Les causes
du bilinguisme officiel 


Nous savons que les invasions ou les conquêtes militaires, les déplacements massifs de population, le colonialisme, l'unification politique des États et la partition d'anciens empires sont à l'origine du phénomène du multilinguisme. Plus de 80 % des États du monde ont continué à promouvoir une langue dominante unique pour leurs institutions et leur gouvernement. On peut se demander pourquoi 20 % des États ont plutôt pour le bilinguisme officiel, ce qui semble les confiner à une certaine marginalisation.

La question paraît d'autant plus pertinente que même ces États ne peuvent s'empêcher de résister à la glottophagie plus ou moins prononcée ou éviter l'inégalité des langues en présence. Si les gouvernements de ces États acceptent de consacrer des sommes d'argent parfois considérables et des ressources humaines importantes au maintien d'une dualité linguistique très souvent déséquilibrée, c'est qu'il y va malgré tout de leur intérêt. Une constatation s'impose immédiatement: ce n'est pas la générosité qui motive les États. On veut plutôt assurer la paix sociale, maintenir une unité politique au sein d'un État multilingue, protéger une langue minoritaire forte, préserver une identité ethnique, donner une fonction symbolique à une langue, favoriser le développement économique ou même assimiler les minorités.

1 Assurer la paix sociale

Les États qui se résignent à adopter un bilinguisme officiel veulent avant tout éviter les conflits ouverts entre la majorité dominante et la minorité dominée, surtout si celle-ci constitue une masse critique imposante, par exemple 20 % ou plus de l'ensemble de la population. En d'autres termes, les États veulent assurer la paix sociale.

C'est le cas en Afghanistan (dari-pashtou), en Belgique (néerlandais-français), au Canada (anglais-français), en Norvège (bokmål-nynorsk), en Tchécoslovaquie (tchèque-slovaque). La Namibie et l'Afrique du Sud reconnaissent l'afrikaans et l'anglais parce que les Afrikanders, ces descendants des colons néerlandais établis au pays avant la guerre des Boers (1899-1902), forment aujourd'hui la majorité de la population blanche; bref, une sorte de coalition entre minoritaires blancs pour mieux dominer la majorité noire. En somme, ces États n'avaient probablement pas le choix: ils devaient s'imposer le bilinguisme institutionnel pour assurer la stabilité sociale et l'unité nationale.

C'est pour la même raison que d'autres États maintiennent une langue étrangère sur les plans gouvernemental et administratif. L'Inde, le Sri Lanka, les Philippines, le Vanuatu et Madagascar maintiennent la langue coloniale ou les deux (au Vanuatu) parce que l'adoption d'une seule langue indigène dominante entraînerait des réactions violentes de la part des minorités régionales qui interpréteraient un tel choix politique comme de la provocation. Les minoritaires acceptent d'autant mieux le bilinguisme français-langue nationale ou anglais-langue nationale que cette première langue est étrangère.

L'adoption, comme seule langue officielle, de l'hindi (Inde), de l'ourdou (Pakistan), du singhalais (Sri Lanka), du filipino (Philippines) ou du malgache officiel (Madagascar), risquerait de faire exploser littéralement le sud de l'Inde (de langues dravidiennes) et d'autres régions autonomistes (Assam, Cachemire, Pendjab, etc.), le Pakistan (majoritairement de langue pendjabi), le nord du Sri Lanka (de langue tamoule), le nord et le centre de l'archipel des Philippines (respectivement de langues ilocano et visayan) et les populations côtières (de langues malgaches autres que le mérina dominant) de Madagascar. Ainsi, l'adoption de la langue étrangère n'est qu'un moyen de temporiser, jusqu'à ce que l'autre langue officielle étende lentement mais sûrement sa domination, et élimine la concurrence entre les langues nationales.

Cette politique difficilement avouable est appelée à prendre de l'ampleur, comme on peut déjà le constater en Tanzanie, au Kenya, au Swaziland, au Lesotho, à Madagascar, en Malaysia, où les langues coloniales perdent constamment du terrain au profit de la langue nationale dominante. Les gouvernements de ces pays entendent délaisser graduellement l'anglais pour donner la place, selon le cas, au swahili, au siswati, au sésotho, au malgache ou au malais. Ils abandonneront la langue coloniale le jour où ils seront assez forts pour imposer l'unilinguisme sur leur territoire sans soulever des conflits ouverts.

