: Israël, qui a annexé la partie orientale de la ville (Jérusalem-Est) en 1967 et y a installé plus de 180 000 de ses ressortissants, refuse de façon catégorique que la Ville sainte soit coupée à nouveau en deux et prétend que «Jérusalem restera à jamais unifiée sous sa souveraineté et capitale éternelle de l’État hébreu», sur laquelle les Palestiniens n'auraient aucun droit de souveraineté. Quant aux Palestiniens, ils exigent que Jérusalem-Est devienne la capitale de leur futur État. D’ailleurs, Yasser Arafat, l'ancien président de l’Autorité palestinienne, aurait déclaré: «Le dirigeant arabe qui abandonnerait Jérusalem n’est pas encore né.»
5.2
Le maintien du statu quo
Le 7 mars 2001, le gouvernement israélien (alors sous Ariel Sharon) présenta un programme qui n’augurait rien de bon pour les Palestiniens. En effet, cette coalition gouvernementale d’union nationale, présentée comme «modérée», faisait table rase des acquis des négociations antérieures et tournait le dos à l'idée même d'un accord définitif. Non seulement le gouvernement israélien refusait toute concession sur un nouveau retrait de l'armée israélienne comme sur Jérusalem et sur les réfugiés, mais il déclarait toujours imposer aux Palestiniens le statu quo.
- Les violations des droits de
la personne
En Israël, la plupart des membres des forces de sécurité bénéficient
longtemps de l'impunité pour les violations des droits de la personne. La torture, officiellement autorisée,
fut systématiquement employée, bien que la Haute Cour de justice ait considéré illégale cette méthode d'interrogatoire. Pourtant, Amnistie internationale continua de recevoir des informations selon lesquelles des Palestiniens
étaient maltraités et battus à des postes de contrôle. Au lendemain des attentats du World Trade Center, le premier ministre israélien, Ariel Sharon, saisit l’occasion et en profita pour envahir, détruire et supprimer l’Intifada, pendant que les Américains étaient trop occupés avec les terroristes et Oussama ben Laden.
- Le Mur
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Comme si la situation n'était pas encore assez sombre, les autorités israéliennes érigèrent en 2004 ce
qu'elles ont appelé le «mur de Sécurité» destiné à «protéger l’État hébreu et les colonies juives de Cisjordanie», ce qui eut pour effet d'annexer une zone de 975 kilomètres carrés, grignotant encore le territoire palestinien. L'ONU condamna le geste d'Israël, de même que la Cour internationale de justice de La Haye.
Dès lors, les habitants de Cisjordanie et de Gaza devaient être enfermés derrière des clôtures, des miradors et des caméras de surveillance, et devenir les «citoyens de l’Autorité palestinienne». La carte de gauche reproduit approximativement le «mur de Sécurité» (en
rouge); les zones en jaune montrent la partie de la Cisjordanie qui resta sous occupation militaire israélienne; les zones en vert (Cisjordanie palestinienne) demeurent toujours haute surveillance de l'armée israélienne.
Le mur suit des lignes sinueuses afin d'enclaver le plus possible de colonies juives en Cisjordanie: la plupart des colonies doivent rester du côté occidental du Mur de façon à ce qu'elles soient éventuellement annexées à Israël. C'est aujourd'hui la plus grande prison à ciel ouvert de la planète! On en est rendu à croire qu'Israël veut rendre la vie des Palestiniens tellement insupportable qu'ils finiront pas vouloir d'eux-mêmes quitter leurs terres. Les Palestiniens parlent de cette «clôture» ou de cette «barrière» comme du «mur de séparation raciale» ("jidar al-fasl al-'unsuri"). En construisant ce mur, le gouvernement israélien étendait encore davantage ses colonies sur la base du principe selon lequel «ce qui est construit aujourd'hui, nous le garderons demain». Bien qu'elles soient contraires à la loi internationale, y compris à des dizaines de résolutions des Nations Unies, il n'existe aucun mécanisme pour empêcher ce genre d'entreprise. |
Si pour les Israéliens, l'unique objectif du mur est la sécurité des citoyens israéliens, il n'en est pas ainsi pour les Palestiniens: c'est une stratégie manifeste pour annexer une partie de la Cisjordanie, celle contenant la quasi-totalité des colons juifs, ce qui ferait encore reculer les frontières d'un hypothétique État palestinien. Quoi qu'il en soit, les Juifs et les Arabes se disputent la Palestine depuis si longtemps, que les premiers ont humilié si souvent les seconds et que ces derniers sont piégés si profondément dans une haine inextinguible qu'il ne peut pas y avoir d'issue au conflit.
