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LiberiaRepublic of Liberia |
Capitale: Monrovia Population: 2,8 millions (est. juillet 2004) Langue officielle: anglais (de facto) Groupe majoritaire: aucun Groupes minoritaires: kpellé (17 %), bassa (14,4 %), klao (7,6 %), mano (6,7 %), loma (5,9 %), dan (5,2 %), kissi du Sud (4 %), vaï (3,7 %), gola (3,4 %), grebo du Nord (2,9 %), bandi (2,9 %), anglais libérien (2,5 %), grebo gboloo (2,3 %), grebo du Sud (2,2 %), krahn de l'Ouest (1,9 %), krahn de l'Est (1,9 %), manya (1,8 %), maninka ou malinké 1,4 %), sapo (1,3 %), fanté (1,1 %), grebo du Centre (1,1 %), etc. Langue coloniale: anglais Système politique: république à régime autoritaire Articles constitutionnels (langue): art. 41 de la Constitution du 6 janvier 1986 Lois linguistiques: sans objet |
Le république du Liberia est un pays
d’Afrique de l’Ouest ouvert sur l’océan Atlantique, limité au nord-ouest par la
Sierra Leone, au nord par la Guinée-Conakry et à l’est par la Côte d’Ivoire.
Pour l'Afrique, le Liberia est un petit pays de
111 370 km², soit l'équivalent de l'Islande, de la Hongrie ou du Portugal. La
capitale du Liberia est Monrovia sur la côte ouest, mais elle a été
en grande partie détruite par la guerre civile. Le pays est divisé en 13 comtés: Bomi, Bong, Grand Bassa, Grand Cape Mount, Grand Gedeh, Grand Kru, Lofa, Margibi, Maryland, Montserrado, Nimba, River Cess et Sinoe (voir la carte de droite). |
En 1981, la population du Liberia s’élevait à 1,2 million d’habitants, mais elle était estimée à 3,23 millions en 2001, ce qui représentait une densité faible de 33 habitants au km². En 2004, la population libérienne était revue à la baisse, soit 2,8 millions d'habitants en raison de la guerre civile. Il faut souligner que les statistiques démographiques portant sur le Liberia demeurent peu fiables. On sait qu'entre 1990 et 1995 les combats ont fait plus de 200 000 morts et 800 000 Libériens ont dû trouver refuge à l’étranger (surtout en Côte d’Ivoire et Guinée-Conakry), s’ajoutant au million de personnes déplacées à l’intérieur du pays. En raison de la guerre, le Liberia connaît un taux de mortalité infantile très élevé (env. 132 pour 1 000 habitants).
Les comtés sont inégalement peuplés. Le Montserrado est le plus populeux (1 041 000), suivi du Nimba (348 000), du Lofa (313 000) et du Bong (306 200).
Comté |
Population (1984) |
Population (2004) |
Superficie |
Montserrado | 544 900 | 1 041 000 | 2 740 km2 |
Nimba | 313 100 | 348 000 | 12 043 km2 |
Lofa | 247 600 | 313 400 | 19 360 km2 |
Bong | 255 800 | 306 200 | 8 099 km2 |
Grand Bassa | 159 600 | 186 900 | 8 759 km2 |
Maryland et Grand Kru | 132 100 | 149 800 | 5 351 km2 |
Grand Gedeh | 102 800 | 137 600 | 17 029 km2 |
Grand Cape Mount | 79 300 | 104 000 | 5 827 km2 |
Margibi | 98 000 | 102 000 | 3 263 km2 |
Sinoe | 64 100 | 58 700 | 10 254 km2 |
Bomi | 66 400 | 57 000 | 1 955 km2 |
River Cess | 37 900 | 47 400 | 4 385 km2 |
Liberia | 2 101 600 | 2 851 900 | 99 065 km2 |
2.1 Les ethnies libériennes
On compte plus d'une trentaine d'ethnies au Liberia: Kpellé (17 %), Bassa (14,4 %), Krou (7,6 %), Mano (6,7 %), Loma (5,9 %), Dan Yakuba (5,2 %), Kissi du Sud (4 %), Vaï (3,7 %), Gola (3,4 %), Grebo du Nord (2,9 %), Bandi (2,9 %), Américano-Libériens (2,5 %), Grebo Gboloo (2,3 %), Grebo du Sud (2,2 %), Krahn de l'Ouest (1,9 %), Krahn de l'Est (1,9 %), Manya (1,8 %), Maninka ou Malinké 1,4 %), Sapo (1,3 %), Fante (1,1 %), Grebo du Centre (1,1 %), etc. Ils appartiennent aux groupes mandingue, krou et ouest-atlantique.