2 Unifier politiquement un pays multilingue

La reconnaissance de deux ou de plusieurs langues dans l'État permet de réunir dans une même structure politique des individus ainsi que des groupes d'origines ethniques et linguistiques diverses. La Belgique, la Suisse et la Finlande constituent sans doute des cas exemplaires d'unification politique dans le respect des cultures et des langues, même si l'État ne peut empêcher une certaine domination de s'y exercer sur le plan du gouvernement central. Il faut reconnaître que la territorialité linguistique par juxtaposition d'unilinguismes élimine en partie les conflits entre les langues.

À part de rares cas où les rapports de force imposent le respect des droits de chacun des groupes, l'État contemporain unifie politiquement pour mieux résister politiquement à des voisins plus puissants. Il est dans l'intérêt des pays multilingues d'éviter des scissions territoriales qui feraient le jeu des pays voisins. En d'autres termes, ces États sont plus forts bilingues mais unifiés politiquement qu'unilingues mais scindés en deux ou plusieurs territoires autonomes. L'unification politique permet de mieux résister à ses voisins. Le Canada entrerait dans cette catégorie.

Plusieurs pays bilingues maintiennent une langue coloniale pour unir les nombreuses ethnies qui l'acceptent dans la mesure où elle est étrangère. Par l'anglais, l'Inde unit plus facilement ses 380 langues minoritaires et ses 16 langues constitutionnelles que par l'hindi; de même pour les 67 langues du Pakistan, les quelque 59 langues du Kenya et les 160 langues des Philippines. Par le français, Madagascar peut plus facilement unifier ses 50 langues malgaches. En adoptant à la fois le français et l'anglais, le Cameroun (avec 269 langues) et le Vanuatu (avec 112 langues) réussissent à neutraliser les nombreuses langues parlées sur leur territoire. Dans la plupart de ces États, la langue coloniale joue un rôle important, sinon exclusif, à l'école.

3 Privilégier une langue minoritaire forte

Dans certains cas, l'État sent le besoin de protéger une langue minoritaire si elle se révèle forte. La protection d'une langue minoritaire aux côtés d'une langue majoritaire est possible si le coût politique n'est pas trop élevé, le coût économique étant le plus souvent négligeable (environ 1 % du budget annuel d'un État). En fait, il faut surtout que la minorité bénéficie d'un poids politique. Là, la majorité acceptera de la protéger, sinon elle l'ignorera ou prétendra que cette protection coûterait trop cher aux contribuables.

En Finlande, la minorité suédoise constitue 7 % de la population et elle est dispersée dans quelque huit communes isolées le long du golfe de Botnie. Toutefois, la minorité suédoise a jadis été puissante en ce pays et son comportement s'est révélé exemplaire lors des conflits avec la Russie tsariste; il s'agirait donc d'une sorte de reconnaissance «pour services rendus». Ce n’est qu’à partir de 1992, après l’adoption de la Loi sur la langue sami (1992) et la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992, que la Finlande a accordé une protection identique à sa minorité lapone, pourtant bien plus mal en point. Cette minorité de quelque 6400 membres, qui résident dans quatre petites villes (Utsjoki, Inari, Enontekiö, Sondankylä) composées de 80 % à 90 % de Lapons (ou Samis), bénéficient aujourd’hui de droits linguistiques similaires aux suédophones du pays.

En Belgique, les 66 000 germanophones de la région allemande bénéficient d'une protection absolument exemplaire pour une si petite minorité de 0,7 %. L'État belge est officiellement trilingue et la région allemande jouit pleinement de ses droits linguistiques. Cette protection juridique accordée à la communauté allemande correspond à un coût presque nul pour la Belgique. Elle se révèle d'autant plus positive pour l'État qu'elle lui permet de redorer son image souvent ternie par les conflits entre Flamands et Wallons et de s'attirer d'éventuels alliés.