Les Palestiniens, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza, détestent encore
davantage Israël que leurs propres dirigeants.
5.3 La division politique des Palestiniens
La victoire du Hamas islamiste jugé radical eut pour effet de changer la donne politique au Proche-Orient. La reprise d'éventuels pourparlers de paix avec Israël parut plus improbable, car le Hamas demeurait voué à la lutte armée et prônait la destruction de l'État d'Israël.
- La politique militariste |
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Auparavant, les Palestiniens pouvaient blâmer le Hamas pour chaque
mauvais service qu'il leur rendait; maintenant, ils peuvent le blâmer pour tous les services qui leur manquent. Ayant accédé au pouvoir, le Hamas
se devait de tenir compte d'abord des préoccupations des Palestiniens qui l'ont élu pour assainir l'administration publique et améliorer leur sort, et non pas pour les replonger dans une autre ère de noirceur et un bain de sang!
Or, le Hamas construit, depuis vingt ans, des tunnels pour «résister» plutôt que de nourrir, soigner et éduquer sa population de Gaza.
Le Hamas s'est longtemps limité à exercer une politique de harcèlement à l'égard d'Israël en lançant des milliers de roquettes sur les territoires israéliens. Chaque fois que l'armée israélienne
répliquait en tuant des Palestiniens, chaque fois le Hamas augmentait ses appuis après de la population. Peu importe le
nombre de morts, les Gazaouis sont avant tout des pions dans cet interminable conflit
dans la mesure où le Hamas gagne des appuis.
Effectivement, le Hamas aurait pu utiliser ses fonds considérables mis à sa disposition par la communauté internationale,
notamment par l'Iran, afin de relever le niveau de vie misérable de ses citoyens, mais il a préféré le réarmement
et les tunnels. Le Hamas a installé ses armes dans les résidences privées, les écoles, les hôpitaux et les quartiers densément peuplés, ce qui rend toute riposte militaire extrêmement atroce. |
En même temps, les photos déchirantes d'enfants massacrés deviennent une arme de propagande efficace. En harcelant Israël avec ses roquettes tout en espérant des représailles, le Hamas fait passer Israël pour un
«État qui tue des femmes et des enfants» avec des bombes au phosphore. Les
dirigeants du Hamas sont aux petits oiseaux pendant que les morts s'accumulent
pour la bonne cause!
Dans ce petit territoire que se disputent les Israéliens et les
Palestiniens, les morts continuent d'augmenter de décennie en décennie. Les
affrontements meurtriers qui se produisent chaque jour rendent improbable le
règlement du plus ancien conflit ouvert de la planète. Pourtant, il existe des
solutions, dont une souvent envisagée, soit la création de deux États distincts.
Chacun chez soi! Les Israéliens devraient alors renoncer à leurs colonies; les
Palestiniens, à leurs villages arabes devenus juifs. Est-ce inacceptable pour les deux
parties? Certainement si c'est perçu ainsi !
De plus, chaque fois qu'un Palestinien ou un Israélien modéré amorce une tentative de compromis, chaque fois un attentat ou une bombe humaine vient torpiller ces efforts. En fait, seuls les États-Unis pourraient théoriquement imposer LA solution, mais ils ne peuvent pas le faire, le lobby juif ferait tomber n'importe quel président américain, sans oublier les parlementaires, républicains comme démocrates. D'un côté, on a affaire à une force occupante qui bafoue en toute impunité le droit international depuis plus de soixante-dix ans; de l'autre, on trouve des leaders palestiniens corrompus ou fanatisés par des actions autodestructrices, avec comme résultat plus d'un demi-siècle d'immobilisme!