Bine que les Kpellé et les Bassa forment les groupes ethniques les plus importants, ce sont les Américano-Libériens — les descendants des esclaves américains affranchis qui ont fondé le pays —, lesquels comptent quelque 74 000 membres, qui détiennent pouvoir politique et les principales ressources économiques du pays. Le Liberia compte également une petite communauté libanaise d'environ 10 000 représentants.
Environ 10 % des Libériens sont chrétiens, pour la plupart protestants. Les musulmans, établis principalement à l’intérieur du pays, représentent 30 % de la population. Près des deux tiers des habitants sont animistes.
Ethnie | Langue maternelle | Affiliation linguistique | Population | % |
Kpellé | kpellé du Liberia | nigéro-congolaise | 487 400 | 17,0 % |
Bassa | bassa | nigéro-congolaise | 412 309 | 14,4 % |
Krou | klao (krou) | nigéro-congolaise | 218 253 | 7,6 % |
Mano | mano | nigéro-congolaise | 191 980 | 6,7 % |
Loma | loma | nigéro-congolaise | 168 198 | 5,9 % |
Dan Yakuba (Gio) | dan | nigéro-congolaise | 150 800 | 5,2 % |
Kissi du Sud | kissi du Sud | nigéro-congolaise | 115 000 | 4,0 % |
Vaï | vaï | nigéro-congolaise | 106 161 | 3,7 % |
Gola | gola | nigéro-congolaise | 99 300 | 3,4 % |
Grebo du Nord | grebo du Nord | nigéro-congolaise | 84 500 | 2,9 % |
Bandi | bandi | nigéro-congolaise | 83 980 | 2,9 % |
Américano-Libériens | anglais libérien | langue germanique | 74 000 | 2,5 % |
Grebo Gboloo | grebo gboloo | nigéro-congolaise | 66 781 | 2,3 % |
Grebo du Sud | grebo du Sud | nigéro-congolaise | 65 000 | 2,2 % |
Krahn de l'Ouest | krahn de l'Ouest | nigéro-congolaise | 56 699 | 1,9 % |
Krahn de l'Est | krahn de l'Est | nigéro-congolaise | 55 749 | 1,9 % |
Manya | manya | nigéro-congolaise | 53 851 | 1,8 % |
Maninka (Malinké) | maninkakan de l'Est | nigéro-congolaise | 40 092 | 1,4 % |
Sapo | sapo | nigéro-congolaise | 37 483 | 1,3 % |
Fante | akan | nigéro-congolaise | 31 540 | 1,1 % |
Grebo du Centre | grebo du Centre | nigéro-congolaise | 31 540 | 1,1 % |
Grebo de Barclayville | wedebo grebo (Barclayville) | nigéro-congolaise | 28 112 | 0,9 % |
Mendé (Doumé) | mendé | nigéro-congolaise | 23 367 | 0,8 % |
Ashanti | akan | nigéro-congolaise | 22 078 | 0,7 % |
Kuwaa | kuwaa | nigéro-congolaise | 15 183 | 0,5 % |
Tajuasohn | tajuasohn | nigéro-congolaise | 11 387 | 0,4 % |
Dewoin | dewoin | nigéro-congolaise | 9 608 | 0,3 % |
Gbii | gbii | nigéro-congolaise | 6 643 | 0,2 % |
Glaro-Twabo (KrahN) | glaro-twabo | nigéro-congolaise | 4 626 | 0,1 % |
Glio (Oubi) | glio-oubi | nigéro-congolaise | 4 152 | 0,1 % |
Krumen du Sud | krumen | nigéro-congolaise | 3 154 | 0,1 % |
Éwé | éwé | nigéro-congolaise | 2 000 | 0,0 % |
Autres | --- | ---- | 90 974 | 3,1 % |
2 851 900 | 100 % |
2.2 Les langues
Parmi les langues du pays, il convient de
distinguer les langues autochtones (ou langues africaines) et
l'anglais.