La Norvège est un pays dont on parle peu. Pourtant son bilinguisme est systématique même si le bokmål est en meilleure position. Les quelque 700 000 Norvégiens qui parlent le nynorsk sont assurés de recevoir des services dans leur langue. Dans le passé, la Norvège a connu des conflits linguistiques très virulents entre les tenants du bokmål et ceux du nynorsk. La paix linguistique est revenue depuis que l'État a adopté sa politique de bilinguisme officiel. Il faut dire que, là aussi, le coût du bilinguisme est minime d'autant plus qu'il ne s'agit pas de deux langues distinctes, mais de deux variétés d'une même langue. Tout locuteur nynorsk comprend un locuteur bokmål et vice versa. Personne n'est tenu d'être bilingue, mais tous les formulaires de l'État doivent l'être.

Le Canada est un État fédéral bilingue. Sa minorité est imposante: elle représente 25,6 % de la population. De plus, elle est concentrée à 96 % au Québec et dans les régions limitrophes du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. Sans bilinguisme au sein des institutions fédérales, le Canada n'existerait plus depuis longtemps. Le bilinguisme anglais-français est l'une des conditions essentielles pour maintenir la fédération canadienne. La minorité francophone du Canada représente sept millions de locuteurs. Il est vrai que, à l'instar des cas cités plus haut, le bilinguisme canadien ne représente qu'une somme infime, soit 0,6 % du budget fédéral annuel. En fait, le bilinguisme coûte moins cher que l'éclatement du pays. Il permet, cependant, des avantages politiques considérables: une État unifié plus grand pour mieux se défendre contre son puissant voisin. De plus, le bilinguisme canadien est surtout attribuable au poids politique du Québec, mais il permet par ricochet d'assurer une protection fédérale à la minorité anglophone du Québec. On fait ainsi d'une pierre deux coups.

Quant à la Suisse, elle a été bilingue dès sa création au XIIIe siècle; tous les cantons se sont librement associés au cours de l'histoire à la Confédération helvétique dans un pacte perpétuel de défense contre les envahisseurs. Dans de telles conditions, le respect de la langue de chacun des groupes allait de soi et la tradition s'est maintenue. Néanmoins, la Suisse n'a pas accordé la même protection à la minorité romanche dont la langue ne bénéficie pas d'un statut officiel au niveau fédéral. Le poids politique des populations romanches est d'ailleurs presque nul et la Confédération helvétique a toujours jugé excessif le coût économique de la protection du romanche (0,9 % de la population) dont le statut serait alors rendu égal à celui de l'allemand, du français et de l'italien.

En somme, l'exemple de la Suisse semble confirmer la tendance que le bilinguisme est généralement un «privilège» dont jouissent les États qui n'ont guère le choix d'agir autrement; lorsqu'ils l'ont, comme pour le lapon en Finlande et le romanche en Suisse, des raisons apparemment d'ordre économique interviennent pour «assouplir» certains principes de justice distributive.

Deux autres cas bien particuliers: la Namibie et l'Afrique du Sud dont les deux langues officielles sont l'anglais et l'afrikaans. Les minorités linguistiques qui ont réussi à imposer l'usage de ces deux langues sont extrêmement puissantes; ce sont des peuples conquérants. Et le bilinguisme officiel instauré dans les deux pays cités ne vient que consacrer un état de fait.

4 Préserver une identité ethnique

Par-delà la nécessité d'éviter les conflits et la sécession, et celle de garder un instrument de communication qui assure le développement économique, on peut promouvoir le bilinguisme pour préserver l'identité ethnique. C'est pour cette raison que certains pays d'Afrique, d'Asie et d'Océanie ont adopté cette solution:

États bilingues Langues officielles
Burundi
Djibouti
Érythrée
Kenya 
Kiribati
Lesotho
Madagascar
Malte
Mauritanie
Pakistan
Philippines
Rwanda
Samoa occidentales
Seychelles
Swaziland
Tanzanie
Tonga
Tuvalu
Vanuatu
français-kirundi
français-arabe
arabe-tigrinia
anglais-swahili
anglais-kiribati
anglais-sesotho
français-malgache
anglais-maltais
français-arabe
anglais-ourdou
anglais-filipino
français-kinyarwanda-anglais
anglais-samoan
anglais-français-créole
anglais-siswati
anglais-swahili
anglais-tonguien
anglais-tuvaluan
anglais-français-
bichlamar