Plus le Hamas persiste vainement à détruire Israël, plus les Israéliens sont sur le pied de guerre. Plus les Israéliens passent à trépas des Palestiniens, plus ceux-ci se radicalisent. On tourne en rond, comme un chat qui mord sa queue! La spirale se poursuit et se poursuivra encore longtemps.
Personne parmi les dirigeants des deux camps ne veut renoncer à quoi que ce
soit, préférant sans doute le statu quo avec ses guerres incessantes et
ses morts qui s'accumulent par milliers. Ce serait pertinent de savoir ce qu'en pensent les
populations locales, hormis les irréductibles extrémistes!
5.4 Une image peu inspirante
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Par ailleurs, on ne peut pas dire que les dirigeants palestiniens présentent au monde l'image la plus inspirante
qui soit. Lorsque Yasser Arafat est décédé en novembre 2004, il n'a laissé aucun mécanisme de contrôle pour administrer les millions de dollars d'aide versés par la communauté internationale. Le président de l'État de Palestine, Mahmoud Abbas, administre en Cisjordanie un gouvernement totalement englué dans la corruption. Pendant ce temps, les islamistes du Hamas au pouvoir à Gaza ont adopté une politique d'intransigeance et de confrontations armées, ce qui a transformé ce petit territoire de 365 km² en un îlot de grande pauvreté entaché d'une intense corruption.
Aucun pays arabe ne s'est indigné devant le fait que le chef du Hamas vivait dans une demeure confortable au Qatar et, une fois millionnaire comme d'autres dirigeants du mouvement,
qu'il prélève une taxe de 20% sur tous les biens qui entrent dans Gaza, afin d'acheter des armes et d'améliorer les tunnels.
De fait, la plupart des principaux dirigeants du Hamas vivent au Qatar avec la bénédiction du
gouvernement qatari. |
Dans ces conditions, il n'est pas vraiment surprenant, par
exemple, qu'un président américain, tel Donald Trump, pourfendeur des minorités
et profondément raciste, ait davantage de sympathie pour Israël que pour la Palestine. Avec lui, la solution «à deux États», vivant en bons voisins, devait demeurer une réalité strictement virtuelle, il n'y croyait pas plus que le Hamas. Trump
donnerait son accord pour qu'Israël rase Gaza.
Malgré des vues divergentes au sein du Parti démocrate, le successeur de Trump, Joe Biden, ne devait pas changer le positionnement américain dans la région: les États-Unis demeurent un soutien indéfectible d’Israël tout en maintenant leur statut potentiel d'unique médiateur entre Israël et la Palestine. Cependant, à force de montrer un soutien aveugle à l'égard d'Israël, les États-Unis
vont aussi perdre leur crédibilité, car en plus ils n'exigent rien en retour de leur «protégé» hébreu. Le
plus grave problème des Israéliens demeure l'affaiblissement du soutien
inconditionnel envers leur pays de la population américaine, voire
l'affaiblissement de la puissance américaine. Qui protègerait Israël dans ce
cas?
5.5 Le plan de paix américain
Le 29 janvier 2020, les États-Unis présentèrent un «plan de paix» s'inscrivant dans le cadre de la solution à «deux États» préconisés par les Nations unies, c'est-à-dire la création d’une Palestine au côté d’Israël. Cependant, la version de Donald Trump s’alignait en tout point sur les préoccupations israéliennes et comblait la plupart des attentes territoriales de la droite nationaliste, notamment celles du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, parmi lesquelles la reconnaissance de Jérusalem comme «capitale indivisible» de l’État hébreu. Or, la proposition américaine ne tenait aucunement compte des demandes palestiniennes, comme d'habitude.
- Un État gruyère
|
Pour résumer ce «plan de paix»
unilatéral, il s'agissait d'un plan qui donnait à Israël tout ce qu’il voulait
et concédait aux Palestiniens ce qu'Israël ne voulait pas, en tentant d'acheter
les Palestiniens avec la promesse d’une aide de 50 milliards de dollars, une
aide qui ne pouvait voir le jour. Parmi les nombreux points sensibles de ce plan figurait la reconnaissance de l’annexion par Israël à son territoire des colonies qu’il avait implantées en Cisjordanie occupée, en particulier dans la vallée du Jourdain. Dans ces conditions, les Palestiniens continueraient de vivre dans un État gruyère entièrement enclavé par les Israéliens. Pour relier Gaza à l'État palestinien, on proposait un
long tunnel qui n'aurait jamais été construit.