Les langues indigènes sont toutes africaines et appartiennent à la famille nigéro-congolaise. Au sud, ce sont les langues du groupe krou (kuwaa, bassa, dewoin, gbii, glio-oubi, grebo, klao, tajuasohn, glaro-twabo, krahn, sapo), au nord les langues mandingues (mano, vaï, kpellé, loma, mendé, bandi), à l'ouest les langues du groupe ouest-atlantique (gola, kissi, bom); l'éwé fait partie des langues du groupe kwa. La plupart des Libériens utilisent ces langues dans leur vie quotidienne, mais en général ces langues sont fragmentées en de nombreuses variétés dialectales. Quelques-unes de celles-ci possèdent une écriture élaborée jadis par les missionnaires luthériens. Retenons qu'aucune des langues indigènes n'est parlée par plus de 20 % de la population, le kpellé (17 %) et le bassa (14,4 %) étant numériquement les plus importantes. Quant à l'anglais, il faut faire des distinctions entre l'anglais standard et l'anglais libérien. L’anglais standard est la langue officielle du Liberia en raison des liens politiques et culturels avec les États-Unis; il est modelé sur l'anglo-américain et non pas sur l'anglais britannique. Aucun Libérien ne parle cette variété d'anglais comme langue maternelle. Seuls les Américano-Libériens, soit 2,5 % de la population, parlent l'anglais libérien ou anglo-libérien. Il s'agit d'un anglais vernaculaire assez différent de l'anglo-américain. Il n'en demeure pas moins que le Liberia constitue un cas d'espèce, car c'est le seul État de l'Afrique noire dont des autochtones ont l'anglais comme langue maternelle. L'anglo-libérien est employé comme langue seconde par environ 1,5 million de Libériens, soit plus de 50 % des habitants du pays; il est très utilisé pour les communications entre les différents groupes ethniques. |
Cependant, l'anglais libérien n'est pas uniforme, car il compte plusieurs variétés. Ainsi, le linguistique britannique Mark Hancock (1974) a distingué jusqu'à six variétés d'anglais: l'anglo-libérien standard (Standard Liberian English), l'anglais vernaculaire libérien (Vernacular Liberian English), l'anglo-libérien non indigène (Non native Vernacular Liberian English), l'anglais militaire (Soldier English), le pidgin English libérien (Liberian Pidgin English) et le pidgin English krou (Kru Pidgin English). Toutefois, la frontière linguistique entre ces divers parlers d'anglais est très difficile à établir, sauf pour les variété de pidgin. Les variété associés au pidgin comptent davantage de mots africains que les autres variétés, mais quand on parle de l'anglais libérien (ou Broken English) il est rare qu'on fasse ces distinctions à valeur dialectale.
- L'anglais libérien (langue maternelle)
De toutes ces variétés d'anglais parlées au Liberia, l'anglais standard reste sans contredit la forme la plus prestigieuse. Cet anglais (appelé anglais libérien standard) est employé non seulement à l'écrit, mais dans les discours politiques officiels, les établissements d'enseignement et les médias électroniques. Les élites politiques, intellectuelles et économiques, représentées surtout par les Américano-Libériens, parlent plutôt l'anglo-libérien standard. Mais la plupart des Américano-Libériens emploient l'anglais vernaculaire libérien lorsqu'ils parlent entre eux. Cette variété d'anglais, la plus courante, est influencée par l'anglais libérien standard, mais aussi par les langues africaines et les pidgins. L'anglais vernaculaire libérien reste une langue maternelle pour les Américano-Libériens.
- L'anglais libérien comme pidgin
Les autres variétés d'anglais — essentiellement des pidgins, donc des langues seconde — apparaissent moins prestigieuses, car elles sont perçues comme «congolaises»: il s'agit de l'anglais militaire, du pidgin anglais libérien et du pidgin kru. Si ces variétés ont encore comme base lexicale l'anglais, la grammaire et la syntaxe sont davantage simplifiées et calquées sur les langues africaines. L'intercompréhension s'avère alors très difficile entre ces variétés d'anglais libérien et les variétés vernaculaires. Si le pidgin English krou peut être rapproché du kriol sierra-léonais, il n'en est pas ainsi des deux autres pidgins. L'anglais militaire combine l'anglais libérien vernaculaire et les variantes linguistiques africaines, alors que le pidgin English libérien reste plus près de l'anglais vernaculaire libérien tout en présentant une syntaxe relativement africanisée. L'anglais militaire est également un pidgin et ne semble pas avoir constitué une langue de commandement, mais un moyen de communication inter-ethnique dans l'armée et la police.