Il s'agit, pour la majorité d'entre eux, d'États faibles qui cherchent à protéger la langue nationale par des frontières territoriales sécurisantes et qui ne peuvent imposer l'unilinguisme de la langue nationale pour des raisons politiques et économiques; la langue coloniale n'en continue pas moins d'exercer sa domination. L'idéal aurait été peut-être que chacun de ces États impose un unilinguisme qui favorise la langue nationale, mais le rapport de force ne s'y est pas prêté. Le processus est toutefois bien amorcé dans quelques États: Madagascar, Tanzanie et Kenya.

5 Assigner à une langue un rôle symbolique

Quelques États adoptent des lois pour attribuer une fonction symbolique ou une valeur idéologique à une langue. Ainsi, on peut penser que l'Irlande est officiellement bilingue bien davantage par affirmation symbolique de son caractère distinct (du Royaume-Uni) que par nécessité. Le bilinguisme proclamé dans ce pays n'est point reflété dans les faits. Étant donné que l'anglais est la langue maternelle de 98 % des Irlandais, il irait donc de soi que la république d'Irlande reste officiellement unilingue anglaise. L'imposition du bilinguisme institutionnel dans la législation et tous les symboles de l'État revêt ainsi une fonction strictement symbolique, car on ne sauvegarde la langue de personne.

La république d'Haïti entre également dans cette catégorie. Le bilinguisme officiel ne sert pas à protéger le créole, celui-ci n'étant pas en danger. Pour le moment, il sert tout au plus à donner aux dirigeants une bonne conscience, celle d'avoir fait leur devoir, sans même changer l'ordre des choses. En fait, le bilinguisme officiel demeure strictement déclaratif, puisque cette disposition juridique ne se transpose pas dans la réalité. On pourrait formuler la même observation pour les Comores puisque, dans cet État, l'arabe n'est qu'une langue religieuse, les Comoriens étant musulmans. Dans les faits, l'arabe n'est la langue maternelle de personne aux Comores.

Un dernier exemple, celui d'Hawaï. Rappelons que c'est le seul État américain à s'être doté de deux langues officielles: l'anglais et l'hawaïen. À l'exemple de l'irlandais en Irlande, l'hawaïen n'est à peu près plus parlé; on estime que 250 personnes (de plus de 60 ans) le parlaient encore couramment à la maison en 1978. Pourtant, les insulaires parlant le tagalog, le chinois, le japonais ou l'anglais tiennent à cette langue qui n'apparaît plus que dans la toponymie, l'odonymie (noms de rue) et les inscriptions du gouvernement local. Objet archéologique, l'hawaïen demeure le seul vestige autochtone destiné à forger une identité commune aux nombreux groupes d'origines diverses vivant dans ces îles du Pacifique.

6 Respecter les contraintes constitutionnelles

C'est le propre des États non souverains de s'accommoder du bilinguisme imposé par l'État central. Ces règles constitutionnelles existent pour presque tous les États de ce type, sauf pour la Suisse, le Pakistan et l'Inde. Lorsque le bilinguisme étatique est imposé de l'extérieur à un État régional, il sert ordinairement à protéger deux langues au statut ambigu. En effet, la majorité du pays impose le bilinguisme à leur État subalterne dans le but de protéger la langue du plus fort, la sienne, mais cet État a intérêt à protéger la langue locale, ce qui suscite inévitablement des conflits.

Lorsque la canton italien du Tessin a adopté une nouvelle loi sur l'affichage en 1954, c'était sûrement pour se protéger de la puissante langue allemande, mais c'était surtout pour s'ajuster à un jugement du Tribunal fédéral. Le Québec a fait de même en décembre 1988 et a adopté la loi 178 (Loi modifiant la Charte de la langue française). Ce ne sont pas les deux seuls cas. Toutes les régions autonomes d'Espagne ont constamment essuyé des jugements défavorables des tribunaux. Elles ont dû se réajuster et chercher, si possible, des échappatoires! Ainsi, la Catalogne a réussi à trouver un vide juridique qui lui a permis de proclamer l'illégalité des toponymes espagnols sur son territoire.