Un futur État palestinien sur ces tracés de 2020 apparaissait évidemment nettement en deçà de ce à quoi aspiraient les Palestiniens, c'est-à-dire la totalité des Territoires occupés depuis 1967 par Israël. Du côté palestinien, ce fut donc un refus en bloc! Dans la région, personne ne fait des compromis!
La guerre est préférable!
Évidemment, rares sont ceux qui ont donné au projet présenté par Donald Trump la moindre chance d’apporter la paix dans la région. Ce plan décidé unilatéralement risquait plutôt de transformer l’occupation temporaire en occupation permanente. |
- La politique des bantoustans
Ce que le «deal du siècle» américain proposait en réalité, ce n'était la politique des bantoustans, ces régions créées durant la période d'apartheid en Afrique du Sud et réservées aux populations indigènes pour bénéficier à des degrés divers d'une autonomie factice. Comment ce président américain pouvait-il croire qu'il allait enfoncer dans la gorge des Palestiniens ce projet, alors qu'il ne les a jamais consultés et qu'il ne s'était jamais intéressé à eux? Ce n'était pas un «plan de paix», mais un «plan de reddition»! Ce n’est donc pas une surprise que l’Autorité palestinienne ait repoussé le tout d’un revers de la main. En somme, ni les Palestiniens, ni les Israéliens, ni les Américains n'ont tenté le moindre compromis.
D'ailleurs, ce mot «compromis» est un blasphème pour les extrémistes des deux communautés!
Le problème aussi, c'est que, pour toutes sortes de raisons, les Palestiniens à la merci du Hamas repoussent toutes les propositions de paix depuis 1947. De plus, Joe Biden fut le premier président américain à ne prendre aucune initiative pour relancer le processus de paix dans cette région, bien que tous les acteurs internationaux aient commis la même erreur. Quant aux Palestiniens, ils n'ont jamais été capables de se doter d’une direction crédible ni de mettre en œuvre un éventuel traité de paix; ils soutiennent le Hamas par lassitude
ou par la terreur plutôt que par une véritable adhésion, et ce, d'autant plus que l’Autorité palestinienne leur paraît incompétente et corrompue. Bref, ce conflit est un nid de crabes autant pour les Palestiniens que pour les Israéliens!
5.6 L'attaque du Hamas d'octobre 2023
Le 7 octobre 2023, le Hamas, perçu par les Occidentaux comme une organisation politico-religieuse totalitaire désirant conquérir Israël et y imposer un régime islamiste, lança de violentes attaques
sur le territoire israélien près de la bande de Gaza. Des centaines de roquettes furent tirées vers des villes israéliennes afin de faire diversion sur ce qui devait se jouer au sol. Puis 1200 «combattants du Hamas» lourdement armés massacrèrent dans des villages des centaines de personnes, sans aucune discrimination, que ce soit des femmes, des enfants, des bébés, des jeunes, des gens âgés, etc. Lors de ces attaques, inédites par leur violence et leur ampleur, plus de 1400 personnes israéliennes perdirent la vie, en majorité des civils tués le premier jour des attaques.
|
Pour les militants du Hamas, Israël est un envahisseur et un colonisateur à Gaza et en Cisjordanie. Comme il fallait s'y attendre, les dirigeants des pays arabes ont appuyé la cause palestinienne qu’ils ont instrumentalisée à leur profit, comme d'habitude, sans comprendre que l’opinion publique chez eux ne partageait pas nécessairement leur «enthousiasme».
Quant aux Américains, eux aussi comme d'habitude, ils ont soutenu aveuglément Israël qui a tout fait depuis des années pour faire échouer les processus de paix et qui a non seulement toujours refusé de céder la Cisjordanie, mais y a installé illégalement des colonies juives. |
Bien sûr, de nombreux manifestants pro-palestiniens ont célébré l’attaque «héroïque» du Hamas au lendemain du massacre; ils sont même convaincus du bien-fondé de leur cause au point de refuser de voir les atrocités commises par les «héros de la résistance». D’autres pays apportent divers degrés de soutien au Hamas et le plus important d’entre eux est l’Iran, qui fournit depuis longtemps du financement, des armes et une formation aux combattants du Hamas.