Le peuplement de la région correspondant aujourd'hui au Liberia a probablement commencé antérieurement au Ier millénaire avant notre ère. Dans ces régions forestières, où les populations sont installées depuis de longs siècles, on croit que les sont les plus anciens habitants. Des peuples de langue mandé arrivèrent ensuite du Nord-Ouest: des Mandés du Sud, tels que les Kpellés, qui ont adopté certaines des coutumes religieuses et sociales des Krou et, au XVe siècle, des Mandés du Nord, en grande partie islamisés, comme les Vaïs, qui se sont installés dans l'ouest du pays.
Les côtes auraient été fréquentées dès le
XIVe siècle par des
marins français (Dieppe), mais elles ne furent formellement découvertes qu'en 1461
par des Portugais qui créèrent des comptoirs
commerciaux, d’où ils exportaient du poivre de Guinée et de l’or, avant
de se lancer dans le commerce des esclaves. La traite négrière se développa à
partir du XVIIe siècle pour se poursuivre jusqu’au début du
XIXe siècle.
3.1 La création du Liberia
Une société philanthropique américaine fut créée en 1816: l’American Colonization Society.
Son but était de favoriser le retour des victimes de la traite
négrière sur le sol africain. En 1822, cette société philanthropique installa, à
l'emplacement de l'actuelle ville de Monrovia, une colonie d'esclaves libérés,
qui se constitua en république indépendante, dotée d'une constitution semblable
à celle des États-Unis. À ce moment-la, le président des États-Unis était James
Monroe (1817-1825). La ville, bâtie par les premiers esclaves libérés, prit le
nom de Monrovia, en souvenir de James Monroe, et baptisèrent Liberia
leur nouveau pays. Le
drapeau fut calqué sur celui des États-Unis, avec une seule étoile, et l'anglais
fut naturellement choisi comme langue officielle. Le Liberia devint en 1847 le
premier État indépendant d'Afrique noire!
Les anciens esclaves écartèrent de la vie politique les autochtones noirs qui habitaient la région. Ils accordèrent des concessions forestières à des sociétés américaines. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, ils étendirent leur influence sur l’intérieur du pays. Leurs revendications territoriales furent toutefois contestées non seulement par les populations autochtones, mais aussi par les États européens. Les pressions exercées par les États-Unis permirent la conclusion d’une série d’accords avec la Grande-Bretagne et la France entre 1892 et 1911, lesquels fixèrent les frontières actuelles.
En 1912, la Loi sur
l'éducation obligatoire (Compulsory Education Act) institua l’enseignement gratuit et obligatoire pour les enfants
âgés de six à seize ans, mais les écoles restèrent rares et seule une minorité
d'enfants put en bénéficier. En fait, jusqu'au milieu du XXe
siècle, seuls les enfants des Américano-Libériens eurent accès à l'école,
les populations indigènes étant laissées à elles-mêmes.
Après la Première Guerre mondiale, la production de caoutchouc devint rapidement
la principale activité économique du pays. Toutefois, l'économie reposait
essentiellement sur le travail forcé imposé par les Américano-Libériens aux populations
indigènes. Cette pratique fut sévèrement
dénoncée en 1931 par la Société des Nations (SDN) et elle provoqua un scandale qui
contraignit le gouvernement à la démission. Dès 1936, le nouveau gouvernement
interdit le travail forcé, mais les autochtones, privés du droit de vote, furent
encore traités comme des citoyens de seconde zone.
3.2 Le régime de William Tubman
Élu en mai 1943, le président William Vacanarat Shadrach Tubman dut faire face au réveil des autochtones qui revendiquaient le partage du pouvoir politique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Tubman tenta de s’attirer les faveurs des Libériens autochtones en leur accordant le droit de vote. De plus, il élabora un programme de scolarisation pour tous (en anglais), valorisa l’exploitation de l’ensemble du territoire et lança un plan d’amélioration des infrastructures. Mais le programme de scolarisation préconisé ne permit pas l'ouverture de nouvelles écoles; la majorité de la population autochtone resta analphabète. Les Américano-Libériens, pour leur part, envoyaient leurs enfants dans les écoles secondaires des pays voisins, ainsi qu'aux États-Unis et en Europe. |
La personnalité de Tubman marquera l’histoire
institutionnelle du Liberia pendant vingt ans. Le pays connut une période de
prospérité grâce à des concessions offertes à des multinationales étrangères,
notamment américaines et allemandes, pour exploiter les gisements de minerai de
fer que recelait le pays.