Les régions autonomes d'Italie n'ont même jamais pu se rendre jusqu'au plus haut tribunal du pays; le val d'Aoste, le Frioul-Vénétie Julienne et le Trentin-Haut-Adige (Sud-Tyrol) se sont toujours fait «intercepter» leurs projets de lois linguistiques avant même d'avoir pu les adopter. De même, la Communauté française de Belgique s'est vu annuler quelques lois linguistiques alors que la région allemande, pour sa part, ne peut légiférer au point de vue linguistique.

En fait, le constat est simple: le bilinguisme officiel est le fardeau des États non souverains qui, au sein d'un État central fort, sont parfois les seuls à devoir l'assumer comme en Espagne, en Italie, au Danemark et aux États-Unis.

7 Assurer le développement économique

L'un des avantages manifestes du bilinguisme est qu'il permet plus facilement à l'élite dirigeante de communiquer avec l'extérieur, au plan des relations internationales. Par exemple, les États-Unis peuvent communiquer avec près de 60 pays en anglais alors que le bilinguisme anglais-français permet au Canada de communiquer avec près de 95 États. Cela demeure un avantage bien théorique puisque les Américains communiquent avec presque tous les pays du monde... en anglais. Par ailleurs, même si le bilinguisme facilite les communications avec l'étranger, il devient un obstacle à la communication interne et une menace potentielle à l'intégrité territoriale.

En réalité, si de nombreux États conservent une langue coloniale sur les plans gouvernemental, administratif, scolaire et culturel, c'est qu'ils ne peuvent tout simplement pas s'en dispenser, les langues locales n'ayant pu assurer la relève après la décolonisation. On ne voit pas en effet comment la plupart des États du continent africain et quelques-uns d'Asie pourraient s'en passer dans un proche avenir, car il y va de leur développement économique.

8 Assimiler les minorités

Quelles que soient les raisons invoquées, le bilinguisme est avant tout destiné à éviter de très graves conflits entre les groupes en présence. Cette politique sert à temporiser et à éliminer les revendications des minorités pendant que se poursuit l'oeuvre d'intégration et d'assimilation à la langue dominante. Il est probable que ce soit l'intention inavouée des Italiens et des Espagnols en ce qui concerne les communautés autonomes. En tout cas, c'est l'affirmation catégorique du linguiste Gilles Bibeau:

Le bilinguisme national, c'est-à-dire commandé par l'État, à moins qu'il ne se rapporte à l'existence dans l'État de deux régions proprement unilingues, ne peut être autre chose qu'une mesure transitoire destinée à assimiler en douce la minorité, sans créer de sentiment de rejet de ses valeurs culturelles et linguistiques. La cote du bilinguisme monte d'autant plus haut que la résistance à l'assimilation est plus grande.» (L'éducation bilingue en Amérique du Nord, Montréal, Guérin, 1982, p. 174.)

C'est d'ailleurs une pratique aussi vieille que le monde et il n'est pas de peuples majoritaires qui peuvent prétendre ne pas la retracer dans leur histoire d'une façon ou d'une autre. Même les Égyptiens, les Chinois, les Aztèques et les Mayas y ont eu recours il y a 3000 ans. Néanmoins, l'assimilation est freinée, sinon rendue impossible, lorsque l'État sépare les langues sur le territoire en deux zones unilingues, comme en Belgique (à l'exception de Bruxelles) et en Suisse.

Il y a des limites à l'expansion des langues et à l'impérialisme linguistique. Les empires ont toujours existé et ils ont tous fini par disparaître; qu'on pense aux empires égyptien, phénicien, grec, romain, mongol, etc. Ces empires sont tous morts de la combinaison de plusieurs types de facteurs. Pour le moment, aucune langue ne peut menacer l'impérialisme des langues européennes. Mais qu'adviendra-t-il en l'an 2020 ou en 2030 lorsque les populations occidentales ne compteront plus que pour moins de 20 % de la population mondiale et que la richesse collective se sera accrue en Chine, en Inde, au Brésil, au Mexique, au Proche-Orient? Le rapport de force changera et entraînera peut-être un nouveau choc des langues d'où naîtront d'autres glottophages!


Dernière mise à jour: 17 déc. 2023

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