Cependant, si le droit à la résistance est légitime de la part des Palestiniens,
y compris la résistance armée, il est en principe limité par les règles du droit
international, notamment le droit de ne pas prendre les civils pour cible.
Autrement dit, le droit de tuer ou de cibler des civils sans discernement est
interdit, un principe qui s'applique aussi aux forces armées israéliennes.
De plus, le fait
de placer des armes dans un hôpital ou d'y installer un quartier général
constitue
aussi un crime de guerre. La punition collective infligée par Israël aux civils
palestiniens est également un crime de guerre, tout comme l'évacuation forcée
illégale de civils. Dans
tous les cas, cela devient du terrorisme!
- La vie des Palestiniens
Israël a répliqué violemment en bombardant sans relâche la bande de Gaza, la réduisant en un amas de destruction avec en prime une population totalement piégée. En voulant éradiqué le Hamas, l'armée israélienne
doit «sacrifier» des milliers de civils palestiniens qui n'ont aucun autre endroit pour se réfugier que dans le sud de la bande de Gaza. De plus, les Gazaouis risquent de mourir de faim et de soif, ce qui entraîne des souffrances intenables pour cette population totalement démunie. Le roi de Jordanie, Abdallah II, a de façon éloquente résumé le sentiment populaire dans le monde arabe:
Les vies des Palestiniens comptent moins que celles des Israéliens. Nos vies comptent moins que d’autres vies. L’application du droit international est optionnelle. Et les droits de la personne ont des limites. Ils s’arrêtent devant des frontières, ils s’arrêtent devant des races et ils s’arrêtent devant des religions. |
Ces paroles du roi de Jordanie (rapportées par un journal canadien) méritent d’être citées parce qu’elles expriment un sentiment qui est peu diffusé dans le monde occidental et encore moins aux États-Unis.
Par exemple, on parle de 30 000 personnes tuées à Gaza, dont plus de 15 000
enfants. Si le centième de ce traitement était fait aux Israéliens, les
gouvernements occidentaux se manifesteraient aussitôt pour dénoncer ce sort
horrible. Mais celui réservé aux Palestiniens ne provoque que du silence! Israël
a oublié que toute puissance occupante est responsable de la sécurité des gens
qu'elle contrôle. .
Des milliers de personnes
vont encore mourir à Gaza, et des familles entières vont être anéanties, et ce n'est pas terminé,
la faim et les maladies guettant les survivants. Les frappes aériennes israéliennes ont réduit les quartiers palestiniens à des étendues de décombres, tandis que les médecins soignent les enfants qui crient
leurs douleurs dans des hôpitaux sombres, sans anesthésie, sans électricité.
Aujourd'hui, on assiste au triste «spectacle» de la pire malnutrition infantile
au monde. Dans tout le
Proche-Orient, la peur s’est répandue quant à l’éventualité
(peu probable) d’une guerre régionale plus vaste, bien que ce ne soit dans
l'intérêt de personne.