3.3 La violence dans le changement
Après la mort de Tubman en 1971, le président Tolbert voulut bien améliorer la
situation économique de la population, mais il ne réussit qu'à accentuer le clivage entre la
minorité des Américano-Libériens aisés et la majorité des autochtones pauvres. Pendant ce temps, le taux d'alphabétisation
était de 95 % chez les Américano-Libériens, mais seulement de 24 % pour les
autochtones, et encore grâce aux missionnaires. Ayant échoué dans sa tentative de
libéralisation, Tolbert fut renversé et assassiné en 1980 au cours d'un coup d'État
sanglant mené par le sergent-chef Samuel K. Doe qui se fit élire président, cinq
ans plus tard. Ce putsch marqua la fin du contrôle de l’État par la minorité
américano-libérienne et son effacement provisoire de la scène politique. Au
début des années quatre-vingt, quelque 66 % des élèves fréquentaient les écoles
publiques du gouvernement, alors que les autres allaient à part égale les écoles
privées ou les écoles des missions.
Samuel K. Doe s’octroya le grade de général et prit la tête
d’un Conseil de la rédemption du peuple (People’s Redemption Council). Il
reproduisit le système de ses prédécesseurs en accaparant le pouvoir et la richesse
pour n'en faire profiter que son ethnie d'origine, les Krahn. Par la suite, il
suspendit la Constitution de 1847, supprima les libertés politiques et s’attribua les
pleins pouvoirs. Sous la pression des États-Unis,
le général-président Doe consentit à
quelques gestes de «libéralisation» en promulguant en juillet 1984 une nouvelle constitution. Le régime fut
nettement caractérisé par la corruption, la violation systématique des droits de l’Homme,
et ce, dans un contexte diplomatique
et économique très tendu.
3.4 La longue guerre civile
C'est dans ce contexte qu'éclata une longue guerre civile destinée à mettre fin
au régime corrompue de Samuel Doe. En décembre 1989, un groupe armé
conduit par Taylor, appartenant à l'ethnie de sa mère (les Gio), lança une
insurrection contre le pouvoir des Krahn. La révolte gagna rapidement l’ensemble
du pays, à l'exception de la capitale, Monrovia. Plusieurs centaines des Gio et des Mano, qui avaient été maltraitées par
le président Doe, se révoltèrent dans le
Nord-Est sous la conduite de Charles Taylor. En 1990, quelque 15 000 personnes trouvèrent la mort dans un conflit
qui mettait à jour les rivalités entre les communautés ethniques. L'intervention
d'une force africaine d'interposition, l'ECOMOG (de l'anglais ECOWAS:
Monitoring Group, issu de Economic Community of West
African States), dominée par le Nigeria, ainsi que la nomination d'un
gouvernement intérimaire présidé par Amos Sawyer ne purent mettre fin au conflit
qui gagnait les régions frontalières de la Sierre Leone. Après la
signature sans lendemain de plusieurs accords de paix, des élections générales
organisées par l'ONU, sous la surveillance de l'ECOMOG composée essentiellement
de Nigériens, donnèrent la victoire à Charles Taylor.
Il aura fallu sept ans de guerre inter-tribale avant que Charles Taylor, le leader du Front national patriotique du Liberia (National Patriotic Front of Liberia: NPFL), puisse être élu président, le 19 juillet 1997. Malgré les horreurs de la guerre civile dont il a été l’initiateur, le président Taylor bénéficia de la confiance des pays occidentaux. Ceux-ci virent en lui la seule personne capable de faire régner l’ordre dans ce pays, dont l'exploitation des richesses (forêts, diamants, etc.) est, pour l’essentiel, à l’origine du conflit, avec des milliers d'enfants utilisés comme combattants. Or, Charles Taylor était réputé pour être un redoutable chef de guerre, disposant d'une fortune colossale. Il n'allait pas en rester là. Cela dit, le pays comptabilisait plus de 200 000 morts et le quart de la population réfugiée ou déplacée. |
À partir de 1999, les troupes du président Taylor furent confrontées aux rebelles du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) soutenus par les États-Unis et par le régime de la Guinée-Conakry (le pays voisin). Des troupes du MODEL (Mouvement pour la démocratie au Liberia) constituées majoritairement de membres de la tribu de l’ex-président Samuel Doe engagèrent une lutte armée contre le régime de Taylor. Des responsables de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se rendirent au Liberia pour convaincre Charles Taylor de quitter le pouvoir afin de permettre une solution politique au conflit. Le 11 août 2003, le président Charles Taylor quittait le pays pour s'exiler au Nigeria. La Communauté internationale et les Libériens virent en cette «capitulation» un signe de rétablissement de la paix, après une guerre qui avait fait environ 200 000 morts. Toutefois, il n'est pas facile d'abandonner 14 années de pouvoir absolu. Selon divers observateurs, le richissime Charles Taylor contrôlerait encore aujourd’hui 90 % de l’économie libérienne, qu’il gère depuis sa villa de Calabar au Nigeria.
Il existe présentement au Liberia une certaine forme de démocratie au sein du gouvernement de transition. Cependant, les chefs de guerre entrés au gouvernement de transition ont fait fortune, ils roulent carrosse, alors que leur sécurité est assurée par des soldats de la Mission des Nations unies au Liberia (MINUL). C'est qu'il n'y a malheureusement aucune communauté d'intérêt entre les deux douzaines de factions qui vivent dans le pays. Au contraire, la tradition politique du Liberia, à l'exemple de beaucoup d'autres pays africains, est celle d'une l'oppression d'une majorité par une minorité corrompue qui s'accroche au pouvoir par tous les moyens possibles jusqu'à ce qu'elle en soit violemment expulsée.
Dans une situation de conflits, il est exceptionnel qu'un État développe une politique linguistique élaborée. En général, les questions linguistique sont laissées en suspens, sauf lors de certaines périodes révolutionnaires où la langue revêt un rôle idéologique identitaire. Le cas du Liberia devrait ressembler à celui de la Sierra Leone voisine. La Constitution du 6 janvier 1986 ne proclame aucune langue officielle, ce qui signifie que l'anglais a ce statut de facto (dans les faits).
4.1 La langue de l'État
L'État utilise l'anglais comme lange officielle au Parlement, dans l'Administration, la justice et l'éducation. L'article 41 de la présente Constitution prévoit que l'anglais est la langue de la législature jusqu'à ce que celle-ci choisisse l'une ou plusieurs autres langues de la République:
Article 41 The business of the Legislature shall be concluded in the English language or, when adequate preparations shall have been made, in one more of the languages of the Republic as the Legislature may by resolution approve. |
Article 41 La conduite des affaires de la législature se fera en anglais ou, lorsque les mesures nécessaires auront été prises, dans l'une ou plusieurs des langues de la République, selon ce que la législature aura approuvé par voie de résolution. |
Bien qu'il n'y ait aucune autre disposition à caractère linguistique, l'anglais est également utilisé dans l'Administration et les tribunaux. De fait, les documents écrits n'existent qu'en anglais. Cependant, l'anglais vernaculaire libérien est massivement employé dans toutes les communications orales, que ce soit dans les services gouvernementaux ou les tribunaux. La sentence est rendue en anglais standard. Le seul autre texte où l'on mentionne la langue utilisée est la Loi instituant le Tribunal criminel extraordinaire pour le Libéria, une loi proposée par la Truth and Reconciliation Commission of Liberia, la Commission vérité et réconciliation (TRC):
Statute Establishing the Extraordinary Criminal Court for Liberia Article 7 Language English is the official language of the Court and in its communication with parties. Persons participating in proceedings have the right to speak in their native language. When requested by any persons participating in proceedings, the Court must provide qualified interpreters and transcribers. |
Loi instituant le Tribunal criminel extraordinaire pour le Libéria Article 7 Langue L'anglais est la langue officielle de la cour et dans ses communications avec les parties. Les personnes participant à la procédure ont le droit de s'exprimer dans leur langue maternelle. À la demande d'une personne participant à la procédure, la cour doit prévoir des transcripteurs et des interprètes qualifiés. |
4.2 L'éducation
L'éducation ne se porte pas bien au Libéria, et ce, depuis les années 1990; le système éducatif ne fonctionne plus qu’au ralenti. En 2001, quelque 53 % de la population était alphabétisée : 70 % pour les hommes contre 37 % pour les femmes. Par ailleurs, moins de 30 % des enfants âgés entre 12 et 17 ans étaient scolarisés au primaire, mais seulement entre 45 % (hommes) et 32 % (femmes) accédaient au secondaire. Seuls 3,2 % des Libériens ont accès à l’enseignement supérieur. Nombreux sont les enfants et les adolescents, livrés à eux-mêmes et manipulés par les différents «seigneurs de la guerre», qui ont pris les armes et rejoint les bandes de pillards terrorisant les populations civiles.