- Le prix nécessaire
pour casser le statu quo
Selon les dirigeants du Hamas, le carnage
israélien n’est pas le résultat regrettable d’une grave erreur de calcul. Bien au contraire, c’est le prix nécessaire d’une grande réussite:
la disparition du statu quo et le commencement d’une nouvelle période plus instable, dans leur lutte contre Israël. Dans une entrevue en date du 8 octobre 2023, le New York Times rapportait ces propos de Khalil al-Hayya, membre de la direction du Hamas à Doha (Qatar):
[It was necessary to] change the entire equation and not just have a clash. We succeeded in putting the Palestinian issue back on the table, and now no one in the region is experiencing calm. |
[Il fallait] changer toute l’équation et ne pas se contenter d’un affrontement. Nous avons réussi à remettre la question palestinienne sur la table, et désormais personne dans la région ne connaît le calme. |
Ce que le Hamas recherchait, c'est le chaos et un état de guerre
permanent! Un conseiller médiatique du Hamas, Taher Nounou, déclarait aussi au
New York Times:
“I hope that the state of war with Israel will become permanent on all the borders, and that the Arab world will stand with us. |
J’espère que l’état de guerre avec Israël deviendra permanent sur toutes les frontières, et que le monde arabe sera à nos côtés. |
Les dirigeants du Hamas, ainsi que les responsables arabes, israéliens et occidentaux qui
se tiennent au courant du mouvement, ont déclaré que l'attaque avait été planifiée et exécutée par un cercle restreint de commandants à Gaza qui n'ont pas partagé les détails avec leurs propres représentants politiques à l'étranger ou avec leurs alliés régionaux comme le Hezbollah, laissant les gens en dehors de l’enclave surpris par la férocité, l’ampleur et la portée de l’assaut.
La riposte israélienne avait tué
(au 14 novembre 2023) plus de 15 000 personnes à Gaza (dont 6000 enfants), mais pour le Hamas l’attaque
était justifiée parce que la cause palestinienne avait été mise de côté pendant
trop longtemps et que seule une action spectaculaire de sa part pouvait la relancer. Ainsi, en planifiant ces attaques suicidaires jugées nécessaires
pour la cause, le Hamas espérait une riposte israélienne si épouvantable qu’elle aurait eu comme résultat de remplacer la sympathie du monde
à l'égard d'Israël par une grande indignation. Le Hamas demande à son «public cible»
— les
Palestiniens, les communautés arabes et musulmanes — d’être solidaire contre
l’agression israélienne et compatir aux souffrances du peuple palestinien, donc
de condamner Israël et de soutenir le «mouvement de résistance». De son côté, à
force de les bombarder, Israël espère que les Gazaouis finiront pas se retourner
contre le Hamas. Tant que les Gazaouis ne sauront pas si le Hamas reprendra le
pouvoir à Gaza, ils ne prendront pas le risque de lui tourner le dos. Israël
oublie l'importance de l'idéologie de la résistance chez les Palestiniens.
- Diabolisation et
indignation
Dans ses campagnes de
propagande, le Hamas utilise diverses technologies pour légitimer sa gouvernance
à Gaza et diaboliser Israël. Les sites Web et les publications du Hamas sont en
arabe, en anglais, en français et en hébreu, bien que l'arabe (classique) soit la langue
dominante, étant donné l'accent mis par le Hamas sur la communication avec ses
constituants immédiats à Gaza et ses efforts pour attirer ses partisans en
Cisjordanie. Le Hamas utilise également des images saisissantes pour glorifier les kamikazes
et autres «martyrs» de la cause palestinienne.
Sauf que l'expérience passée
avec les pays arabes démontre que l'indignation va se restreindre à quelques
manifestations, à des paroles et à des prières! Le Hamas préfère sacrifier sa population et l'exposer aux bombes israéliennes dans la poursuite de son dessein ultime: faire disparaître l’État hébreu de la carte.
Les protestations mondiales massives n’ont jusqu’à présent affecté ni la
violence vengeresse des Israéliens à Gaza ni la fourniture d’armes américaines
pour la soutenir.
Deux choses n'arriveront pas:
l'État d'Israël ne disparaîtra pas
et
les revendications palestiniennes n'arrêteront pas.
La "realpolitik" n'est pas le propre des dirigeants du Hamas! Ils poursuivent
une cause, une mission: la libération du peuple palestinien. Jusqu'ici, après
trois quarts de siècle, il faut admettre que le succès est plutôt modeste. Le
Hamas affirme que son combat concerne le «projet sioniste» et non les juifs en
raison de leur religion; il ne mènerait pas une lutte contre les Israéliens
parce qu’ils sont juifs, mais parce que ce sont des «sionistes qui occupent la
Palestine». Pourtant, il y a des juifs très religieux, ultra-orthodoxes, qui
veulent faire disparaître les musulmans et des sionistes qui sont contre les
colonies de peuplement. Quoi qu'il en soit, l'obscurantisme religieux musulman
est confronté à l'obscurantisme religieux juif. Les deux ont besoin l'un de
l'autre pour survivre.