La langue d'enseignement reste l'anglais dans toutes les écoles publiques et privées. Les langues autochtones sont laissées à elles-mêmes. De façon générale, les enfants dans les écoles publiques primaires ne disposent à peu près pas de manuels, ni même de crayons. Dans de nombreux villages des campagnes, les écoles ont été détruites ou sérieusement endommagées, pillées et saccagées; c'est pourquoi beaucoup d'enfants ont reçu une instruction très rudimentaire. Les enseignants ne donnent leurs cours qu'avec fort peu de ressources; il n'est pas rare que deux ou même trois classes partagent une pièce comprenant un seul tableau, dont une partie est utilisée par chaque classe. Au secondaire, la langue étrangère la plus enseignée est le français en raison de la proximité des pays francophones.
4.3 Les langues dans les médias
Cela dit, l'unique langue des médias écrits est l'anglais, que ce soit dans Liberian Orbit, New Democrat, Daily Observer, New Liberia, The Inquirer, The News, The Newsbeat, The Patriot, etc. Si l'ensemble des journaux rejoint plus de 40 000 personnes, la télévision en atteint jusqu'à 60 000 et la radio, plus de 600 000.
Dans les médias électroniques, la situation linguistique est différente. Par souci d'informer sans exclure une population caractérisée par la multiplicité de ses langues et un taux d'analphabétisme (entre 37 % et 70 %) et d'illettrisme (entre 70 % et 90 %), les stations de radio locales diffusent généralement en de nombreuses langues. La plupart du temps, il s'agit de courts bulletins de nouvelles présentées au cours d'une journée d'abord en anglais standard, en anglo-libérien et en français, puis en kpellé, en mendé, en klao (krou), en mandingue, en loma, en bassa, en dan, en gbande, en gola, en grebo, en kissi, en krahn, en mano et en vaï. Parmi la quinzaine de stations locales, les deux tiers des Libériens écoutent Star Radio qui, selon un sondage récent effectué par l'entreprise libérienne Subah-Belleh Associates, serait appréciée pour ses informations précises et objectives, ainsi que pour ses nombreuses émissions en langues locales. Le sondage précisait que STAR Radio serait utilisée, dans certains cas, pour tester l'authenticité des informations diffusées par les autres chaînes. Quant à la télévision nationale (National Television Networks) diffuse la plupart de ses émissions en anglais, mais plusieurs bulletins de nouvelles sont donnés en anglo-libérien et en quelques langues locales (kpellé, bassa, klao, mano, loma, dan et kissi).
Aux prises avec d'importants conflits inter-ethniques et la guerre civile, le Liberia n'a guère le temps d'élaborer une politique linguistique complexe. En fait, c'est la non-intervention dans son application la plus étroite. L'État ne fait absolument rien au point de vue juridique, ni d'ailleurs dans la pratique. Il s'est contenté de poursuivre la politique coloniale en laissant l'anglais comme langue officielle, alors que personne ne parlait cette langue. L'État libérien n'a apparemment aucune politique éducative en ce qui a trait à la langue. Il n'interdit rien, mais ne fait rien. Une telle attitude n'est pas surprenante dans un contexte de guerre civile et de corruption généralisée. Forcément, les petites communautés sont marginalisées. Il est possible que, dans les années à venir, un gouvernement élabore une politique plus «indigène», mais pour le moment on ne voit pas comment celle-ci pourrait se concrétiser.
Bibliographie
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