- La férocité de la riposte
En fin de décembre 2023, on
comptait plus de 30 000 morts du côté palestinien (donc plus de 100 000
blessés), la majorité étant des civils, des femmes et des enfants. Ce n'est plus
une guerre contre le Hamas, c'est une guerre contre la population palestinienne.
Quant à Israël, la férocité de sa riposte militaire risque de ne rien accomplir de bon,
surtout pas d'attirer la sympathie des Palestiniens! Lorsqu'on admet qu'Israël a le droit de se défendre, on se trouve à donner carte blanche à un gouvernement d'extrême-droite dirigé par un premier ministre (Benyamin Netanyahou) inféodé aux ultra-orthodoxes qui veulent anéantir les Palestiniens jusqu'au dernier. Dans les deux camps, on n’hésite pas à prendre la population en otage pour finaliser un projet consistant à anéantir l’Autre et
à prendre possession de tout le territoire compris entre la Méditerranée et le Jourdain.
Cela n'arrivera pas!
Mais il y a déjà deux gagnants dans cette sale histoire: d'une part, le Hamas
est assuré d'avoir des recrues pour les quinze prochaines années, d'autre part,
Vladimir Poutine, le président de la Russie, réussit à détourner l'attention sur
sa sale guerre en Ukraine, ce qui lui permet d'accumuler des crimes de guerre en
toute impunité.
Lorsque ce triste épisode
en Israël sera terminé, on sera plus éloigné que jamais de l’effort qui serait nécessaire pour aboutir à une paix viable. Or, la seule façon d’obtenir une paix durable, ce serait de reconnaître les aspirations nationales légitimes des Palestiniens, mais ce n'est pas pour demain
et
cela n'arrivera pas de sitôt. L'avenir de Gaza après le conflit paraît sombre.
En fait, Israël et la Palestine, c’est l’histoire de deux extrémismes religieux
radicaux hostiles à tout compromis et voués à la destruction de l’Autre.
Pour ce faire, les fanatiques du Hamas ont besoin des fanatiques ultra-orthodoxes du gouvernement israélien afin de perpétuer le carnage dans l'espoir d'en finir avec l'Autre! À ce petit jeu guerrier, c'est
la population palestinienne qui
sera sacrifiée pour la cause des uns et des autres. C'est pourquoi certains
Israéliens rêvent déjà de déporter tous les Palestiniens et de construire de
luxueuses villas le long de la Méditerranée!
La politique linguistique n'est pas très élaborée pour l'Autorité de la Palestine et le Hamas. Néanmoins, il existe une réelle politique linguistique axée à la fois sur l'arabe et l'anglais. Jusqu'à présent, aucun projet de texte constitutionnel n'a abouti. Pour la préparation de la Constitution, en coopération avec des organismes civils, politiques et universitaires, un comité avait rédigé, vers la fin de décembre 2000, un premier projet de Constitution pour l'État de la Palestine. Il fut publié en février 2001. Un second, puis un troisième projet furent préparés et largement distribués pour permettre à un plus grand nombre de personnes de l'étudier. Ce troisième projet a été soumis Comité central palestinien, le 9 mars 2003. C'est ce texte qui pourrait donner une idée du statut de l'arabe en Palestine. L'article 3 proclame que l'arabe est la langue officielle palestinienne:
CONSTITUTION DE L'ÉTAT DE LA PALESTINE
Troisième projet, le 7 mars 2003, révisé le 25 mars 2003
Article 5
L'arabe et l'islam sont la langue et la religion palestinienne officielle. Le christianisme et toutes les autres religions monothéistes seront également vénérés et respectés. La Constitution garantit l'égalité en droits et obligations à tous les citoyens, sans tenir compte de leur croyance religieuse. |
6.1 L'administration
Les structures administratives de la Palestine semblent relativement complexes et fonctionnent selon le modèle anglo-saxon. L'Autorité palestinienne
emploie en principe l'arabe classique pour tout ce qui concerne l'administration écrite. Cependant, l'anglais est couramment employé, presque autant que l'arabe, surtout dans les relations internationales. Rappelons que, pendant le
Mandat britannique, l'anglais avait été la principale langue du gouvernement, ce qui a laissé des traces. L'administration cisjordanienne emploie également l'hébreu dans ses relations avec l'État d'Israël, mais dans ses communications avec les citoyens, l'arabe palestinien est la pratique générale à l'oral.
Les indications toponymiques et les panneaux de signalisation sont à la fois en arabe
(classique) et en anglais. Beaucoup de commerçants affichent également dans ces deux langues.
6.2 La justice
En matière de justice, l'arabe classique, l'arabe palestinien et l'anglais sont les langues généralement employées à l'oral. L'article 28 du projet constitutionnel de 2003 autorisait l'emploi de plusieurs langues:
L'article 28
Toute personne a le droit à la liberté et à la
sécurité personnelle. Ce droit ne peut être violé, sauf dans les cas et
procédures prévus par la loi. Nul ne peut être arrêté, fouillé, emprisonné
ou retenu de quelque façon que ce soit, sauf par ordre d'un juge qualifié ou le
Ministère public, en conformité avec la loi, afin de sauvegarder la sécurité de
la société. Quiconque est arrêté sera immédiatement informé du crime dont il est
accusé dans une langue qu'il peut comprendre,
aura alors droit à un avocat et sera immédiatement amené devant les autorités
judiciaires compétentes. La loi définira les conditions de détention temporaire.
Quiconque a été illégalement arrêté, emprisonné ou retenu aura droit à une
compensation. |
Dans les faits, il est possible d'utiliser d'autres langues, comme l'hébreu, le français, l'italien, etc., en ayant recours à un interprète. Rappelons que le système judiciaire palestinien résulte d'un mélange des anciennes lois ottomanes, britanniques, égyptiennes, jordaniennes et israéliennes, avec quelques ajouts de l'Autorité palestinienne. Dans les faits, il est peu performant, n'assure que difficilement la sécurité juridique des personnes civiles et morales. La communauté internationale a souvent proposé des réformes au système judiciaire palestinien afin d'assurer son indépendance face aux politiciens et de respecter l’État de droit.
De plus, le système judiciaire palestinien n'a jamais convaincu la majorité de la population d'avoir recours à ses services. Le droit tribal, c'est-à-dire la loi coutumière, demeure encore omniprésent en Palestine. Lorsqu'il faut régler des problèmes tels que le viol, le meurtre, le vol, le désaccord sur les propriétés, etc., les Palestiniens ont tendance à faire appel à la loi coutumière (en arabe 'urf : «qui est connu») plutôt qu'aux tribunaux. S'exerçant en dehors de tout tribunal civil ou religieux et faisant appel aux «comités de conciliation» (lijân al-islâh), la loi coutumière est basée sur un ensemble de traditions orales et faites de coutumes tribales, ainsi que de préceptes religieux dont les racines sont parfois antérieures à l'islam lui-même. Bref, le système judiciaire palestinien aurait grand besoin d'être entièrement revu.
6.3 L'éducation
Le système d'éducation en Palestine révèle que le taux de scolarisation est relativement peu élevé. En effet, seuls 49 % des enfants terminent le primaire et 48 %, le secondaire. Soulignons aussi que l'éducation palestinienne a souffert de multiples arrêts dans la mesure où l'armée israélienne a imposé des fermetures de territoires qui ont empêché et empêchent encore les élèves et les professeurs de se rendre à leur école pour de longues périodes. Par exemple, durant la seule année scolaire de 1999-2000, plus de six écoles ont été fermées par le commandement militaire israélien, mais 66 écoles ont dû interrompre leur enseignement en raison des nombreux couvre-feux imposés dans certaines régions. Par ailleurs, au cours de «bombardements aléatoires» dans lesquels des chars, des avions et des hélicoptères ont été utilisés, quelque 50 écoles ont dû être évacuées, sans oublier que les forces israéliennes sont entrées dans 23 écoles. Dans un pays continuellement en guerre, le système d'éducation ne peut qu'être déficient.
À la fin de l'année scolaire 2001-2002, le ministère de l'Éducation avait rapporté les faits suivants: